Chronologie
05 juin 2001 : Naissance d'Amicia, à Sharri (Kosovo).
Juillet 2009 : Première manifestation magique : durant un entraînement, elle plantera par erreur une flèche enchantée dans la fesse droite de son père.
Année 2011 : Pendant sa dernière grossesse, la mère d'Amicia est maudite par un puissant maléfice de magie noire, ce qui marqua à jamais le destin de son enfant.
Novembre 2011 : Naissance de Basilius, à Sharri.
Année 2014 : Dès son plus jeune âge, la magie de Basilius se révèle instable, culminant en son évolution en obscurial après plusieurs incidents.
Septembre 2018 : Première année à Poudlard. Elle intègre la maison de Gryffondor.
Année 2019 : Troublemaker : écopera de
trop nombreuses heures de détentions. On lui mettra un avertissement après qu'elle ait profité d'un guet-apens de tarentules dans la salle commune de Gryffondor pour dérober plusieurs baguettes magiques pour s'amuser.
Mai 2020 : Amicia est en fin de deuxième année : ses parents décèdent à la suite d'une infiltration de chasseurs sur leur territoire. Elle ne reviendra pas à Poudlard, elle quitte l'Europe avec son frère pour sa protection.
Année 2020-2022 : Voyages à travers le monde. Durant cette période, elle fait la rencontre de Naïri Romanez. Une rencontre qui changera la face de sa vie, elle trouve en elle ce qu'elle cherche depuis bien longtemps. Un cœur abîmé par une malédiction, mais qui aime sans concession. Elle reste en mouvements avec Basilius et sa Magistra jusqu'à s'établir en Amérique du Sud en Mai 2021.
Septembre 2021 : Rentrée à Castelobruxo en quatrième année. En Juillet, l'obscurial de Basilius détruit une partie d'une aile et Amicia décide avec sa Magistra de s'installer quelques temps dans une colonie de dragonniers qu'elle connait bien en Islande.
Septembre 2022 : Reintégration à Poudlard en cinquième année. Elle ne finira pas complètement l'année mais reviendra en juin pour passer ses ASPICS.
Septembre 2023 : Rentrée en sixième année à Poudlard, début des MULOTS.
Welcome to my life.
We're just kids.
Sous un ciel d’été éclatant, alors que le soleil réchauffait la terre de ses rayons dorés, Basilius et Amicia se lançaient dans l’une de leurs aventures secrètes, loin des regards inquisiteurs des adultes. Ils avaient trouvé refuge dans une clairière cachée au cœur de la forêt qui bordait leur demeure. Cet endroit était leur royaume, un monde secret où seuls eux deux existaient, libres de laisser libre cours à leur imagination débordante.
La clairière était baignée d’une lumière douce, tamisée par les branches des arbres centenaires qui se courbaient au-dessus d’eux comme pour les protéger. Le sol était tapissé d’une herbe moelleuse, parsemée de fleurs sauvages aux couleurs vives, et un ruisseau cristallin serpentait entre les rochers moussus, chantonnant une mélodie apaisante. Le monde semblait figé dans une éternelle jeunesse, où les soucis du quotidien n’avaient pas leur place.
Amicia, imperturbable Merlin en chef, avait décidé que cette journée serait consacrée à l’entraînement de Basilius à l’art de la sorcellerie. Son frère d’une dizaine d’année son cadet, la regardait avec une adoration mêlée d’impatience. A ses yeux, Amicia était non seulement sa sœur, mais aussi une sorte de guide dans tous les mystères du monde magique. Basilius, était ce trésor fragile qu’elle chérissait plus que tout, et malgré sa détermination à le rendre fort, elle ne pouvait s’empêcher de le couver du regard, toujours prête à l’attraper s’il trébuchait.
Ce jour-là, elle avait trouvé une baguette magique pour Basilius, une branche tombée d’un vieux chêne qui, selon Amicia, était « parfaitement enchantée ». Hilarante, elle l’était, on vous avait prévenu. Elle l’avait ramassée avec une solennité exagérée, un sourire espiègle aux lèvres, et lui avait tendu avec tout le sérieux du monde. Leur monde.
