New champion [Février 2018]

L'arène était un lieu où j'aimais passer du temps... Certains diraient perdre du temps. Mais depuis que j'étais revenu du Danemark, réglant les affaires de mon clan, je me prélassais devant la violence que certains étaient prêts à s'infliger pour quelques gallions. C'était du moins ce que j'avais imaginé de prime abord. Puis j'avais réalisé que les raisons étaient multiples. La cupidité certes, mais aussi la gloriole, le besoin d'attention, les dettes, l'amour... C'était cette dernière raison qui m'avait poussé à prendre Erik Kardinson comme poulain. Il était venu me voir pour me demander de le sponsoriser. En somme, il avait besoin d'équipement et d'entraînement. Faisant jouer quelques relations, celui qui avait été au début du mois de janvier un inconnu, de la viande pour les créatures magiques de la fosse, était devenu celui qu'on promettait à un grand avenir.

Finalement, je n'avais joué qu'un petit rôle dans ça, juste l'impulsion nécessaire. Enfin... Si on écoutait Erik, il me devait tout. Il était incapable de voir le guerrier qui sommeillait en lui. D'une certaine façon, cela me flattait cette importance qu'il me donnait, de l'autre... J'étais un peu déçu qu'il ne sache pas réaliser la valeur qu'il avait. Après tout, je ne rendais pas ces services pour asservir les gens à une forme de reconnaissance. Leur reconnaissance mourrait avec eux. En revanche ce qui survivrait, ce serait le souvenir qu'ils laisseraient derrière eux... Cette étincelle de vie qui me permettait de vivre par procuration cette mortalité que je rendais plus intéressante pour ceux qui estimaient ne rien avoir... Ou du moins assez peu à perdre pour préférer faire un pacte avec le diable. Car c'était finalement ce que j'étais aux yeux de beaucoup au Marché aux Trolls. Le diable. Drake Kull, le vampire sans pitié. Un vampire excommunié par les siens pour avoir fait exterminé son propre clan.

Cela m'avait donné une certaine réputation au Marché. Ma petite boutique tournait à plein régime et nombreux étaient les déçus... Car si beaucoup cherchaient mes services, peu trouvaient grâce à mes yeux. On me prétendait snobinard, hautain, qui n'était intéressé que par l'argent et les femmes. Ce dernier point n'était pas totalement faux. J'aimais la présence des jolies femmes, pourtant, j'avais repoussé plus d'une demoiselle cherchant à me faire aider son mari. L'avantage de ma condition était l'accès facile aux pensées de la plupart des gens. Comme cet homme à ma gauche qui se demandait s'il pouvait me voler ma bourse sans que je ne m'en rende compte. Quand il essayerait de passer à l'acte, il me suffira de le saisir par le col et l'envoyer par-dessus la rambarde pour qu'il tombe jusque dans le sable de l'arène. Enfin... Non pas qu'il y avait du sable... Mais j'aimais bien l'expression. La chute allait être douloureuse sans doute... Tant qu'elle n'était pas mortelle... Après tout, contrairement aux rumeurs, je n'avais jamais tué personne. Déjà, c'était assez grossier, cela tâcherait mon costume trois pièces, mais surtout, j'avais promis à ma femme de ne jamais franchir ce cap. Selon elle, l'âme ne se remettait jamais d'une telle transgression. Avais-je encore une âme en tant que vampire ? Je n'en étais pas sûr. C'était sans doute ce que je cherchais un peu ici... Un moyen de vivre au travers des principes de celle qui m'avait rendu l'immortalité trop courte et dont la disparition me faisait comprendre le vide dans l'infini. Reportant mon attention vers le combat, je voyais Erik affrontait un des anciens champions de l'Arène. Des années, il avait été au sommet... Pas de ceux qui pouvaient prétendre à une couronne, mais assez bon pour être couvert de lauriers. Et pourtant, ce dernier était en train de perdre.

Malgré son talent en tant que sorcier, il ne faisait pas le poids face aux artefacts d'Erik. Il avait, grâce à moi, une dague qui pouvait trancher les sorts comme s'il utilisait un protego et une autre lame qui transperçait toute magie défensive connue à ce jour... Enfin, son amulette le rendait totalement insensible à toute lecture de pensées qui étaient traduites dans la langue des êtres de l'eau. En somme, il devenait imprévisible et ses talents athlétiques compensaient son manque de magie. Il aurait pu être un cracmol qu'il aurait aussi bien réussi. Bien sûr, sa baguette restait à sa ceinture en cas de pépin... On assistait à une nouvelle ère pour l'arène sans doute. Une ère où le sang coulerait plus que par le passé. Même s'il était peu probable à mes yeux que ce protégé devienne aussi passionnant que l'ancienne combattante Argyros. Il fallait dire qu'il était difficile pour toute personne d'égaler son charme qui était proportionnel à sa létalité.

