Deletrear (Rhys)

Encore dix heures d'intérêt général à faire. Apolline n'était plus là, donc Rhys dansait visiblement. Il avait une bonne excuse, comme toujours. Cette fois-ci, c'était un Serdaigle qui avait subit ses foudres. En effet, alors qu'il était en Histoire de la Magie Avancée, matière qu'il préférait à Poudlard depuis sa première année, un petit malin jugea bon de murmurer non loin du Gallois qu'ils devraient peut-être renouveler les registres. Quel était le sujet ? Les registres pour les nés-moldu du temps de l'ascension du Seigneur des Ténèbres. Jusque là, ça n'avait pas trop posé de soucis, en Histoire Rhys était d'un calme olympien en comparaison à ses autres cours, en revanche, le pigeon signa son arrêt de mort quand il prononça la petite appellation "sang de bourbe". Notant cette insulte dans son registre des rancunes, il attendit bien une heure après la fin du cours pour régler l'ardoise. Pourquoi ne l'avait-il pas fait à la sortie comme à son habitude ? Tout simplement pour éviter tout problème à Madame Llewelyn et à sa matière.

Une fois dans la cour, alors qu'il parlait avec ses amis, il interpella le Serdaigle avant d'écraser son poing sur son nez. Le choc avait été violent au point d'être douloureux pour Rhys, mais il avait l'habitude de faire souffrir ses phalanges en échanges d'une chirurgie faciale qui remettait au goût du jour ces faces de rat. Le malheureux sang-pur fut sonné, à terre, le nez en sang. Sans plus de procès, le jeune Ddraig cracha par terre, juste à côté de ce dernier en lui disant que ça, c'était pour les sangs de bourbe. Évidemment, faire ça en public lui avait attiré des ennuis. Heureusement, comme il avouait assez facilement sans diminuer ce qu'il avait fait expliquant chaque fois la raison, il avait écopé d'une dizaine d'heures de travail d'intérêt général... C'était presque frustrant que ses méfaits les moins importants donnaient lieu aux punitions les plus graves. En effet, quelques mois plutôt il avait coincé un oisillon de Chelsea Waldorf dans les toilettes. Ce dernier avait eu plus qu'un nez cassé, mais Rhys avait eu la présence d'esprit de faire ça dans les toilettes à l’abri de tout regard.

Cependant, là, il s'était fait prendre et comme travail, il devait aider une demoiselle Serdaigle en Sortilège et Enchantement. Amusant quand on savait ce pour quoi il était puni, il avait plumé un pigeon, il devait donc aider un nouveau à prendre son envol. À croire que Monsieur Korrigan et son personnel avaient un goût particulier pour les sanctions poétiques. Madame Miller était comme ça aussi. Il avait demandé des renseignements sur celle qu'il devait aider. Alejandra Montero, Serdaigle de quatrièeme année, section Queerditch, elle jouait pour les Faucons de Falmouth... Rien que ça, c'était impressionnant, du moins cela impressionnait le Gallois, car de ce qu'il en savait, la demoiselle avait été transférée en cours d'année. Réussir à se faire une place dans l'équipe était assez exceptionnel.

En revanche, on ne lui indiqua ni ce qu'elle avait fait, ni la nature de son sang. Il avait essayé de négocier auprès du concierge, mais ce dernier se contenta de pousser un râle d'agacement et de lever les yeux au ciel. Si encore, il avait insisté sur la faible importance de l'information, cela aurait indiqué une sang pur... Mais là... Non, il avait juste la flemme de lui répondre. D'ailleurs, il ne savait pas vraiment non plus ce qu'il devait lui enseigner. Évidemment, il y avait des sorts de quatrième année et avant qu'ils pouvaient réviser, mais avec autant d'information autant dire qu'il avait à tout inventer pour un cours. Pourtant, d'une certaine façon, le garçon appréciait cette punition. Après tout, on lui avait souvent laissé sa chance et c'était une tradition à Poudlard de toujours vouloir aider ceux qui en avaient besoin. Monsieur Korrigan en était la preuve, bien que parfois saisir où il voulait en venir était souvent aussi complexe que de devoir pêcher un poisson avec ses mains. Quoi qu'il en était, si la demoiselle avait besoin d'aide pour réussir, ce n'était pas vraiment le punir que de lui demander de l'aider, au contraire.

