Out Of The Ordinary — ft. Arès Longerbane

ft. Arès Longerbane


Au loin, le château de la famille Korrigan se dressait tel un colosse de pierre sur cette vallée irlandaise à flan de falaise plongée dans la nuit. À l’intérieur de sa cage thoracique anthracite, se cachait un cœur froid comme ses membres pétrifiés que même les quelques plans architectes et coups de peinture d’Edel Almadovar n’avaient réussi à réanimer — d’autant que tous ces projets de rénovation avaient brusquement rejoint le cimetière des futurs qui ne verraient jamais le jour.

Caisléan Korrigan avait, de manière visible, souffert des années de gouvernance de Lord Lloyd Korrigan. Et même si la bâtisse appartenait aujourd’hui à sa descendance, nettement plus ouverte d’esprit, bien plus chaleureuse, les murs étaient encore trop souvent vides pour lui redonner un semblant de vie. Aussi, elle restait le plus souvent cloîtrée, comme figée dans de vieux souvenirs que tous auraient préféré voir disparaître.

Siobhán avait toujours détesté cet endroit. Maintenant peut-être encore plus qu’avant, car il était désormais hanté de mémoires qu’elle préférait largement oublier.

En cela, le monument irlandais contrastait sans aucun doute avec son homologue des Ombes Moires, sous le charme duquel Siobhán était immédiatement tombée après l’avoir visité pour la première fois au mois de décembre dernier. Là-bas, tout n’était que raffinement et couleur et pureté, quand ici, tout avait plutôt trait à la pâleur et la rigidité d’un homme que même les années n’avaient pas adouci.

Inviter Arès Longerbane à lui rendre visite en ces lieux tenait donc plutôt de la stratégie que de la réelle conviction qu’il prendrait plaisir à découvrir les couloirs sombres du château.

Car c’était un fait : les Longerbane avaient cette fâcheuse tendance à créer la fascination chez tous ceux qu’ils côtoyaient. Même ceux qu’ils ne côtoyaient pas ne boudaient pas leur plaisir à imaginer les suites encore inavouées du bal de Yule et en cela, Arès les intriguait d’autant plus qu’il se distinguait de son frère et de sa sœur : il était le seul de la fratrie à n’avoir pas ouvertement choisi de fiancée. Ce mystère impénétrable mettait forcément aux aguets les sorciers les plus férus de ragots, et Siobhán s’était dit qu’ici, au moins, personne ne viendrait jamais les chercher pour autre chose que ce qu’ils étaient réellement.

Qui s’imaginerait que pourrait naître plus qu’une amitié dénuée de tout sentiment amoureux dans une bâtisse aussi lugubre que celle-ci ? Non, définitivement — revoir Arès Longerbane à Caislean Korrigan plutôt qu’aux Ombes Moires était le bon choix.

Depuis que la venue du deuxième triplé avait été confirmée, Flinky, l’elfe de maison légué par son père à la demie-vélane, travaillait très dur. Heureusement pour lui, Siobhán était aussi active que lui sur le pont. C’est que sa maîtresse avait absolument tenu à rendre le lieu accueillant partout où Arès serait susceptible de passer si toutefois il voulait visiter les lieux. Ils avaient ainsi allumé ensemble des centaines de bougies, étendu sur le sol des dizaines de tapis confortables, posé aux fenêtres quelques voilages sobres pour calfeutrer les lieux et donner une impression un tant soit peu chatoyante. Oh, ils ne nourrissaient pas l’ambition de faire des miracles mais si Siobhán n’avait rien à attendre du Longerbane en ce sens qu’ils étaient amis et rien de plus, elle n’en perdait pas son sens de l’accueil et son perfectionnisme innés.

Côté extérieur, malheureusement, tous leurs efforts étaient vains dû au manque d’implication de l’ancien résident des lieux qui semblait avoir pris soin de supprimer toutes les plantes qui avaient une chance un jour de donner une fleur. Et comme il était inenvisageable de brusquer la nature, la magie leur serait inutile pour tenter d’embellir les lieux. Dans les recoins les plus sombres de la forêt qui bordait la propriété, Siobhán s’était contentée de quelques lumières éphémères, ressemblant à s’y méprendre à des lucioles venues apporter un peu de clarté à ce jardin hostile. Il ferait de toute façon trop froid pour s’y aventurer, mais le diable se cachait toujours dans les détails.