Le combat battait son plein et les gens criaient et applaudissaient les deux combattants qui en donnaient pour leur argent. C'était barbare. Sans doute même répugnant. Pourtant, j'y trouvais un charme qui me faisait regarder le spectacle pendant qu'une petite voix dans mon esprit me rappelait que les combats n'étaient pas un jeu... J'avais vu assez d'atrocités, à la fois chez ceux que l'on disait gentils que chez ceux que l'on disait méchant. Enfin... Ce charme était différent quand c'est Erik qui combattait comparé à Tyler. Elle était une femme sublime et délicieuse dont j'avais toujours apprécié la compagnie. Une compagnie souvent lointaine tant elle était acclamée et désirée...

Je me faisais aussi discret que je le pouvais. Ce qui fonctionnait rarement en raison de mon charme naturel... Ainsi que le côté magique. Mais c'était grossier de me le rappeler. En pensant à la louve, elle vint vers moi. Elle avait l'air... Différente. Je ne savais pas vraiment l'expliquer pourquoi et il m'était difficile de lire avec autant de clarté les pensées dans une foule que lors d'un tête-à-tête. Surtout quand mon attention était tournée vers un malotru qui envisageait de me voler. Souriant en la voyant, je fus rassuré à l'entendre. Son arrogance et ses provocations n'avaient pas changé. Prenant délicatement sa main, je la menais jusqu'à mes lèvres qui restèrent à quelques centimètres de sa peau.

« Voyons... Chaque combat sans vous Argyros est une insulte aux divinités de la guerre. »

Le côté mielleux et charmant me venait naturellement quand je la côtoyais. Il fallait dire qu'elle avait cette beauté sauvage... Le genre de femme qu'on ne pouvait désirer posséder, car son charme se basait sur sa liberté, sur le chaos qu'elle provoquait dans les cœurs les plus fragiles et la casse sur les lits les moins solides.

Le public acclama mon débiteur qui venait de blesser grièvement son adversaire. Un ancien champion était sur le point de mourir s'il ne se rendait pas. Pourtant, aucune joie sur mon visage vu ce que m'avait demandé la demoiselle. Cette requête était perturbante à plus d'un titre... Enfin, je n'eus pas vraiment le temps de m'y attarder puisque le sorcier à mes côtés passa à l'action pour me dérober ma bourse. Saisissant sa main, je lui tordis le poignet avec une facilité déconcertante. L'homme avait beau être plus fort que moi, le fait d'avoir été surpris sur le fait n'était pas dans ses plans. Profitant de l'écart de poids, je le fis passer par-dessus la rambarde pour qu'il dégringole les marches jusqu'au centre du combat. Peut-être arriverais-je à faire un strike ? C'était peu probable. Sans lui donner plus d'attention, je regardai de nouveau la charmante combattante.

« Cela doit vraiment être la fin d'une ère aujourd'hui pour que vous vous mettiez à entraîner et gérer les futurs gladiateurs. »

Ce n'était pas un refus direct. Dans l'absolu, il ne m'appartenait pas. La seule chose qu'il avait de valeur était sa dette, que Tyler Argyros commence à l'aider... Cela serait une aide supplémentaire. Cependant, je n'aimais pas trop la façon de présenter les choses. En somme, elle le récupérait et gardait tout ce que j'avais investi ? Elle ne devait pas pour mon marché avec lui. Soit. Avec un sourire carnassier et un regard aussi provocateur que ne l'était sa langue affûtée, je me contentais de lui demander sur un ton mielleux que l'on avait un peu épicé.

« Et que puis-je espérer gagner de cette cession ? J'ai beaucoup investi. Je doute que vous ne me demandiez ça pas pure "amitié". »

Si, en fait, c'était totalement son genre. C'était bien pour ça que j'écartais cette réponse d'un revers de la main. Le culot avait son charme, mais mal dosé, il rendait la discussion moins amusante. Je voulais voir jusqu'où elle était prête à aller... Après tout, n'était-ce pas ma spécialité ? Découvrir ce dont les gens avaient vraiment besoin.