When in doubt, paddle out

feat.   @Rhys Ddraig   

« Qu’est-ce que tu fais ? » demanda la voix de Popplewell, alors que Circé enfournait calmement cinq grosses brioches dans un sachet en papier kraft qu’elle avait dégoté du côté des cuisines. La sorcière ne répondit pas ; Popplewell était encore une fois en caleçon, et cela commençait à bien faire de toujours avoir à lui répéter de s’habiller. Elle n’avait pas eu la meilleure des éducations, mais se laver les dents et avoir des vêtements lui semblait un prérequis dans tout échange avec un autre être vivant.
« Tu vas en donner aux gryffondors ? » marmonna Denis.
« Je vois pas en quoi ça te regarde », souffla doucement Circé, à deux fois de l’envoyer se faire voir chez Chelsea.
« Je croyais que la nourriture c’était que pour les bosseurs » grommela en retour le poufsouffle.
« C’est pas pareil. Ces pains-là, c’est moi qui les aie faits, alors j’en fais ce que je veux. »

La blonde tourna un regard implacable sur le pauvre Popplewell qui ne savait plus quoi dire. Il fallut attendre encore quelques secondes où Circé terminait de nouer le sachet pour éviter que le pain ne sèche pour l’entendre marmonner quelque chose comme « népotisme » entre ses lèvres, ce qui n’enragea pas du tout la demi-sirène. Au contraire même. Elle trouvait ça étonnement amusant.

Balayant les inquiétudes de Popplewell quant au devenir des petits pains briochés, Circé attrapa son sac et se dirigea finalement vers la sortie de la salle commune. Elle n’avait pas prévenu Rhys qu’elle lui livrerait au lendemain d’Imbolc de quoi faire le plein d’énergie pour l’entraînement de Quidditch, mais elle savait qu’elle finirait par croiser les garçons en direction du stade ou mieux, dans la grande salle qui devait être pleine à cette heure. Elle n’y resterait pas très longtemps, car ce n’était pas trop son truc de faire la fan d’un sport qu’elle ne comprenait pas trop, et encore moins quand elle avait un rendez-vous assez important le soir même.

Ne pas se disperser, c’était quelque chose qu’elle gardait en tête. Toujours avoir un plan, et un coup d’avance si possible, voilà ce qui jusqu’à maintenant l’avait sauvé à maintes reprises.

Le sachet de brioche et la besace sur l’épaule, Circé sortit calmement de la salle commune, laissant à Popplewell le plaisir de piller le lassi du pauvre @Sheraz Mahal alors que ce dernier devait être occupé. Elle n’irait pas le vendre – Sheraz allait de toute façon s’en douter – mais elle espérait qu’il aurait au moins mal au ventre après tout ce qu’il avait avalé depuis hier.

Alors qu’elle souriait à l’idée d’une justice cosmique qui tomberait sur Denis, elle fut surprise par une épaule qui lui rentra dans l’épaule. Elle s’arrêta, vacillante sur ses talons, en relevant le nez pour voir qu’un bras posé contre le mur lui barrait le chemin. Son regard se releva sur le visage de Carth Rakharrow. De retour à Poudlard après l’incident du Bal de Yule où on avait usurpé son identité, il était devenu depuis quelque peu hargneux – et tout ce qui était hargneux était, au regard de Circé, dangereux.

La jeune femme préférait de loin ne pas faire de vague, mais avec Rakharrow sur le dos, ça allait être compliqué. Circé ne cilla pas et plongea son regard bleu céruléen dans le sien. Le serpentard n’était pas là par hasard. Il avait dû entendre qu’il y avait eu une petite soirée la veille et venait récolter les miettes. Naturellement, les mains de Circé se serrèrent autour du sachet qu’elle avait prévu pour les garçons.

« Tu es bien matinale, Harker, et tu as les bras chargés… Ne me dis pas que tu allais faire une déclaration à quelqu’un ? Un bisou contre de la brioche ? »

Circé baissa les yeux, préférant ignorer l’attitude provocante du serpentard. Rakharrow ne se sentit pas assez satisfait par la réaction, aussi il se pencha doucement à l’oreille de la sirène. Elle pouvait sentir le souffle chaud de sa bouche, son haleine, son parfum. Elle se mordit l’intérieur de la joue.

