Don't Forget To Breathe

Nuit du 4 au 5 Mars.

J’observais les étoiles depuis l’infirmerie. Elles étaient toujours plus belle à l’approche des belles saisons. Le regard perdu dans le vague, je les regardais perdu dans mes pensées et mon esprit comme à ma propre habitude. Comment en étions nous arrivé là ? J’avais bien sur eux quelques rapports d’élèves et d’Améthyste suite à cet incident, mais j’avais eu l’ingéniosité de ne pas apparaître directement pour éviter tout rapprochement. Etait-ce une mauvaise blague ? Ou une haine véritable ? Quoi qu’il en soit, et qui que soit qui soit l’auteur de ça, une chose était sure : la politique avait mis plus qu’un pied à Poudlard.
Pensif donc, et les idées noires tourbillonnants dans ma tête, j’avais congédié l’infirmière. Lui disant d’aller se reposer, et que je prenais son tour de garde. C’était chose courante à Poudlard, car le métier d’infirmier était un métier complexe et avec peu de repos. Après donc un bon sermon sur le fait que je devais gérer du bizutage dans mon Université, je m’étais contenté de sourire et je l’avais observé partir se coucher chez elle, à Pré-Au-Lard cette fois-ci. Laissant l’infirmerie seule, verrouillée, sans tableaux, sans fantômes et uniquement avec moi et Aphrodite cette nuit là.
Lorsque j’entendis la jeune femme bouger dans son lit, je m’étais retourné. Avec soin, je m’étais rapproché d’elle, et j’avais enlevé son bracelet avec précaution afin d’avoir son vrai visage en face de moi. C’était comme une seconde peau, mais cela devait toujours faire du bien de se sentir soit même.
Déposant le bracelet à côté d’elle, je l’observais d’un air un peu inquiet.

« Pas évident ses premiers pas à Poudlard hein. »

J’étais assis sur son lit, le regard bienveillant. Observant sa chevelure qui me rappelait celle de ma propre fille. Avais-je fait une erreur ? Non. Car tout le monde avait le droit à l’instruction. C’était le premier principe de cet Université et quand bien même un jour sa nature véritable serait découverte, ce précepte valait certainement tous les autres. Calme donc, je tapotais son poignet.

« Certains disent qu’il est plus difficle d’affronter deux Chimères qu’une horde d’étudiant et je veux bien les croire. Il faut dire que vous avez fait sensation, Miss Longerbane. »

Je lui souriais calmement et je l’observais d’un air serein et calme :

« Mais tout est sous contrôle, ne vous inquiétez pas. Vos petites amies de Serpentards apprendront certainement que vous étiez sensible ce soir là. Ca arrive à n’importe qui ici. Même aux plus solides d’entre eux. Ne vous inquiétez pas pour les rumeurs et autres balivernes, cela doit glisser sur vous comme un ruisseau limpide et rapide. »

Je l’observais, d’un œil paternel.

« Au final, ce petit incident fait de vous quelqu’un de parfaitement normal et intégrée, félicitations. » dis-je dans un léger clin d’oeil.

05.03

Il ne lui avait fallu que quatre jours pour se rendre la vie étudiante insupportable. Lorsque l'infirmière lui avait annoncé que le Directeur en personne prenait très au sérieux cette histoire de bizutage et qu'il allait lui rendre visite, Aphrodite avait poussé un sourire flatté sur ses lèvres. Bien malgré elle, elle avait commencé à l'attendre puis elle s'était endormie sur cette curieuse pensée que désormais, Grace Davis allait être la risée des autres étudiants.

Elle s'éveilla brusquement en sentant que quelqu'un tentait de lui enlever son bracelet. Sa main se referma fermement sur celle de Luke Korrigan tandis que ses boucles brunes se déroulaient en longues mèches rousses. Cela faisait plusieurs jours que personne n'avait posé ses yeux sur Aphrodite Longerbane. Elle détourna le regard. Pas évident c'était le moins qu'on pouvait dire et elle n'était pas certaine de pouvoir le prendre avec tant de désinvolture. Elle ne dit rien pourtant il y avait tant de choses à dire.

