Another missing half - ft. Maddox Crookhaven

ft. @Maddox Crookhaven

Céleste Delacroix.

Ce nom familier aux accents français ne cessait de l’accompagner. Partout, tout le temps. En classe, au milieu de la rue, dans son lit, en pleine nuit. Jusqu’à ses cauchemars étaient hantés par le nom de sa meilleure ami disparue, les rares fois où le sommeil avait réussi tant bien que mal à percer l’obscurité.

Voilà un mois que @Céleste Delacroix était introuvable. Aucune piste concrète ne l’avait guidée sur une route plutôt qu’une autre. Siobhán avançait à l’aveugle depuis des jours en ce qui la concernait, et les affiches placardées avec son visage en échange d’une généreuse rançon aux quatre coins de la Grande-Bretagne n’avait rien apporté de plus que son lot de canulars de mauvais goût.

Ne restait plus qu’un lieu où Siobhán et la famille de Céleste n’avaient pas encore officié pour déposer ses affiches sur la moindre parcelle de mur disposée à les accueillir : le Marché aux Trolls.

Naïvement, la vert-et-argent avait pensé qu’avant que la nécessité de s’y rendre ne se fasse sentir, elle aurait eu des nouvelles. Ou à défaut, un semblant d’espoir. À ses yeux, le Marché aux Trolls n’avait tenu jusque-là que le triste rôle du dernier recours.

Car une femme comme Céleste Delacroix n’avait aucune raison de s’être trouvée là-bas de son plein gré. L’idée de la savoir disparue était déjà bien assez difficile à encaisser pour en plus devoir subir la douleur d’imaginer qu’elle ne s’était pas évanouie dans la nature de son propre chef. Pour s’échapper des carcans que sa famille lui avait imposé ou tout simplement d’une vie qui aurait pu ne plus lui convenir. Siobhán avait toujours privilégié cette théorie, car toute autre hypothèse lui était tout simplement intolérable. Elle n’avait jamais voulu entendre les parents de la jeune femme lui parler d’accident, d’enlèvement ou d’assassinat et préférait encore rester dans le déni que de devoir vivre avec ces possibles-là.

Elle n’avait prévu personne de son passage furtif au Marché en dehors de son frère jumeau. Ni @Luke Korrigan, pas même @Saúl Ochoa-Reyes n’avait eu connaissance de sa décision de se rendre dans ces ruelles cachées du Londres d'en bas.

Sa cape de voyage, large et couvrante, se chercherait de lui garantir son anonymat quand bien même, rapidement après avoir foulé les terres de la ville cachée, elle avait senti une présence flairer ses moindres faits-et-gestes. Bien loin de chercher les ennuis, Siobhán se contentait de suivre à la lettre les conseils de Saúl pour ne pas attirer l’attention sur elle — excepté qu’il lui semblait de plus en plus clair qu’elle avait réussi malgré elle à se faire suivre de quelqu’un qu’il lui était impossible d’identifier sans devoir s’y confronter directement.

Malgré tous ses changements de direction qui n’avaient ni queue ni tête, placardant ses affiches jusque dans des ruelles où personne ne passait jamais, il y avait toujours ce regard posé sur elle pour lui donner cette désagréable sensation d’être épiée.

Elle pensa un instant envoyer le spectre de sa harpie féroce pour prévenir son frère qu’elle avait besoin de renfort, mais au dernier moment préféra finalement faire justice elle-même. Lorsqu’elle parvint à un carrefour discret où elle aurait encore la possibilité de se faire entendre sans pour autant se montrer en spectacle, ou fuir si l’occasion se présentait, la Serpentard se retourna avec vivacité vers l’ombre qu’elle semblait intéresser. Sa baguette ambitionnait de le prendre en joug mais dans ce mouvement rapide, l’air s’engouffra dans sa capuche et révéla son visage de demie-vélane au grand jour à un homme dont les traits ne lui disaient strictement rien.