« Très bien, monsieur le sorcier » avait-elle dit, imitant le ton grave de sa Magistra,
« voici votre baguette. Soyez-en digne, et surtout, ne transformez pas votre sœur en crapaud. » Basilius éclata de rire, une cascade de sonorités cristallines qui résonnèrent joyeusement dans la clairière. Il avait attrapé la branche avec des yeux brillants d’excitation, la brandissant comme un trophée. Amicia, les mains sur les hanches, l’observait avec une fierté feinte, tandis qu’elle l’encourageait à lancer son premier sort.
« Alors, que veux-tu faire apparaître, grand sorcier Basilius ? » demanda-t-elle avec une exagération théâtrale.
Le garçon plissa les yeux, le front froncé par la concentration. Il balaya du regard la clairière, à la recherche d’une idée. Puis, son visage s’illumina. Il brandit la branche devant lui et déclara d’une voix décidée :
« Je vais faire apparaître… une armée de grenouilles ! » Amicia étouffa un rire. Elle hocha la tête avec une gravité feinte.
« Très bien, très bien. Alors, vas-y, montre moi ce que tu sais faire. » Basilius fit un grand geste avec sa baguette improvisée, comme il avait vu faire durant les entraînements d’Amicia, et prononça une série de mots incompréhensibles avec une détermination farouche. Amicia, jouant le jeu, se recula légèrement, comme si elle craignait l’apparition soudaine d’une horde d’amphibiens déchaînés. Mais au lieu d’une pluie de batraciens, ce fut un éclat de lumière qui jaillit au bout de la baguette – ou plutôt un rayon de soleil qui perça les feuillages à cet instant précis, illuminant le visage de Basilius avec une intensité quasi magique.
Le garçon étonné par ce qu’il croyait être le résultat de son sort, laissa échapper un cri de surprise et de joie.
« Amicia, tu as vu ça ?! J’ai fait de la lumière ! » Amicia, les yeux pétillants de malice, s’approcha de lui, s’agenouillant pour être à sa hauteur.
« Oui, c’était… spectaculaire, Basilius, » dit-elle, son sourire plein de tendresse.
« Mais la prochaine fois, essaie de viser un peu plus bas. Je ne suis pas sûr que les grenouilles apprécient d’apparaître en plein ciel. » Basilius rit de bon cœur, et dans l’euphorie du moment, il se jeta dans les bras de sa sœur, l’enveloppant dans une étreinte spontanée. Il enfouit son visage dans son ventre, laissant échapper un petit rire étouffé. Amicia, surprise par cet élan d’affection, vacilla légèrement avant de retrouver son équilibre. Elle l’enveloppa à son tour de ses bras, une chaleur douce envahissant son cœur. Sans un mot, elle déposa un baiser tendre sur le sommet de sa tête, fermant les yeux pour savourer cet instant de pure tendresse.
Ils restèrent ainsi un moment, bercés par le chant des oiseaux et le murmure du ruisseau, dans une bulle de sérénité où seul comptait le lien indéfectible qui les unissait. Le soleil continuait à baigner la clairière de sa lumière dorée, les entourant d’une aura de chaleur, comme si le monde entier les protégeait de tout mal. Finalement, Basilius desserra son étreinte, mais il resta proche d’elle, ses grands yeux bruns fixés sur sa sœur avec une confiance absolue.
« Amicia, et si on essayait de faire apparaître un dragon, maintenant ? » dit-il, une nouvelle lueur d’excitation dans le regard. Amicia éclata d’un rire clair et cristallin qui résonna à travers la clairière, un son pur et joyeux qui semblait faire danser les feuilles des arbres. Elle posa ses mains sur les hanches, le regard malicieux.