« Qui voudrait d’une petite sang-pur sans le sou, mh ? Un sang-mêlé de Gryffondor ? Ou pire… un sang-de-bourbe ? » Circé releva les yeux sur Carth. « En plus d’être à Poufsouffle, et de pas avoir un rond, tu te comportes comme si tu n’étais pas des nôtres. Est-ce que tu crois que ça ne se sait pas – que tu es une Harker ? Tu crois qu’ils sont gentils avec toi pour quoi mh ? Parce qu’ils t’apprécient ? »

La Poufsouffle ne répondait toujours pas. Pas besoin de perdre du temps. Elle recula d’un pas, seulement pour être rattrapée par le second bras de Carth, qui la bloquait désormais entièrement contre le mur.

Popplewell dut voir la scène car elle le vit longer le mur sans un mot, grimpant rapidement les marches jusqu’à la grande salle, sans doute pour raconter ce qu’il venait de voir.

Circé soupira doucement :
« Ecoutes Carth, ce n’est pas grave si tout le monde me trouve détestable, parce que je me fiche bien de ce que les autres pensent. Maintenant, si tu me permets, j’aimerais aller prendre mon petit déjeuner… »

Rakharrow se redressa, avant que sa main n’attrape le sachet et l’ouvre violemment. Une brioche s’échappa, roulant sur le sol. Circé tendit la main mais l’autre main de Rakharrow la retint par l’épaule, sans douceur.

« Tu l’as déjà ton p’tit déjeuner, non ? A moins que ça soit pour tes copains ? Toujours ce besoin de se faire aimer à ce que je vois… Pathétique. »

La sirène sentit la colère gronder doucement dans son sang. L’envie seulement de mordre Carth Rakharrow pour lui montrer ce qu’il en coûtait de fâcher une hybride. Mais encore une fois, le secret et la discrétion étaient plus importants aux yeux de la Harker. Aussi la petite blonde tenta de se dégager en s’agitant, finissant de fâcher Rakharrow qui termina d’écraser du talon la brioche ronde qui avait roulé un peu plus loin.

Circé le regarda, lui jetant un regard noir, alors qu’elle ne pouvait rien dire de plus. Que dire de toute façon ? Les sangs-purs pouvaient bien rouler au pied tout ce qu’il voulait, réduire à néant tous ses efforts, que pouvait-elle dire qui n’enragerait pas la vieille Harker ?

La poufsouffle se décala, prête à dépasser Carth quand elle croisa le regard de Rhys Ddraig qui avait l’air de venir vers elle. Elle pencha la tête, pas certaine de savoir pourquoi il se retrouvait là de bon matin… et depuis quand il était là.

feat.   @Rhys Ddraig   

Le sang-pur suivit d’un œil moqueur Circé dans sa vaine tentative de fuite, mais au lieu de continuer son harcèlement sordide, il rangea ses mains dans ses poches. Il se disait déjà qu’il la laisserait faire quelques pas avant de la mettre au sol. Un croche-pieds était bien suffisant, et il aurait un plaisir sadique à voir les pains s’écrasaient sur le sol. Plutôt nourrir les rats que les Gryffondors après tout. Son sourire suffisant plaqué sur ses lèvres, le gamin qui se pensait supérieur du fait de sa naissance vit dans le coin de l’œil la silhouette de Rhys Ddraig. Aussitôt son sourire fana sur ses lèvres, et Circé s’arrêta pour le fixer d’un air étonné de le voir dans les cachots de Poudlard.

Carth savait en revanche que la poufsouffle était dotée d’une bonne réputation dans toutes les autres maisons. C’était le genre de fille à toujours aider, ce qui forçait quelque peu les amitiés, même si d’après le serpentard, ça ne pouvait qu’être intéressé. La jeune Harker n’avait pas grand chose de plus à offrir, et ça il l’avait bien vite compris lorsqu’en deuxième année, il avait salement reçu par celle-ci. Un mariage entre sang-pur proposé et une invitation dans les règles à la demeure Rakharrow. Entre familles liées à la cause mangemorte, c’était une proposition qui avait de quoi faire rêver, ou au moins, à ne pas étonner.

Pourtant il avait reçu un non recevoir quasi instantanément, et quand il s’était déplacé - en personne, et sans elfe de maison ou suivant - jusqu’à elle, elle avait tenté de s’échapper aussi vite que possible. Il avait été précautionneux et attentif pourtant. Il était allé la trouver lorsqu’elle était seule aux abords du Lac noir, comme elle aimait souvent faire, et il avait simplement voulu lui demander pourquoi. Mais cette petite garce s’était agitée, prétextant qu’elle ne pouvait pas rester, qu’elle devait partir. Elle avait eu l’air affolé, si bien qu’on avait fini par lui coller l’étiquette d’un prédateur. Sottises ! Carth avait été bien éduqué, comme tous les autres sang-purs. Et pourtant...