Que ce soit cette relation insupportable qu'elle s'efforçait de ne pas entretenir avec  @Xris Andērson. Ou pour ne pas se laisser dévorer par la jalousie à la moindre remarque. Que ce soit pour ce tag sur le mur qui insultait sa famille tout entière. Pour les basses médisances de  @Kira Dagoniat. Ou pire encore, le coup de poignard de  @Chelsea L. Waldorf. Fallait-il aussi parler de l'absence insupportable ? Non. Elle n'avait rien à dire de tout cela. Derrière ce mur qu'avait à offrir Aphrodite Longerbane, grondait un orage aussi sombre que destructeur. Pour l'heure, il ne s'exprimait qu'au travers de quelques fissures. Mais il promettait d'éclater dans un effondrement spectaculaire si rien ne venait l'atténuer ne serait-ce qu'un peu.

Aphrodite n'avait pas revu Luke Korrigan depuis qu'il avait envisagé le serment inviolable. Et sa présence lui était autant un réconfort qu'un sujet d'irritation profond.

« Vous ne devriez pas être ici. », finit-elle par dire sans le regarder.

Il aurait suffi d'un étudiant, d'n agent du ministère trop bien pensant...

Je m’éloignais de son lit pour m’appuyer sur une fenêtre, tout en l’observant d’un œil critique. Je n’avais pas vraiment été tendre avec elle mais en même temps, je ne pouvais la protéger sans éveiller les soupçons. Et, elle n’avait été que la victime que de ce que chaque étudiant subissait ici à Poudlard. En réalité, c’était son éducation qui en avait pris un coup plus que le reste. Les bras croisés, je me mis à rire doucement quand elle déclara que je ne devais pas être ici.

« Ah ? Donc le Directeur ne devrait pas être à l’infirmerie, aux côtés d’étudiants souffrants ? Si je ne le faisais pas, je serai un piètre serviteur de l’état. Vous ne faites pas exception à tous ceux que je suis venu rendre visite au cours de l’année scolaire dans cet infirmerie, Miss Longerbane. Oh et rassurez vous, nous sommes bien seul. »

Je regardais sa petite fiche au pied de son lit. Lisant les traitements que l’infirmière demandait. Certains n’étaient pas en adéquation avec son état de fée. Attrapant une plume, je regardais la Potion Calmant-Nerf, du célèbre potioniste William LeFou. Signant de ma plus belle signature, j’écrivis simplement : allergie, suite au dossier scolaire transmis par Illvermorny. Je posais ensuite la plume et je portais mon regard vers elle, le plus tendre possible.

« Je sais que vous m’en voulait. Mais en même temps, les soupçons auraient été de mise si je m’étais intéressé de trop prêt à une simple étudiante venu à Poudlard en échange scolaire. Je suis le protocole tout simplement, et à mon grand malheur et à mon grand désespoir, je vous vois comme je devrais voir les étudiants de ce château. C’est à dire trop peur. »

Je croisais les bras, toujours au pied de son lit. Cherchant mes mots, les bras croisés pour essayé de l’apaiser, je passais ma main devant son visage, comme pour attirer son attention et dire :

« Ce que vous avez vécu est un peu dure. Mais il en est de même pour chaque étudiant, comme je vous l’ai dit. Ce serait un manque cruel de respect pour vous, de vous dorloter et de vous chérir jusqu’à vous rendre vulnérable et accessible au moindre imbécile. »

Ce n’était pas évident. J’aurai aimé la voir plus. Même tous les jours. D’ailleurs, une petite lueur passa dans mes yeux. Je revins m’asseoir prêt d’elle et je l’observais toujours inquiet.