« Un dragon, hein ! Très bien mais ce sera toi la jouvencelle en détresse ! » C’est en s’égrenant dans un tourbillon de rires qu’Amicia tenta de semer son frère. Elle parvint à le maintenir à distance jusqu’à ce qu’elle mette un pied dans la rivière. Et alors que leurs rires se mêlèrent au chant du vent, elle sentit leur cœur battre à l’unisson, et pendant quelques heures enchantées, ils étaient les maîtres d’un royaume secret, unis par un lien que rien ne pourrait jamais briser. Deux âmes qui se comprenaient sans un mot, qui s’aimaient sans condition, et qui trouvaient dans les yeux de l’autre la promesse d’un bonheur à jamais partagé.
In the shadows.
Le ciel s’était drapé de ténèbres profondes, un linceul noir zébré d’éclairs lointains, annonçant l’orage qui couvait depuis des heures. Le vent soufflait en rafales, emportant avec lui les derniers vestiges de chaleur de cette journée sombre. La nature semblait sensible aux alertes de ce jour, comme si le monde s’étiolait en même temps que le cœur des Dragas. Les membres du clan, figures fantomatiques dans la pénombre, se tenaient en silence, leurs regards pesants mais distants, incapables de comprendre la tempête intérieure qui ravageait leur héritière.
Amicia elle, était figée, le regard perdu dans les flammes qui dévoraient le bûcher funéraire. Son corps se tenait droit, mais son esprit flottait ailleurs, prisonnier d’un néant sans fin. Chaque souffle qu’elle prenait lui semblait une trahison, une insulte à la mémoire de ceux qui l’avaient quittée. Elle était là, debout, mais elle n’était plus qu’une ombre d’elle-même, dépossédée de sa propre existence, comme suspendue entre deux mondes. Tout ce qu’elle avait connu, tout ce qu’elle avait aimé, se consumait devant elle, et pourtant, elle ne parvenait pas à réagir, à crier sa douleur, à pleurer ses morts. Le monde s’était arrêté.
Le murmure des saintes paroles autour d’elle était un bruit lointain, un chuchotement indistinct qui se perdait dans le rugissement des flammes. La pluie, d’abord hésitante, commença à tomber en fines gouttes, comme un prélude à une symphonie de douleur. Mais même la caresse glaciale de l’eau sur sa peau ne la réveilla pas de son état de choc. Elle était là, visage impassible, les yeux fixés sur l’incendie qui achevait de réduire en cendres tout ce qu’elle avait de plus cher. Le feu crépitait, dévorant avec une lenteur cruelle les corps de ses parents, les derniers vestiges de leur existence.
Soudain, une petite main glissa dans la sienne. Ce contact fragile, presque imperceptible, fut comme un fil tendu entre la réalité et le gouffre dans lequel elle se perdait. Amicia baissa lentement les yeux, ses paupières lourdes comme du plomb, et croisa le regard de Basilius. Ses grands yeux, habituellement remplis de curiosité enfantine, n’exprimaient maintenant que peur et tristesse, un mélange déchirant qui fit vaciller les dernières défenses d’Amicia. Elle sentit son cœur se serrer, une douleur vive qui la ramena brusquement à la surface. Pour lui, pour cet enfant qui avait tant souffert, elle devait tenir bon.
Elle serra sa petite main dans la sienne, aussi fort qu’elle le pouvait, puis se tourna vers le dragon de sa mère. Elle murmura un petit mot, d’une voix éteinte, comme un souffle perdu dans l’immensité. Le dragon, fit écho à son ordre dans un rugissement qui résonna à travers les montagnes environnantes. Ses yeux, deux flammes incandescentes, fixèrent les corps étendus avant qu’il n’ouvre sa gueule, libérant une vague de feu qui se déversa sur le bûcher. Les flammes, déjà vigoureuses, s’intensifièrent, enveloppant les corps d’une lueur rougeoyante et féroce.
Amicia resta immobile, le visage inexpressif, alors que la chaleur des flammes atteignait son visage. Elle regardait les flammes, fascinée et horrifiée à la fois, incapable de détourner le regard. Ses parents disparaissaient peu à peu dans ce brasier, mais l’image de leurs visages restait gravée dans sa mémoire, obsédante, impossible à effacer. Elle voulait hurler, pleurer, crier sa douleur au ciel, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle était emprisonnée dans son propre silence, un silence plus assourdissant que n’importe quel cri.