Pourtant, Rhys Ddraig avait encore dû mal comprendre la situation, car il sentit parfaitement bien la baguette dans son dos, se faire lourde sur son épine dorsale. Il grimaça, jetant aussitôt un regard terrible du côté de Circé qui les fixait tous les deux, le visage lavé de toutes ses couleurs. Elle n’avait pas compris sur le moment, pourquoi Rhys était là et pourquoi il était parti comme s’il ne la connaissait pas - et puis, pour faire quoi en direction des cachots des Serpentards ? Mais c’est en voyant la colère sourde dans le fond des prunelles du serpentard qu’elle comprit qu’il avait usé d’un bien curieux stratagème pour mettre en défaut l’élève de sixième année.

Rakharrow écouta, aussi bien que Circé qui ne savait plus quoi faire dans la situation actuelle. Prendre parti pour l’un, c’était se mettre à dos l’autre. Jusque là, elle s’en était tenue à des refus constants mais neutres des avances de Carth. Ce n’était pas bien compliqué, c’était ce qu’elle faisait avec tous les garçons qui l’approchaient, encore plus quand ils cherchaient à la voir en tête à tête, ce dont elle avait absolument horreur. Se sentir piégée avec le sexe opposé lui donnait la nausée. On en était pas encore dans la drôle de maladie de  @Sobek Ojeda , mais on était déjà sur un traumatisme qu’elle devrait apprendre à dompter un jour ou l’autre.

« Tu devrais revoir tes manières alors, Ddraig, car prendre de dos et par surprise, on est à la limite du viol, non ? »

Circé se mit à pâlir davantage encore. Elle fit un petit pas vers le duo Gryffondor-Serpentard. Son regard se posa sur Rhys, l’air inquiet. Elle ne voulait pas qu’il ait des ennuis. Pas à cause d’elle, et encore moins à cause de Carth, car il ne valait vraiment pas la peine. Elle n’osa pas bouger davantage, car même si une baguette était pointée sur lui, Carth semblait détendu. Faussement détendu. Ses yeux plissés en meurtrière ne laissaient aucun doute qu’il réservait au Gryffondor une vengeance à la hauteur de son nom, et les Rakharrow étaient bien connus pour être les inventeurs du sortilège de «videntraille», ce qui donnait un avant-goût quant à leur imaginaire.

Le regard du serpentard se fit encore plus terrible lorsque Rhys lui demanda s’il se pensait en mesure de le battre avant que les renforts ne viennent. Son sourire s’étira en une virgule carnassière, moqueuse. Carth n’était pas en mesure de savoir exactement s’il en était capable, en revanche il savait très bien où étaient ses points forts, et où Ddraig avait ses points faibles. Dans la longue liste qui se déroulait dans son esprit, il y avait d’abord les filles, mais il y avait aussi les amis, ce qui faisait deux excellentes raisons de perdre sur le long terme.

Circé resta interdite, ses yeux allants d’un visage à l’autre. Si elle était entièrement reconnaissante à Rhys, elle savait aussi dans quel pétrin il était en train de plonger, et cela la démoralisait d’avance.

A la dernière menace du gallois, Circé approcha, cette fois approchant du duo pour venir déposer sa main, avec douceur et lenteur, sur le poignet du gallois. Elle ne fit aucune pression, elle tentait seulement de faire descendre la tension palpable.

« Rhys... » murmura-t-elle, toujours inquiète.

« Rhys », reprit non sans un rictus sardonique Rakharrow, alors qu’il se détachait mollement, en faisant un pas en avant, dépassant l’un et l’autre, pour tourner ses talons et leur faire face. « J’ignore si je dois craindre des renforts. Vois-tu, mon dossier est impeccable, contrairement à celui de notre cher ami qui n’arrive visiblement pas bien à s’intégrer. A se demander pourquoi on ne crée pas des... classes spécifiques à ceux de votre... catégorie, disons-le, pour laisser les sang-purs ensemble », sa main vint délicatement se poser sur l’épaule de Circé, alors qu’il penchait la tête vers la jeune femme qui détournait le regard, ne souhaitant ni voir le gallois, ni le serpentard. « Je devrais m’excuser ? On se parlait, comme on a l’habitude de se parler depuis qu’on est petit, non ? Ddraig ne doit pas savoir, lui... Mais ce n’est pas grave, je te pardonne Rhys. Il paraît que c’est ce qu’il faut faire avec les ignorants. »

Lentement, Rakharrow se redressa, non sans détailler une dernière fois de pieds en cape le gryffondor avec son air satisfait. Si le gallois n’avait rien de plus à ajouter, il quitterait les lieux.

