La belle et la bête

À cinq heures du matin, il n'y avait pas un chat. C'était à cette heure-ci que Rhys avait décidé de se lever chaque matin, mettant de côté la fatigue pour n'écouter que sa discipline. Comme à son habitude depuis début février, il se rendait dans la salle de club des duels pour son petit entraînement matinal. « Allez mon vieux... Nouvelle journée, nouvelle corvée. » C'était sa nouvelle devise. Certains pensaient que c'était un plaisir de s'entraîner. C'était le cas la plupart du temps. Cependant, ce cas précis, c'était une nécessité plus qu'autre chose. Il avait besoin de se vider l'esprit et ça aucun sortilège ni cours n'arriver à lui procurer cette sensation.

Seul l'entraînement au corps-à-corps arrivait à lui vider l'esprit. Prenant un mannequin d'entraînement, il dut avoir recours à la métamorphose pour réussir à le rendre praticable. Sans plus de cérémonie, il enleva son t-shirt, dénudant totalement le haut de son corps avant d'envelopper ses mains de bandages blancs pour amortir les chocs notamment sur ses phalanges. Commençant par un léger échauffement, il ne fallut pas attendre dix minutes avant d'entendre les bruits sourds de ses coups frappant le mannequin. L'heure était parfaite, personne ne viendrait le déranger ici et il pourrait martyriser autant qu'il voulait son adversaire immobile. Ces gestes-là aussi, il les avait pratiqués encore et encore, si bien les coups de poings que les coups de pieds. Il frappait, encore et encore, utilisant chaque muscle qu'il avait à sa disposition. Bien sûr, s'il devait se battre ainsi face à un Sobek ou à un Xris, il perdrait. Jamais le Gallois n'avait eu un physique très musclé, il était sec et athlétique. Cependant, il avait assez de force pour maîtriser tout adversaire de son gabarit et avec un peu de ruse ou de chance prendre des plus gros calibres. Il y avait une légende selon laquelle le petit pouvait battre le grand, David contre Goliath. La réalité était bien différente. Le plus souvent, David perdait.

Si on s'entraînait, c'était pour que David puisse battre d'autres David, ou que Goliath puisse battre d'autres Goliath. En revanche, il était vrai que les miracles arrivaient plus souvent à ceux prêts à les saisir voire les provoquer que les cyniques qui ne voyaient pas d'intérêt à une bonne préparation. Néanmoins, ce n'étaient même pas ces arguments qui poussaient le Gryffondor à rougir ses phalanges à force de coups. C'était un visage qui provoquait cette furie. Un regard, un sourire, une chevelure, une voix, un souvenir. Non, en réalité, même si cela alimentait sa rage, mais ce qui l'avait fait naître était un avenir, une alternative... Un rêve. Il se souvenait du contact de sa peau que ses lèvres embrassaient, regrettant de ne pas avoir goûté aux siennes. Une partie de lui voulait malgré tout croire en cette alternative. Après tout, il pouvait toujours retourner la voir, discuter, poser le problème et juste être amis ? À défaut de plus, il en avait d'autres des amis comme elle, il pouvait très bien se contenter de ça ? Non, la triste réalité, c'était qu'il ne voulait pas d'amitié avec elle.

Il ne voulait pas que cette tension, qui s'était créée dès le premier jour, s'en aille. Mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher de vouloir vomir à cette idée. C'était cette volonté niaise qu'il frappait. Ce lui tolérant qui oubliait qui était son ennemi. Elle était amie avec Waldorf et Dagoniat, elle faisait clairement partie de ceux qui l'avaient maltraité pendant toutes ces années. Elle faisait partie de la même engeance qui se croyait supérieure. Et une partie de lui était prêt à passer outre ? À tenir à ce genre de personne ? Plutôt devoir se balader nu dans la forêt interdite avec un champignon dans le cul et des boursouflet dans les oreilles plutôt que d'accepter ça.