Se présentant au Rez-de-chaussée, le matin à une heure de trou pour lui, il trouva une charmante demoiselle, seule. Cela devait être Alejandra... Il n'avait qu'une heure à lui consacrer aujourd'hui, le soir, il était pris par l’événement de rencontre à Pré-au-Lard. Maudit Sobek qui avait gagné le pari. Alors qu'elle l'entendit arriver, elle leva son regard vers lui, décrochant un sourire au Gallois. Elle n'avait pas l'air méchante, même si on aurait dit un animal que l'on envoyait à l’abattoir. Elle n'avait pas non plus le physique qu'il imaginait d'une joueuse de quidditch, mais il n'avait pas regardé assez de matchs pour se prononcer. Fait étrange, plutôt que de le saluer ou de le mépriser, elle se contenta de baisser la tête... Sa voix était éteinte, bien que maintenue en vie par un accent qui lui était encore inconnu. D'ailleurs, Alejandra en venait même à poser une question était évidente... Vu l'heure, les couloirs déserts, le fait qu'il avançait vers elle avec un petit sourire, et le rendez-vous prévu, oui effectivement, beaucoup de chose indiquait que Rhys était la personne qu'elle attendait. Cependant, ne pouvant résister à l'attrait du sarcasme et de la dérision, il ne put s'empêcher de répondre avec une certaine désinvolture.

« Nan, je me suis juste dit que j'allais traîner dans les couloirs à la recherche d'une jolie fille, puis je suis tombé sur toi. »

Il fit des petits hochements de tête, l'air circonspect avant d'avoir un petit rire. Loin d'être moqueur, en réalité, c'était pire. Le garçon se trouvait juste incroyablement drôle, sans se mettre à la place de la personne en face de lui qui pourrait éventuellement le croire et commencer à se faire des films.

« Oui, ce sera bien moi pour les cours de sortilège. Rhys Ddraig, enchanté. »

La voix charmante avec le sourire qui allait avec, il cherchait à se montrer sous son meilleur jour pour la mettre à l'aise. Il était vrai que parfois avec ses manières, il pouvait rebuter plus d'une personne, mais au moins l'intention était là, il voulait que la Montero se sente à l'aise et non pas abattue.

« Sixième année, avec notamment comme matière Sortilège et Enchantement Avancé, Défense contre les Forces du Mal avancée et Histoire de la Magie avancée. Et toi, tu es Alenjandra Montero, c'est ça ? Quatrième année, Serdaigle... J'ai cru comprendre que tu étais dans la section Queerditch, jouant pour les Faucons de Falmouth ! C'est impressionnant. Quel pos... Non rien, excuse moi, je m'égare et je parle beaucoup trop là. On me le dit souvent ! Mais j'espère qu'on pourra en parler après le cours ! »

En réalité, on lui disait rarement, car il était rare qu'il se lance dès la première rencontre dans une pluie de questions diverses et variées. Il essayait de copier un peu sur Monsieur Korrigan qui parlait beaucoup et avait tendance à commencer par valoriser un élève avant d'aller dans ce qui était perfectible. Une imitation qu'il espérait convaincante, si possible, sans reprendre le côté agaçant que son ancien professeur de métamorphose pouvait avoir. En revanche, en bon Gallois bien provincial, il fut très loin de bien prononcer le prénom de la demoiselle, massacrant le "j" hispanique.

« Du coup... Dis-moi tout, quel est le souci en Sortilège ? »

Il aurait pu se lancer dans un cours, choisir le sort qu'ils étudieraient, mais le but d'un soutien était d'être adapté à la personne. Or, si elle savait bien faire léviter une plume, réviser ce sort n'aurait aucun intérêt. De plus, discuter des points faibles serait sans doute plus intéressant qu'un cours classique.