Preuve en était quand elle avait fait parvenir à son ami, par l’intermédiaire de Flinky le portoloin qui lui permettrait de pénétrer les barrières magiques du lieu sans difficulté, sous la forme d’une unique clé somptueusement sculptée dans le fer mais qui ne contenait aucun indice quant à ce qu’elle ouvrait.

Entre les contrastes clair-obscurs de la nuit, la silhouette de Siobhán apparaissait de temps à autre, se découpant subtilement de l’autre côté de l’une des fenêtres. Et quand elle avait senti la présence d’Arès dans l’enceinte du domaine, la demie-vélane avait transplané jusqu’à l’entrée pour lui ouvrir la grande porte de bois qui le séparait encore du grand vestibule, lui laissant tout juste le temps de monter les marches qui l’amenaient sur le perron.

Une fois ceci-fait, les immenses battants de bois s’ouvrirent sur une jeune femme aux cheveux de feu tout sourire, joliment apprêtée de tissus de son pays, visiblement ravie à l’idée de passer la soirée en compagnie de son ami sur un terrain familier.

« Bienvenue à Caisléan Korrigan, Sir Longerbane », le salua-t-elle avec une petite révérence, le sourire aux lèvres.

Depuis le bal de Yule, ces formalités étaient devenues obsolètes mais elle aimait en jouer, de la même façon qu’ils n’avaient eu de cesse de se taquiner durant la soirée. Le ton de leur relation avait été donné ce soir-là, et la jeune Serpentard ne comptait pas en changer.

« Puis-je vous débarrasser de vos effets personnels ? », demanda-t-elle, une lueur malicieuse dans le regard alors qu’elle continuait de jouer son rôle, tendant les bras vers lui pour le délivrer de son manteau. « Trèves de plaisanteries. J’espère que vous avez fait bon voyage. Et qu’on ne vous a pas trop posé de questions… »

Car c’était justement le but de la manœuvre, après tout : ne pas l’incommoder et garder ce nouveau moment qu’ils partageraient pour eux, jalousement. Comme une nouvelle pièce de choix ajoutée à un trésor.

ft. Arès Longerbane

La silhouette de Mrs Krépine se détacha de l'ombre à l'instant même où Arès la mentionna. Si la gouvernante des Longerbane avait pris grand soin de se faire discrète jusqu'à présent, sa cachette, bien à l'abri du cadet de la famille qu'elle servait, ne la dissimula pas plus longtemps des yeux bleus de la maitresse des lieux.

Siobhán ne put quant à elle voiler davantage son ravissement à l'idée de la revoir après que sa main eut quitté celle d'Arès.

« Mrs Krépine ! », fit-elle en s'avançant pour lui tirer une véritable révérence cette fois-ci, jetant au passage un petit regard en biais faussement courroucé à Arès et ponctué d'un fin sourire dont lui seul entreverrait la teneur. « Quelle joie que vous soyez venue. Je suis sincèrement ravie de vous revoir. »

Alors qu'elle parlait, une petite silhouette était apparue à son tour dans son dos, donnant l'impression que son ombre venait tout juste de se scinder. Les lèvres de Siobhán s'étirèrent en un fin sourire, pertinemment au fait de ce que le compagnon des Korrigan attendait en se plantant ainsi à ses côtés.

« Je vous présente Flinky, le plus fidèle acolyte de mon père, et un membre à part entière de notre famille. » Les gestes se joignirent aux mots. « Il est tout simplement mon sauveur. Je n'aurais jamais réussi à récupérer le château pour vous accueillir ce soir sans lui. »

L'idée d'avoir un chaperon pour cette soirée ne l'avait même pas effleurée, mais elle tenta de ne rien montrer de sa surprise à l'emploi de ce qualificatif.

Après réflexion, la présence de Mrs Krépine et le fait qu'Arès n'ait a priori pas eu son mot à dire à ce sujet était le signe d'un message très clair envoyé à la jeune Korrigan.

