A un gustazo, un trancazo. (Morana)

feat.  @Alejandra Montero    



Après le départ d’Améthyste, Morana Cynfeirdd s’était retrouvée à questionner tous les tableaux et les spectres, mais les premiers étaient à une soirée dans le tableau de Circé, située dans le vestibule de Poudlard. Elle y faisait une démonstration de son rouet, mais la discussion avait été courte. Les tableaux n’avaient guère de véritables personnalités, n’étant jamais qu’un fragment de ce qui avait été. Concernant les fantômes, elle apprit un peu plus tard que Peeves fut surpris en train d’importuner un Gryffondor et que tous les autres l’avaient laissé derrière pour se rendre à une cérémonie de Nick Quasi-Sans-Tête.

Avec soin, Morana fit le tour du reste des tours et des possibles témoins, mais elle ne trouva rien, absolument rien. Elle était donc la seule et unique témoin du drame. Restait à savoir désormais ce qu’elle allait faire de cette affaire. Se plier à la volonté d’@Améthyste Miller et de porter au piloris la jeune Montero qui avait fauté à une époque où il ne faisait pas bon d’être un hybride ?

Le professeur termina sa ronde sans un mot et reprit le lent et long chemin de la Tour de Serdaigle où on avait mit son bureau. Elle l’avait redécoré depuis le temps. Enlever les planétariums, pour ne garder qu’une voûte propre, attaquée désormais par des plantes et des arbres qu’on ne trouvait qu’au plus haut des sommets.

Avait-on eu l’idée de mettre pareil créature à cet étage ? Un professeur de botanique dans les hauteurs ? A cette pensée, Morana eut un petit sourire en coin. La porte de son bureau s’ouvrit aussitôt qu’elle l’approcha : le grand corbeau plaqué sur les deux montants ouvrit ses ailes, laissant passer la Cynfeirdd, et ses ailes immenses se refermèrent derrière elle.

La petite silhouette d’@Alejandra Montero était déjà assise sur une chaise, droite, rigide dans toute son arrogance et sa fierté. Morana huma discrètement l’air, alors qu’elle fit le tour, avec la lenteur des prédateurs. Elle n’avait pas besoin de se plonger en elle pour savoir ce qu’elle était venue faire, mais en revanche, toute la retenue de la jeune fille avait de quoi forger le respect. Elle n’en attendait pas moins de cette dernière cela dit, et cela fit plaisir à la Dame brune.

Il y avait au moins quelques chênes parmi la grande prairie de glands qu’elle croisait tous les jours. Des inflexibles, des déterminés.

Morana vint s’asseoir en face d’Alejandra, quelques secondes après qu’elle ait fini de parler. Juste le temps de jeter un œil curieux aux petites fleurs blanches qui dormaient jusque là, de loin. La sorcière vint prendre place dans son fauteuil, jetant un œil au perchoir vide qui trônait à sa droite. Elle semblait indécise. La Directrice de Serdaigle était réputée pour réfléchir à la façon des sphinx : silencieuse et une contemplation mortifère. C’était plus que déroutant, mais elle avait toujours été ainsi. Sinistre sans le vouloir, là où @Maeve Cynfeirdd était plus solaire, plus leadeuse. La lune, et le soleil. Un drôle de complément. La lune, condamnée à la nuit...

« Si vous acceptez toutes les sanctions, il va vous falloir faire une croix sur votre carrière de Quidditch, tout d’abord, et très probablement également sur la poursuite de votre enseignement au sein de notre établissement. Au vu de l’état général de la filleule de Madame Miller, il y a peu de chance que notre Directeur, @Luke Korrigan, ferveur défenseur de ses idéaux, ne ferme les yeux sur un tel acte. Je dirais même, que pour le principe, et l’exemple, vous n’aurez peut-être même pas le temps de dire au revoir à vos amis... »

Le regard bleu glacial de Morana scruta la réaction. Légèrement voûtée au-dessus de son bureau, menton posé sur le revers d’une main négligemment refermée, elle jaugeait la gamine, tentait de lire plus profondément en elle.

La décision que jouait Cynfeirdd aujourd’hui était importante.

Est-ce qu’Alejandra Montero pouvait lui être utile ?
Dans quelle mesure ?
Jusqu’où ?