Le regard du garçon devint perplexe au mot payaso. C'était de l'espagnol ou elle avait une mauvaise prononciation de paillasson ? Définitivement, les langues étrangères n'étaient pas le fort du garçon qui ne parlait qu'anglais par nécessité et gallois par fierté. Le reste n'existait pas. Ce n'était pas qu'il méprisait ce qu'il ne connaissait pas, c'était plus de l'indifférence la plus totale. D'ailleurs dès que le cours portait ailleurs que sur la Grande-Bretagne, Rhys troquait son attitude exemplaire dans une salle de classe pour une observation attentive des nuages et des oiseaux. Finalement, il essaya de créer un semblant de complicité avec la demoiselle pour la faire sortir de sa posture un peu courbée. Elle restait certes timide quand il s'agissait de parler de quidditch, sans que le garçon arrive à comprendre pourquoi, mais elle semblait en revanche bien plus ouverte pour parler de ses difficultés. C'était bon signe. Au moins, ils allaient pouvoir travailler. On avait oublié de lui préciser que c'était une fille sérieuse. Elle semblait enfermée dans ses bouquins et dans la théorie. Le Gallois aussi adorait lire, connaître la théorie... Il avait cette image de bagarreur fêtard qu'il entretenait, mais cela cachait ses nombreuses heures à certes s'entraîner, mais aussi à traîner à la bibliothèque. Il n'avait pas décroché ses études juste par magie, sans mauvais jeux de mots. La différence visiblement entre eux, c'était que Rhys avait appris à vivre au travers des livres, ils n'étaient qu'une étape qu'il prolongeait au travers de sa baguette. Ce côté scolaire allait poser problème.

Alors qu'il allait finir par répondre, il se fit faucher par la petite remarque. Il ne s'attendait pas à ce qu'il commençait à prendre pour un rat de bibliothèque réussisse à le prendre de court. Finalement, cela allait être intéressant à faire. Prenant une mine faussement outrée, très exagérée, il finit par exclamer son désaccord.

« Pas si vilain ? Je suis carrément mignon oui ! Regarde-moi ce beau visage ! Et ce sourire, à en tomber par terre. Et puis surtout... Ma principale force, c'est mon humilité. Par contre ! Pas britannique. Gallois. Britannique, c'est pour les cons et les arrogants. Donc les Écossais et les Anglais. »

Finissant par lâcher un petit rire pour souligner le côté humoristique de sa réponse, il finit par secouer la tête pour regagner son sérieux. Certes, pour beaucoup, c'était arrogant de dire ça, sans doute parce qu'ils ne comprenaient pas qu'il le faisait par pure dérision. Il était mignon, mais il n'avait pas la beauté plastique d'un Xris, que Merlin en soi témoin cela lui coûtait de l'admettre, ni le charme envoûteur de Finn, ou encore le côté maladroit et mignon de Sobek. Comme pour toute chose dans sa vie, il n'arrivait pas premier. Il était bien placé, mais finalement à quoi bon l'être si on ne finissait jamais par atteindre le haut du podium ? Alors plutôt que de se prendre au sérieux il riait lui-même de son arrogance, sans savoir qu'elle n'était qu'une façade pour combler ses incertitudes.

« Pour en revenir à notre sujet... Je vais devoir être aussi bavard que Monsieur Korrigan, pardon d'avance... Mais en gros, les manuels diront toujours qu'il faut être calme, connaître le sort parfaitement pour ensuite appliquer le geste avec précision, le tout en parfaite maîtrise... Et c'est pour ça que tu échoues, car le manuel se trompe. Un peu comme si on te disait de mettre de la poudre de mandragore dans un somnifère plutôt qu'un brin de lavande. C'est à côté de la plaque. »

Certes, il avait des mots forts, surtout pour un élève qui avait appris à se hisser au-dessus de la moyenne dès qu'il s'agissait de manier sa baguette pour faire du mal à ceux qu'il jugeait comme impurs dans leur pseudo-pureté. Cependant, il y avait une part de vérité et il avait bien besoin qu'elle comprenne. D'ailleurs, bien que les mots étaient forts, le côté blagueur et taquin laissait place au sérieux du jeune homme et sa passion pour le sujet.

