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The Curse | OS
Bêta Testeur
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Professeur de Poudlard
Je suis Professeur à Poudlard
Expertise : Vulnera Sanentur !
Sortilège de Niv.5
INFOS
Messages : 424
Faceclaim : Krysten Ritter.
Sang : Née-moldue.
Particularités : Animagus chatte noire.
Profession : Disparue dans la nature depuis le 5 mai 2023.
Multis : James, Israfel, Brynn et Nott.
FICHE DE PERSO
Dossier du Ministère
Situation actuelle: DANS LA MERDE.
Dé utilisé: Dé Correct (60%)
Maturité Magique (MM):
(60/100)
Education Magique (EM):
(40/100)
Potentiel Magique (PM):
(65/100)
Rigueur Magique (RM):
(40/100)
Expérience Magique (XM):
(70/100)
Témoins de l'Histoire:
(0/0)
Inventaire:
Dossier du Ministère
Situation actuelle: DANS LA MERDE.
Dé utilisé: Dé Correct (60%)
Maturité Magique (MM):
(60/100)
Education Magique (EM):
(40/100)
Potentiel Magique (PM):
(65/100)
Rigueur Magique (RM):
(40/100)
Expérience Magique (XM):
(70/100)
Témoins de l'Histoire:
(0/0)
Inventaire:
La médicomage toqua deux fois avant d’entrer avec un sourire sur les lèvres. Elle avait été à son chevet depuis la veille au soir où elle avait tenté de faire le maximum sans qu’on ne se bouscule ici. Kathleen lui avait assuré que ça se ferait tout seul mais elle avait insisté pour être là pour l’aider. Et pas seulement parce que son corps était encore bleui à certains endroits.
« Vous n’avez personne à appeler ? »
Kathleen n’avait rien répondu mais ses yeux avaient parlé pour elle. Elle n’en avait qu’une, une seule gravée sur la langue par un sortilège bien particulier, mais une qui ne devrait plus jamais entrer dans sa vie, pas après tout ce qu’il avait fait.
C’est avec une certaine rancœur qu’elle avait pensé à Braxton Clearwater, une amertume aigre-douce, une petite note restant coincée entre les dents. Est-ce qu’elle avait le droit de le voir ? Les mots de Ryan lui résonnaient dans le crâne. Après cette nuit-là, il ne voudrait plus la voir. A chaque fois qu’elle y pensait, les larmes montaient sur le rebord de ses yeux mais ne coulaient pas. Elle se l’interdisait, comme on s’interdit de se plaindre quand on est le seul acteur de son propre malheur.
Alors non, Kathleen Jones n’avait personne à appeler. Ni de Neve Walsh qui aurait fait de bon cœur le déplacement. Ni d’Aram Romanez dont la carte restait toujours dans cette poche et n’affichait désormais plus rien qu’un chat en bas de la Roue de la fortune. Plus de Faucheuse pour ce qu’elle était bel et bien passée.
Personne à appeler, personne à qui parler, personne.
Après plus de vingt ans, c’était aussi un peu tragique à se dire.
La médicomage devait avoir l’habitude car elle ne répondit rien, détournant seulement la tête avec pudeur. Des gens comme Kathleen devaient exister, parce qu’elle ne pouvait pas être unique dans ce genre de malheur, parce que c’aurait été cruel qu’elle le soit.
« Est-ce que… est-ce que les autres blessés se sont remis ? »
« Ils sont en bonne voie » avait simplement répondu la médicomage.
« Et Betty Clearwater ? »
« Tout va mieux pour Madame Clearwater. »
La chatte avait détourné à son tour le regard, pudique. Songeuse un instant.
Si Braxton Clearwater ne venait pas la voir, il y avait de quoi. Sean Clearwater n’avait pas été retrouvé. Le serait-il un jour seulement ? Les doigts pianotant sur le drap blanc, Kathleen y pensait en boucle, les paroles sonnants en elle comme dans le fond d’un puit vide.
« Est-ce que vous voulez que je donne des nouvelles à votre ami ? »
Les yeux noisette de la chatte se détournèrent pour la première fois de la fenêtre, légèrement ahuris. Elle attendit la suite, que la médicomage poursuive, mais rien ne vint. Elle se pinça les lèvres avant de murmurer, penaude :
« Mon ami ? »
« L’homme qui vous amené, c’est bien votre ami, non ? »
« Est-ce que tu penses qu’il voudra encore de toi ? »
C’est vrai qu’il avait voulu qu’elle soit mise à l’abris aussi, au Domaine. Il avait aussi voulu lui briser les os et la chassait de Poudlard. Il avait dit qu’il ne lui casserait pas les os… Était-ce avant ou après d’apprendre la disparition du petit ? La tête un peu lourde, Kathleen détourna les yeux, l’air sinistre.