« Putain de sangs purs de merde... »

Laissant la rage le gagner peu à peu, les coups se firent de plus en plus violents, le rouge commençant à percer le blanc des bandages. Il frappait, encore et encore... Un coup à la tête, un coup au torse, un coup au pied, il ne lésinait pas sur les moyens pour évacuer cette rancœur qu'il avait en lui. Des gouttes de sueurs commençaient à perler à plusieurs endroits de son corps alors que ses cheveux étaient encore humides de la rapide douche qu'il avait prise avant de s'entraîner. Cela faisait plus d'un mois jours que c'était arrivé. Un mois qu'il essayait de s'enlever Thalia de l'esprit, sans succès. Pourquoi ne partait-elle pas ? Pourquoi le dégoût ne suffisait pas ? Au lieu de ça, il frappait un mannequin creux qui ne pouvait pas répliquer. Le prochain serpentard qui lui tomberait sous la main avait intérêt à bien se tenir, sans quoi il risquait de se retrouver la tête entre un mur et une porte. Las de ce petit jeu, il leva sa jambe avec force, solide sur son appui, frappa en pleine tête le mannequin qui allait valser jusqu'à l'autre côté de la pièce non sans faire de bruit. Finalement, il avait réussi à maîtriser le high kick. Allant vers sa gourde d'eau, le Gallois entendit un bruit. D'humeur massacrante et sachant que personne ne traînait dans le coin en temps normal, une fois sa gourde d'eau jetée au sol, il se retourna violemment, bras tendu vers la sortie, baguette à la main. Le geste avait été si rapide qu'il aurait difficile pour la personne de voir la lueur rouge sortir de son arme. Un stupefix informulé qui alla s'écraser sur le mur en face du club de duel. Un simple tir d'avertissement indiquant à quel point le garçon avait envie d'en découdre.

« Vous feriez mieux de vous montrer, mains en l'air... Avant que ce ne soit moi qui vienne vous chercher. »

La violence transpirait dans sa voix compensant son souffle court qui lui trahissait l'intensité de son entraînement. Il était loin le doux Rhys qui faisait du charme à la demoiselle qui avait piqué de ses ronces son cœur. Non, là, c'était bel et bien la brute qui parlait, la terreur des quelques Serpentard et sangs purs qui avaient osé le provoquer.

Le Gallois avait réagi instinctivement. Il avait tellement l'habitude de devoir réagir à des attaques que cela en devenait presque triste. Heureusement qu'il était préfet, sinon il aurait sans doute fait pire qu'un tir de sommation. Enfin, si c'était une bande de Serpentard venu pour lui ôter son titre de préfet, il était prêt à leur faire payer chèrement cet exploit. Pourtant, ce n'était pas une bande de brutes, mais une seule personne. Non pas un homme, ni un rival du garçon, mais bien une demoiselle. Une demoiselle qui hantait son esprit et qui le désarmait souvent par le seul souvenir de son sourire. Son cœur se serra à l'en étouffer. Aucun mot ne sortit de sa bouche quand il découvrit son identité. Ni excuse, ni provocation. Il était là, baguette pointée vers elle, le regard incertain. Il se mélangeait sur son visage le tiraillement qui gagnait son cœur.

Sa rancœur avait toujours été son principal moteur, mais là, il y avait autre chose. Une surprise, presque un soulagement de la voir. Même si son cœur le faisait souffrir, il se faisait plus léger. Et alors qu'il était prêt à s'excuser pour son hostilité, Thalia prit la parole en premier. Ce fut une violente gifle. Le sarcasme, le regard... Tout était un retour brutal à la réalité qui fit de sa rancœur la grande gagnante. Elle s'était moquée de lui et elle se moquait encore de lui. Que pouvait-il espérer ? Il s'était fait avoir. Lui, celui qui avait réussi à naviguer en eau trouble sans jamais être désarmé... Il n'avait jamais baissé sa garde. Il avait souvent perdu, mais toujours face à l'ennemi. Là, il s'était pris un couteau dans le dos. Il voulait la faire payer. La faire payer de sa propre stupidité. Comment si une Serpentard pouvait être digne de confiance... Il connaissait quelques exceptions, mais à quel moment avait-il cru qu'elle en était une ? Il la croyait spéciale dans sa manière d'agir, de parler, mais finalement il n'avait été qu'amadoué par ses jolis yeux et ses saillies si piquantes.