La pluie redoubla d’intensité, des gouttes lourdes et glaciales martelant le sol, frappant son visage, ses cheveux, ses vêtements. L’eau ruisselait sur elle, se mêlant à la sueur froide qui perlait sur sa peau. Mais elle restait là, plantée dans le sol comme un arbre au milieu de la tempête, incapable de bouger, incapable de quitter ce lieu où elle perdait tout. Le monde entier pourrait s’effondrer autour d’elle qu’elle n’en aurait rien ressenti. Le poids de son chagrin était si lourd qu’il l’écrasait, lui coupant le souffle, comprimant sa poitrine dans un étau de douleur.
Le temps se distendit, chaque minute s’étirant comme une éternité. Les autres membres du clan s’éloignèrent peu à peu, se retirant dans le silence respectueux de ceux qui savent que rien ne peut apaiser une telle peine. Ils la laissèrent seule, face aux cendres de ses parents, seule avec la pluie et le feu mourant. Son dragon, fidèle compagnon, restait à distance, ses yeux perçant l’obscurité, guettant le moindre signe de son humaine. Mais Amicia ne bougeait toujours pas. Elle était une statue de douleur, figée dans l’instant, incapable de se libérer de ce cauchemar. Pendant que son esprit se torturait avec ce qu’il aurait pu exprimer.
I feel drunk on you. And tonight, even my voice wabbles. It chokes, subscribes and draws from your absence. It doesn’t go out because outside it’s pouring and its strings no longer vibrate. I am mute, orphaned from your embrace. Drunk, on this bitter distance. From the dizziness that has me spinning in circles and my head. I miss you. Or you are missing from me. My head burns with a fireball in my stomach. I wish so much that all this was simpler. That the walls would stop shaking, that my steps would stop limping, but there’s no remedy, no glass of water that could heal my hungover heart. It sounds hollow when you’re not here, you know ? And though, I scream that your distance burdens me. Without you, I’m just this handsome fool speaking to this echo. How can one single person be both breathtaking, and the only breath that doesn’t suffocate me ? I’ve even come to loathe clocks for being friends with this tomentor of time that sentences me to watch it pass far from you. I lack you. Finalement, après ce qui lui sembla être une éternité, Amicia trouva la force de murmurer, d’une voix brisée, les mots qu’elle n’avait pas pu dire jusqu’à alors.
« Au… » Sa voix se perdit dans le fracas de la pluie, fragile, presque inaudible, déranger par une voix familère.
« Amicia ! » Elle qui commençait seulement à laisser échapper ces adieux tant retardés, une ombre s’avança derrière lui, l’arrachant trop violemment à ce moment. Son oncle, une figure sombre et imposante, émergea de l’obscurité. Il n’y avait ni douceur, ni compassion dans ses yeux, seulement la froideur rigide de celui qui avait déjà tout planifié. Sa voix trancha l’air comme une lame.
« Amicia ! Il est temps ! » Le sang de la sorcière se glaça. Comment pouvait-il oser ? Comment pouvait-il troubler ce moment sacré, ce dernier lien qui la retenait encore à ses parents ? Elle ne tourna pas immédiatement la tête vers lui, ses lèvres tremblantes de froid cherchant les mots.
« Pas maintenant, » parvint-elle à articuler, chaque mot un effort herculéen, chaque syllabe un combat contre la rage qui montait en elle.
Mais son oncle ne comprenait pas, ou ne voulait pas comprendre.
« C’est important. Le moment est venu. Nous devons parler de l’avenir, du tien et de celui de Basilius. Il est temps que tu prennes tes responsabilités au sein de la famille. » Ces mots étaient comme un poison qui se diffusait lentement dans ses veines, une trahison insupportable en ce moment de vulnérabilité. Elle tourna enfin son visage vers lui, ses yeux habituellement si vifs et doux maintenant éteints, mais brûlant d’une colère contenue.
« Ce n’est pas le moment, » répéta-t-elle, la voix basse mais claire. Il ne se laissa pas détourner.