« Non, j’ai pas d’ami », pour mieux marteler un ton plus bas encore, « j’ai personne. Il… »
Si Braxton était son ami, il aurait probablement demandé comment elle allait. Si Braxton était son ami, aurait-il cru un seul instant qu’elle était de leur côté ? Aurait-il imaginé qu’elle l’ait vendu ? Sa gorge se serra, la tête brouillée par les potions et douloureuse par les souvenirs. Elle se tourna mollement sur le côté, tirant sur elle la double couverture alors qu’il devait au moins faire dix degrés de trop pour la saison.
« Il doit être très occupé, le déranger pas pour ça… »
Le timbre de sa voix s’était modulé de lui-même, se voulant soudainement plus doux, plus triste aussi. Sean Clearwater n’était toujours pas revenu et elle ignorait totalement ce que Ryan avait derrière la tête. Elle se recroquevilla malgré la douleur, tentant de se souvenir de quelque chose – en vain.
Seul le brouillard des potions de sommeil sans rêve vint la cueillir.
Le tintement du verre sur la desserte en fer attira son attention. C’était un tout petit flacon de la taille de la main, pas plus haut, très fin. A l’intérieur, une substance dansait, d’un noir olive. Le bouchon était bien enfoncé mais d’ici on pouvait sentir les effluves d’achillé millefeuille et d’armoise. Kathleen baissa les yeux, avant de reporter son attention sur les fenêtres qui donnaient sur de superbes arbres et sur les oiseaux.
« Je vous la laisse là. Vous en faites ce que vous voulez, mais vous devriez y penser. »
La chatte ne remua pas, ne répondit rien. Elle observa les couleurs courants derrière les nuages, le lent mouvement des rideaux poussés par la faible brise. Il faisait chaud, horriblement chaud pour un mois de juillet. Elle eut un pauvre sourire.
« Quand est-ce que je pourrais sortir ? » souffla-t-elle.
Son pied était revenu dans la nuit, raccommodé par l’apprentie qui désormais avait le droit de passer la tête par la porte, d’entrer voir le fond du terrier. À tout moment elle s’attendait à ce qu’on vienne la chercher et qu’on la traîne à Azkaban. Non déclaration d’animagus. Finir en prison pour ça, c’était… curieux.
Mais Kathleen avait la tête trop lourde des potions ingurgitées, des tranquillisants, pour vraiment creuser la question. Il lui avait sembler à un moment demander ce qu’il en était, vis-à-vis du Ministère. La jeune femme qui la suivait haussa les épaules.
« Sans bonne raison, nous n’avons pas le droit de révéler ce genre de chose. »
Sans bonne raison.
Tout lui paraissait lointain, confus. Trop flou.
« C’est quoi une bonne raison ? »
Les yeux noisette s’étaient posés sur le visage pensif de la médicomage qui enroulait et déroulait les pansements, passant un peu d’eau clair pour chasser les restes des cataplasmes du matin.
« Je l’ignore… Quand… quand c’est pour le mieux, j’imagine. »
Jones ne répondit pas, la gorge un peu serrée. Ça lui semblait un peu… étrange.
Pour le mieux ?
Au troisième jour, la potion n’avait pas bougé d’un pouce sur la desserte.
En revanche, au changement des pansements, Kathleen releva les yeux sur la médicomage. Elle ne bougea pas quand on retira les points magiques qui avaient été faits le premier jour mais ses iris félins suivirent avec attention le moindre mouvement du médecin. Son corps se crispa quand les doigts experts osaient franchir le rebord de sa robe de chambre, trahissant une gêne et une douleur.
« Désolée, ça va faire un peu mal » souffla la médicomage.
Kathleen eut une petite grimace mais aucun son ne sortit de sa bouche, pas même un couinement, pourtant ses sourcils dansèrent. Ça faisait trois jours qu’elle était ainsi, silencieuse, morne. La médicomage avait d’abord mis ça sur le compte des récents évènements mais avec le boucan que pouvait faire Fergus Clearwater à côté, il fallait trouver une autre explication.
En plus de vingt ans de métier, elle en avait vu des vertes et des pas mûres – et surtout des pas mûres d’ailleurs.