Ne la quittant pas des yeux, le Gallois la maintenait en joue. Alors qu'elle s'avançait, Rhys faisait des pas de côté, comme tournant lentement autour d'elle, attendant de voir ce qu'elle ferait. Une dureté dans le regard trahissait son envie de violence. Pourtant, il ne fit rien. En février, il aurait attaqué sans sommation, mais maintenant qu'il était préfet... C'était une autre histoire. C'était ce qu'il se disait alors qu'au fond de lui, il savait que même en février, même sans être préfet, il ne l'aurait pas attaqué, malgré son envie. Pourtant, elle s'y prenait bien pour le provoquer. Elle jouait sur son ego, mais pour une fois, cela le fit rire. Un rire moqueur qui tournait en dérision la question. Quoi ? Elle s'attendait à ce qu'il tombe aussi facilement ? Oui, il avait tendance à se laisser aller à ses envies, mais il avait trop de chaînes qui le retenaient. Ces mêmes chaînes qui faisaient luire cette froideur dangereuse dans son regard, cet air calculateur qu'il arborait et qu'il abhorrait.

« Peur ? De ces consanguins dégénérés ? »

Cette insulte qui lui servait si souvent de cri de guerre, il la cracha comme on lançait un gant au visage d'un adversaire. Pourtant, ce qui était le plus déchirant, c'était que cette phrase n'avait pas été criée, elle ne trahissait pas une émotion qui le submergeait. Non, elle avait été dite calmement avec la froideur de l'acier une fois que le rire s'était étouffé.

« Beaucoup ont essayé. Peu ont réussi. Encore moins si on parle de duel... Un contre un. »

Ce n'était pas de l'arrogance, juste un constat. Peu réussissaient à l'égaler dans le duel et dans l'affrontement physique. Il était un monstre qui n'hésitait pas à mettre à son service les pires violences qu'il pouvait y avoir dans son cœur, ne laissant qu'une porte fermée dans son arsenal. Une porte qu'il méprisait plus que la défaite.

« Et ne t'avise pas de t'avancer plus. Tu crois quoi ? Main bien à découvert, soit pour lancer un sort rapidement une fois ma garde baissée... Ou alors pour que je garde mon attention bien sur ta baguette et que tu puisses me porter un coup avec ta main libre ou une de tes jambes. Ne crois pas que je sois idiot. Je me bats contre les gens de ton espèce depuis que j'ai huit ans. »

Comme pour allier le geste à la parole, d'un simple geste du poignet, il fit jaillir une nouvelle lueur rouge de sa baguette sans un mot. Si Thalia s'y connaissait, elle pouvait facilement reconnaître les allures du maléfice Stupefix. Visiblement, le garçon prenait la chose plus au sérieux que lors de leur précédent duel. D'ailleurs, duel, il n'y aurait pas. Il ne se battait pas contre les filles, même si une partie de son âme voulait se battre contre elle. Pour se venger ? Pas seulement. En réalité, c'était comme si une partie de lui penser que le combat permettrait de mettre au clair les choses, comme s'il espérait que comme lui, elle n'était finalement elle-même que dans un combat. Cependant, encore une fois, trop de chaînes maintenaient le Gryffondor en laisse tel un chien enragé. Et alors que le blizzard continuait dans son regard, une pointe commençait à transpercer la lueur qui en émanait. Ce n'était pas de la rancœur, ni du mépris, mais juste de la peine. Car chaque fois qu'il la repoussait, chaque fois qu'il la méprisait, une partie de lui se blessait à son tour.

« Qu'est-ce que tu fais ici, Böhm ? Me prendre pour un idiot n'était pas suffisant ? Je suppose que tu as bien dû rire avec la princesse Waldorf quand elle a sorti son torchon. Je me suis fait avoir une fois par ton petit numéro. Pas deux. Et dire que je te croyais spéciale... Différente. Par Merlin ce que j'ai pu être stupide. »

Tout chez le Gallois cachait son ascendance. De sa confiance qui n'égalait que celles des sangs-purs imbus de leur lignage à ses expressions qui n'étaient fréquentes que dans le monde sorcier, il était une anomalie parmi les siens. Il connaissait mieux les chocogrenouilles que les Kinder Surprises. Ce qu'il savait de son monde, c'était basé sur ses souvenirs d'avant ses huit ans, ses quelques vacances jusqu'à ses dix-sept ans et surtout des livres que lui avait offert son père. Sinon, il était plus sorcier que moldu. Et la dureté qu'il avait en lui au moment où Thalia se tenait face à lui n'arrangeait rien. Un nouveau rire sans joie lui caressa la gorge alors qu'elle parlait de leur ancien duel. Elle était encore sur ça ? C'était donc ça sa fierté ? Elle se croyait supérieure envers lui, car elle l'avait battu une fois ? Dans un duel amical ? S'il avait sur son ascendance, jamais il n'aurait pris ce duel à la légère. Il l'aurait humilié et lui aurait fait comprendre que sa baguette n'avait rien à faire dans sa main.