« Amicia… Tes parents ont laissé trop de temps passé. Je ne te laisserais pas te complaire à faire de même. Tu dois prendre la place qui est la tienne. Quant à Basilius, il n’a pas sa place ici. Il doit partir. Pour sa sécurité, pour la nôtre. Tu le sais aussi bien que moi. Maintenant, qu’ils ne sont plus là… » C’était la goutte de trop.
Sans qu’elle ne le décide consciemment, sa main vola dans l’air et frappa le visage de son oncle avec une force qu’elle ne soupçonnait pas. Le bruit du choc résonna dans l’air humide, comme une détonation. Elle se figea, le souffle court, et les mots jaillirent de sa bouche comme un torrent libéré de ses digues.
« Je t’ai dit que ce n’était PAS le moment ! » Sa voix se brisa, chaque mot tremblant de colère et de douleur.
« J’ai besoin de temps ! Laisse-moi tranquille ! » Mais il ne bougea pas, ne fléchit pas, son regard dur fixé sur elle.
« Nous n’avons plus de temps ! Tout ça dure depuis bien trop longtemps ! Tu vas diriger ce clan, Amicia. Tu vas devoir prendre des décisions. Et le temps n’est pas une chose que… » Un rire amer, désespéré, s’échappa de ses lèvres, un son si incongru en ce lieu de mort qu’il en paraissait irréel.
« Diriger ce clan ? » Elle planta son regard dans celui de son oncle, ses yeux remplis de larmes qu’elle refusait de laisser couler. Surtout pas maintenant.
« Que m’importe ce clan ? Que m’importent ces terres, ces responsabilités ? Basilius… Basilius est tout ce qui me reste. Rien n’a plus de valeur à mes yeux. Rien. » Son oncle resta silencieux, les rides de son visage se creusant davantage sous le poids de la déception. Il voyait en elle l’héritière du clan, mais elle n’était plus l’adolescente qu’il avait connue. Elle était brisée, refaite, et dans ses yeux, il ne voyait que la flamme d’une détermination nouvelle, farouche, indomptable.
« Amicia, » commença-t-il, d’une voix plus douce, comme pour tenter une dernière fois de la convaincre.
« Ta place est ici. Je vais avoir besoin de toi. » Mais elle secoua la tête, et les premières larmes, enfin, commencèrent à glisser le long de ses joues, se mêlant à la pluie qui s’écrasait sur son visage.
« Non. Ma place est là où est Basilius. Il est ma famille. S’il doit partir, je partirais avec lui. Restez ici, gardez tout ce que mes parents ont laissé derrière eux. Cela ne signifie plus rien pour moi. » Pas sans eux. Le silence qui suivit était dense, lourd de non-dits et de décisions prises. Son oncle comprenant que la bataille était perdue commença à s’éloigner.
« N’oublie jamais qu’il est destiné à ne pas avoir d’avenir. Contrairement à toi. » Finalement, il débarrassa le plancher de lui-même laissant Amicia seule dans son chagrin. Elle le regarda s’éloigner, chaque pas de lui la renvoyant un peu plus dans sa solitude.
Quand il disparut dans l’ombre, Amicia tomba à genoux, ses jambes cédant enfin sous le poids de la douleur et de la fatigue. Le visage levé vers le ciel, elle laissa ses larmes couler librement, pleurant enfin pour ses parents, son enfance, et tout ce qu’elle avait perdu. La pluie battait son corps tremblant, mais elle ne sentait que le vide immense laissé par leur absence. Seule avec ses souvenirs, seule avec sa douleur, elle se laissa aller, abandonnant toute prétention de force.
Wtf ? It's my life.
La forêt amazonienne s’étendait à l’infini, un royaume de verdure où chaque arbre, chaque liane, semblait habité d’une vie secrète et ancienne. Les frondaisons denses se rejoignaient en une canopée impénétrable, créant un toit de feuillage où la lumière du soleil ne pénétrait qu’à peine, diffusant une clarté diffuse et presque mystique. Le parfum humide la terre, mêlée à celui des fleurs exotiques, flottait dans l’air lourd, donnant à ce lieu l’atmosphère d’un sanctuaire oublié, chargé de mystères insondables.