« Je ne suis pas très intéressée par votre égo, Miss Montero. Défaites-vous de votre arrogance. Nous sommes ici entre gens intelligents, et non des pantins de sentiments encombrants et abrutissants. Dites-moi plutôt ce que vous désirez le plus pour la suite de votre aventure. Est-ce que vous seriez vraiment satisfaite de repartir à Cuba pour finir vos études, sans votre sœur Selma ? »

Morana détourna les yeux. Sur sa petite commode, les fleurs blanches avaient commencé à vrombir, fébriles, prêtes à fleurir. Un sourire fin passa sur les lèvres de la professeur, amusée et satisfaite, sans que rien ne l’explique vraiment.

feat.  @Alejandra Montero    

Il n’y avait pas besoin d’être legilimens pour savoir qu’Alejandra traversait une phase douloureuse, où elle mesurait toute l’ampleur de son geste et des conséquences que celui-ci pouvait avoir. Le professeur Cynfeirdd aurait pu en rester là, juger que c’était une punition bien suffisante, mais à la voir ainsi démunie mais déterminée à se racheter, Morana ne put qu’enfoncer son dos dans le dossier de sa chaise, prenant le temps de la jauger. Ses bras croisés sur son torse, la professeur de botanique garda un silence qui donnait le malaise, mais elle ne le rompit pas, prenant tout son temps pour trouver la solution.

Ses yeux se portèrent machinalement vers le dôme de verre qui laissait entrer la lumière du matin, encore pâle. D’ici on ne voyait plus aucune étoile, mais la demi-fae avait l’impression que le cosmos - si tant est qu’il existait vraiment - lui envoyait petit à petit des morceaux de réponse. D’abord @Rhys Ddraig, et désormais Alejandra Montero.

Quelque chose lui donnait à croire qu’elle s’approchait du but.

« Est-ce que vous avez quelque chose contre les hybrides, Miss Montero ? »

Morana, les bras toujours croisés sous sa poitrine, observait d’un œil la jeune fille. Alejandra était une sang-pur, elle ne pouvait pas ignorer la réputation de la famille Cynfeirdd. C’était une question piège mais la Directrice de Serdaigle savait aussi que la jeune fille était aussi intelligente que cruelle, à bien des égards. Allait-elle suivre la logique et se mettre du côté des chasseurs ? Si elle avait écrit ces mots sur les murs, est-ce qu’il s’agissait d’une véritable haine vis à vis des Longerbane ou une simple petite vengeance vis à vis de Chelsea ?

La Chasseuse avait besoin de savoir, besoin de comprendre. Si pour @Rhys Ddraig, elle n’avait presque eu aucun doute sur lui, la personnalité d’Alejandra lui échappait un peu. Les contours, plus exactement. L’essence même de la jeune femme était très lisible pour une demi-fae comme Morana. Mais les contours, eux, demeuraient instables, confus. Comme si la jeune femme n’avait pas encore pris une vraie direction dans sa vie. Comme si quelque chose l’oppressait de l’extérieur... Une menace importante, significative.

La demi-fae leva la main, faisant voleter jusqu’à elles deux une théière et deux tasses, vides.

Après quoi, elle fit un second mouvement, et un mouchoir en tissu, d’un beau bleu, voleta jusqu’à Alejandra sous la forme d’un oiseau délicat. Il se déplia après s’être posé dans le creux de sa main, l’invitant à essuyer ses vilaines larmes.

« Ne pleurez pas, Alejandra. Je n’ai pas l’intention de vous redonner à Cuba. Vous avez un véritable potentiel. Ce serait un gâchis, surtout pour une petite inscription sur un mur, même si je doute que le corps enseignant de Poudlard, et plus particulièrement @Luke Korrigan, pense la même chose. Lui qui est si... honorable », s’amusa-t-elle à dire, avec une certaine sincérité, avant de laisser la théière servir les deux tasses. « Il y a des âmes plus sensibles que d’autres. »

Elle attendit que la tasse ne vienne à sa main, avant de finalement en boire une petite gorgée. Ses yeux bleus passèrent de nouveau sur Alejandra, la scrutant, lui laissant un petit instant pour retrouver de la substance.

Ne rien dire allait lui coûter, d’autant qu’@Améthyste Miller n’allait certainement pas lâcher l’affaire aussi facilement. Rien qu’y penser lui donnait la migraine... Mais ce n’était pas très important. Ce n’était que temporaire. Elle pouvait bien supporter tout ça quelques mois encore, alors qu’elle s’approchait du but.