« Parce que tu crois que notre duel était un combat sérieux ? On ne combat sérieusement que quand on est en danger. Sérieusement Böhm, réfléchis un peu. Dans quel monde, si j'avais été sérieux, je t'aurais désarmé plutôt que paralysé ? »

Il n'arrivait pas à croire qu'il avait besoin d'expliquer ça. N'avait-elle pas compris ? Il était un monstre et elle l'avait traité avec son amie comme une bête de foire. Sauf qu'à force de le traiter comme un chien, il finissait par montrer les crocs. Continuant de tourner autour d'elle, il finit dos à un mur. Parfait, c'était ce qu'il attendait. Cela le montrait acculé et donc vulnérable. Si elle comptait se montrer agressive, cela la rendrait plus confiante. Une ruse ? Non, juste de la stratégie.

Elle avait perdu le combat avant même de le réaliser. Afin de lui faire comprendre qu'elle n'avait pas intérêt à avancer. Bien sûr, cela ne lui plut pas et elle s'emporta à son tour juste après un compliment. Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Ne voyait-elle pas que cela la rendait encore plus prévisible ? Encore plus faible ? Oh, Rhys avait un sérieux problème pour contrôler ses émotions, il se lançait à corps perdu dans les batailles, mais quand il arrivait à se contenir, à réfléchir, là, il devenait redoutable. Malheureusement pour Thalia, c'était une de ces fois-là. Une des fois où il calculait le risque pour la neutraliser sans qu'elle ne puisse rien faire. Même ses piques devenaient réfléchies.

« Et bien cela nous fait un point commun. Nous sommes tous les deux consanguins... Sauf que moi, c'est en deux mots. »

Une nouvelle provocation, et suite à un nouvel échange, elle fit l'erreur de s'approcher, de mettre fin à la distance qui les séparait. Elle n'était pas collée à lui, mais à assez bonne distance pour faire ce qu'il avait prévu. Bougeant de nouveau sa baguette, Thalia ne put s'empêcher de commencer à agiter la sienne pour se défendre. Préparé, sans lancer de sort, il se servit de sa main libre pour saisir le poignet de la Serpentard afin de la tirer contre lui et la plaquer contre le mur juste derrière. Immobilisant sa main tenant sa baguette, le Gallois se rapprocha d'elle, sans aucune pudeur, assez proche pour rendre inutilisables ses jambes pour empêcher un coup vicieux dans le point faible masculin.

« Je te l'avais dit, non ? Je ne suis pas un idiot. J'ai l'habitude des gens de ton espèce. »

Rhys plongea son regard dans le sien alors que ses doigts se resserraient un peu contre son poignet. Il luttait contre son envie. Laquelle ? Il ne savait pas très bien. Cependant, ne voulant pas jouer avec le diable d'un sort trop vite lancé, il ne la menaça pas de sa baguette sur son flanc. C'était ce qu'il aurait fait en temps normal. Pourtant, même après tout ce qui s'était passé, elle le perturbait. Son cœur battait vite alors qu'il pouvait sentir son souffle glisser le long de son torse.

« Tu crois que je n'ai pas vu clair dans ton petit jeu ? Que je n'ai pas compris... Toi qui viens au club de duel chaque semaine, me demandant encore et encore un duel... Me lançant des piques... Jusqu'à ce que l'article finisse par sortir. Après tout, une fois ton méfait accompli avec la princesse, tu n'avais plus besoin de venir... Tu voudrais me faire croire que c'est une coïncidence ? »

La paranoïa du Gallois était sans doute injustifiée, mais elle prenait racine dans des années de haine... Il avait baissé sa garde avec elle et il l'avait payé chèrement. La voir venir jouer les innocentes l'insupportait. Si elle l'était, pourquoi cette absence ? Pourquoi n'était-elle pas venue s'expliquer ? Au minimum, elle voyait le sang du garçon comme un problème. Or ça, pour quelqu'un qui la pensait différente, ça lui était insupportable. Maintenant, qu'ils étaient proches, qu'il pouvait revoir son regard, sentir son odeur... Il était incapable de garder sa hargne qu'il lui avait balancée au visage. Se prise se fit plus faible si bien qu'elle aurait pu le transformer en jouet. Il en vint à presque détourner le regard d'elle, tel un animal blessé. À quoi bon finalement ? Même s'ils se battaient, même s'il défendait son honneur, il finirait juste déçu.

