Intimidation and coercion

Le village magique de Pré-au-Lard avait su panser ses plaies au lendemain du drame qui l'avait pourtant sauvagement secoué. Un attentat comme le monde des sorciers n'en avait plus vécu depuis la chute des mangemorts. Paradant sur la place principale du bourg comme si la victoire lui appartenait exclusivement, Morfin Byrnes s'accommodait d'un bain de foule improvisé. Savourant les compliments, il s'enorgueillissait des éloges et louanges, qui d'après lui, ne pouvaient que lui être destinées. Pourtant, si le directeur du département de la justice avait fait le déplacement dans ce coin perdu d'Écosse, loin du luxe de son bureau, ce n'était pas pour gonfler son ego. Non, le sang-pur avait un agenda à suivre et il ne pouvait décemment pas s'écarter d'un scénario ou lui, et lui seul en était le héros principal.

Escorté de ses deux plus fidèles chiens de garde, celui qui se voyait déjà Ministre à la place du Ministre fit une halte (pas si) spontanée à la très célèbre enseigne aux trois balais. Nicholas et Erin Snakebark le précédant, sous le regard médusé d'une assistance pas encore tout à fait remise de ses émotions, le vaniteux comploteur suivit son instinct et se glissa tel un serpent dans le fond d'une salle bondée. C'est là, sans grande surprise, qu'il retrouva une jeune femme la vingtaine bien tapée qui devait, si ses informations s'avéraient exact, attendre @Améthyste Miller, autrement dit sa mère. Déboutonnant le bouton de sa veste de costume, Morfin se mit à son aise en face de l'étudiante sans que permission ne lui soit donnée.

« Votre mère ne viendra pas, je crains que la sécurité de Poudlard ne la retienne... Sa déclaration bien que froide s'accompagna d'un sourire brodé d'hypocrisie. Une grimace que des années d'exercice n'avaient réussi à parfaire. Ce qui nous laisse tout le déplaisir d'une conversation. »

D'une signe de main somme toute élégant, il interpella les jumeaux. D'un doigt autoritaire, il leur ordonna de quérir la patronne de ce troquet de campagne. Après tout, en digne représentant du gouvernement magique, ce n'était pas une clientèle de petits gens qui allait lui faire perdre de son précieux temps. Le binôme de conspirateurs absent, Byrnes plongea sa main à l'intérieur d'une poche et en tira une sphère d'argent. Les connaisseurs la reconnaitraient entre mille et une babiole, mais ce qui intéressait le directeur, c'était la réaction de mademoiselle d'Aragon. Avec insolence, il porta l'Œil d'Angus devant sa rétine et d'un rire gras, la bille endormie roula au creux de sa paume.

« Où sont donc passées mes manières... Son timbre de voix à l'accent gallois ne laissait généralement que très de personnes indifférentes. La peur, la haine ou l'adhésion telles étaient les riposte de ceux qui avaient pour habitude de côtoyer ce fin manipulateur.  Je vous présente toutes mes condoléances, il semble que vous ayez perdu votre ange gardien. Ou alors était-ce un… ami ? » Ses lèvres tressautèrent d'un spasme à la sympathie postiche, à la curiosité duplicité.

Avec toute la grâce d'un homme de son rang, le haut-fonctionnaire recula sa chaise, pour tirer davantage profite de cette vue plus qu'aimable. Lâchant le mécanisme rompu sur la table en chêne, Morfin croisa jambes et bras.  

M. Byrnes:

Installé au fond de sa chaise, Morfin toisait sa proie d'un œil mauvais. Sa main tendue se referma sur la sphère métallique roulant d'une course infinie contre le bois. Un maigre sourire ourlait ses lèvres. Si la plaidoirie de Mrs d'Aragon le rassurait dans une moindre mesure, il n'en restait pas moins dubitatif. La quête de vérité, aussi désagréable puisse-t-elle, faisait partie de l'ADN de cette nouvelle génération. C'est pourquoi, en homme avisé, il n'osait se montrer assez dupe pour l'évincer du paysage magique. Du moins pas dans l'immédiat. Aussi avait-il décidé de faire étalage de ses pouvoirs et privilège de directeur du puissant département de la justice.