Circé, elle, resta silencieuse, le visage défait de toutes ses couleurs et de sa superbe. Elle ne savait plus où se mettre, plus quoi dire. Elle savait sciemment ce que Carth était capable de faire quand il avait quelqu’un dans le nez, quant à sa famille... Sa famille c’était quelque chose. Arkantha avait été arrêté l’année précédente pour de multiples crimes, plutôt graves, plutôt sanguinolents. Les Rakharrow n’avaient jamais cessé d’être, comme s’ils avaient traversé les âges et qu’ils étaient, en 2024, totalement anachroniques, mais assez puissants pour passer outre les lois. Certes Arkantha avait été envoyé à Azkaban, mais combien d’entre eux ils restaient encore, comme Carth, à fouler le même pavé que eux ?

La poufsouffle ne souhaitait pas que Rhys se mette en danger, pas plus qu’elle ne souhaitait que Carth commence à se plaindre à la vieille Harker. Elle n’avait pas eu de contact avec elle depuis sa troisième année, où justement elle lui avait tiré les oreilles sur le fait qu’elle devait éviter de trop se faire montrer, que si le mensonge sur son sang était révélé, elle viendrait elle-même laver l’affront de leur naissance, à commencer par Calypso forcément. Ne pas se faire voir, pour éviter un mariage avec un sang-pur, alors que Carth avait l’air de croire qu’elle était celle qui lui était depuis toujours destinée.

Une situation supportable, sauf si on y ajoutait des dommages collatéraux qu’elle ne serait pas en mesure d’éviter.

feat.   @Rhys Ddraig   

Rhys sut se contenir. Elle ignorait comment et pourquoi exactement il avait réussi cet exploit, mais Circé se sentit reconnaissante envers le Gryffondor de ne pas rajouter de l'huile sur le feu à une situation qui était déjà compliquée pour elle à gérer. Elle se sentait néanmoins coupable de lui demander de faire une croix sur sa fierté et son honneur. Elle savait que le jeune homme tenait particulièrement à tout ça, et en le bridant par sa seule présence, Carth n’en ressortait que plus confiant pour la suite.

La poufsouffle garda les yeux baissés afin de ne pas affronter ni le regard méprisant du Rackharrow, ni la colère funeste du Ddraig. Elle resta là, prostrée et pâle, le cœur au bord des lèvres en s’imaginant la haine qui devait transpirer des deux côtés. Plus exactement, ce que la jeune femme craignait le plus, c'était encore que Rhys soit à ce point déçu d'elle, de ce comportement, de ce laisser faire, qu’il ne lui tourne définitivement le dos. De son point de vue, ça aurait été légitime. N'était pas une énième sang-pur qu'il détestait tant ?

Une sang-pur qui se laissait sans cesse foulé au pied par ses amis d'enfance, si tant est qu’amis était un terme qu'elle pouvait leur prêter. Ô, elle aurait pu, car Circé était somme toute toujours polie et agréable, mais cet habit, aucun d'entre eux ne le méritait ni ne le porterait aussi bien que Rhys.

Sa main toujours posée sur son poignet qu’elle sentir se serrer, les muscles plus saillants sous les vêtements, Circé ne releva pas le nez. Au lieu de ça, elle fixa la paume de sa main qui devenait blanche, et ses ongles qui s’enfonçaient sans douceur dans sa propre main. Elle sentit sa propre gorge se serrer, jusqu'au point où elle se demanda si elle ne devait tout simplement pas le laisser faire, relâcher la bête qui risquait bien de se mordre soi même pour assouvir son besoin de sang.

Mais une part d'elle le refusait toujours. Non pas par crainte pour elle-même, et qu'importe lequel de ses secrets, mais pour lui. Un sang de bourbe ne pouvait guère se défendre face à une famille de sang-pur aussi ancienne et dangereuse que les Rackharrow, et Rhys ne méritait pas d'être fauché par le mépris de ces derniers.

Elle s’en voulait de penser ainsi, car elle avait l'impression de ne donner aucune valeur à Rhys, mais dans le même temps, la panique la prenait rien qu'à l'idée d'être la cause d'un péril trop grand.

