Phobos. (Urielle)

Assis à la Taverne des Brasseurs de la Lune Rousse, je m’occupais dans un coin sans un mot. J’avais posé à mes côtés mon énorme besace et mon manteau en épaisse fourrure, dévoilant une simple tenue de trappeur. Concentré sur ma besogne, j’étais occupé à brosser et poncer le réceptacle en cèdre d’une baguette que j’allais concevoir pour @Kira Dagoniat . Les fabriquer me prenait beaucoup de temps, et c’est pourquoi mes clients n’étaient généralement pas pressés. J’aurai pu faire cela dans ma boutique, mais plusieurs problèmes s’étaient posés à moi quand j’avais voulu entamé l’ouvrage. Déjà, je ne l’avais pas rangé depuis mon retour. L’endroit était sans dessus dessous et je vivais comme dans un campement à l’intérieur de ma propre boutique. Et puis, lorsque j’étais seul, avec mes idées noires, j’avais tendance à boire pour essayer d’oublier la tristesse et la culpabilité de mes actes odieux.
Donc, paradoxalement, lorsque je voulais travailler correctement, je venais dans une taverne. Et lorsque je voulais oublier et réduire mon cerveau à l’état de cendre, j’allais dans ma boutique. Les mains un peu tremblante, j’avais pris pour habitude de m’installer dans une table à l’abri des regards et des chandelles. Au final, la gaieté de l’endroit rayonnait un peu sur moi comme les rayons du soleil et me réchauffait autant que le feu qui ronronnait au fond de la salle. Même si je ne voulais pas l’avouer à qui voulait l’entendre, surtout les soirs « d’orages » comme je les appelais et que les souvenirs étaient trop douleureux et qu’Olaf était obligé de me ramener chez moi, j’étais bien, ici.
Mes mains un peu sale, dû aux frottements du bois, j’étais penché sur la fine baguette que j’essayais de tailler de mémoire, en pensant aux mensurations de Kira que j’avais récupéré à Tinworth. Ce soir là, une discussion bien étrange attira mon oreille. Sans trop bouger, tel le Lynx, elles étaient dressés et écoutaient la conversation.

« C’est venu d’un coup je vous dis. La nuit était plus noire que jamais, pas de lune ni d’étoile ! Je suis sorti faire les besoins à on chien, car j’allais aller me coucher. Là soudain, j’ai ressenti une sensation de froid. Immense. J’avais presque envie de mourir immédiatement, mais la peur m’avait figé. »

Je tournais la tête vers celui qui parlait. Il était petit, un peu grassouillet, blond et dans la fleur de l’âge. Son nez rouge était la marque d’allergies au foin. C’était Minas, le livreur de vin. Il était entouré de deux aurors. Un homme carré et musclé comme jamais, et une femme à la couleur de cheveux rousse vif qui me fit plisser les yeux tellement les reflets du feu rebondissaient dessus.

« Je vous jure. C’était un Détraqueur. Mon cousin Barny est aller à Azkaban et il m’a tout raconté. Ca fait exactement la même sensation. Quand j’ai voulu rentré, et que la sensation est passé, Bobby était plus là. Il n’y avait qu’une tâche de sang et uniquement sa queue sur le sol. Vos gardiens, faut les tenir en laisse ! Ici c’est un village tranquille ! Et mon chien n’avait rien demandé ! »

Je m’arrêtais. Avec soin, je commençais à ranger la baguette et l’ensemble des outils. J’en avais assez entendu. L’homme carré et musclé semblait l’écouter avec désintérêt. Visiblement il n’en croyait pas un traître mot.

« Aucun Détraqueur n’a quitté Azkaban. » dit-il avec impatience.  « C’est impensable. Ils étaient le bon nombre hier soir à l’heure où vous... »

Minas s’impatienta et il gesticula :

« Ouais, mais ça j’en suis pas certains ! On vous connaît ! Je suis sûr de ce que j’ai vu et de ce que j’ai ressenti  ok ? Vous me faites passer pour un fou ou quoi ? »

Je me levais. Prenant mon manteau noir de jais en peau de loup et ma besace en cuir de dragon. Je payais le lait de chèvre en faisant un simple signe de la tête à Olaf comme à mon habitude, et je réajustais ma besace pour commencer à partir.