« En quoi es-tu la victime ? La seule chose que tu peux reprocher, c'est ne pas avoir pris notre duel au sérieux. Désolé, je n'avais aucune envie d'être violent avec quelqu'un que je venais de rencontrer. J'avais juste envie d'apprendre à te connaître, faire un pari débile au risque de le perdre... Tu me semblais spéciale à ce moment-là. Il y avait quelque chose que je n'arrivais pas à expliquer. Mais ce n'était rien d'autre qu'une ruse. »

L'orgueil de la demoiselle semblait blessé alors qu'il énonçait une simple vérité. Une université de bisounours ? Elle avait aussi raison sans doute. Cependant, il ne fallait pas confondre la chevalerie et la brutalité. S'il fallait pouvoir se défendre, ce que ne permettait pas l'école, il fallait aussi avoir un certain code. Or dans celui du Gallois ne figurait pas le fait de maltraiter une demoiselle. En réalité, pour le garçon, il ne fallait jamais s'en prendre aux femmes physiquement. Ce qui était, à bien des égards, sexistes. Aussi un poil hypocrite vu son hostilité présente. Néanmoins, Thalia ne pouvait pas comprendre. Elle qui était Allemande et donc avait connu Dumstrang, elle n'était rien d'autre qu'une barbare sans aucune civilité.

« Oh pardon d'être dans une université civilisée qui, elle, autorise des nés-moldu... C'est vrai que tu ne dois pas avoir l'habitude ! »

Ce n'était que du venin, répandu contre elle de manière gratuite. Cela lui permettait de garder le contrôle, continuer de l'attaquer. On pouvait dire qu'il ne se ménageait pas. Sa langue se faisait plus tranchante qu'un Sectumsempra. Puis l'affrontement verbal laissa place à l'affrontement physique qui ne fut rien d'autre qu'une danse contre le mur. Leur corps se rapprochant, leur souffle se mêlant, le venin n'en était que plus fort. Alors qu'elle lui indiqua qu'il ressemblait plus qu'il ne croyait au sang pur, le poing tenant sa baguette percuta avec violence le mur alors que la haine brûlait, pour la première fois sans partage, dans son regard. Le choc avait été violent et le bruit indiquait clairement la douleur que devait ressentir le garçon pour cet accès de rage. Pourtant, rien n'indiqua un sursaut de douleur sur son visage qui restait impassible, figé dans son mépris. Après tout, il avait plus que l'habitude de cette sensation. Poudlard un endroit pour bisounours ? Seul un sang-pur pouvait dire ça.

« Ne redis jamais ça. Tu ne sais pas de quoi tu parles. »

Pourtant, sa voix disait autre chose. Elle se faisait autoritaire et n'appelait à aucune discussion tel un patriarche qui rappelait son autorité. Il ne rappela pas qu'il avait l'ascendant, il ne rappelait pas qu'il était capable de la défaire, car un roi qui disait en être un, n'avait rien d'un roi. Or, c'était pour ce qu'il se prenait, bien que sans couronne, il se voulait chargé d'une autorité par ses seuls mérites, sa seule force et une noblesse par son seul code. De plus, il se savait aussi pourri de l'intérieur par les graines du mépris et de la haine. Cependant, cela ne dura pas, perturbé par la demoiselle dont il se lamenta qu'elle ne fut rien d'autre qu'une traîtresse rusée, une vipère dont il n'aurait jamais dû écouter les sifflements. Il ne fallut pas plus pour que la jolie fleur inverse la tendance, son bras contre la gorge du Gallois. Elle le traita de menteur, l'accusant d'être un chasseur qui ne faisait que courir sa proie. Rhys aurait dû être blessé, mais en raison de l'intensité de la situation, il ne put s'empêcher de rire à gorge déployée contre un bras visiblement bien souple dans sa prise.