« Vous vivez, certes avec plus de passé que les autres étudiants, ce que chacun vit ici. C’est cruel, mais c’est ainsi. Mais croyez moi, je veille toujours sur vous. »

Je tapotais ses jambes d’un air amical et affectif, puis je me redressais d’un air un peu tonique, me dirigeant vers la fenêtre.

« D’ailleurs, racontez moi vos débuts à Poudlard. Est-ce que quelqu’un a des soupçons ? Est ce que vous vous êtes fait des amis surtout ? Comment trouvez vous les cours et les enseignements mh ? Certes ce n’est pas pareil qu’un précepteur qui a le temps pour une unique personne mais.. nous faisons comme nous pouvons. J’espère qu’étudier vous plait quand même et vous aide à garder la tête hors de l’eau... »

05.03

Elle sentit la colère sourdre en elle jusqu'à un point de non retour au moment où il lui adressa cette petite tape amicale sur les jambes. C'était de trop. Les jointures blanchies à force de serrer les poings, Aphrodite Longerbane quitta le petit lit de l'infirmerie. Au port altier de sa tête et à sa démarche lente, presque étudié, on pouvait voir que le prédateur s'apprêtait à frapper. Une légère tension aux commissures de ses lèvres disait toute la haine qu'elle gardait en dedans :

« Un peu dur ? », répéta-t-elle âprement. Un peu dur ? Ça n'était pas le terme non. Qu'il puisse s'imaginer qu'être la risée d'une partie de l'école lui importait en quoi que ce soit était grotesque. A moins qu'il ne l'ait sincèrement considérée comme chanceuse dans sa situation de survivante. Après tout, il y avait franchement de quoi se réjouir de respirer le même air que cet individu qui lui hérissait le poil à chaque mot qui sortait de sa bouche et même dans ses silences, « Que cherchez vous au juste Pr Korrigan ? Me pousser à bout pour évaluer ce dont je suis capable ? A moins que vous ne soyez encore plus dépourvu d'humanité que le monstre que vous gardez sous le coude... », siffla la jeune femme, pleine de venin. Elle égrainait les mots avec une froideur presque calculatrice. Le manque d'empathie de Luke Korrigan avait ceci de bien qu'il lui portait un énième coup, suffisant pour lui faire relever le menton. Si elle avait versé peu de larmes en un mois, l'épisode de ce matin avait fait office de purge et la cruauté mal placée du directeur venait de cautériser à vif ce qu'il restait de sensible chez Aphrodite Longerbane.

« C'est donc ce que vous imaginez ? que j'attends qu'on me dorlote et que l'on me chérisse ? Sachez que j'exècre vos marques d'attention tout autant que vos indélicatesses Directeur Korrigan. A vos absences au moins je peux trouver une justification rationnelle et peut-être même un soupçon de réconfort. Croyez-vous m'enseigner quoi que ce soit à travers quelques maximes affadies que mon illustre nom ne se serait pas déjà chargé de m'enseigner ? »

Cette fois ses yeux bleus perçant se braquèrent sur lui, comme une épingle aurait cloué une phalène sur un morceau de parchemin pour le seul plaisir macabre du collectionneur. Pas une vibration dans l'air. Aphrodite Longerbane exerçait sur sa magie un contrôle quasi absolu. Rien ne dépassait. Rien ne la trahissait.

« Je ne fréquente Poudlard que depuis cinq jours dont un passé ici à feindre l'incapacité. Vous pouvez m'épargner la leçon sur l'importance d'avoir un comportement social approprié... », tacla-t-elle en guise d’assaut final.

Elle ne pouvait bien évidemment pas le mettre à la porte mais rien ne l'obligeait à poursuivre cette conversation, si ce n'était.