« Héliophobe Volant. » dis-je comme un espèce de grognement en me dirigeant vers la sortie.

Au regard de l’Auror, je maintins le miens. Ce petit connard devait avoir au moins 15 ou 20 hiver de moins que moi, et visiblement, il ne savait pas de quoi je parlais. C’était une Créature Fantastique rare, terrible et terrifiante à la fois, capable de parcourir des centaines de kilomètres en moins de quelques minutes. Il ne plongeait que pour se nourrir, et à chaque fois, c’était quand il n’y avait aucune lune, ni aucune étoile. Et la description correspondait. Mais c'était une créature tellement rare et qui laissait tellement peu de trace, que peu de personnes ne connaissaient ou ne reconnaissaient leurs existences.

« Faut r’tourner à l’école gamin. »

J’émis un ricanement moqueur et mauvais, et j’ouvris la porte de la Taverne. Le froid m’envahit. La neige n’était plus présente, mais à cette heure de la nuit le froid était encore mordant. Marchant dans le noir, j’avançais péniblement à cause de ma piètre condition physique du moment. Mais mon ouïe de Lynx ne tarda pas à s’affuter et j’entendis la porte de la Taverne s’ouvrir, et un pas souple me suivre…

« Vous avez pas aut’chose à foutre ? » maugréais-je en sentant le silhouette de la rouquine qui accompagnait l’Auror dans mon dos.

04.03

Urielle se retint de bâiller. Les journées n'avaient plus de fin depuis un petit mois. Tout allait à vaux l'eau et les agents tiraient sur la corde à n'en plus finir. Pourtant ils étaient tout de même venu se perdre ici, dans les Confins, écouter la plainte de ce villageois qui avait perdu son chien. Le fumet qui s'élevait des cuisines lui rappela qu'elle avait sauter le dernier repas. Avec un peu de chance, ils pourraient expédier rapidement cette histoire de détraqueurs, parce qu'il n'y avait aucune chance qu'un détraqueur se soit fait la malle, et se payer un plat à la carte. La Taverne des Brasseurs était côtée quatre baguettes au guide du petit wizard.

Le bonhomme s'échauffait un peu. Urielle fit un pas en avant pour lui intimer de redescendre d'un ton mais elle n'avait pas la carrure de Miles, qui se montrait plus diplomate en dépit de son ras le bol et de ses larges épaules bien solides.

« Il y a parfois une nuance entre ce que l'on croit avoir vu et ce qu'on a réellement vu. Nous allons patrouiller pour cette nuit. », disqualifia Urielle tandis qu'à quelques distances, un type qui payait pas de mine se permettait de souffler quelque chose.

La rousse plissa le front. Heliophobe volant. Le genre de réponse qu'aurait pu lui faire un des gars de Crowley. D'ailleurs le type en avait toute la dégaine. Miles avait tilté lui aussi et dardait l'inconnu du regard. Mais celui-ci se contenta de balancer une remarque piquante avant de lever le camp.

« Si c'est un gars de Crowley, il pourrait nous être utile. », souleva Miles tandis que le type qui les avait appelé demandait qui était ce Crowley.
« Le héros de la nation. Vous inquiétez pas monsieur, vous êtes entre de bonnes mains. », fit-elle tandis que Miles prenait déjà le chemin de la sortie.

Si c'était bel et bien un chasseur, Urielle allait devoir prendre sur elle. Elle ne pouvait pas piffrer les gars du 4e. Surtout depuis le 7 février. Ils n'avaient de cesse de rouler des mécaniques et de jouer les vieux loups solitaires, gardant jalousement leur savoir plutôt que de partager les infos. Et que ça venait te briefer sur telle ou telle créature tout droit sortie d'un bouquin de contes une fois que le menu fretin avait déjà pris pour son grade sur le terrain. Une vraie bande de connards arrivistes.