« Vous devriez le dire quand vous avez mal » avait tenté la médicomage, en vain.
La chatte avait eu un moment d’absence, avant d’oser un petit sourire timide et contrit. Le genre de sourire qui aimerait dire : j’ai tellement eu mal si longtemps que j’ai fini par ne plus rien sentir vous savez. Je suis fatiguée d’être fatiguée.
Elle détourna finalement la tête, baissant légèrement les yeux sur les draps blancs, sur ses longues jambes, sur l’ecchymose magique en forme de maëlstrom qui resterait pour encore au moins deux jours. C’était pas la première fois qu’elle était désartibulée mais c’était bien la première fois que voir sa cheville dans cet état la rendait nauséeuse.
« Est-ce que ça va ? »
La voix de la médicomage la rappela à la réalité. Kathleen sortit de ses songes, de ses extrapolations, de ses grandes brasses et de ses petites noyades dont étaient jonchés ses rêves de nuit. Où était Braxton Clearwater ? Est-ce que Sean était vivant ? Qu’est-ce que faisait Ryan au même moment ? Les doigts s’étaient emmêlés, griffés, enfoncés les uns dans les autres jusqu’au sang. Kathleen n’avait pas fait de crise depuis des années et elle s’évertuait à être forte, mais être forte n’avait pas suffi. Être prévenante n’avait pas suffi. Le Loup avait toujours un coup d’avance, une longueur d’avance.
Qu’est-ce qu’elle était sans lui ?
« J’ai… J’ai essayé » balbutia Kathleen, la voix s’enrouant, les yeux s’embuant, les ongles se cognant toujours les uns contre les autres, « j’ai essayé mais j’y arrive pas. J’y arrive pas, pourquoi j’y arrive pas… »
Sa voix s’éteignit sur les dernières syllabes alors qu’elle se remémorait encore le sang, imaginait les enfants au Bénin, repensait à cette chambre d’hôpital où il avait fait froid quand on s’était excusé auprès d’elle. Elle renifla, chassant dans le creux de sa main les quelques larmes fugitives, ces salopes qui attiraient l’attention mais ne faisaient rien pour se rendre plus jolie et aimable. Où était-ce elle ? Elle ne se souvenait plus. Elle eut un sanglot qu’elle éteignit, serrant les canines, ses belles canines si fragiles, si blanches.
« Mademoiselle Jones… » tenta tout bas la voix de la médicomage, qui tentait alors de déposer sa main sur la tête de Kathleen, lui tirant seulement un couinement apeuré, un coup de sa part pour qu’on ne la touche pas.
La médicomage se recula, non pas parce qu’elle craignait pour elle, mais parce que Kathleen Jones la fixait avec ce regard qui en disait long, avec ses yeux tristes et furieux à la fois. Furieux de douleur. Elle se retira en s’excusant.
« Ce n’est pas de votre faute » commenta seulement la médicomage en retirant le dernier bandage.
« Le destin est plus cruel pour ceux qui ont le cœur tendre. »
Kathleen baissa les yeux, en se disant que c’était bien vrai. Il fallait voir ce qui était arrivé à Braxton Clearwater. Le manteau était épais mais il avait fini par craquer. Toujours pas venu la voir. Toujours pas bouger la potion sur le plateau. Toujours le silence à jamais. Plus de halètements furieux de croups, de miaulements avides et affamés ou de regards en coin échangés, mi-moqueurs, mi… mi-quoi déjà ?
« Il faut que vous déposiez une plainte, Kathleen. Ce qui vous est arrivé est très grave. »
« C’est mon… », elle n’avait pas réussi à finir la phrase.
C’est mon quoi ?
« Ça ne change rien au fait qu’il n’avait pas le droit de faire ce qu’il vous a fait. »
Jones eut un petit sourire en coin. Pas plus qu’il n’avait le droit de faire ce qu’il avait fait à Braxton, à Sean, à tous les autres.
Peut-être devrait-elle aller le voir.
Peut-être devrait-elle se rendre.
Tout simplement.
Aller voir Ryan, lui dire je m’excuse, libère le petit et faisons notre vie ailleurs ?
Le regard morne, la chatte jeta un œil la fenêtre, tentant de recoller les morceaux de sa psyché assommée par les potions, toujours les potions, toujours plus de potions. A en gerber sur le sol. A en gerber toute la nuit, tout le matin. Jusqu’à la prochaine potion.