« En revanche, je souhaiterai me rendre utile, à tout emploi que vous jugerez approprié. Je ne veux pas vivre indéfiniment à vos crochets. »

Un peu électrisé, par la magie qu’elle émanait et qui me rappelait Ether lorsque nous étions en froid, je reculais un peu. Les souvenirs de mon passé revinrent me hanter et finalement son attitude et sa magie me toucha bien plus profondément qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Reculant, je me relevais, et je repris une posture digne comme le voulait la tradition du directeur. Car il était hors de question que je montre à une étudiante la moindre preuve de faiblesse… Mais… c’était trop difficile.

« Je ne vous considère pas comme un Monstre. » dis-je la voix brisée.

Un long silence s’en suivi. Et je remis bout à bout mes actions, ce que je savais, ce que je laissais paraître et ce que j’avais prévu. C’était toujours comme ça. Mon fardeau et mon boulet. Les gens pensaient souvent que je ne leur faisais pas confiance, car ils n’avaient qu’une partie du plan sous les yeux et ils ne comprenaient que trop tard ce que j’avais en vision depuis le départ. Mais je fonctionnais ainsi, et pour le moment, ça avait toujours marché sur le long terme.

« Il y a des choses que les noms n’enseignent pas, Aphrodite. » dis-je simplement en essayant de retrouver mon souffle et en reprenant entre deux battements de coeur.

Je maintenais son regard. Mes pupilles se dilatèrent de manière imperceptible pour passer en vision de chien plutôt que celle d’homme, afin de mieux supporter son regard et réduire la puissance que sa magie pouvait faire si jamais la situation s’envenimait. Je voyais moins bien, mais différemment. Je faisais souvent cela lorsque je n’avais pas envie de voir la réalité telle qu’elle était.

« Vous êtes libre. Vous ne me devez rien, vous ne vivez pas à mes crochets, Grace Davis peut partir de Poudlard au moment où elle l’a décidé. » dis-je d’une voix sans appel.

Je croisais les bras, j’étais un peu dur mais en même temps, c’était la vérité. Elle ne me devait rien. Dette de Fae ou pas, j’en avais rien à faire. Je n’avais pas fait cela uniquement pour elle ce soir là, je l’aurai fait pour n’importe qui dans sa situation. C’était une aide sans contre partie.

« Je ne cherche qu’à vous aider. A retrouver une place dans ce monde. Mes méthodes ne sont peut être pas les plus douces et les plus tendres, mais elles sont ainsi. Je peins plusieurs parties du tableau, qui semblent incohérentes aux yeux de tous et laids à celui qui n’a pas la vision d’ensemble. Ce n’est qu’une fois fini que les gens comprennent, mais il est souvent trop tard car le mal a déjà été fait. C’est comme ça. Détestez moi autant que vous voulez me détester, ça ne changera rien. »

Je l’observais cette fois-ci dans les yeux, et je repris mes yeux normaux, pour mieux discerner ses traits quitte à subir le courroux de sa magie, au fond je n’avais pas peur d’elle et des conséquences que tout cela pouvait entraîner.

« Je vous considère désormais comme de ma propre famille. Voyez le comme vous le voulez, entendez le comme vous l’entendez. Mais c’est ainsi que je vois les choses, et c’est malheureusement comme ça que je fonctionne avec eux. C’est dur, parfois cruel, mais au bout du tunnel, il y aura une fin heureuse pour vous tous. » dis-je alors la voix cassée.

Je détournais immédiatement le regard suite à ses propos. Je commençais à en avoir marre, de tout ça. Parfois, c’était trop difficile, et Maeve avait raison. Je devais apprendre à partager, à plus parler. Mais… je détestais l’imprévu, et si une variable manquait au plan d’ensemble parce que j’avais fait confiance à la mauvaise personne, ou si une erreur avait été commise… On en venait toujours au même point.
Ether était morte ainsi. Si j’avais suivi moi même la naissance des jumeaux, on en serait jamais arrivé là.