Voyant que Miles et son pas de géant lui avaient mis quelques mètres dans la vue, l'agent Grimm rattrapa au petit pas de course. Dehors il caillait et, c'était vrai, la nuit était particulièrement noire.

« Y aurait peut-être fallu se poser la question avant de se faire remarquer. », envoya-t-elle en guise de réponse. Elle n'aimait pas qu'on la prenne de haut et si c'était pour balancer une info et se barrer sans en dire plus autant fermer sa gueule et pas se faire remarquer.
« Faites pas attention. Agents Miles et Grimm. Vous êtes du quatrième ? On serait preneurs d'un coup de main...»

Juste comme il terminait sa phrase, un cri déchirant perça la nuit. Urielle leva les yeux au ciel. La seconde d'après Miles avait disparu. Il y avait eu comme un craquement sinistre. Rien de plus.

« Oichtr ! Miles ?! », le nez en l'air, baguette au clair, l'auror suivit du regard une ombre immense qui se détachait à peine contre le ciel sans lune. Ni une ni deux, elle sprinta à sa poursuivre, alerte et vive. Son gabarit léger était un atout dans ce genre de cas. Un sortilège flamboyant déchira l'obscurité d'un rai orangé. L'auror et l'ombre disparurent, avalés par la Forêt Interdite.

Je fis un effort exceptionnel pour m’arrêter. En même temps si je ne l’avais pas fait, ils étaient bien capable de me suivre jusqu’à chez moi. Toisant les deux aurors, mon regard s’attarda sur le jeune femme et je luis fis un regard dédaigneux. Mes yeux se portèrent ensuite sur l’Auror qui avait la carrure d’un Batteur et qui me demanda si j’étais du Quatrième. Il devait certainement me penser Agent du Ministère. Qu’est ce qu’ils avaient dans le cerveau sans rire ? Ils ne connaissaient pas leurs collègues.

« Dégagez d’là. » dis-je simplement en reprenant ma route de ma démarche lente et un peu chaloupée par la fatigue.

Je n’avais qu’une envie, c’était rentrer chez moi et m’abandonner à mon vice pour mourir lentement sans troubler les dieux. J’avais fait quasiment trois pas, quand une ombre et un bruissement jailli. Mes narines se dilatèrent, mes yeux se plissèrent et mes oreilles se tendirent. Attrapant ma baguette, je ne fus pas assez rapide et la jeune Auror lança un sort, alors que son compagnon était parti dans le néant de la Forêt Interdite, aspiré par l’Héliophobe Volant… Mes sens aux alertes, j’attendis une seconde, puis deux. Finalement, je dus en conclure que son repère était dans la Forêt Interdite et qu’il y avait emmené l’Auror pour le dévorer plus tard.
Immobile, je regardais la jeune Auror. Pourquoi les dieux me mettaient toujours dans des situations comme celles là ? Tentaient-ils me faire racheter ? Je regardais la silhouette de ma boutique à quelques mètres de là, et je fus pris d’une envie d’y rentrer, pour tout ignorer et me barricader à l’intérieure. Mais… n’avais-je pas assez jouer avec eux ? Ou ne voulaient ils pas encore se jouer de moi ? Finalement grognement, je déclarais d’une voix assez forte à la jeune femme.

« Venez. »

Je lui désignais ma boutique. J’avais plusieurs affaires à aller chercher avant.