« Est-ce que je pourrais sortir demain ? »
La médicomage renâcla. Elle avait l’impression que Jones cherchait à fuir. Mais fuir où ?
« En théorie oui. Mais vous n’avez pas de baguette ou d’habits ? »
La chatte eut un moment de doute. Braxton avait sa baguette. Mais elle n’avait pas le cœur à aller le voir. Elle avait bien l’impression qu’il ne voulait plus la voir. Que c’était fini. C’était fini… ça sonnait étrange quand elle y pensait. C’était angoissant aussi de se dire que cette fois, c’était la bonne. L’arrêt de gare où on descend sur les quais. Pas assez rapide la gamine à la frange mal coupée, elle avait même pas vraiment eu le temps de lui dire salut ou bon courage ou quoi que ce soit.
Elle avait pourtant bien cru l’arrêt juste avant que ça durerait, qu’elle avait un ticket longue distance, parce qu’il avait quand même voulu l’emmener au Domaine. Parce que même si elle savait pas bien ce que ça représentait pour lui, il l’avait mise avec les autres de sa famille et…
Kathleen eut un sanglot qu’elle chassa de nouveau.
Juste un chat.
« On viendra me chercher… »
C’était un mensonge et en même temps. Si ce n’était pas les Aurors, la BPM s’en chargerait tout aussi bien. Peut-être que Nasreen était déjà au courant de la situation ? Peut-être que Jameson Clearwater n’avait rien dit. Ou alors si, et son licenciement suivrait dans le même temps.
Le regard de Jones, rougis mais sec, se posa sur les nuages.
C’était l’été. L’époque à laquelle elle se rendait à Bristol enfant, courir après les mouettes, se faire voler ses frites par elles. Lointaine l’époque où le regard sévère de Madame Langley se posait sur elle et où elle pouvait encore l’entendre lui demander d’être la plus gentille de toutes les petites filles.
Ça n’avait pas servi à grand-chose, Madame Langley, d’être gentille.
Trois jours sans une visite, sans un mot. Trois jours…
« Je sortirais demain matin dans ce cas » avait-elle marmonné d’un ton monocorde.
La médicomage eut une petite moue ennuyée mais force était de constater que Kathleen Jones avait récupéré à une vitesse incroyable. Certes dopée aux potions des meilleurs potionnistes de Sainte Mangouste mais ses chairs et sa cicatrisation avaient quelque chose de plus magique que magique. Une bonne nouvelle pour la médicomage, une moins bonne pour Kathleen qui avait été à l’origine de tous ses malheurs dans le fond. Si elle n’avait pas été aussi résistante, peut-être aurait-elle pu crever dans sa cage et alors peut-être, oui, peut-être n’aurait-elle jamais causé tout ce vacarme.
Peut-être n’aurait-elle pas broyé ce pauvre Braxton Clearwater qui avait fini, lui aussi, par baisser les bras.
« Est-ce que vous voulez qu’on fasse la demande à Monsieur Clearwater ? »
« Pour ? »
Debout à l’accueil, derrière les longues mèches brunes, les yeux noisette de Kathleen brillèrent, entre angoisse et peur.
« Pour votre baguette. »
« Non », elle secoua vivement la tête.
« Qu'il la garde. J’en ai pas besoin. »
Ce n’était pas comme si elle lui avait beaucoup servi.
Kathleen signa le papier de décharge et finalement sortit, vêtue des vêtements avec lesquels elle était arrivée, rafistolée à la va vite par l’infirmière. La seule chose qui n’était pas partie, c’était l’odeur du sang et de l’affront de Ryan – si ce n’était pas vrai, elle subsistait au moins dans son esprit.
Elle s’en était revêtue une nouvelle fois, comme une nouvelle peau, comme si elle ne pouvait pas s’en défaire véritablement.
Il était encore tôt quand Kathleen passa les portes de Sainte Mangouste, le corps encore douloureux mais essentiellement fonctionnel. Fonctionnel. C’était le mot qu’elle avait mis sur cette machine, parce que parler de corps était devenu étrange. Un corps est fait d’organe, est fait de sang et de viscère. Pour être à ce point increvable, il fallait au moins qu’elle soit faite d’autre chose ; de paille, de foin ou de sable, comme les sacs sur lesquels on s’use les jointures.
Pas de baguette.
Pas de baguette.
L’image de Braxton lui vint en tête. Vite balayée par la honte, par les regrets. Oui elle lui avait dit qu’elle portait malheur, que tout ce qu’elle approchait finissait toujours par crever et qu’en plus, elle n’y pouvait rien, que c’était comme ça, que ça lui collait à la peau comme le veston empoisonné d’un demi-dieu maudit. Il ne l’avait pas cru.