« Si vous cherchez quelqu’un qui vous ment, qui vous protège en vous disant que tout ira bien, que tout se passera au mieux et que demain sera meilleur, en vous serrant la tête contre son épaule, au risque de vous mentir et de voir dans vos yeux la déception jaillir dans votre regard, alors ce n’est pas moi qui vous faut. »

J’amorçais alors un départ, le coeur lourd. J’étais vraiment attaché à cette petite, et je sentais que plus j’avançais, plus je perdais pied car je n’osais prendre la place d’un père qui avait été exterminé par le Ministère. C’était indécent.

« En revanche, je reconnais que je suis parti du mauvais pied avec vous. J’en suis navré. Mais je trouvais indécent, en période de deuil, de m’imposer en substitut de famille. Les gens comme vous n’ont pas le droit d’être seul. Les gens comme vous n’ont pas le droit d’être égaré. Ils ont besoin qu’on soit là pour eux, et c’est ce que je m’évertue de faire à ma manière, aussi maladroite soit elle à vos yeux. Vous avez juste besoin d'être aimé comme vous le méritez. »

Elle perçut très nettement le changement de ton. Avait-elle fait mouche ? Allait-il finalement entendre ce qu'elle lui disait ? Aphrodite Longerbane n'était plus suffisamment naïve pour le croire. Son regard implacable toujours braqué sur Luke Korrigan, elle s'interdit de répondre quoi que ce soit sur ce qu'avait pu lui enseigner son nom. Longerbane. Ce n'était pas seulement le nom d'une des familles de sang pur les plus influentes d'Europe. Ce n'était pas juste une éducation de princesse, des privilèges et des prérogatives usurpés au temps. Aphrodite se sentait extirpée du moule que Lady Antonia, et Astoria avant elle, avait façonné pour elle. Sang mortel et sang fae mêlés dans le même lignage. Elle avait grandi dans un secret qui avait plané comme une ombre au-dessus de sa tête et dont elle avait appris à faire une fierté. Un secret qui à tout moment aurait pu la trahir de la pire des manières. C'est ce qu'avait le plus redouté Lady Antonia. Et finalement c'était ce secret, si bien gardé, qui les avait tout doucement mais sûrement conduit sur les chemins de la mort et de l'extermination, en plein conscience. Ils avaient accusé la décision de Lady Antonia avec résignation. Essuyé le rejet d'Astoria qui les condamnait définitivement avec abnégation. Rejoint les adresses désignées en faisant le vœu pieu qu'elles ne soient pas leur dernière demeure. Et maintenant, ce nom de Longerbane lui enseignait à quitter son habit de princesse, à regarder d'un œil solitaire et lointain le seul être qui l'animait encore d'une sincère bienveillance, à mentir, à dissimuler, à encaisser les coups de quelque nature qu'ils fussent sans broncher. Il y avait certes bien des choses que les noms n'enseignaient pas. Mais ce nom-ci n'était pas n'importe quel nom. Et il lui avait enseigné beaucoup plus des saveurs de la vie que n'importe quel proverbe.

A un moment de la conversation, il lui sembla qu'il lui rendait son regard et d'ailleurs, elle ne manqua pas d'observer la curieuse métamorphose de ses yeux. La jeune femme, bras croisés sur sa poitrine, arqua un sourcil sans mot dire. En fin de compte, le Directeur Korrigan finit par plier, accordant le verbe à une vérité qui sonnait plus juste. En tout cas plus touchante. Déstabilisée, elle finit par lâcher prise et baisser le regard. Elle n'en avait pas demandé tant. Elle n'en avait pas demandé plus.

Comme il allait lui tourner le dos, elle amorça un pas vers lui, refusant de clore sans avoir fait à son tour acte de transparence.