Amicia, les yeux mi-clos, s’appuyait contre un tronc d’arbre massif, la rugosité de l’écorce contre sa paume lui rappelant qu’elle n’était pas seule dans cet univers.
« Un… deux… trois… » compta-t-elle, sa voix douce se mêlant aux murmures de la forêt. A chaque chiffre, son cœur s’emballait un peu plus, partagé entre l’excitation du jeu et l’inquiétude latente de ne pas avoir Basilius dans son champ de vision. Elle savait qu’il se cachait quelque part dans une partie de cette jungle devenue si familière, se fondant dans les ombres comme un esprit insaisissable. Mais cette pensée, au lieu de la rassurer, faisait naître en elle une étrange appréhension, comme si les ténèbres mêmes de la forêt menaçaient de l’engloutir. Mais Basilius restait un enfant, et elle n’avait pas le droit de brouiller l’innocence qui était la sienne avec ses propres peurs.
Le soleil, timide, perçait à peine à travers la végétation, laissant tomber des rayons épars qui dansaient sur le sol couvert de mousse et de fougères. Ces touches de lumière créaient des contrastes saisissants, transformant la forêt en un tableau mouvant où chaque détail semblait empreint de magie. Le bruissement des feuilles, le bourdonnement des insectes, le cri lointain d’un oiseau ; composaient une symphonie sauvage qui aurait pu apaiser l’esprit, si elle n’avait pas été teintée d’une tension sous-jacente, palpable.
Mais soudain, ce fragile équilibre se rompit. Un hurlement, déchirant et inhumain, fendit l’air, semblant émaner des entrailles même de la terre. Ce cri, saturé d’une souffrance primordiale, résonna à travers les arbres, s’infiltrant dans chaque recoin de la forêt et glaçant le sang dans les veines d’Amicia. Elle interrompit son décompte, le souffle coupé, son cœur battant désormais à un rythme effréné.
« Basilius ? » appela-t-elle, sa voix brisée par l’angoisse, mais l’écho de son cri se perdit dans l’immensité oppressante de la jungle.
Poussée par son instinct, elle se lança à la poursuite du son, ses pieds glissant sur le sol humide tandis qu’elle s’enfonçait plus profondément dans la forêt. Chaque ombre, chaque murmure, semblait receler une menace invisible, une présence tapie dans les ténèbres. Les arbres, autrefois accueillants, se tordaient désormais en formes sinistres, leurs branches noueuses se penchant vers elle comme des griffes avides de la saisir. L’air devenait de plus en plus lourd, chargé d’une électricité sourde, annonciatrice de quelque chose d’inévitable.
Lorsqu’elle déboucha enfin dans une clairière, le spectacle qui s’offrit à elle la frappa comme un coup de tonnerre. La scène qui se jouait sous ses yeux avait la texture d’un cauchemar, une vision d’apocalypse où la mort et la magie se confondaient en une danse macabre. Des espèces de zombies carbonisés avançaient lentement vers elle, leurs membres rigides traînant sur le sol dans un bruit écœurant. Leurs yeux vides brillaient d’une lueur sinistre, fixés sur Amicia avec une faim insatiable, une pulsion morbide d’anéantissement.
Au centre de cette horreur, Basilius était prisonnier de sa propre malédiction. L’obscurial, cette manifestation destructrice de sa magie réprimée, se tordait autour de lui, une nuée de ténèbres en perpétuel mouvement, prête à tout dévorer. L’air même semblait vibrer sous l’effet de cette puissance incontrôlable, une force primaire qui aspirait toute lumière, toute chaleur, ne laissant derrière elle qu’un froid mordant et une obscurité suffocante. Le visage de Basilius, tordu par une souffrance indicible, apparaissait par intermittence au cœur de ce maelström, ses yeux, emplit de désespoir, cherchant désespérément une échappatoire, une main tendue pour le sauver du précipice.