Avait-il mérité pour autant ?
La chatte s’éloigna du bâtiment, l’air calme, pensif.
Elle clignotait des yeux, chaque battement donnait une nouvelle idée, une nouvelle pensée.
Aller au Marché aux Trolls, se rendre à Ryan, libérer les gamins.
Aller au Marché aux Trolls, tuer Ryan, perdre à jamais les gamins.
Aller à Bristol, se noyer.
Aller à Bristol, se pendre.
Aller à Poudlard, nourrir les bêtes.
Aller à Poudlard, nourrir les bêtes.
Elle inspira profondément, seule sur son trottoir, les mains enfoncées dans les poches de son blouson déchiré. Le galet d’écosse roula entre ses doigts, sec et rugueux.
Kathleen le sortit par curiosité, le faisant de nouveau rouler avant de se mettre à rire, d’un rire morose, fatigué, las.
Un galet.
Un galet…
« Vous n’avez personne à appeler ? »
Kathleen n’avait rien répondu mais ses yeux avaient parlé pour elle. Elle n’en avait qu’une, une seule gravée sur la langue par un sortilège bien particulier, mais une qui ne devrait plus jamais entrer dans sa vie, pas après tout ce qu’il avait fait.
C’est avec une certaine rancœur qu’elle avait pensé à Braxton Clearwater, une amertume aigre-douce, une petite note restant coincée entre les dents. Est-ce qu’elle avait le droit de le voir ? Les mots de Ryan lui résonnaient dans le crâne. Après cette nuit-là, il ne voudrait plus la voir. A chaque fois qu’elle y pensait, les larmes montaient sur le rebord de ses yeux mais ne coulaient pas. Elle se l’interdisait, comme on s’interdit de se plaindre quand on est le seul acteur de son propre malheur.
Alors non, Kathleen Jones n’avait personne à appeler. Ni de Neve Walsh qui aurait fait de bon cœur le déplacement. Ni d’Aram Romanez dont la carte restait toujours dans cette poche et n’affichait désormais plus rien qu’un chat en bas de la Roue de la fortune. Plus de Faucheuse pour ce qu’elle était bel et bien passée.
Personne à appeler, personne à qui parler, personne.
Après plus de vingt ans, c’était aussi un peu tragique à se dire.
La médicomage devait avoir l’habitude car elle ne répondit rien, détournant seulement la tête avec pudeur. Des gens comme Kathleen devaient exister, parce qu’elle ne pouvait pas être unique dans ce genre de malheur, parce que c’aurait été cruel qu’elle le soit.
« Est-ce que… est-ce que les autres blessés se sont remis ? »
« Ils sont en bonne voie » avait simplement répondu la médicomage.
« Et Betty Clearwater ? »
« Tout va mieux pour Madame Clearwater. »
La chatte avait détourné à son tour le regard, pudique. Songeuse un instant.
Si Braxton Clearwater ne venait pas la voir, il y avait de quoi. Sean Clearwater n’avait pas été retrouvé. Le serait-il un jour seulement ? Les doigts pianotant sur le drap blanc, Kathleen y pensait en boucle, les paroles sonnants en elle comme dans le fond d’un puit vide.
« Il est avec sa famille ! Avec sa femme ! »
« Son fils ou toi, je me demande bien… oui, je me demande bien ce qu’il va choisir… »
« Son fils ou toi, je me demande bien… oui, je me demande bien ce qu’il va choisir… »
« Est-ce que vous voulez que je donne des nouvelles à votre ami ? »
Les yeux noisette de la chatte se détournèrent pour la première fois de la fenêtre, légèrement ahuris. Elle attendit la suite, que la médicomage poursuive, mais rien ne vint. Elle se pinça les lèvres avant de murmurer, penaude :
« Mon ami ? »
« L’homme qui vous amené, c’est bien votre ami, non ? »
« Est-ce que tu penses qu’il voudra encore de toi ? »
C’est vrai qu’il avait voulu qu’elle soit mise à l’abris aussi, au Domaine. Il avait aussi voulu lui briser les os et la chassait de Poudlard. Il avait dit qu’il ne lui casserait pas les os… Était-ce avant ou après d’apprendre la disparition du petit ? La tête un peu lourde, Kathleen détourna les yeux, l’air sinistre.