« Un tableau de chasse ? Tu es mauvaise menteuse pour cacher ta ruse ma petite vipère. »

Pour le Gallois, il était vraiment impossible que l'on le prenne pour ce genre de personne. Oh, il s'amusait, cela était certain. Il était peut-être pire qu'Apolline, mais il n'était pas du genre à jouer avec le cœur des femmes. Comme lui avait appris son amie, il avait toujours été clair et jamais il n'avait fait miroiter monts et merveilles à celles qui avaient partagé son lit. Et surtout, il avait une infinie tendresse pour ces moments qui lui permettaient, le temps d'une nuit d'oublier le poids qu'il ressentait constamment sur son cœur. Pourtant, malgré toute cette tendresse, aucune fille n'avait piqué son intérêt, comme l'avait Thalia, rendant son accusation encore plus grotesque.

« Comme si je considérais les femmes comme des proies... Au risque de froisser un principe sang-pur, les gens ne sont pas des objets. J'ai trop de respect pour ces personnes pour les voir comme des trophées. Et puis même si imaginons que je fus ce genre de personne... Tu n'as jamais été une femme que je mettais dans cette catégorie... Tu es... Tu aurais été spéciale, si tu n'avais pas été... Enfin bref. Nous ne jouons vraiment pas dans la même cour. »

Sans prévenir, il bougea brusquement. Et si la demoiselle arrivait à contenir son visage et son bras armé, elle n'avait pas réussi à l'empêcher de bouger ses jambes comme lui l'avait fait. Il en plaça une autour de sa jambe droite comme un serpent, puis laissa une seconde charge faire le reste du travail, aidé par la gravité et la perte d'équilibre. S'il avait été contre un homme aussi musclé que Sobek ou Xris, il n'aurait jamais pu inverser la tendance. Heureusement, même si Thalia était plus forte que les demoiselles de son âge, Rhys était lui aussi plus fort que la plupart des hommes de son âge.

Pourtant, alors qu'il la faisait tomber, soit parce qu'elle l'entraîna avec lui ou parce que son cœur ne supporta pas l'image de sa chute, il lia son destin au sien accompagnant à son tour la gravité jusqu'à destination du sol. Il arriva à se rattraper avant de tomber, sa main gauche contre le sol, la droite tenant l'arrière du crâne de la demoiselle à quelques centimètres de la pierre. Leurs visages n'étaient plus qu'à un mouvement l'un de l'autre. Son cœur battait contre le sien au rythme des flammes qui dansaient dans ses yeux. Ce n'était plus de la haine, ni de la déception. Il y avait un soupçon de résignation qui contenait son désir. S'il avait voulu, il aurait pu essayer de mettre un terme à ce combat. Sans doute, ne l'aurait-il pas gagné, car une chasseuse n'était pas une combattante à prendre à la légère. Pourtant, il n'avait même plus envie de gagner.

« Tu es une chasseuse qui fait couler le sang des créatures magiques, non ? Moi... Ce sont les sorciers de sangs-purs mes proies... Poudlard n'est un endroit de bisounours seulement parce que tu as le bon statut et les bons amis Thalia... »

La voix était désormais calme, reprenant le ton qu'ils avaient laissé à Pré-Au-Lard, mais chargé d'une tristesse teintée de détresse. Pour la première fois depuis ce rendez-vous, il l'avait rappelé par son prénom... Après tout, même en mettant de la distance elle se rapprochait, même en mettant de la distance, il sentait les épines de cette fleur contre son cœur. Lui, qui disait qu'elle avait perdu ce combat depuis qu'elle était rentrée dans la salle, lui avait perdu la guerre. Peu importait la haine qu'il lui lançait au visage, il n'arrivait pas à foncièrement la détester et il ressentait ce besoin constant de se justifier. C'était malsain, car même si elle le pardonnait, lui ne pourrait pas la pardonner.

« Tu devrais partir. Je n'ai pas envie de me battre contre toi... C'est un combat que je n'ai pas envie de gagner. »

Et sur ces mots, il commença à déposer lentement sa main droite vers le sol dans l'espoir de se détacher de son emprise.

Durmstrang n'acceptait pas les né-moldu. Cela avait toujours été une injustice qui avait horripilé le garçon qui avait perdu foi dans la communauté magique internationale au moment de cette découverte. Pour lui, une communauté qui acceptait encore une école où on enseignait la magie noire et l'exclusion d'une partie de la population devait tout simplement périr par les flammes ou la réforme. C'était l'un ou l'autre. Il avait déjà choisi sa voie au moment où il décida d'entrer en politique un jour. Il savait à quel point la violence était creuse de tout sens dans ce genre de cas.