« J’ai besoin d’une chose. Une seule. » Morana reposa doucement la tasse dans la petite coupelle qu’elle tenait de son autre main. « Cela fait des années que je cherche un oeuf de corvus merzhinus. C’est un œuf très particulier, car il ne peut être pris à mains nues, mais jusque là, impossible de m’en procurer un. Je sais de source quasi sûre qu’il y en a un ici, à Poudlard. D’après mes sources, il y avait jadis des nids dans la Tour de l’Horloge, mais suite à sa destruction, je redoute que les oiseaux ne se soient réfugiés dans les sous-terrains, car ils nichent aussi parfaitement dans les cavernes et les grottes obscures. A chaque fois que j’y suis allée, je n’ai rien trouvé pourtant, mais je suis certaine que c'est dans les environs. Peut-être que si vous m’en rameniez un, Miss Montero, je pourrais garder à tout jamais le silence sur ce fâcheux accident. »

Un sourire simple et honnête passa sur les lèvres de Morana.

« Notez que ça ne sert à rien de faire appel à votre famille. Cet œuf ne se trouve que sur le territoire britannique et il est très peu connu. C’est une vieille espèce, pas dangereuse pour un sou, mais assez pénible à obtenir, dont on entend parler que les vieilles légendes des familles britanniques. Elle me servirait pourtant grandement dans mes recherches de remèdes médicales, car il va toujours là où la sauge guérit. Enfin, d’après la légende.. »

Morana porta sa tasse à ses lèvres, mais sans y avoir bu, repris, comme si elle avait oublié quelque chose :

« Ce qui me fait penser... Vous y gagnerez plus que mon silence, je pense. Dans votre quête, vous pourriez même y trouver des alliés et des forces pour cette présence extérieure qui vous oppresse tant, Miss Montero. » Son œil se fit plus perçant, avant de finalement avoir ce fameux sourire énigmatique pour lequel le professeur Cynfeirdd était connu. « C’est du moins ce que dit mon thé. »

Ce qui aurait pu être étrange n’était jamais qu’une excentricité de Serdaigle. Alejandra devait en avoir vu des centaines ici, parmi les rangs bleus et argent. Des liseurs de bonne étoile, des augures dans le mare de café... Alors le thé, un peu corsé, pourquoi pas après tout.

feat.  @Alejandra Montero    

Un sourire agréable ourla les lèvres malicieuses de Morana. Elle appréciait toujours quand les élèves posaient de vraies questions, plutôt que de se jeter tête baissée - même si elle aimait tout autant le charme des Gryffondors. Se remettant calmement dans son siège, Morana reposa la tasse vide sur son bureau. La théière se dépêcha de la servir à nouveau.

« Belle, et intelligente. Voilà deux qualités » complimenta simplement Morana, non sans une pensée pour Elaine, « mais ne croyez pas que je vous envois au casse-pipe. Il n’y a aucun véritable danger de mort, ni aucune conséquence que j’entrevois. Quant à savoir pourquoi je ne le fais pas », elle haussa doucement les épaules, « tout simplement car je n’ai pas le temps de courir après un oiseau. »

Morana prit un air amusé et léger.

« Ce n’est pas si compliqué que ça, mais ça demande de la patience et de la persévérance. C’est un bon exercice que je gardais sous le coude pour une punition de taille. Il se trouve que votre écart de conduite tombe bien. Maintenant, vous allez vite comprendre que repérer ce genre d’oiseau et débusquer un nid est une affaire hautement plus chronophage. J’aurai pu le faire quand j’avais vingt ans, mais maintenant que j’ai une vie de famille, je ne me vois pas dire à ma femme que je dois crapahuter dans les décombres de la Tour sur le temps du weekend. Elle est compréhensive, mais en tant que Directrice, je n’ai plus vraiment ce temps de disponible. »

D’une main calme, la sorcière attrapa de nouveau sa tasse et vint en boire une petite gorgée. Morana était tranquille, sereine. Elle s’engageait pourtant à mentir à tout l’établissement, mais cela ne lui paraissait pas si difficile en fin de compte.

« C’est finalement un peu comme une colle, sauf qu’à la fin, au lieu d’avoir des parchemins à me rendre, j’aurai un oeuf. Ce sera plus instructif pour vous, et plus intéressant pour moi. » Morana marqua une pause, avant de hocher la tête d’un air entendu : « Je préfère vraiment les punitions qui ont un intérêt pédagogique. »

Elle jeta un regard vers un petit endroit de son bureau où traînait une boule de verre qui se mit à briller d'une jolie lueur violette, indiquant que quelqu'un était en train de monter les marches vers son bureau. Elle détourna son attention, reposant son regard vers Alejandra, toujours paisible.

« Si vous avez besoin de quoi que ce soit, Miss Montero, vous n'aurez qu'à venir me voir. Nous parlerons de votre avancée au fur et à mesure. »