« Non, j’ai pas d’ami », pour mieux marteler un ton plus bas encore, « j’ai personne. Il… »
Si Braxton était son ami, il aurait probablement demandé comment elle allait. Si Braxton était son ami, aurait-il cru un seul instant qu’elle était de leur côté ? Aurait-il imaginé qu’elle l’ait vendu ? Sa gorge se serra, la tête brouillée par les potions et douloureuse par les souvenirs. Elle se tourna mollement sur le côté, tirant sur elle la double couverture alors qu’il devait au moins faire dix degrés de trop pour la saison.
« Il doit être très occupé, le déranger pas pour ça… »
Le timbre de sa voix s’était modulé de lui-même, se voulant soudainement plus doux, plus triste aussi. Sean Clearwater n’était toujours pas revenu et elle ignorait totalement ce que Ryan avait derrière la tête. Elle se recroquevilla malgré la douleur, tentant de se souvenir de quelque chose – en vain.
Seul le brouillard des potions de sommeil sans rêve vint la cueillir.
(…)
Le tintement du verre sur la desserte en fer attira son attention. C’était un tout petit flacon de la taille de la main, pas plus haut, très fin. A l’intérieur, une substance dansait, d’un noir olive. Le bouchon était bien enfoncé mais d’ici on pouvait sentir les effluves d’achillé millefeuille et d’armoise. Kathleen baissa les yeux, avant de reporter son attention sur les fenêtres qui donnaient sur de superbes arbres et sur les oiseaux.
« Je vous la laisse là. Vous en faites ce que vous voulez, mais vous devriez y penser. »
La chatte ne remua pas, ne répondit rien. Elle observa les couleurs courants derrière les nuages, le lent mouvement des rideaux poussés par la faible brise. Il faisait chaud, horriblement chaud pour un mois de juillet. Elle eut un pauvre sourire.
« Quand est-ce que je pourrais sortir ? » souffla-t-elle.
Son pied était revenu dans la nuit, raccommodé par l’apprentie qui désormais avait le droit de passer la tête par la porte, d’entrer voir le fond du terrier. À tout moment elle s’attendait à ce qu’on vienne la chercher et qu’on la traîne à Azkaban. Non déclaration d’animagus. Finir en prison pour ça, c’était… curieux.
Mais Kathleen avait la tête trop lourde des potions ingurgitées, des tranquillisants, pour vraiment creuser la question. Il lui avait sembler à un moment demander ce qu’il en était, vis-à-vis du Ministère. La jeune femme qui la suivait haussa les épaules.
« Sans bonne raison, nous n’avons pas le droit de révéler ce genre de chose. »
Sans bonne raison.
Tout lui paraissait lointain, confus. Trop flou.
« C’est quoi une bonne raison ? »
Les yeux noisette s’étaient posés sur le visage pensif de la médicomage qui enroulait et déroulait les pansements, passant un peu d’eau clair pour chasser les restes des cataplasmes du matin.
« Je l’ignore… Quand… quand c’est pour le mieux, j’imagine. »
Jones ne répondit pas, la gorge un peu serrée. Ça lui semblait un peu… étrange.
Pour le mieux ?
(…)
Au troisième jour, la potion n’avait pas bougé d’un pouce sur la desserte.
En revanche, au changement des pansements, Kathleen releva les yeux sur la médicomage. Elle ne bougea pas quand on retira les points magiques qui avaient été faits le premier jour mais ses iris félins suivirent avec attention le moindre mouvement du médecin. Son corps se crispa quand les doigts experts osaient franchir le rebord de sa robe de chambre, trahissant une gêne et une douleur.
« Désolée, ça va faire un peu mal » souffla la médicomage.
Kathleen eut une petite grimace mais aucun son ne sortit de sa bouche, pas même un couinement, pourtant ses sourcils dansèrent. Ça faisait trois jours qu’elle était ainsi, silencieuse, morne. La médicomage avait d’abord mis ça sur le compte des récents évènements mais avec le boucan que pouvait faire Fergus Clearwater à côté, il fallait trouver une autre explication.
En plus de vingt ans de métier, elle en avait vu des vertes et des pas mûres – et surtout des pas mûres d’ailleurs.
« Vous devriez le dire quand vous avez mal » avait tenté la médicomage, en vain.
La chatte avait eu un moment d’absence, avant d’oser un petit sourire timide et contrit. Le genre de sourire qui aimerait dire : j’ai tellement eu mal si longtemps que j’ai fini par ne plus rien sentir vous savez. Je suis fatiguée d’être fatiguée.