La seule chose qu’elle apprenait de lui, à ce stade de leur rencontre, c’était qu’il était beaucoup plus vif qu’elle. Son manque de patience était également indéniable, loin d’attendre une quelconque autorisation pour complètement retourner la situation à son avantage…

ft.  @Siobhán Gavalagh-Korrigan

Au début, il n’avait pas voulu y croire. Il s’était dit que c’était encore une de ses idées bizarres, et alors comme à chaque fois qu’il avait une idée derrière la tête, Maddox avait fini par suivre son instinct. Un regard furtif, il découvrait avec un peu de délai les portraits que l’inconnue affichait, perdus parmi les innombrables autres panneaux à la recherche d’un être cher.

Le Marché était un monde cruel, où seuls les plus forts ou les plus sournois avaient voix au chapitre. Pour les autres, il fallait s’attendre à ce qu’un requin ne passe par là. Et des animaux du fond, il y en avait un paquet ici, à commencer par lui.

Crook s’arrêta une longue minute, son regard détaillant la beauté surnaturelle de @Céleste Delacroix, et ce bien que le portrait ne lui rendait pas totalement justice. Il la trouvait en effet bien plus belle en vrai, avec ses grands yeux et son attitude méprisante. Un sourire naïf fila sur ses lèvres à l’idée de la retrouver dans l’instant même, mais il avait tout d’abord une personne à filer, une personne qui s’intéressait un peu trop à ses affaires.

Il aurait pu faire le choix de l’ignorer superbement, d’autant qu’à part un ou deux Verts Galants, personne n’avait vraiment d’informations – Maddox avait pris beaucoup de précautions avant de la dissimuler, et dans son petit appartement chichement gardé, duquel il ne sortait jamais un seul bruit, qui aurait pu y croire ? Peut-être un ou deux vendeurs, puisque cela faisait un bon mois qu’il achetait tous les jours deux portions d’un repas et qu’il achetait qui plus est des vêtements féminins, mais Céleste Delacroix tout de même… La chose était trop grosse, trop absurde. Que ferait Crook avec une petite sang-pur française ?

Il reprit son chemin en silence, alors qu’il commençait à se faire plus pressant, à avaler la distance pour se révéler. A sa façon de se tenir, il devinait que la jeune femme était peu habituée à l’exercice. Ses mouvements lui parurent fébriles, malgré une certaine maîtrise. Il était encore trop loin et trop entouré pour entendre ses pensées – elles se noyaient dans le brouhaha conséquent de l’artère principale. Il plissa les yeux alors qu’elle prenait finalement une rue adjacente, pensant peut-être le devancer, ou alors le confronter ?

Un petit rire amusé passa sur les lippes de Maddox. Si la silhouette pensait qu’il tomberait là-dedans, c’était mal le connaître ! Le garçon accéléra le pas et entra à son tour dans la ruelle, sans baguette – pas besoin. Ses yeux se posèrent sur la silhouette fluette alors qu’il s’apprêtait à lancer un Expelliarmus bien senti, pour calmer les ardeurs de la demoiselle, mais il s’arrêta en voyant le visage de cette dernière. Ses yeux se firent tout ronds et un frisson désagréable lui remonta l’échine.

Un sortilège aurait bien pu fusé, par réflexe Maddox l’aurait stoppé avant même qu’il ne l’atteigne.

Au lieu de ça, il se redressa, penchant la tête.

« Siobhan Korrigan », tonna sa voix, l’air de rien, comme si c’était permis à tout le monde de connaître le nom de la demoiselle aussi simplement que lui le faisait – et à bien y réfléchir, @Luke Korrigan n’était pas vraiment un inconnu dans le monde médiatique, et sa fille non plus, « tu ne devrais pas être ici. »

Il resta à distance, jetant un petit regard par dessus son épaule pour vérifier qu’ils n’avaient pas rameuté un ou deux salopards, mais tout avait l’air calme pour le moment. Au moins pour le moment.