« Je vis sous votre toit, mange à votre table, je vis à vos crochets jusque par les vêtements que je porte. Ce n'est pas un reproche. Je vous en suis extrêmement reconnaissante. Je ne demande qu'à préserver un peu de dignité sans avoir à le faire par devers vous.», répondit-elle sans animosité cette fois-ci. Mais entendrait-il cela ou comme pour le reste se fierait-il à l'idée qu'il se faisait de ce qu'elle lui disait plutôt qu'aux mots qui sortaient de sa bouche, « Je ne vous déteste pas Directeur Korrigan. Ce que je déteste ce sont vos manières quand elles cherchent à me donner des leçons plutôt qu'à me dire ce que vous voulez vraiment me dire. Je n'ai pas besoin que vous soyez dur ou cruel, que vous fassiez une exception pour moi, que vous me donniez une vue d'ensemble de vos projets quand bien même cela me concernerait. Je n'en ai pas besoin parce que je suis une Longerbane, une petite princesse à de nombreux égards mais on m'a appris à prendre des coups et à les rendre aussi quand bien même je n'ai jamais excellé à l'exercice. Je n'en ai pas besoin parce que j'ai choisi de vous faire confiance. Je sais ce qui m'attend. Je ne suis pas encore assez suicidaire pour disposer de ma liberté de partir. », elle prit sur elle de ne pas mentionner les autres raisons qui l'attachaient à Poudlard, plus fort encore que le seul instinct de survie, « J'ai besoin de temps et d'honnêteté. C'est tout. »  

Je me retournais alors calmement mais surement. Au fond de moi, je fus ravi que la discussion ne s’arrête justement pas là, car c’était souvent comme cela qu’elles se terminaient avec les gens que j’appréciais. Un petit battement supplémentaire dans mon coeur d’Animagus se fit entendre, imperceptible à celui qui n’était pas initié à cet art ancien. Le chien, symbole de loyauté, de fidélité et de guide à travers la vie et l’existence s’éveilla à nouveau, et un léger sourire en coin apparu sur mes lèvres.

« Vous ne vivez pas à mes crochets. Vous vivez grâce à l’État, qui, au vu de ce qu’il vous a pris, offre une piètre prestation compensatoire. Voyez le ainsi, et vous aurez très certainement le coeur beaucoup plus léger. »

Je l’observais sans un mot, ne sachant pas quoi répondre finalement à ce qu’elle n’osait pas verbaliser elle aussi. Je sentais bien qu’il y avait une affection réciproque, mais que son éducation et son passé l’empêcher certainement de le verbaliser. J’avais été aussi éduqué dans la tradition des sang purs, et on nous apprenait très tôt à ne pas exprimer nos sentiments véritables par peur d’être pris pour des faiblesses. Une belle erreur transmise de génération en génération selon moi.

« Personne n’achète du temps, même avec des gallions de Gringotts. » dis-je avec un petit sourire énigmatique en utilisation une phrase empruntée à mon propre père.

Je continuais de la fixer, puis finalement je poursuivis :

« Quand à de l’honnêteté, je vais vous en donner : je compte monter à Poudlard un groupe de résistance actif, affilié à l’Ordre du Phénix. Quelque chose de beaucoup moins extrémiste que ce Witan qui fait passé ses actions pour des bonnes actions alors qu’il dessert l’intérêt collectif et abîme plus la cause des Hybrides qu’autre chose. Un groupe, qui, le moment venu et si je ne suis plus en mesure de protéger les étudiants de ce château comme il se doit pourra prendre la relève, ou m’épauler dans ma tâche si je suis encore en ces lieux. Des gens de confiance, qui ont prouvé leur valeur sans le savoir et qui ont su réagir au moment où on ne leur demandait rien. Vous faites parti de la liste, félicitations. »

Je lui fis un léger clin d’oeil. Puis, dans un geste lent j’enlevais mon chapeau. Attrapant un petit paquet à l’intérieur, que j’avais failli oublié de lui offrir avec les prémices de cette dispute imprévue, je lui tendis avec un petit sourire :

« Et ça, c’est un cadeau de ma part. Pour vous aider dans votre quotidien. Savoir qui seront vos alliés, mais surtout voir qui seront vos ennemis. »

A l’intérieur du papier en craft aux motifs irlandais, il y avait une vieille montre à gousset, modifié personnellement par mes soins. Si elle l’ouvrait, elle pouvait voir qu’il y avait un petit miroirs noir à l’intérieur avec des visages qui semblaient flotter.