« Regarde dans l'Histoire ou autour de toi... Je doute que les Aurors soient très calmes dès qu'ils sont face à un mage noir... Ni que le mage noir soit très calme... On nous dit ça pour nous aider, mais c'est comme les recettes. Si tu es excellente en potion, tu sais que la recette n'est qu'une version uniformisée pour la masse d'une façon d'arriver à un résultat. Mais quand tu connais assez bien ta recette et tes ingrédients, tu peux faire différemment pour avoir la même chose, voire mieux. C'est la même chose en sortilège. Si la méthode conventionnelle ne fonctionne pas, peut-être que ce n'est pas de calme et de sérénité dont tu as besoin. Or, pour savoir ce dont tu as besoin, il n'y a qu'un moyen de savoir. »

L'entraînement. C'était ce qu'il avait fait, pendant des heures, que ce soit en période scolaire ou en vacances. Combien de fois s'était fit engueuler, car il s'était endormi dans la salle du club de duel ou dans les couloirs à force de s'entraîner en continu ? Rhys n'avait pas de facilité, ni de talent inné, la seule chose qu'il avait eue, au fil des ans et des épreuves, c'était une volonté inébranlable. C'était comme ça qu'il parvenait peu à peu à maîtriser les sortilèges informulés, lui avait une si faible discipline émotionnelle. Il compensait par le temps et la volonté. Le concierge devait encore se demander qui avait massacré les citrouilles pour Halloween à coup de Stupéfix...

« Ce que je vais te dire n'engage que moi, mais comme tu viens d'un pays où on ne pratique pas la matière, peut-être que ça t'aidera... En fait, quand je suis en Sortilèges et Enchantement... L'idée ce n'est pas de voir la magie comme un outil qu'il faut apprendre à maîtriser. C'est un Art... Il faut se connaître soit, connaître sa baguette et l'environnement magique dans lequel on évolue. Il faut se laisser guider par la magie pour qu'on puisse à notre tour la guider dans le sortilège qu'on veut. La connaissance de la formule et du geste ne sont que des bases. Mais si cela résumait la magie, celle sans baguette n'existerait pas. Et je me doute que ce discours ne te satisfasse pas, je n'ai pas besoin de lire ça dans tes très beaux yeux. Je sais que tu voudrais une recette toute faite à suivre qui garantisse forcément de réussir. Mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Parfois, il faut juste se laisser aller. Donc qu'en dis-tu ? On essaye dans la salle du club de duel et on voit ce que ça donne ? »

Visiblement, le Gallois avait touché un point sensible quand elle se redressa. Si ses yeux avaient pu lancer des éclairs, Rhys n'aurait été plus qu'un tas de cendre. Intéressant, ceci dit. En effet, si elle avait une telle fierté dans son pays et un tel sentiment qui l'animait quand elle se sentait dénigrée en raison de ses origines, alors ça la rendait plus malléable. Pour ne pas dire manipulable. Certes, le terme était assez malheureux, mais la manipulation était-elle forcément une mauvaise chose ? Après tout, tout le monde n'arrêtait pas de se plaindre de ça, sauf que quand on y réfléchissait bien, c'était quelque chose de normal, du moins aux yeux d'une partie du garçon. Néanmoins, ce n'était pas le sujet et il refusait de se lancer dans un débat avec lui-même en cet instant. Ce n'était pas le moment de vouloir ruser, il garderait cette carte pour plus tard, voire jamais. Finissant par lever un sourcil perplexe par la réponse de la demoiselle concernant Cuba, il finit par soupirer en levant les mains comme s'il se rendait.