La sorcière releva le nez quand Rhys appela doucement son prénom. Ses yeux se levèrent lentement, de peur de voir quelque chose qui ne lui plairait pas dans les yeux de Ddraig. Ce fut presque le cas. Son visage se fit encore plus inquiet, et ce malgré la caresse douce de ses doigts sur son avant-bras. Sa gorge se serra alors que le Gryffondor tentait de la rassurer.

Elle resta livide, d’autant plus que le sang de Rhys atterrit sur le sol, indiquant clairement la retenue difficile du garçon. L'image horrifia Circé, au point où elle n'aurait pas pu dire un seul mot même si elle l’avait voulu. Instinctivement, sa tête rentra dans ses épaules, et ses bras serrèrent plus fort le sachet de pains briochés qu'elle avait tenu jusque-là, comme s’il avait été plus précieux que sa vie, ou presque.

Rhys termina de se détacher d’elle pour venir s’appuyer contre le mur derrière. Elle resta là, incapable de comprendre si cela signifiait qu’il était fâché ou non, et contre qui, surtout. Contre elle de l'avoir retenu ? Contre lui de l'avoir provoqué ? Mais Circé n'était pas tout à fait une lâche, alors elle scruta le visage de Rhys, remarquant la légère boursouflure sur sa lèvre inférieure et ses sourcils froncés sans équivoque.

« Ne fais pas ça » voulut-elle répondre presque aussitôt, empressée, la poufsouffle à la proposition. Son regard s'était aussitôt illuminé d'une angoisse palpable, si bien qu'aucun mot ne traversa ses lippes.
Cette fois, elle ne tenta pas de lui prendre la main pour l'empêcher, uniquement car Rhys secoua la tête.
Est-ce qu'il lui en voulait encore une fois ? De s'inquiéter ? Parce qu'elle avait cette intime certitude que Rhys perdrait plus qu'un seul simple duel dans l'affaire ? Pas qu'il n'était pas meilleur que Carth - il l'était - mais Rackharrow ne jouerait jamais dans la cour des grands sans sa malice et sa sournoiserie habituelle.

Tendue, les épaules pratiquement douloureuses, Circé attendit le verdict. Est-ce que Rhys allait partir et ne pas l'écouter ? Elle voulut dire quelque chose, pour le raisonner, mais le garçon la devança.

Circé le fixa en silence, avant d'avoir un petit sourire triste. Un petit souffle amuse s'échappa de son nez alors que soudainement, toute la pression et la peur accumulées s'échappaient comme une anguille de sous un rocher.

Ses joues rougirent un peu alors qu'elle penchait la tête sur le côté, reconnaissante à Rhys de l'avoir défendue mais surtout d'avoir su se contenir, au moins pour elle (ou à cause d'elle). Elle mit une petite minute à se collecter et à reprendre un peu de substance, baissant un instant les yeux avant de les relever sur le visage du Gryffondor, en sachant ce qu'elle allait répondre.

Avec une incroyable sincérité et reconnaissance, la jeune femme souffla :

« Merci, Rhys. »

Elle inspira ensuite profondément, car c'était d'une certaine façon la chose la plus importante et la plus difficile à dire. Circé jeta un œil derrière elle comme pour vérifier que Carth ne revenait pas, et finalement se rapprocha un peu de Rhys, seulement pour se permettre de parler moins fort, le temps de certaines confidences.

« Je suis désolée de ne pas pouvoir te laisser bousculer Carth, mais ma famille et la sienne sont très amies et il a l'air de croire que nous sommes… », Circé chercha le mot sans arriver à le trouver. Quoi exactement ? « … je ne sais pas exactement ce qu’il a derrière la tête pour être honnête, ou du moins je n'ai pas envie de savoir sinon ça risquerait de me donner la nausée, mais j'imagine qu'il cherche à avoir l'héritage des Harker, d'une façon ou d'une autre. »

Et par héritage, Circé n'avait pas besoin de faire un dessin à Rhys Ddraig. Elle lui avait déjà parlé de manière épisodique de ce que son père était capable de faire et qui lui avait valu une place à Azkaban. La Magie de Sang des Harker était quelque peu particulière et dangereuse, aussi ancienne que la Vieille Magie. Une magie que les alfes avaient longtemps usée et utilisée pour asservir les hommes. Une magie interdite, sans être une magie noire.