Après le piètre spectacle orchestré par son père aux Ombes Moires, la demie-vélane aurait du se douter que son amitié avec Arès Longerbane n'était pas forcément la bienvenue — aussi nombreux pourraient être ses efforts pour racheter son nom aux yeux de sa famille. Sans compter sur ce divorce précoce qui ne serait jamais bien vu des lignées les plus éminentes de leur société...

Ses réflexions furtives lui permirent de prendre conscience de l'importance de continuer à entretenir de bonnes relations avec la gouvernante, bien que sa politesse innée ne constituerait en rien un effort.

Aussi, perdue dans le fil de ses pensées, elle avait attrapé les effets personnels de ses invités pour les faire disparaitre elle-même en un coup de baguette. L'aveu d'Arès la ramena bien vite à la réalité.

Dans un vestiaire à quelques pas de là, on entendit les vêtements retomber soigneusement à leurs emplacements respectifs et elle les invita dans un geste à entrer alors qu'ils conversaient.

La porte de bois se referma lourdement derrière eux, les sauvant enfin de ce froid mordant et humide de ce début janvier.

« Je suis navrée de l'apprendre. Je pensais naïvement qu'en vous conviant dans le château le plus hostile d'Irlande, personne ne viendrait vous poser de questions. Il faut croire que je me suis trompée. »

Sa mine se fit plus sombre tout à coup, teintée d'une certaine désillusion.

Contrairement à Arès sans doute, Siobhán avait toujours été libre de côtoyer qui elle entendait et c'était bien la première fois qu'on trouvait à redire à son sujet. Pour autant, l'envie de revoir le Longerbane était pleine de sincérité et sans aucune arrière-pensée, quoique pourrait en dire son entourage proche. Dans une certaine mesure, son égo était touché et elle saisit au vol l'opportunité de changer de sujet en regagnant son propre sourire.

« En effet. Des générations d'ancêtres aux goûts des plus raffinés, vous en conviendrez. J'espère que leurs spectres ne viendront pas nous hanter ce soir. Je crois bien les avoir froissés en reprenant leur décoration parfois — comment dire cela sans les vexer davantage s'ils m'entendent... — spartiate ? »

Un doux euphémisme que ses aïeux n'allaient pas lui pardonner de sitôt, y compris sous leur forme lémure. Mais Siobhán oublia bien vite son affront lorsqu'Arès l'interrompit dans son avancée au sein du vestibule pour lui présenter un cadeau tout à fait peu ordinaire.

Les yeux bleus de la demie-vélane se mirent à briller plus fort encore, alors que s'y reflétait déjà la lueur dansante des dizaines de bougies qui allaient bientôt les accueillir au niveau de l'escalier principal, desservant la plupart des pièces de la bâtisse.

« Vous n'aviez pas besoin d'amener quoique ce soit avec vous... Le fait que vous soyez venu malgré la désapprobation évidente de votre famille est déjà un merveilleux cadeau d'amitié, bien que je ne sois pas certaine d'en être digne », le réprimanda-t-elle sans pouvoir vraiment dissimuler sa curiosité entre ses lèvres, divisée entre l'envie d'en savoir plus et l'analyse rapide dans laquelle son cerveau s'était déjà lancé sans son accord.

C'est qu'elle avait appris par cœur la forme de la plupart des graines de plantes magiques confinées au sein des serres de Poudlard dans un recueil dédié, dérobé à @Morana Cynfeirdd, et que celle-ci en particulier ne lui disait rien.

« Quelle surprise me préparez-vous cette fois-ci ? »

Après le repas à la belle étoile en plein mois de décembre, elle pouvait définitivement s'attendre à tout.

Les souvenirs de cette somptueuse soirée lui revinrent en mémoire et presque aussitôt, elle en oublia la présence de Mrs Krépine, les questions qui avaient été posées sur leur nouvelle entrevue, et, probablement, la désapprobation de sa famille au sujet de sa venue.

À vrai dire, le plus important dans tout ça était qu'Arès avait accepté son invitation.

Quant au reste, il n'y avait rien que ne pourrait attendre le lendemain matin.

Et tout à coup, en repensant à ce qu'ils s'étaient dit, à leurs nombreux points communs et le courant qui était tout de suite passé entre eux... elle comprit. Du moins, elle le pensait si fort que sa voix spontanée trahit à la fois son impatience et son évident intérêt.