« Tout doux... Je n'ai jamais sous-entendu que vous étiez des ignares. Je ne m'intéresse pas aux cultures étrangères. Cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas intéressantes, bien sûr. Mais si je n'y connais rien, je ne connais pas les différences exactes entre votre vision des Sortilèges et celle de Grande-Bretagne. Et même si on supposait que la Grande-Bretagne était cent fois meilleure que Cuba en Sortilèges, ce que je ne dis pas être le cas, cela n'empêche pas qu'en termes de Quidditch, tu aurais bien des choses à m'apprendre et peut-être que tu as une plus grande affinité en potion que moi vu ta facilité à en parler. Donc définitivement... Pas une ignare. »

Encore une longue réponse, mais Rhys avaient voulu être le plus clair possible. Ce n'était pas être apprécié qu'il cherchait, pour une fois, juste ne pas être vu pour ce qu'il n'était pas. S'il avait voulu être aimé il se serait fait passer pour un amoureux de la culture latine, sauf que même s'il désirait profondément être bien vu par la charmante demoiselle comme par tout sorcier n'étant pas à solde des sangs-purs, le Gallois avait surtout envie de l'aider dans son souci avec le contrôle d'elle-même.

Alors qu'elle comprenait là où il voulait en venir, elle l'accompagna jusqu'à la salle du club de duel. C'était une grande salle où il y avait différents mannequins pour s'entraîner. Bien sûr, quand il y avait des affrontements, la salle était agencée pour mettre une scène au milieu de la place permettant à un cercle de se former autour des deux combattants. Rien que venir ici faisait sourire Rhys. C'était ici qu'il avait pu exploiter au mieux son faible potentiel. On croyait souvent qu'une chose comme le potentiel était innée, mais en réalité, on pouvait aussi le travailler. Le génie était autant dû à la naissance qu'au travail. Peut-être qu'Alejandra finirait par être un génie des Sortilèges, si elle s'en donnait les moyens, mais elle ne semblait pas convaincue surtout vu sa question. Qui avait bien pu apprendre au Gallois à sortir autant des bouquins. En bonne Serdaigle, elle pensa que c'était un professeur, ce qui eut le mérite de le faire glousser.

« Ce n'est pas un professeur qui m'a appris ça... Pour faire simple, nécessité fait loi. »

Il y avait une forme de gravité dans ce qu'il disait. Bien sûr, il était loin d'être l'étudiant ayant le passé le plus sombre. Certains devaient porter un héritage bien plus lourd qu'une ascendance moldu. La vie de Circé ne devait pas être évidente vu ses parents... Cependant, il avait dû passer toute son enfance, et même maintenant sa vie d'adulte à se battre contre le harcèlement des sangs-purs. Une querelle qui durait depuis plus de dix ans, avant même Poudlard. Aujourd'hui, certaines de ses veilles rivalités ne savaient même plus qui avait fait couler le premier sang, la seule chose qui comptait, c'était de faire mordre à l'autre la poussière.

« Quand tu es à terre, entouré de quatre connards... Que tes poings sont impuissants, ta vision floue, tu as dans ta bouche ce goût de sang si particulier... Disons que l'échec n'est pas une option. Si tu n'as pas gravé dans ton âme chaque ligne de ton manuel, il t'est inutile. Alors tu dois faire un saut de la foi. Soit tu t'écrases, soit tu t'envoles. »

Même si Rhys aimait s'écouter parler, quand il venait à parler de ce genre de choses, il arrivait à être plus concis, ce qui donnait un tranchant à ses mots que son air taquin avaient tendance à cacher. Lui, contrairement à d'autres, n'avait rien à perdre, du moins selon lui. Cela lui avait permis de toujours répliquer, de toujours faire s'escalader le conflit jusqu'à ce que son adversaire ait trop à perdre... Il ne s'était toujours pas rendu compte qu'en six ans, il avait désormais plus de points faibles qu'à ses débuts. Pourtant, sa réputation de chien enragé suffisait encore aujourd'hui à calmer les affrontements.

« Bref, même si j'adore notre rendez-vous en tête-à-tête, nous devrions peut-être nous mettre au travail. Je te laisse me montrer le sort qui te pose problème ? »

Le garçon écouta Alejandra lui parler des différences culturelles. Si cela avait été un professeur, il aurait déjà commencé à regarder par la fenêtre, car il n'était tout simplement pas intéressé. Cependant, vu comment il semblait avoir touché un point sensible chez la Cubaine, il fit l'effort d'écouter et de hocher la tête. Il ne dit rien, non pas par indifférence cette fois-ci, mais tout simplement pour éviter d'alimenter le sujet. Ce qu'elle disait se tenait et était intéressant. Non pas qu'il était intéressé, mais il était forcé d'admettre que ce sujet devait être passionnant à traiter. Cela ne changeait pas que s'attarder sur les cultures étrangères ne lui permettrait pas de s'intégrer au monde magique britannique...