Son regard retomba sur le visage qui lui paraissait jeune – alors que lui même était plus jeune de deux ans – et il maugréa :

« Je suis pas certain que ton père soit très content d’apprendre que tu traînes ici. Surtout toute seule. Tu n’as pas emmené un des elfes de ta maison, pour te protéger au cas où ? Un... » il tenta de se souvenir de sa rencontre avec l’horrible elfe de maison caché dans le chapeau de Luke, mais les choses avaient été si rapides, « Pinky ? Punky ? Flinky ? Finky ? C'est très inconscient. »

Il se tapota le menton. Ça devait être Flinky.

ft. @Maddox Crookhaven

La vivacité de l'homme qui l'avait suivie n'était pas le seul détail pour attirer son attention. Le fait qu'il connaisse son prénom avait au moins tout autant de quoi la surprendre.

D'autant que Siobhán était une excellente physionomiste. Si ce visage s'était déjà présenté à elle auparavant, elle aurait sûrement été capable de le retenir comme tant d'autres insignifiants hantaient déjà son esprit.

Or, ces traits ne lui disaient désespérément rien.

Pas plus que le souvenir d'avoir pu poser problème à quelqu'un au point de susciter un aussi net intérêt et nécessiter d'être poursuivie dans des lieux qui n'avaient été baignés de sa présence qu'à de rares occasions.

« Qui êtes-vous et comment connaissez-vous mon prénom ? », demanda-t-elle, un sourcil arqué, avant de marquer un net mouvement de recul et de glisser le petit paquet de ses affiches sous sa cape par réflexe.

Le bois de la baguette magique de la demie-vélane titillait le bout de ses doigts. Mais si l'inconnu ne l'avait pas encore attaquée et tant qu'il ne montrait pas davantage d'animosité, la menace d'un sort serait amplement suffisante.

Sans compter qu'elle était plus à même de savoir où était sa place que lui, jusqu'à preuve du contraire.

« Je ne fais rien de mal », se contenta-t-elle de répondre. « Je ne suis que de passage et je ne compte pas m'éterniser. Mais je ne vois pas bien ce que ça peut vous faire après tout. N'avez-vous pas d'autres chats à fouetter au Marché ? »

Sur sa route, elle avait croisé bien d'autres silhouettes plus dignes de son attention que la sienne. Des voleurs, des regards hagards, quelques galbes cherchant à se faire discrets...

Un instant, elle envisagea de simplement l'ignorer pour vaquer à ses occupations comme tous les autres le faisaient déjà sans son approbation.

Mais l'attitude du jeune homme, qui devait avoir à peu près son âge bien que sa face était plus marquée que la sienne par la vie — comme beaucoup d'autres ici-bas —, avait largement de quoi l'intriguer maintenant qu'il regardait par-dessus son épaule.

Comme s'il craignait d'être vu, alors qu'il n'avait strictement rien pour dénoter avec le paysage contrairement à son interlocutrice. Alors que contrairement à elle, il vivait ici.

Interdite, Siobhán se contenta de l'observer attentivement alors qu'il mentionnait @Luke Korrigan pour mieux s'imprégner de son visage et le garder en mémoire. Un souvenir qui saurait sûrement lui être utile une fois sortie d'ici.

La jeune sorcière resserra son étreinte autour de sa baguette alors que déjà, cette irruption soudaine dans sa vie privée commençait à l'agacer.

« Mon père ? Vous le connaissez ? »

Ce n'était pas forcément le plus étonnant dans ce qu'il venait de déclarer.

En revanche, que Flinky ait pu le marquer au point de penser qu'il accompagnait la fille du directeur dans le moindre de ses déplacements...

« Il sait que je suis ici. »

C'était faux, mais peut-être l'information suffirait-elle à calmer ses ardeurs, au cas-où il envisageait de se montrer menaçant.

D'autant qu'en mentionnant Flinky, l'inconnu venait de montrer qu'il en savait un peu plus que ce que le commun des mortels avait à dire sur la famille Korrigan.