Le nom de son frère s’échappa des lèvres d’Amicia dans un murmure imperceptible, son cœur se brisant à la vue de cette agonie. Elle aurait voulu se précipiter vers lui, le prendre dans ses bras, mais les occis morts –
oxymores- étaient déjà sur elle. Amicia sentit son cœur s’accélérer, l’adrénaline envahissant ses veines alors qu’elle comprenait l’ampleur du danger. Leurs bras décharnés se tendaient, prêt à l’entraîner dans le néant d’où ils venaient. Elle avait échappé à tout un tas de trucs moins bizarres, et ce n’était pas cette brochette de morts-vivants qui allait en finir avec elle. D’un geste assuré, elle leva sa baguette, invoquant un bombarda qui jaillit autour d’elle. La lumière du sortilège alla percuter de plein fouet l’épicentre du tourbillon des décharnés. Le sortilège débarda tout un tas d’arbres qui se couchèrent à son impact, projetant des éclats de bois et d’écorce dans toutes les directions. Les arbres plus proches d’Amicia tremblèrent sous l’impact, des troncs se fendant en éclats acérés qui se transformèrent en projectiles. Les morts-vivants furent frappés de plein fouet, certains se désintégrant sous la puissance de l’attaque, leurs corps déjà en lambeaux réduits à un amas de chair pourrissante.
Mais l’explosion eut aussi un effet inattendu. Un éclat de bois, tranchant comme une lame, fusa à travers l’air et vint se planter dans l’épaule de la sorcière. La douleur la frappa avec une intensité telle qu’un cri étouffé s’échappa de ses lèvres.
« PUTAIN DE… » Aaaah ! Le sang commença à couler, imbibant sa robe de sorcière d’une tache sombre et poisseuse. Mais elle n’avait pas le temps de s’attarder sur sa blessure. Les créatures qui avaient survécu –alors que techniquement ils sont déjà morts- à l’explosion avançaient toujours implacables, comme animées par une volonté inébranlable de l’engloutir dans l’abîme de la mort. Amicia leur dirait bien : pas aujourd’hui !
Amicia s’accoutuma à la douleur qui pulsait dans son épaule, elle se redressa avec beaucoup de mal avant de sentir quelque chose se poser sur son épaule. Un grognement sévère lui écorcha les tympans et les émotions s’emparèrent alors du contrôle de son corps : Amicia poussa un hurlement et son poing s’envola en direction de la tête de l’occis qui lâcha sa proie. Un truc dégoûtant s’était accroché à son poignet, mais elle n’eut pas le temps d’analyser la suite qu’elle s’élançait déjà dans une course effrénée. Cours. Loin de ces trucs visqueux. Cours. Ne t’arrête pas ! Sa volonté plus forte que son instinct de survie prit le dessus et lui permet d’esquiver les nombreux arbres qui entravaient sa galopade, slalomant entre les troncs et sautant par-dessus les bas bosquets. L’ombre qui la poursuivait dans un son de vent aigu ne semblait pas se siller. Espérant s’éloigner des créatures, elle attrapa sa baguette et pivota sans cesser sa course. BAM ! Une petite explosion fut projetée de sa baguette. L’un des occis changea de direction, mais un sinistre crissement fit prend conscience à Amicia que ça ne serait pas suffisant.
Ce sort lui permettait de prendre un peu d’avance, sans pouvoir néanmoins parvenir à leur échapper. Dans sa course, elle ne fit pas attention à la pente raide vers laquelle elle se précipita. Au dernier moment, elle tenta de s’arrêter ; son corps happé par la gravité, bascula en avant. Amicia roula quelques secondes dans la terre, coincée par sa robe de sorcière et ses mains malmenées tentant de ralentir sa chute. Lorsqu’elle s’immobilisa, elle tenta de se dépêtrer de sa cape en cherchant à tâtons sa baguette qu’elle avait égarée. Au sommet de la butte, les affreux guignaient leur proie d’un « air » triomphant. Amicia se pétrifia, alors qu’elle sentait les palpitations de son cœur. Très vite, elle fut encerclée.