Si elle n'était jamais entrée dans les détails de ce que son père représentait pour elle, et de qui était sa mère, elle se souvenait parfaitement lui avoir dit en deuxième année que c'était l’Ordre du Phénix qui lui avait fait cette vilaine cicatrice sur le visage, mais qu'elle ne leur en voulait pas. Après tout, elle restait la fille aînée d’Abélard, et c'était sans doute à ce titre que Carth la désirait.

« Si ma grand-mère apprend que j’ai un ami qui lui a refait le portrait, je risque d’en avoir pour des mois à la supporter, et tu sais bien que moins je la vois, mieux je me porte. Et Carth est un obsessionnel en plus. Il ne te lâcherai pas, y compris après Poudlard. » Circé grimaça. Quant à elle, si elle pouvait se passer de la vieille Harker dans sa vie… « Alors, c'est un peu lâche, mais je préfère encore le laisser faire, pour ne pas trop le vexer, et continuer de faire ma petite vie. Sans vague. »

Un sourire un peu triste peignit les lippes de la demi-sirène. Il était d'autant plus triste que cette expression était d'autant plus tragique qu'elle était criante de vérité. Circé n'était qu'une sirène qui se privait de la mer pour ne pas s'attirer d'ennuis. Et ce, depuis aussi longtemps qu'elle était née.

« Est-ce que… »
Les mots lui brûlaient les lèvres, soudainement.
Mais la curiosité lui rongeait le cœur.
« Est-ce que tu m’en veux de ne pas te laisser faire ? »

feat.   @Rhys Ddraig   

La poufsouffle eut un petit sourire bref alors qu'il lui grattait la tête. Le contact avec le sexe opposé était généralement source d'angoisse et de stress chez la jeune femme, mais en six ans, Rhys avait réussi à trouver le juste milieu. L'équilibre agréable entre l'affection et le respect de cette sphère qui lui était d'ordinaire si chère.

Calypso, sa soeur, n'avait pas ce problème et ne le comprenait pas, encore moins en sachant comment sa soeur ainée gagnait au demeurant sa vie. Circé se faisait d'ailleurs parfois la réflexion. Pourquoi est-ce qu'elle était en mesure de s'offrir et pourquoi un simple frôlement lui tirait la nausée ? Elle avait fini par comprendre, mais la raison n'était pas assez lisse pour qu'elle puisse la partager avec qui que ce soit.

La sorcière releva les yeux sur Rhys qui la tira de ses pensées. Sa lèvre était légèrement boursouflée. Elle scruta quelques longues secondes sa bouche, se demandant s'il accepterait de mâcher une feuille de dictame (elle en avait toujours quelques unes, fraîches, sur elle) ou s'il allait préférer se pavaner avec cette petite égratignure auprès des autres élèves, comme une blessure de guerre.

A cette idée, Circé se fit plus maussade, quand bien même Rhys tentait de la réconforter. Une cause humanitaire - ça semblait pourtant bien la décrire. C'était aussi, en toute humilité, le cas de nombreux autres élèves, mais c'était surtout son cas à elle, avait-elle l'impression.

Si elle avait abandonné l’Astronomie, il y avait eu une ou deux fois lors des premières années où elle s'était demandée si le ciel ne lui avait pas joué un mauvais tour le jour de sa naissance. Comme si le destin - ou la fatalité - s'était dit que naître ce jour-là, à cet endroit-là du monde, était un parfait plan. Si c'était tout ce que le cosmos lui avait réservé, alors Circé avait bien fait de ne pas suivre cette matière.

« Tu sais aussi bien que moi que ce n'est pas le mieux à faire, n'est ce pas ? » tenta la poufsouffle après une énième menace proférée à l'encontre de Carth, non sans un petit sourire inquiet.

Si Rhys en venait à se dire que la seule réponse à la violence était la violence, ça ne donnait pas confiance en son avenir à lui aussi.

Circé le scruta des yeux comme si lui aussi avait été sur son radeau. Un convoi abandonné par les dieux, dans une mer aussi sale que furieuse. Des naufragés du monde. Lui à la barre, se débattant contre la tempête. Elle sans doute quelque part plus bas, accrochée et désespérée à la coque explosée, toute prête à sombrer.

L'image lui allait bien. Rhys était un peu sa bouée. Il menait sa barque, en se souciant d’elle dans son sillage. C'était déjà plus que ce que le monde avait bien voulu lui offrir jusque là.