« Je suppose que je n’ai pas besoin de vous dire comment fonctionne une glace à ennemi. »

C'était une drôle d'idée. Tout comme lui était un drôle d'homme. L'idée de ce petit revers de situation. L'idée qu'elle pouvait bénéficier de quoique ce fut venant du Ministère qui lui avait tant pris échoua à lui tirer un sourire, même ironique. Mais elle avouerait volontiers que c'était risible, même drôle. Est-ce que ça lui ôtait un poids du coeur. Curieusement, oui. Elle se sentait toujours aussi redevable, mais il lui paraissait moins urgent de se lancer dans quelques corvées qui auraient eu tôt fait d'abîmer ses mains tendres et délicates. Elle s'y serait astreinte, quoique sans grand succès sans doute. On ne pouvait prétendre connaître ce genre de choses quand on naissait dans une famille comme la sienne. Encore qu'elle avait passé beaucoup de son temps les mains dans la terre, ce qui avait toujours épouvanté les dignes mère de famille de leur société. On le lui avait toujours pardonné cependant, poignardant au passage le coeur déjà meurtri de son père en se rappelant que cette enfant avait manqué d'une mère. Aphrodite, elle, estimait n'avoir jamais manqué de rien. Et encore aujourd'hui, elle ne manquait de rien. Grâce au Ministère selon lui. Grâce à lui, selon elle.

Il lui servait encore un de ces proverbes sans saveur mais cette fois, elle s'interdit de le relever. Elle n'avait pas besoin d'acheter ce temps qu'elle demandait. Et s'il ne pouvait pas le lui donner, tant pis. Elle apprendrait à faire sans. Et pour ce qui était de l'honnêteté, Luke Korrigan devait encore la prendre de court.

Une pierre lui tomba dans l'estomac. Comment pouvait-il décider ainsi, semble-t-il en un battement de cil, de lui avouer tout cela. Simplement parce qu'elle lui avait demandé plus de transparence ? Elle était servie. Et elle ne savait pas comment il fallait prendre la nouvelle ? Comme toujours, il avait lâché tout cela sans ambage, avec presque une pointe de sarcasme, mais peut-être pas. Comment être sûre avec un homme qui ne cessait sans cesse de montrer un visage différent. Son clin d'oeil acheva de la déstabiliser. Elle ne savait plus s'il fallait dire amen ou se récrier. C'était peut-être même l'effet recherché.

Elle reconnecta au moment où il plaçait un petit paquet entre ses mains. Ses grands yeux bleu cueillirent l'expression du Directeur à ce moment précis.

« Mais - », pendant une fraction de seconde, elle eut un peu honte de la dispute qu'elle avait provoqué mais, se rappelant des motifs qui l'y avaient poussée, elle se contenta d'un « Merci. » avant de glisser son petit doigt sous un pli du paquet pour l'ouvrir sans déchirer le papier craft et ses motifs entrelacés. Son doigt effleura le relief froid d'un petit objet en métal et bientôt, elle découvrait un bel objet. Une montre chasseur dont le couvercle était orné d'un trèfle à quatre feuilles d'argent vieilli. Le détail soigné du bijou la captiva un instant. Sous son index, elle sentait chaque veine, chaque nervure, l'épaisseur étudiée de la marge et la course ininterrompue des entrelacs qui formaient un anneau. Elle releva le regard vers Luke Korrigan en soulevant délicatement le clapet de la montre. Sur la surface noire et polie du verre, le reflet imprécis de visage inconnus se formait et se déformait sans pouvoir se décider à prendre attache.

Elle acquiesça. Elle saurait en faire bon usage.