« On va l’chercher. Mais vous me devrez une vie. »

C’était mon prix. Sans attendre si elle me suivait ou non, j’arrivais devant ma boutique. Elle semblait abandonnée, avec des planches devant la porte et les fenêtres. Seule une ouverture, située au niveau d’une petite écurie me permettait de rentrer à l’intérieur. Je n’avais pas eu le courage d’enlever les planches et de reprendre officiellement mon ancien métier de fabricant de baguette et luthier.
J’arrivais au niveau de l’écurie, puis, ouvrant un box, je fis sortir un cheval qui avait plus que bonne allure. Il était parfaitement entretenue et brossé. Comme dans un cérémoniale, je pris plusieurs éléments l’écurie. Ma besace en peau de dragon, que je sanglais au niveau de l’arrière de Billy, mon arbalète et une espèce de bouquet de fleur sauvage étrange et violette. Cela ne me prit pas beaucoup de temps, car la situation était quand même urgente. Enjambant la moitié d’un violon, je finis par place la selle, que j’agrandis magiquement d’un coup de baguette. Passant ma main sous le museau du cheval, je tentais de l’apaiser.

« Là. C’est rien Billy. On va faire une petite balade, et la fluette doit pas peser plus lourd que la besace... »

Je pris les rennes, et je m’avançais devant la petite cour, à la lisière de la forêt. Montant sur Billy comme si j’avais fait cela toute ma vie, j’indiquais l’arrière de la selle d’un signe de tête, comme si chaque parole me coûtait. En réalité, je n’avais qu’une envie c’était partir d’ici.

« Grimpez. Accrochez vous, et suivez mes instructions. »

Finalement, dans un élan rare de bonté, je lui tendais la main même si je voyais dans son regard qu’elle n’était pas du genre à demander de l’assistance...

04.03

Urielle plissa le front. Elle n'avait aucune intention d'obtempérer. Et pour cause, ils n'étaient pas venu là pour se faire rabrouer par un pilier de bar à la patte folle mais bien pour faire le job. Encore fallait-il savoir de quel job on parlait. Pour le moment, le conte de fées sur les détraqueurs la faisait doucement marrer. Le grincheux à l'haleine alcoolisée franchement moins. Elle n'eut cependant pas le temps de lui donner la réplique. Quelque chose leur passa au-dessus et Miles fut littéralement happé.

Vive, Urielle réagit mais son sortilège ne semblait pas faire plus d'effet qu'un coup d'épée dans l'eau. Elle ne prêta tout à coup plus attention à l'ostrogoth du bar, prête à voler au secours de son collègue. Mais le sort en avait décidé autrement. Le type s'était entre temps ravisé, lui faisant signe de le suivre. Urielle hésita une fraction de seconde puis :

« Une vie ? Rien que ça... », commenta-t-elle d'un ton désabusé. C'était bien les types du quatrième ça. Si elle avait pris le pli de réclamer la moindre reconnaissance chaque fois qu'elle en avait sauvé une, la fortune des Grimm s'en serait trouvé doublé au bas mot. Par chance, la fortune des Grimm n'avait pas besoin de ça. Elle ne se doutait pas un instant qu'il ait pu être sérieux une minute. A ses yeux, c'était une façon de parler. Et de toute manière, elle n'aurait clairement pas eu une vie à gaspiller.

Dans l'obscurité, elle l'entendait farfouiller dans sa petite cahute, jusqu'à ce que finalement, elle le vit ressortir à cheval. Incrédule, cette fois-ci, elle fronçait les sourcils, tout en se demandant s'il n'avait pas trop taquiné de la bouteille pour ce soir.

« Mais de quel siècle vous sortez ? », demanda-t-elle en se hissant tout de même en selle.

Ce drôle de type avait de drôle de manière, une drôle de façon de l'aide, mais elle prenait tout de même. De toute évidence, il en savait bien plus long qu'elle sur cet Héliochose et elle ne jouerait pas la vie de Miles sur un coup d'égo mal placé. Les types du quatrième étaient généralement impossible à vivre mais ils avaient la réputation d'être efficaces.

« Je vous écoute, briefez moi. Qu'est-ce que c'est que cette chose ? »

Alors que nous arrivions à la lisière de la forêt, je me contentais de rire, d’une voix graveleuse et sarcastique concernant ma façon de parler et visiblement d’être tout simplement.