Ses seuls rapports aux cultures d'ailleurs étaient finalement via leur aspect juridique. Si autant la magie exotique avait le don de l'endormir, les législations étrangères étaient nécessaires pour comprendre les enjeux de pouvoir contemporains. Néanmoins, sans doute, pour mieux comprendre les enjeux contemporains, il devrait un jour se faire violence et étudier le rapport de chaque culture à la magie... Peut-être que cela lui permettrait de mieux comprendre celui de la société dans laquelle il évoluait. Non définitivement, ce n'était pas son truc. Au pire, il ferait comme les autres politiciens à parler sans savoir, dans un élan de superficialité qui allait si bien au Gallois qui se sentait sans aucune profondeur. Ceci étant dit, il devait bien avouer que les différents sourires de la demoiselle allégeaient son humeur et le faisaient sourire à son tour. Ils n'avaient visiblement pas grand-chose en commun, mais ils arrivaient tout de même à partager un bon moment.

Il eut envie de rire quand elle lui expliqua qu'elle savait ce que ça faisait. Ce n'était pas tant qu'elle lui dise ça qui était drôle, mais davantage la suite. "Rassure-toi, moi aussi, je me suis faite tabasser." Oui, il y avait de quoi être rassuré... En fait non. Dans quel monde était-ce rassurant de savoir que d'autres connaissaient les mêmes souffrances ? L'injustice n'était pas quelque chose qui se partageait, mais qui devait s'éradiquer. Au contraire, cela le motivait un peu plus à l'aider dans ses cours.

« Si un jour ça se reproduit... Surtout à Poudlard... Appelle-moi. Je ne te garantis pas de réussir, mais je ferai de mon mieux pour t'aider. »

Certes, il ne savait pas dans quoi il s'embarquait. Sans doute une histoire sombre et lourde vu ce qu'elle disait. Les histoires de vengeance n'étaient jamais bonnes, Rhys savait à son échelle de quoi il parlait. Le sang appelait le sang et la haine provoquait la haine. Cependant, sa vie ne prenait sens que dans le conflit et la rancœur, c'était là où il s'épanouissait le plus, car il avait une excuse pour se laisser aller à ses pulsions de violence et de cruauté. De toute façon, peu importait ses soucis, il était dans les principes du Gallois que toute jolie fille méritait un chevalier servant. Il aurait bien dit un prince charmant, mais cela avait un sous-entendu qui n'intéressait vraiment pas le garçon.

« Je doute que le quidditch m'aide pour une carrière en politique ou dans la justice. Mais je serai ravi d'assister à un de tes matchs... Je suis sûr que ce sera plaisant à admirer. »

Une avance ? Même pas, c'était simplement une malice en échange d'une autre. Le Gallois était malheureusement trop joueur pour son propre bien. Cela ne l'empêchait pas d'être sincère. Il était curieux de voir la demoiselle jouer et n'avait jamais vraiment vu de match en direct en dehors de ceux de Poudlard. Cela pourrait être un passe-temps agréable à partager avec elle. Ceci étant dit, ils n'étaient pas là pour ça et alors qu'elle lui expliquait son problème, le regard du jeune homme redevint sérieux pendant un temps. Elle faisait une grossière erreur dans son raisonnement. Le genre d'erreurs que faisaient les bonnes personnes. Néanmoins, il ne la coupa pas directement, la laissant finir de s'expliquer... Puis se mettre dans une position... Elle essayait de faire quoi là ? Non, car même un câlin serait plus facile à faire, vu sa façon de se tenir, qu'un duel. Il la regarda de longues secondes. Pourtant, il n'arrivait pas à avoir la sévérité d'un professeur. Non, il eut plus un sourire amusé doublé d'un regard attendri. Alejandra était mignonne quand elle souriait et elle devenait vraiment charmante quand elle riait. Après cette petite pause d'observation, Rhys secoua la tête, toujours avec le sourire.