« Ah bon ? Pourtant, je suis sûr que si j'étais allé, moi, j'aurai été un de leur meilleur étudiant, pour ne pas dire le meilleur. Vous autres les sangs purs avaient trop tendance à vous reposer sur vos acquis. Vous n'avez aucune créativité si ce n'est celle de votre décadence. »

Le mépris gagnait en importance jusqu'à trouver son point culminant alors qu'elle le comparait à un sang pur. Son poing s'éclatant sur le mur permis à la douleur de calmer sa colère. Il lui intima l'ordre de se taire, mais plutôt que d'éteindre la flamme du défis qui brûlait chez la demoiselle cela l’attisa. Bien sûr qu'elle savait de quoi elle parlait quand il s'agissait de sang-pur. Elle en était une elle-même. Pourtant, Rhys continuait de rejeter cette idée. Pas seulement pour lui, mais aussi pour elle. Son cœur ne supportait pas de s'être ouvert à une demoiselle qui s'avérait être de cette engeance. Bien sûr, il avait pas mal d'amis sangs-purs... Mais... Chaque fois, il avait arrêté de leur porter tout intérêt romantique. Même intime d'ailleurs, la seule exception ayant été Apolline sur ce dernier point. Non définitivement, cela aurait été plus simple si elle n'avait été qu'une né-moldu.

« Non, tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu ne sais pas ce qu'ils m'ont fait... Je ne suis pas comme eux, comme vous. Je me bats contre eux, depuis Cracbadaboum jusqu'à maintenant... Les consanguins sont toujours les mêmes. »

Même si la rage avait baissé en intensité, ses mots étaient toujours plus tranchants que la lame de Gryffondor. Il était rare pour un né-moldu de connaître autre chose que Poudlard, surtout pas ces temps. Pourtant, dans le cas de Rhys, il avait fait presque tout son cursus ici. Il était bien connu que Cracbadaboum était l'école primaire de Grande-Bretagne... Tout comme il était connu que c'était surtout les sangs-purs et sang-mêlés qui y allaient. C'était une petite communauté, bien moindre que celle du château qu'il habitait actuellement. De ce fait, dès sa plus tendre enfance, il avait été rejeté et jugé comme un étranger. C'était aussi ce qui faisait sa différence avec les autres né-moldu.

Qu'il était facile de prendre sur soi quand on y entrait une fois adulte, avec une possibilité d'avoir sa vie entre les deux mondes. Cependant, il n'ajouta rien, se faisant maîtriser à son tour, à la merci de la demoiselle. Elle ne semblait pas comprendre ce qu'il entendait par la notion de principe de sang pur. Ils ne considéraient pas les gens comme des objets ? Ah ? Donc le registre de né-moldu sous le seigneur des Ténèbres ? Mais visiblement, l'Histoire n'était pas son fort puisqu'elle ne savait même pas qu'il existait des fourchelangue sang-mêlé.

« Pas comme des objets ? Peut-être moins qu'avant, vous ne vous en servez plus comme sac de frappe, même si mon corps aurait une ou deux contestations à ce sujet. Quoi ? Tu ne croyais quand même pas que j'étais devenu bon juste par de la théorie ? Bref, pas des objets, mais l'expression à la mode, c'est celle de voleur de magie... C'est mieux, c'est vrai. »

Le ton moralisateur masquait le déchirement qu'il avait à lui parler ainsi. Même lorsque, telle une danse, il renversa la situation, Rhys ne pouvait rien faire d'autre qu'abandonner. Pas parce qu'il ne voulait plus gagner, mais surtout par son incapacité à le faire. Il était impuissant, et même si sa colère pouvait alimenter chacun de ses actes et chacune de ses paroles, une victoire signifierait forcément une défaite. Peu importait ce qu'il ferait, il ne pourrait être heureux de cette rencontre. Pour la première fois depuis très longtemps, sa colère et sa rage le désertèrent pour ne laisser dans son cœur place qu'à la résignation.