« D’un siècle où les sorciers savent tenir une baguette sans se faire happer comme un caneton en quête de sa mère par une créature venue d’un autre temps. »

Je continuais d’avancer en silence. A sa question, je me renfermais un peu, essayant d’expliquer le mal vers lequel nous allions du mieux que je pouvais. Après tout, de ce que j’en avais vu elle avait couru sans hésiter pour sauver la peau de son compagnon sans hésiter. C’était certainement son fiancé, il n’y avait que les femmes prêtes à marier pour agir aussi spontanément.

« C’était un Heliophobe Volant. Une créature rare, et que les Dieux nous en préserve d’ailleurs. Il peut parcourir des milliers de lieux sans s’arrêter. Il n’aime que les ténèbres et l’obscurité la plus totale, et ça n’a rien d’étonnant d’en voir un par une nuit sans lune et sans étoiles. Ils plongent sur leur proie, en les terrorisant à la manière d’un Détraqueur, mais il ne joue pas que sur la peur. Il joue sur l’ensemble des sentiments que les créatures de ce monde dont les hommes peuvent ressentir. Le désespoir, le chagrin, la haine… C’est la pire mort qui puisse exister. La digestion est lente, et pleine de souffrance et votre fiancé ne mourra que dans une semaine. Mais le moment venu, il sera le plus heureux des hommes que cela soit fini. » dis-je alors sinistrement en continuant d’aller de l’avant.

Le départ de la lisière n’était pas bien effrayant. Seul les animaux standards vivaient là, car la crainte de ce qu’il y avait au coeur de la forêt était bien trop dur pour leur instinct de survie. M’arrêtant au bout de quelques pas, je tendis l’oreille pour essayer d’entendre des sons dissonants de d’habitude. Rien. Je continuais de progresser vers l’endroit où l’ombre était partie, en espérant avoir un indice sur la direction à prendre en cours de route.
Finalement, après plusieurs minutes de marche silencieuse, où je me demandais si je n’étais pas imprudent de venir ici sans une initiée, je descendis pour mettre pied à terre.

« Restez sur Billy. » dis-je d’un ton proche de l’ordre

Je m’accroupis sur le sol. Puis, avec une extrême précaution, je déversais une espèce de petite poudre bleue sur le sol. Les yeux plissés, je la regardais onduler dans un espèce de petit rythme archaïque. Elle forme un petit nuage qui se mit à tremblotter. Sur l’extrémité Ouest, il changea de couleur pour se teinter de vert. C’était approximativement l’endroit où l’Heliophobe était parti. Je plissais des yeux.

« Espérons qu’il ne repère pas autre chose de bien plus sombre. »

Remontant sur Billy, je l’observais d’un coup d’oeil en montant. De mémoire, aucun Grimm n’avait jamais porté cette couleur de cheveux.

« Tant que la route est longue, bavassons donc un peu. Comment se fait-il que les Grimm fournissent désormais des chasseurs de ténèbres ? Ils sont souvent porté à la fabrication des artefacts ? Hm ? »

04.03 Urielle ne formula aucune espèce de réponse. Son attention était toute entière à ce qu'il se passait aux alentours et la survie de Miles son unique priorité. Par ailleurs, elle n'avait jamais apprécié le petit ton de péteux des agents des unités de chasse. A croire que quelque chose ne tournait pas rond chez ses mecs là. Une marque de fabrique qu'elle prisait peu quoi qu'il en soit. En un petit mois, elle avait plus d'horreurs tout droit apparentés aux croquemitaine qu'autre chose et même l'indulgence d'apparence de Lady Cynfeirdd n'avait su faire bonne impression sur elle. Certes, ses conseils avisés avaient été plus que précieux, mais son ton condescendant cachait trop mal le fond de sa pensée. Elle ne voyait dans les brigades qu'elle formait qu'un ramassis d'incompétents incapables. C'était aussi le cas de ce pauvre diable sorti du fond de sa cuve. Et dans le détail de leur conversation, elle l'affublait en plus de l'étiquette de bigot, ce qui ne faisait rien pour lui rendre le personnage plus sympathique.