Tandis que la fratrie Snakebark revenait se poster sur ses flancs, Byrnes posa un regard mouillé de perfidie sur l'étudiante. Avec dandysme, le sorcier sortit sa baguette et presto l'agita contre les courbes inégales de l'orbite endormie. Résolu à laisser les artefacts du passé s'éteindre et occulter ses méfaits, il s'était fait la promesse que rien, ni personne, ne pourrait le dissuader de gravir l'échelle du chaos jusqu'au sacre ultime. Dans un concert de cliquetis et de rouages souffrant le martyr, le dispositif se lova contre son ancienne détentrice.   

« Malheureusement, il n'appartient pas au faible de décider de son innocence., qu'il reprit tout de go. Les lippes pincées d'un rictus méphitique, tel un vautour sondant sa proie, les iris du puissant asseyaient leur domination sur l'être fragile. Cependant, vous me voyez ravi de ne pas ressentir le besoin de quémander votre pleine et entière coopération. » Et sur ces mots, à la merci du marionnettiste tirant ses ficelles, l'appareil éclata en une pluie de métal.

Fier de sa petite démonstration, tout en ricanant grassement, l'opportuniste s'approcha pour ne faire qu'un avec la table. Les coudes ancrés à la console, le menton aponté au verso de ces gants de fer, ce félon sang-pur se délectait de la réaction de son gibier. Pourtant son sourire se cabra d'un grimace au soupir fiel. Les paupières légèrement closes comme pour mieux apprécier l'air vicié couvant leur silhouette, l'expression du haut-fonctionnaire s'écœura d'une grimace autoritaire.

« Sachez toutefois, qu'au moindre écart, à la moindre des traitrises, et ma grande mansuétude ne saurait vous épargner..., se flatta l'orgueilleux avec un naturel à faire pâlir une inferius. Un accident impliquant une mère et son enfant serait bien… regrettable, mais pas si inévitable de nos jours !»

En agissant de la sorte, Morfin comptait bien asseoir son emprise sur cette demoiselle et amoindrir l'esprit rebelle d'une infidèle. Plus que tout, il lui démontrait que malgré le serment d'un homme, son isolement et les circonstances ne lui concédaient que peu de marge de manœuvre. Les options de la Gryffondor étaient réduites,- collaborer et espérer vivre assez longtemps pour finir son cursus universitaire, ou comploter à l'insu de l'ancien Serpentard et rejoindre cicérone et ange gardien dans l'au-delà.

« Le moment me semble tout à fait opportun pour vous annoncer la capture de votre ancien mentor., poursuivait-il d'un ton beaucoup plus aérien et détaché. Néanmoins, je crains que le sot n'ait guère la chance de défendre sa cause devant le magenmagot. Il semblerait que le domicile de notre ami commun lui ait réservé un accueil tout en zèle, si je puis me permettre une pointe d'humour.» conclut-il d'une mine faussement affectée qui ne saurait dissimulée le délice d'un ultime avertissement.

Bien que la vérité se trouvait bien ailleurs, Byrnes se gardait de partager les détails d'une disparition passée sous les radars du Ministère de la Magie. Et en muselant les noms de ces crétins arrogants, il espérait ainsi décliner sa pleine implication dans ce que les bien-pensants décriraient comme une conspiration.

Son regard de corbeau survolait le visage éteint de la jeune femme. Le Ministre de la justice retroussa sa lippe inférieur, telle une hyène salivant sur sa proie. La vieille charogne se délectait de chaque instant. Il s'amusait à se jouer de l'esprit de cette faible étudiante. Une chose était sûre, de ce jeu, il en prenait un plaisir malsain à savourer les effluves d'une peur auréolant la silhouette défait de l'étudiante. Ainsi, au sentiment de main mise courant son carmin, la toute puissance lui ouvrait un appétit de pouvoir grandissant.