« Alors non... Personne ne dit ça, mais surtout... Avec ce genre de posture, tu vas... Rien faire. Je me permets. »

Il s'approcha, mettant fin à la distance qui les séparait. Ses doigts passèrent sur sa main pour corriger la prise de sa baguette qui devait être plus ferme. Les débutants voulaient trop être agiles, mais l'agilité se gagnait avec l'entraînement qu'elle n'avait pas encore. De son pied, il ajusta l'écart de ses jambes, lui faisant avancer la jambe droite et reculer la gauche. Puis corrigé, il ajusta la position de ses épaules, posant ses deux mains sur ces dernières afin de mettre la demoiselle de profil. S'éloignant d'elle après ce contact court, il se mit face à elle, dans une position plus poussée tel un escrimeur français.

« Ce n'est qu'une question de préférence, mais cette posture permet de plus facilement esquiver et se rapprocher de l'adversaire quand la différence ne se fait pas avec les sorts... Bien sûr, cela ne fonctionne que dans les duels. En affrontement moins honorable, la façon de se battre évolue. Essaye d'ajuster un peu pour avoir de meilleurs appuis. Et surtout, ta baguette doit être une extension de toi, un sixième doigt en quelque sorte. »  

C'était un peu contradictoire avec ce qu'il disait avant sur son indifférence pour les cultures étrangères, car ce style, c'étaient bien les duels à la Française. Il était passé expert dans cette posture après six ans à l'entraîner jour après jour. Elle n'avait pas la frivolité et l'explosivité d'autre style de combat, mais elle était assez simple pour que l'entraînement sans le génie permette de l'apprécier à son plein potentiel. Il l'avait apprise dans un livre mal rangé de la bibliothèque. Sans doute l'une des erreurs qui lui avait le plus apporté dans sa vie jusque-là.

« Oh et... Tu te trompes sur une chose. Ton blocage, je veux dire. Si on voulait t'apprendre à faire du mal aux gens... On ne t'apprendrait pas à lancer un désarmement ou une paralysie. On t'apprendrait à trancher l'adversaire avec un petit Sectumsempra. Le désarmement ce n'est pas pour faire souffrir, mais pour protéger. C'est à ça que ça sert... Tu ne vas pas me blesser parce que tu fais voler ma baguette. Un peu mon ego si... Mais ça lui ferait peut-être du bien de dégonfler. »

Il lui adressa un petit sourire de défis, essayant de changer sa vision des sortilèges. Il avait autre chose à lui demander... Cependant, ses lèvres restèrent muettes. Après tout, si elle le prenait pour un imbécile, ce n'était pas trop grave. Car aux dernières nouvelles, le Stupéfix, le Protego et l'Experliarmus n'étaient pas au programme de Sortilèges et Enchantement... C'était de la Défense contre les Forces du Mal. Néanmoins, tant qu'elle pratiquait et que cette leçon lui était utile... C'était sans doute superflu de s'attarder sur ce détail.

Elle souriait et riait... Selon Rhys, cela lui allait mieux que quand elle était pleine de doute que son humeur semblait assez sombre. Ceci étant dit, quand elle semblait énervée ou un peu révoltait, c'était aussi plaisant à voir, mais peut-être était-ce le côté un peu toxique qui parlait. Alors qu'elle semblait gagner en motivation, tout semblait vaciller, pour une raison qu'il n'arrivait pas à s'expliquer, elle se remit à douter d'elle. Avait-il dit quelque chose ? Sans doute, le Gryffondor était parfois maladroit quand il essayait de motiver quelqu'un. Sans doute parce que ce qui le motivait lui désespérerait quelqu'un d'autre. Pourtant, alors que certains auraient peut-être baissé les bras ou soupiraient face au fatalisme et à l'abattement de la demoiselle, le Gallois tint bon. Il voulait sincèrement l'aider. Ce n'était pas de l'altruisme... Il savait que s'il aidait les gens, c'était parce qu'il aurait aimé qu'on l'aide lui. Cependant, lui, n'avait jamais eu le courage d'Alejandra d'exprimer tout haut ses doutes le concernant qui s'accumulaient et devenaient de plus en plus virulent dans son cœur.