Quoi qu'il en fut, bigot, pochard ou somme des deux, il lui livrait des informations précieuses sur ce à quoi ils avaient à faire. Tout accaparé par le détail de ce après quoi ils courraient - et ça n'avait rien de réjouissant - elle faillit passer à côté d'un détail. En soi un détail sans importance mais qui méritait d'être relevé :

« Miles n'est pas mon fiancé... j'espère que vous ne tirerez pas de conclusions trop hâtives pour ce qui nous intéresse vraiment. », avoua-t-elle sans plus s'attarder sur ce point de détail.

Tout de même, elle se demandait ce qui avait bien pu lui faire croire une chose pareille. Chassant cette idée ridicule de sa tête, Urielle envisageait les probabilités de tirer son prétendu fiancé du triste sort qui l'attendait. Avant l'aube de préférence et pas uniquement pour la paperasse que c'était de perdre un agent de terrain. Le limier mit pied à terre lui intimant de rester en selle. Si elle était bonne cavalière, par éducation plus que par plaisir, elle n'avait guère pour habitude de se déplacer à cheval, encore moins en mission. Elle observa le chasseur faire d'un oeil critique car elle savait que de là où elle se trouvait, les détails les plus intéressants ne pourraient qu'échapper à son oeil. Toujours sur le qui-vive, baguette au clair, elle scrutait l'obscurité à l'affût du moins bruissement suspect.

Comme le commun de ses congénères, le chasseur était plein de petits accessoires. Elle observa la poudre faiblement lumineuse se muer sans savoir exactement ce qu'elle indiquait. Ce qui ne la rassura en rien c'était que lui non plus n'avait pas l'air de savoir. Sur le coup, elle faillit claquer la porte et descendre de cheval pour aller chercher Miles à l'ancienne. Mais elle entendait encore la voix cassante de Maeve Cynfeirdd lors du brief et les hurlements de Jordisson quand l'espèce d'horrible lutin lui avait tranché la main. Un spunkie, avait confirmé la Grande Chasseresse. Urielle savait que, pour désagréables qu'ils fussent, les chasseurs avaient une certaine connaissance d'un monde que tous les autres avaient oublié. Or, ce monde venait d'entrer en collision avec le leur.

« Il faut vivre avec son temps. », bougonna la jeune femme alors que le limier remontait en selle pour lui poser une étrange question sur son choix de carrière, « Nous ne choisissons pas tous la forge. »

Au passage, son regard s'arrêtait sur quelques branches cassées, ici une traînée carmin, là une étrange pelote prisonnière d'une ronce... Elle n'était jamais très bavarde quand elle pistait quelque chose, fusse avec des méthodes qui lui étaient étrangères.

Je me mis à ricaner sourdement aux deux remarques de la jeune femme. En somme, elle me prenait pour un perdreau de six semaines… Pas son fiancé… Alors au moins son prétendant au titre. Car pour courir ainsi vers un sort pire que la mort pour sauver quelqu’un, s’il n’était pas de sa famille, il fallait être vraiment très attaché. Voyant que cela l’avait braqué, je gardais tout de même ma remarque pour moi alors que nous nous enfoncions dans la forêt.

« Je trouve ça juste étrange. Vous pouvez aussi vous déridez un peu. Je cours à une mort probable, et je n’essaie que de vous piquer pour vous faire décochez quelques badinages. Mais soit… La marche sera donc silencieuse. Après tout, cela nous habituera à la mort... » grognais-je.

Pourquoi je m’étais lancé dans cette aventure ? Je n’avais absolument rien à y gagner. Ni gloire, ni or, ni respect. Et si une quête n’avait pas un de ces trois objectifs, alors c’était une stupidité, comme le disait mon père en un autre temps. Continuant d’avancer, je remarquais que la faune se faisait bien plus discrète, et bien plus calme alors que nous nous enfoncions dans la forêt.