Un sourire sincère fila sur les lèvres de Circé alors que Rhys confirmait s’inquiéter pour elle. Ce n'était pas grand chose, d'autant qu'elle était intimement persuadée que Ddraig n'était pas en mesure de véritablement la protéger, mais il avait peur pour elle. Et ça, c'était quelque chose qu'elle n'avait jamais partagé qu'avec sa sœur.

Embarrassée mais touchée, Circé eut finalement un petit rire communicatif à la blague du gallois.

« C'est sans doute too much, et Zion risque d'être jaloux… » glissa Harker doucement, avant de pencher la tête, plus sérieuse, et un vrai sourire toujours accroché au visage : « mais je peux guérir ça si tu veux. J'ai des feuilles de dictame dans mon sac si tu veux. C'est amer mais vachement efficace ! »

Circé préféra mettre de côté toute l'histoire avec Carth. Est-ce que Rhys avait raison de craindre quelque chose ? Peut-être. Jusque là la jeune poufsouffle avait toujours pris soin de faire attention à ce qu'elle faisait, à où elle se trouvait et avec qui. Cette hyper vigilance concernant l'autre sexe lui évitait un grand nombre de déconvenue puisqu'elle limitait dans le même temps un grand nombre d'opportunités pour le Rackharrow.

Restait que ça ne durerait qu'un temps. Et ça, elle préférait ne pas y penser.

Circé releva le nez quand Rhys se décala, le suivant instinctivement du regard, prête à lui emboîter le pas - à la condition qu'il ne l’invite, ce qu'il fit aussitôt après.

Un large sourire flotta sur le visage de nouveau lumineux de Circé, se faisant la réflexion que tout irait bien. Et si ça ne devait pas aller, supporter des matinées pareilles pour ensuite vivre ces petites plaisirs sans prix, ce n'était pas très cher payé.

« J'allais justement venir à ta table pour partager les pains briochés que j'ai fait hier ! On a fêté Imbolc avec les autres poufsouffles. » Elle marqua une courte pause, avant de rajouter, l'air soudainement surprise : « Ce qui me fait penser… tu ne descends jamais ici, ou alors seulement pour mon anniversaire, quand tu ne l'oublies pas, c'est à dire vraiment pas souvent… tu étais venu chercher quelque chose ? »

La remarque toute innocente ne l'accusait de rien, ne présupposait de rien.
Elle sortit un des nombreux pains qui était dans le sachet brun pour le tendre à Rhys, continuant de le talonner.

Dans la salle commune, Carth était déjà attablé avec son épisode du Chelsea Express entre les mains, un petit sourire sur les lèvres en s'imaginant la déconvenue de la petite blonde à la lecture du torchon...

feat.   @Rhys Ddraig   

Circé haussa un sourcil, en zyeutant du coin de l’œil Rhys qui se mit à mâcher une feuille de dictame. Le goût était encore amer, elle le savait, mais avec Sainte Mangouste, elle n’avait pas eu le temps de se pencher sur la création d’un baume avec. Elle se fit la réflexion que ça pourrait être utile à un gars comme Ddraig, mais si elle ne voulait pas non plus l’encourager. Elle pencha la tête, alors qu’elle se grattait le menton d’un air pensif. Ce n’est qu’à ce moment que le gryffondor découvrit le goût âcre de la feuille. Un petit rire passa sur les lèvres de la jolie blonde, alors qu’elle roulait des yeux.

« Si ça te fait passer l’envie de recommencer, je t’en donnerais plus souvent… J’en cacherais même dans les brioches » commenta-t-elle, avec un petit sourire espiègle.

Que ce soit avec Carth ou un autre serpentard, ou un autre sang-pur, ou tout autre personne susceptible de faire sortir de ses gonds Rhys. Ce n’était pas totalement pour lui qu’elle faisait ça, mais surtout parce qu’elle avait une sainte horreur de voir ceux qu’elle aimait souffrir ou s’abîmer. La violence avait fait partit de son quotidien toute son enfance, et peut-être que cette exposition aurait pu l’endurcir jusqu’à la rendre aussi impénétrable que Xris Anderson (qui lui renvoyait cette image implacable de montagne immobile). Au lieu de ça, elle s’en sortait avec une panoplie très complète de petites phobies, de petits frissons au simple fait de hausser le ton, jusqu’à la tétanie de voir des coups échangés devant ses yeux.

Elle se souvenait que trop bien, et ce malgré son âge à l’époque, du visage tuméfié de sa mère. Des paroles dures de son père. De cette façon qu’il avait de ne jamais rien laisser passer, de toujours trouver un petit quelque chose pour s’en prendre à elle.