La forêt était un foutu labyrinthe de ténèbres, les arbres se refermant autour d’elle comme les barreaux d’une prison. Les morts-vivants étaient proches, leurs grognements gutturaux résonnant derrière elle comme les échos d’un cauchemar. Elle en avait la nausée. Chaque battement de son cœur semblait la rapprocher un peu plus de l’épuisement, mais son foutu instinct de survie la poussait à avancer, encore et encore. Amicia lança un regard en arrière, et vit ses amis qui se rapprochaient, leurs mains tendues vers l’avant. La peur ? Un truc monta en elle, une vague qui menaçait de la submerger, mais elle la repoussa avec une force intérieure qui la surprit elle-même. Elle n’était pas prête à abandonner, pas encore. Elle pointa sa baguette derrière elle, incanta de nouveau, la voix déchirée par l’effort :
« Incendio ! » Une gerbe de flammes jaillit, illuminant le chemin d’une lueur infernale. Le feu se propagea rapidement, enflammant la végétation morte et créant un rideau de flammes entre elle et les créatures de l’enfer. Elles hurlèrent, leurs cris déchirants perçant la nature sacrée de la jungle, mais elles continuèrent d’avancer, traversant le feu avec une détermination effrayante, leurs chairs putrides se consumant sans qu’elles ralentissent.
L’odeur était insupportable et Amicia sentait ses forces l’abandonner, et la douleur dans son épaule se réveillait davantage. En tentant de reculer, elle trébucha, tombant à genoux, sa baguette toujours serrée dans sa main engourdie. Elle n’avait plus, et elle ne se sentait plus de courir, les morts-vivants finiraient par la rattraper si elle ne trouvait pas un moyen de les arrêter définitivement. Alors qu’elle se préparait à lancer un dernier sort, quelque chose d’immense et de puissant passa au-dessus de sa tête. Un rugissement assourdissant fit trembler le sol, et une silhouette massive se dressa entre elle et ses poursuivants. Un dragon, le gardien de sa vie, atterrit avec fracas, ses écailles d’un noir d’encre scintillant à la lueur des flammes. D’un battement d’ailes, il repoussa les morts-vivants, les envoyant valser dans les airs comme de vulgaires fétus de paille.
Le dragon déploya ses ailes autour d’Amicia, formant un bouclier impénétrable entre elle et les créatures. Sa chaleur, douce et réconfortante, l’enveloppa, dissipant en partie la douleur et la peur qui la tenaillaient. Les morts-vivants tentèrent de s’approcher, mais le dragon souffla un torrent de flammes, réduisant leurs corps à des cendres qui se dispersèrent dans le vent. La bataille fut brève, mais féroce. Le dragon, avec une puissance bien posée, annihila les derniers monstres, ne laissant derrière lui que des carcasses fumantes. Amicia, protégée sous ses ailes, regardait cette scène de destruction avec un mélange de soulagement, consciente que sans ça, elle ne s’en serait pas aussi bien tirée.
Lorsque tout fut fini, le dragon replia lentement ses ailes, découvrant Amicia qui, épuisée, se redressa sur ses jambes vacillantes. Elle leva les yeux vers son sauveur, ses prunelles reflétant la gratitude infinie qu'elle ressentait. Le dragon, dans un geste de tendresse rare, baissa la tête pour frotter doucement son museau contre elle, comme pour s'assurer qu'elle allait bien. Amicia posa une main sur l'écaille rugueuse de son compagnon, sentant la chaleur réconfortante émaner de lui. La douleur dans son épaule semblait s'estomper, remplacée par un sentiment de sécurité. Elle se permit de respirer profondément, son souffle irrégulier se calmant peu à peu.
« Merci. » murmura-t-elle, la voix brisée, mais emplie de reconnaissance. Elle savait que ces simples mots ne suffisaient pas à exprimer l'ampleur de ce qu'elle ressentait, mais c'était tout ce qu'elle pouvait offrir en cet instant. Ce dernier la ramena bien vite auprès de son frère qui avait retrouvé sa forme humaine après la tempête obscure qui l’avait englouti. Il était inconscient, mais il respirait. Ils restèrent encore un moment dans la forêt, tandis que le dragon veillait sur eux, ses yeux perçant le monde pour s’assurer qu’aucune autre menace ne viendrait troubler ce moment de répit.