« Est-ce que c'est une graine de votre plante préférée ?! »

La question avait été posée de but en blanc, révélant cet air enfantin réservé habituellement à son plus proche entourage.

ft. Arès Longerbane

La complicité entre Arès et Mrs Krépine était d’une évidence rare et faisait chaud au cœur. Encore aujourd'hui, peu de sorciers considéraient les elfes de maison comme leurs égaux. Mais le Longerbane faisait visiblement partie de ceux qui, comme Siobhán, tenaient en haute estime ces créatures sans qui, bien souvent, ils ne seraient rien.

Dans l'inconscience générale, le jeune homme marquait donc tranquillement des points.

« C'est une bonne chose. Ainsi, il ne prêtera pas attention aux détails que nous n'avons eu le temps de traiter », fit-elle mine de murmurer à l'intention de Mrs Krépine en plaçant sa main au coin de ses lèvres pour mieux cacher leur mouvement.

L'instant d'après, un sourire sincère adressé à l'invité vint s'y dessiner, jusqu'à même laisser échapper un petit rire précieux devant le regard courroucé qu’il lançait à sa gouvernante.

« Je suis tout à fait honoré de vous accueillir dans la demeure ancestrale de la famille Korrigan », finit par annoncer un Flinky grandiloquent, tout à fait à sa place en se sachant ainsi considéré. « Miss Siobhán m'a beaucoup parlé de vous cet après-midi alors que nous préparions votre arrivée. Elle ne tarit pas d'éloges à votre sujet et je comprends maintenant mieux pourquoi. »

À son tour, Miss Siobhán lui lança un regard en coin, le sommant en silence de ne pas développer davantage son propos. Flinky avait son propre libre-arbitre, mais il y avait certains ordres auxquels il ne pouvait pas déroger sous peine d'en subir les conséquences des jours durant. Depuis son plus jeune âge, Siobhán avait su faire payer ce genre d'impairs à sa famille, dont Flinky faisait partie, à coup de regards assassins ou de remarques piquantes correctement placées.

Mais alors qu'ils entraient finalement à l'intérieur, Arès sembla remarquer le regard changeant de son hôte.

Ses joues rosirent subtilement sous la lumière des torches qui les accueillaient dans le vestibule. Heureusement pour elle, la nuance était à peine perceptible et elle put noyer le poisson.

« Est-ce vraiment ce dont il est question ? », demanda-t-elle sans parvenir à cacher cette bribe d'inquiétude naissante, persuadée qu'il tentait surtout de la préserver pour ne pas la blesser. « Mon père n'a pas montré le meilleur de lui-même au dernier bal. J'imaginais au contraire que les gens auraient surtout beaucoup à redire du fait que nous nous voyions. Vous avez nettement plus de raisons de me fuir que l'inverse, ne croyez-vous pas ? »

Arès, quant à lui, n'avait absolument rien pour donner à quiconque l'envie d'esquiver sa présence - bien au contraire.

À ses côtés, elle oubliait toutes ses chaines, le poids de la vie et de tous ses questionnements et surtout, les miettes qui subsistaient encore de son cœur brisé. Au contraire des mois qui s'étaient écoulés, sa présence faisait renaître tout ce qui se faisait de mieux dans son intérieur, et grâce à lui, Siobhán réapprenait lentement à sourire.

« Vous dites ça uniquement parce que vous êtes complètement inconscient. Si vous aviez déjà rencontré mon grand-père, croyez-moi, vous ne tiendriez pas ce discours. Il donnerait le pire fantôme que ce monde ait connu. Pire encore que le baron sanglant et croyez-moi, ce n'est pas un compliment. »

Au-delà de leur bonne entente, il se dégageait d'Arès une aura particulière qui lui avait immédiatement susurré qu'ils se reverraient après Yule. Face à cette certitude, rien de ce que les autres auraient pu dire ou faire ne l'aurait empêché de donner vie à ses envies sur le sujet.

Sauf, peut-être, si sa famille désapprouvait.

Sur ce point d'ailleurs, il la rassurait.