Les remerciements de Rhys tirèrent Circé de ses pensées. La couleur revint rapidement sur son visage et elle eut un sourire lumineux, alors que les portes s’ouvraient sur eux, lui en plein clin d’œil pour elle, et elle rayonnant pour lui. Une image qui aurait donné du grain à une petite peste comme Chelsea, mais jusque là, Circé avait toujours échappé au radar de la majesté Waldorf. Et son absence récente avait rendu la vie à Poudlard plus tranquille.

Circé tourna le visage vers la grande salle, alors qu’une myriade de regards se tournait vers eux – mais si Circé devait être plus exacte, elle aurait même cru que c’était Rhys Ddraig que l’on dévisageait ainsi. Elle serra un peu son sac de brioche contre elle, suivant toujours le gryffondor et ce jusqu’à la table rouge et or où elle s’installa, comme si elle avait toujours eu sa place ici, et pour peu, c’était presque vrai. Les gryffondors la connaissaient autant que les poufsouffles, ou presque.

« Une fille, mh » commenta Circé, neutre, avant de pencher la tête d’un air outré, en se mettant à côté de Rhys à table : « mes brioches contiennent très peu de sucre ! Il faudrait en manger au moins une dizaine pour que ça arrive à nuire à tes artères, et encore, même là, j’ai cru comprendre que d’ici deux ou trois ans, le laboratoire magique de Londres devrait réussir à créer une potion de résorption du gras, alors franchement… »

Circé fit rouler quelques brioches en dehors du sachet qui avait aspiré, bien malgré elle, un peu du gras des dites viennoiseries. Si on lui demandait, elle se ferait bien évidemment de mauvaise foi et mettrait ça sur l’huile mise dans les moules pour éviter que ça ne colle aux cuivres des cuisines. Son œil courut sur un gryffondor à droite d’elle qui s’écarta doucement, alors que d’ordinaire, personne ne se faisait vraiment attendre pour venir demander une brioche.

«  Une serpentard qui te plaît » reprit Circé, en détournant le regard, préférant ne pas réfléchir au pourquoi de cet évitement qui lui semblait général (elle avait pourtant pris sa douche, comme tous les matins?), « c’est nouveau, ça. »

Bien sûr ils n’étaient pas tous de sang-purs. Elle eut une petite pensée pour  @Hamza El Mahdi  qui devait faire sa place dans les cachots. Elle se demandait parfois comment se passait l’école, car il est vrai qu’en dehors de Tinworth, ils ne se parlaient pas beaucoup, pour ainsi dire pas du tout. Il aurait même été difficile de dire qu’ils étaient amis, et pourtant Hamza l’avait accompagné un certain nombre de fois sur la plage de la crique, et ils avaient parlé jusqu’à certaines heures quand ils étaient encore tous les deux sans emplois.

C’était elle qui l’avait évité la première, alors elle aurait été bien mal placé de lui reprocher quoi que ce soit aujourd’hui.

« Ca me fait penser - tu as perdu Sobek et Zion ? Ils font la grasse mat' aujourd'hui ? »

Son regard glissa sur la table un peu plus loin, à la recherche d’un peu de jus d’orange pour accompagner les brioches, mais ses sourcils se froncèrent instinctivement en découvrant, un peu partout maintenant qu’elle s’y intéressait, le petit torchon qui ressemblait fort à celui que Chelsea sortait.

« C’est un Chelsea’s Express d'aujourd'hui ? » demanda-t-elle au garçon à sa droite, qui s’était écarté quelques minutes après. Il en perdit tous ses moyens, se demandant s’il voulait être le gars qui avait appris à Rhys Ddraig qu’il faisait partit des joyeux élus pour figurer dans le torchon de la serpentard. Il bredouilla, mais devant la main tendue de la poufsouffle, il ne put rien faire de plus que de lui tendre sa copie. Une fois que Harker l’avait dans les mains, il se leva et quitta les environs, en se demandant si ça n’allait pas lui retomber dessus durant un exercice, dans un cours futur…

« Et elle s’appelle comment, ta jolie serpentard ? »

Circé ouvrit le numéro du Chelsea’s Express, en sentant à sa gauche la tête de Rhys se penchant vers elle, pour lire avec elle les derniers potins du trimestre. Harker espérait à chaque fois passer entre les mailles du filet, ou à défaut, n’être qu’un tout petit dommage collatéral dans les drames que traversaient le château.