« Je ne trouve pas ça bête. Et tu ne me fais pas perdre mon temps. Regarde-moi dans les yeux... Est-ce que tu vois de la lassitude ? Si c'est le cas mets ça sur le compte du fait que j'ai perdu un pari et que ce soir, je dois me taper les speed-dating... Mais en tout cas... J'apprécie sincèrement ce moment avec toi. »

Il accompagna son petit discours d'un sourire un peu charmeur, mais surtout compatissant. Se rapprochant d'elle, il lui fit lever sa baguette avec son index avant de passer ses deux mains autour de la sienne pour raffermir sa prise. Pour lui, on ne devait jamais baisser sa garde, il ne fallait jamais fléchir. Bien sûr, on pouvait douter. Lui-même douter souvent de lui, au point qu'il ne supportait plus le bruit de ses propres pensées, mais peu importe le tiraillement que l'on ressentait, il fallait aller de l'avant. Pourquoi ? Car peu importait à quel point, on était pris par la détresse ou le désespoir, le monde continuerai de tourner. Et peu importait l'amour des proches ou à quel point ils étaient proches, ils finiraient toujours par partir. Finalement la seule personne qui on pouvait compter, c'était soi-même, c'était une chose dont il était persuadé.

« Tu sais, il y a une phrase que j'aime bien... "Il y a des gens qui disent qu'ils peuvent ; d'autres qu'ils ne peuvent pas. En général, ils ont tous raison." Je crois sincèrement qu'on est tous capables de tout si on est prêt à s'y consacrer et à mettre toute notre énergie dedans. La seule question que tu dois te poser, c'est... À quel point tu veux devenir meilleure ? Pas forcément pour Poudlard, les cours... Mais pour toi. Une fois que tu as ta réponse, consacre toi à ça en fonction de ta réponse... Et laisse le temps faire son travail. Poudlard ne s'est pas construit en un jour. »

Même dans un monde magique, les grands accomplissements prenaient du temps. Après tout, même au Quidditch, elle n'avait pas atteint ce niveau en une journée. Du moins, il l'espérait. Les génies avaient le don de rendre tout discours de motivation un peu creux et artificiel. Il finit par lâcher sa main et hausser les épaules comme pour montrer que finalement ce n'était pas important qu'elle ait du mal à s'entraîner.

« Au pire, si tu as du mal à fixer ta magie, travaille tes timings. Tu arrives à matérialiser un Protego pendant une seconde ? Lance le à la seconde où un sort te frappe... Je n'ai pas de recette magique pour réussir à tous les coups... Peut-être est-ce moi qui te fais perdre ton temps, car je ne suis pas professeur. Je peux te regarder t'entraîner, te dire comment je fais... Mais je n'ai pas de solution à ton problème... Par contre, je sais une chose. Ta valeur ne se mesure pas à ta capacité à lancer un sort. Je suis le meilleur duelliste de Poudlard ! Si on enlève les dix meilleurs et les septièmes années... Bref, je suis bon... Pas pour autant que j'ai plus de valeur qu'un autre. D'ailleurs cela m'attire pas mal d'ennuis... Pour ma part, peu importe que tu y arrives ou non. Tu resteras une charmante demoiselle qui devrait avoir plus conscience de sa capacité à embellir la pièce où elle est quand elle rit et sourit... »

La phrase était charmeuse, tout comme le petit clin d'œil de Rhys, pourtant ce n'était pas qu'il était si intéressé que ça en la demoiselle. Il pensait juste qu'il n'y avait pas pire qu'une personne qui ignorait son charme. Et surtout... Ce genre de petite fleur avait tendance à rendre le sourire aux demoiselles. Cela changeait de la brute épaisse qu'il pouvait être face aux garçons de Serpentard.