« Qu’aurait-elle à désapprouver, alors ? », l’interrogea-t-elle spontanément. Avant de se rétracter aussitôt devant sa propre curiosité. « Vous n’avez pas à répondre à cette question, cela ne me concerne pas. Pardonnez mon indiscrétion. » Puis de reprendre, pour ne pas prendre le risque de laisser le silence s’installer. « Vous avez raison. Votre sœur est un joyau brut. Je ne manquerai pas de la remercier ainsi que le reste de votre famille. »

Même si la présence d’Arès valait cent fois tous les présents du monde, à ses yeux, et même s’il lui avait fait savoir que personne ne la désapprouvait elle, il lui fallait maintenant se montrer digne de cette amitié naissante si précieuse à ses yeux.

Et pour cela, quoi de mieux que de laisser ouvertement sa joie l’envahir devant l’idée de faire de la botanique en pleine nuit.

« Qu’attendons-nous dans ce cas ? »

Il y avait cette lueur de malice dans ses yeux alors que sa main se glissait dans la sienne pour entraîner Arès dans son sillage. Sans doute le protocole n’autorisait pas ce genre de gestes dans un tel contexte, et peut-être même que Mrs Krepine trouverait à redire. Mais Siobhán entendait profiter de cette soirée loin des carcans que la société magique imposait à des personnalités comme celle d’Arès.

Aussitôt leurs paumes fussent-elle disposées l’une contre l’autre, Siobhán fut prise d’un courant électrique qui la traversa de part en part sans aucune douleur ni sensation désagréable. C’était même tout le contraire : l’impression qu’une forme de magie venait brièvement de faire son œuvre, la sensation d’une connexion agréable et saine d’esprit qui laissait derrière elle un étrange sentiment de bien-être.

Dans son élan, elle marqua une pause sans pour autant retirer sa main, surprise par ce qui venait de se produire en elle. Mais de peur qu’Arès la prenne pour une folle, elle ne dit rien à ce sujet, préférant détourner son attention sur ce qui les attendait alors qu’ils reprenaient leur route en direction de la serre à l’arrière du château.

Pour y parvenir, ils traversèrent un grand salon aux murs sombres, ranimés par la chaleur dansante des bougies installées un peu plus tôt par Flinky et Siobhán. Il n’y avait pas grand chose à commenter sur cette pièce en dehors de son grand feu qui brûlait dans l’âtre, d’un tapis perse sur lequel dormait un canapé rigide passé de mode. Tout près de la flamme, Siobhán avait installé toute une panoplie de coussins qui paraissait nettement plus confortables mais pour le moment, ils les éludèrent complètement.

« Si vous le voulez bien, et pour nous mettre dans l'ambiance, nous nous dirigeons vers la pièce que mon grand-père haïssait par-dessus toutes les autres dans ce château : j’ai nommé, la serre. Et comme je n’avais pas anticipé que nous la visiterions, je vous demande de ne pas m’en tenir rigueur car elle est restée… dans son jus. Mais n’allez pas croire que je vous ai menti quand je vous ai fait part de mon amour pour la botanique. »

Ils ne tardèrent pas à atteindre l’annexe, toute en longueur, par une entrée accessible depuis l’intérieur et qui, à son opposé, disposait d’une autre ouverture qui les menait directement à l’extérieur. Il fallait ignorer le plafond décrépit qui offrait aux murs de verre récalcitrants une large vue sur un ciel ouvert à bien des endroits. C’était difficile à percevoir dans l’obscurité bouffante de la nuit, mais la végétation semblait avoir repris pleinement ses droits dans cet espace abandonné depuis des années.


« Je vous l’avais bien dit », reprit Siobhán devant ce triste tableau. « Mais cette graine ne pourra s’épanouir qu’ici, j’en suis certaine. Quelles informations pouvez-vous me donner quant à la terre, l’exposition à la lumière et l’arrosage ? Nous allons libérer les jardinières les plus adaptées à sa croissance. Flinky, peux-tu aller me chercher les outils que nous avons trouvés cet après-midi en rangeant ? »

Son enthousiasme était aussi évident qu’elle était dans son élément.

Quant à savoir si c’était cette graine ou la présence d’Arès qui l’animait autant…