« Nous approchons. On va finir à pied. »

Il était hors de question que je risque la vie de Billy. Ne lui tendant absolument pas la main pour descendre, je pris simplement un espèce de vieux sac à dos en cuire de Dragon, ainsi qu’une arbalète disposant d’une corde, pouvant être ainsi passer dans mon dos sans me gêner. Ouvrant plusieurs sacs sur le flanc de Billy, je réfléchissais à ce qui pouvait me servir et ce qui pourrait m’être utile en rencontrant notre proie. Pas grand-chose à vrai dire. L’intérieur des sacs étaient visibles. Il y avait de nombreuses baguettes sans coeur, ainsi que quelques ingrédients épars. Je fis une grimace en observant celle de la jeune femme qui n’était fait que dans une fabrication classique. Une fois que j’eus pris tout ce que j’avais à prendre et qu’elle fut descendu, je mis une tape précise à Billy dans l’arrière train. Celui-ci ne demanda pas son reste et partit en sens inverse, car il devait lui aussi sentir l’aura grandissante de l’Heliophobe Volant.

« Si vous voulez faire demi-tour, c’est le moment. Mais étant donner la flamme qui brûle dans votre regard, j’en déduis que l’on peut se hâter. Une fois cela fait, nous pavoiserons à la Taverne et nous chercherons quelques mélodies afin de composer une chansonnette pour chanter cet exploit. »

Je me mis à sourire légèrement. La chaleur de la Taverne me manquait déjà. A vrai dire, ce n’était pas spécifiquement pour la boisson et l’oublie qu’elle entraînait que j’y allais. C’était surtout pour la chaleur du feu et les échanges brûlants qu’il y avait à l’intérieur. Comme un spectateur mort qui appréciait encore la vie qui se jouait tout autour de lui, et qui cherchait ce qu’il lui manquait pour la retrouver.
Le visage un peu plus renfermé, et donc celui que j’avais quotidiennement, j’avançais sans un mot. Mettant ma capuche, afin que l’on ne voit pas mes oreilles, je les transformais en celles du Lynx pour écouter avec attention les sons m’entourant. Il fallait aller vers là où c’était le plus silencieux. Prenant vers l’ouest, je grognais un peu et je remis mes oreilles en forme normale sous ma capuche, accélérant un peu la cadence.
Au bout de plusieurs longues minutes de marche, je tendis brusquement le bras pour stopper Urielle.

« Nous y voilà. »

Je désignais une clairière. Au milieu de cette dernière, une masse informe et sombre semblait immobile. Elle bougeait très légèrement, dans un rythme régulier comme si elle respirait. Plissant les yeux, et essayant de sentir des changements d’émotions, rien de particulier ne se passa.

« Je vais le tuer dans son sommeil. » dis-je simplement « Restez ici. » grognais-je comme un avertissement.

Avançant avec prudence, je commençais à réfléchir à la meilleur des manières de l’abattre. Finalement, pointant ma baguette, j’estimais que lui séparer la tête du corps était la meilleure des solutions. Avançant en tenant ma baguette à deux mains, prêt à lui faire un Sectumsempra, il dut sentir la tristesse de mon âme car au milieu de cette masse noire, deux yeux jaunes apparurent, comme ceux des dragons, ainsi qu’une lignée de dents.
Immédiatement, je sentis alors toutes mes émotions pliées… La peine d’avoir perdue ma femme. La haine que ce Lycan me l’ait prise. Le chagrin de l’homme que j’étais devenu. Il y en eut assez pour qu’une de ses ailes me ballait d’un coup sec et m’envoya bien plus loin, à quelques pas d’Urielle.
Recroquevillé, je la regardais d’un regard un peu vide, comme si en réalité, mourir ici n’était pas plus mal….