Il allait la laisser filer, la laisser tomber, avant qu'elle ne se charge de relancer ce combat pour réclamer la victoire. C'était du moins ce à quoi il s'attendait alors que la douleur à son crâne faisait résonner les paroles de la demoiselle. Sentant la baguette de la demoiselle contre son cou, pendant qu'elle prenait position de manière assez suggestive, cela acheva la confusion dans le cœur du jeune homme qui désormais devait en plus lutter contre son désir pour elle qui se faisait presque pressant. Et elle voulait se battre ? Dans quel monde elle vivait. Il avait connu ce genre de position, mais ce n'était certainement pas pour un combat.

« Difficile d'oublier que tu es une femme dans cette position Thalia ! Tu ne me facilites vraiment pas la tâche. »

La voix était presque amusée, faisant oublier toute la colère passée. Pourtant, elle visage juste à l'insulte de sang de bourbe. Pendant un instant, la flamme se rallume dans le regard du garçon. Pourtant, rien. Elle s'éteignit aussi vite. Pourquoi ? Rhys avait des problèmes de gestions de la colère, il savait ce que l'on pouvait dire quand on était soumis à cette dernière. Mais surtout, il savait que Thalia aurait pu déjà gagner, l’assommer. Elle n'était pas du genre honorable à attendre que l'on se batte en retour, elle l'avait prouvé lors de leur premier affrontement. Non, ce qu'elle cherchait, c'était une raison de se battre, car aucun des deux ne voulait le faire. Comprenant l’ironie de la situation, Rhys ne put s’exclamer d'un rire sans joie, montrant toute sa résignation.

« Sérieusement... Ma petite vipère... La ruse ce n'est pas ton truc. »

Cette phrase avait pour seul but de l'énerver. Quelqu'un d'énervé était plus brouillon, ralentissant sa rapidité avec sa baguette. Et même si elle ne tombait pas dans le piège, se retenir forçait la personne à prendre un instant de réflexion. Instant qui serait fatal. Encore une fois, la chasseuse avait fait une erreur. L'arme des sorciers n'était pas faite pour le corps-à-corps et encore moins de face. Surtout pas face à quelqu'un d'aussi vif que Rhys qui alors qu'elle était encore surprise lui saisit le poignet pour l'écarter de sa gorge. Tordant légèrement sa main jusqu'à lui faire lâcher son arme, il étira son bras gauche pour récupérer sa propre baguette, la collant sur le flanc de la demoiselle.

« Stupefix. »

Elle était désarmée, impuissante, sans aucun moyen de se défendre ou d'esquiver. Pourtant, elle ne fut pas touchée par le sort, car cette fois-ci, alors qu'il avait bien prononcé la formule, aucun lueur ne partit de sa baguette. Elle n'avait pas bougé.

« Tu vois... Je n'ai pas envie de gagner. J'ai déjà perdu. Je t'ai déjà perdu Thalia... »

Ce n'était plus le Gryffondor qui parlait. Chacun de ses mouvements, chacun de ses mots donnait raison à la demoiselle quand elle le qualifiait de Serpentard. Elle qui avait voulu le manipuler, elle n'avait pas vu qu'elle était désormais échec et mat. Elle allait forcément devoir se plier à ses règles, car il n'y aurait pas de combat, simplement une exécution qui permettrait à Rhys de la plonger dans l'ignorance. Pour accompagner sa voix résignée, le bruit du bois contre la pierre se faisait entendre, par ce simple mouvement, il montrait qu'il renonçait. Pourtant, avant de relâcher Thalia, il l'attira légèrement vers lui afin que sa tête finisse par pencher vers la sienne, mélangeant de nouveau leur souffle alors qu'elle retrouvait l'usage de son bras.

« Je ne me battrai pas contre toi... Pas parce que tu es une femme... Ou parce que tu n'en vaux pas la peine... Mais parce que même si je gagnais... Je perdrai. Je ne te demande pas de comprendre. Alors maintenant, tu as le choix... Gagne, ou fuis, avant que nous ne perdions tous les deux.»

Cette fois-ci, plutôt que de fuir, Rhys releva légèrement son buste diminuant les quelques centimètres qui les séparaient, rapprochant dangereusement leur visage. C'était la dernière ruse qu'il avait en stock, plus vicieuse que celle de la demoiselle. Car lui, il était prêt à allé au bout de sa menace, les lèvres commençant à se frôler. Il commençait à devenir évident que cette fois-ci, il ne se détournerait pas au dernier moment, forçant la décision de la demoiselle qui pouvait entendre le cœur du garçon battre au rythme du sien.