Elle détourna finalement la tête, baissant légèrement les yeux sur les draps blancs, sur ses longues jambes, sur l’ecchymose magique en forme de maëlstrom qui resterait pour encore au moins deux jours. C’était pas la première fois qu’elle était désartibulée mais c’était bien la première fois que voir sa cheville dans cet état la rendait nauséeuse.
« Est-ce que ça va ? »
La voix de la médicomage la rappela à la réalité. Kathleen sortit de ses songes, de ses extrapolations, de ses grandes brasses et de ses petites noyades dont étaient jonchés ses rêves de nuit. Où était Braxton Clearwater ? Est-ce que Sean était vivant ? Qu’est-ce que faisait Ryan au même moment ? Les doigts s’étaient emmêlés, griffés, enfoncés les uns dans les autres jusqu’au sang. Kathleen n’avait pas fait de crise depuis des années et elle s’évertuait à être forte, mais être forte n’avait pas suffi. Être prévenante n’avait pas suffi. Le Loup avait toujours un coup d’avance, une longueur d’avance.
Qu’est-ce qu’elle était sans lui ?
« J’ai… J’ai essayé » balbutia Kathleen, la voix s’enrouant, les yeux s’embuant, les ongles se cognant toujours les uns contre les autres, « j’ai essayé mais j’y arrive pas. J’y arrive pas, pourquoi j’y arrive pas… »
Sa voix s’éteignit sur les dernières syllabes alors qu’elle se remémorait encore le sang, imaginait les enfants au Bénin, repensait à cette chambre d’hôpital où il avait fait froid quand on s’était excusé auprès d’elle. Elle renifla, chassant dans le creux de sa main les quelques larmes fugitives, ces salopes qui attiraient l’attention mais ne faisaient rien pour se rendre plus jolie et aimable. Où était-ce elle ? Elle ne se souvenait plus. Elle eut un sanglot qu’elle éteignit, serrant les canines, ses belles canines si fragiles, si blanches.
« Mademoiselle Jones… » tenta tout bas la voix de la médicomage, qui tentait alors de déposer sa main sur la tête de Kathleen, lui tirant seulement un couinement apeuré, un coup de sa part pour qu’on ne la touche pas.
La médicomage se recula, non pas parce qu’elle craignait pour elle, mais parce que Kathleen Jones la fixait avec ce regard qui en disait long, avec ses yeux tristes et furieux à la fois. Furieux de douleur. Elle se retira en s’excusant.
(…)
« Ce n’est pas de votre faute » commenta seulement la médicomage en retirant le dernier bandage.
« Le destin est plus cruel pour ceux qui ont le cœur tendre. »
Kathleen baissa les yeux, en se disant que c’était bien vrai. Il fallait voir ce qui était arrivé à Braxton Clearwater. Le manteau était épais mais il avait fini par craquer. Toujours pas venu la voir. Toujours pas bouger la potion sur le plateau. Toujours le silence à jamais. Plus de halètements furieux de croups, de miaulements avides et affamés ou de regards en coin échangés, mi-moqueurs, mi… mi-quoi déjà ?
« Il faut que vous déposiez une plainte, Kathleen. Ce qui vous est arrivé est très grave. »
« C’est mon… », elle n’avait pas réussi à finir la phrase.
C’est mon quoi ?
« Ça ne change rien au fait qu’il n’avait pas le droit de faire ce qu’il vous a fait. »
Jones eut un petit sourire en coin. Pas plus qu’il n’avait le droit de faire ce qu’il avait fait à Braxton, à Sean, à tous les autres.
Peut-être devrait-elle aller le voir.
Peut-être devrait-elle se rendre.
Tout simplement.
Aller voir Ryan, lui dire je m’excuse, libère le petit et faisons notre vie ailleurs ?
Le regard morne, la chatte jeta un œil la fenêtre, tentant de recoller les morceaux de sa psyché assommée par les potions, toujours les potions, toujours plus de potions. A en gerber sur le sol. A en gerber toute la nuit, tout le matin. Jusqu’à la prochaine potion.
« Est-ce que je pourrais sortir demain ? »
La médicomage renâcla. Elle avait l’impression que Jones cherchait à fuir. Mais fuir où ?