Et si le temps le lui permettait, il serait bientôt celui qu'on acclamerait sous les vivats. Mais pour cela, il devait se montrer patient, attendre sagement dans l'ombre qu'Astor se prenne les pieds dans le tapis, comme tout amateur usurpant une position le dépassant le ferait en temps voulu.

« Bien, très bien. Restez à la place qui est la votre et nos chemins ne seront jamais amené à se couper. », la reprit-il d'un ton marqué par un dédain flétri. Disons, que je me contenterais de votre silence pour le moment. », souligna l'ambitieux d'un sourire parfait de cette même hypocrisie.

Rester à sa place. Étouffer les ambitions de l'esprit. Faire silence. L'exercice lui paraissait être à portée de main de n'importe quel imbécile. Pourtant, il redoublait de vigilance avec ces bienheureux qui ne sachant rien, pensaient à tort avoir découvert l'étendue de cette machination roulant sa bosse dans les coulisses du sacro saint de l'institution magique.

« Ce petit avorton a voulu jouer avec des forces qui le dépassaient, et pour cela, il en a payé le prix., renchérissait-il avec un élan de mépris envers cette française. Voyez sa tragique disparition comme un ultime enseignement de sa part.», achevait-il avec un manque de sensibilité qu'il tentait de dissimuler derrière une neurasthénie mal ampoulée.

Morfin n'avait jamais, ô grand jamais, eu le moindre égard pour celles et ceux qui faisait fi de son autorité. Et sous sa botte, les malheureux qui se riaient de lui, finissait tôt ou tard par disparaitre sans qu'enquête ne soit faite. La Gryffondor ne ferait exception à cette règle. Appelant au bon sens de la demoiselle, sans trop étaler la grandeur de ses projets, il mettait en garde. Avec un pareil talent, il préférait garder sous le coude une jeune alchimiste toute aussi prometteuse. Mais, si il lui prenait la folie de conspirer contre le régent d'une juridiction corrompue jusqu'à la moelle, alors, sans l'ombre d'une hésitation, elle se joindrait au ballet des fantômes d'un idéal mort et enterré.  

« Merci de votre soutien, mais je laisse à notre cher Ministre la propagande et le maintien de l'ordre., qu'il lâcha, avant de repousser le bois d'un assise bien trop inconfortable pour un homme de sa stature. Mes services doivent panser leurs plaies et il serait malvenu de ma part, de leur ordonner de se sacrifier au nom d'une politique ambitieuse, mais ô combien dispendieuse. », spécifia-t-il, laissant présager une émancipation du département dont il avait la charge.

Byrnes ne comptait pas se mouiller, pas pour un gouvernement à l'amateurisme flagrant qui à chacune de ses déclarations crachait toujours un peu plus sur la grandeur du monde sorcier tout en renforçant les positions d'un groupuscule maudit. Aussi, afin de gagner le soutien d'une majorité des subordonnés sous sa coupe, le sang-pur avait pris la décision de couper les ponts avec toutes directives émanant du cabinet Astor. Privé de son bras armé, ce dernier se verrait sans doute dans l'obligation de renoncer à certains des pouvoirs exceptionnels arrachés aux dépends des petits gens. 

« Je ne saurais retenir plus de votre précieux temps, mademoiselle Miller., annonça-t-il avec froideur. Debout, il la surplombait de toute sa hauteur. Les mains jointes, l'ombre malveillante du conspirateur couvrait la silhouette de la sang-mêlée de cette aura glaciale et morbide. Mes amitiés à votre mère ! », ajoutat-il, son empan tendu en direction de la lionne, tandis que Nicholas le dépêtrait de cette chaise bas de gamme.