« En théorie oui. Mais vous n’avez pas de baguette ou d’habits ? »
La chatte eut un moment de doute. Braxton avait sa baguette. Mais elle n’avait pas le cœur à aller le voir. Elle avait bien l’impression qu’il ne voulait plus la voir. Que c’était fini. C’était fini… ça sonnait étrange quand elle y pensait. C’était angoissant aussi de se dire que cette fois, c’était la bonne. L’arrêt de gare où on descend sur les quais. Pas assez rapide la gamine à la frange mal coupée, elle avait même pas vraiment eu le temps de lui dire salut ou bon courage ou quoi que ce soit.
Elle avait pourtant bien cru l’arrêt juste avant que ça durerait, qu’elle avait un ticket longue distance, parce qu’il avait quand même voulu l’emmener au Domaine. Parce que même si elle savait pas bien ce que ça représentait pour lui, il l’avait mise avec les autres de sa famille et…
Kathleen eut un sanglot qu’elle chassa de nouveau.
Juste un chat.
« On viendra me chercher… »
C’était un mensonge et en même temps. Si ce n’était pas les Aurors, la BPM s’en chargerait tout aussi bien. Peut-être que Nasreen était déjà au courant de la situation ? Peut-être que Jameson Clearwater n’avait rien dit. Ou alors si, et son licenciement suivrait dans le même temps.
Le regard de Jones, rougis mais sec, se posa sur les nuages.
C’était l’été. L’époque à laquelle elle se rendait à Bristol enfant, courir après les mouettes, se faire voler ses frites par elles. Lointaine l’époque où le regard sévère de Madame Langley se posait sur elle et où elle pouvait encore l’entendre lui demander d’être la plus gentille de toutes les petites filles.
Ça n’avait pas servi à grand-chose, Madame Langley, d’être gentille.
Trois jours sans une visite, sans un mot. Trois jours…
« Je sortirais demain matin dans ce cas » avait-elle marmonné d’un ton monocorde.
La médicomage eut une petite moue ennuyée mais force était de constater que Kathleen Jones avait récupéré à une vitesse incroyable. Certes dopée aux potions des meilleurs potionnistes de Sainte Mangouste mais ses chairs et sa cicatrisation avaient quelque chose de plus magique que magique. Une bonne nouvelle pour la médicomage, une moins bonne pour Kathleen qui avait été à l’origine de tous ses malheurs dans le fond. Si elle n’avait pas été aussi résistante, peut-être aurait-elle pu crever dans sa cage et alors peut-être, oui, peut-être n’aurait-elle jamais causé tout ce vacarme.
Peut-être n’aurait-elle pas broyé ce pauvre Braxton Clearwater qui avait fini, lui aussi, par baisser les bras.
(…)
« Est-ce que vous voulez qu’on fasse la demande à Monsieur Clearwater ? »
« Pour ? »
Debout à l’accueil, derrière les longues mèches brunes, les yeux noisette de Kathleen brillèrent, entre angoisse et peur.
« Pour votre baguette. »
« Non », elle secoua vivement la tête.
« Qu'il la garde. J’en ai pas besoin. »
Ce n’était pas comme si elle lui avait beaucoup servi.
Kathleen signa le papier de décharge et finalement sortit, vêtue des vêtements avec lesquels elle était arrivée, rafistolée à la va vite par l’infirmière. La seule chose qui n’était pas partie, c’était l’odeur du sang et de l’affront de Ryan – si ce n’était pas vrai, elle subsistait au moins dans son esprit.
Elle s’en était revêtue une nouvelle fois, comme une nouvelle peau, comme si elle ne pouvait pas s’en défaire véritablement.
(…)
Il était encore tôt quand Kathleen passa les portes de Sainte Mangouste, le corps encore douloureux mais essentiellement fonctionnel. Fonctionnel. C’était le mot qu’elle avait mis sur cette machine, parce que parler de corps était devenu étrange. Un corps est fait d’organe, est fait de sang et de viscère. Pour être à ce point increvable, il fallait au moins qu’elle soit faite d’autre chose ; de paille, de foin ou de sable, comme les sacs sur lesquels on s’use les jointures.
Pas de baguette.
Pas de baguette.
L’image de Braxton lui vint en tête. Vite balayée par la honte, par les regrets. Oui elle lui avait dit qu’elle portait malheur, que tout ce qu’elle approchait finissait toujours par crever et qu’en plus, elle n’y pouvait rien, que c’était comme ça, que ça lui collait à la peau comme le veston empoisonné d’un demi-dieu maudit. Il ne l’avait pas cru.
Avait-il mérité pour autant ?
La chatte s’éloigna du bâtiment, l’air calme, pensif.
Elle clignotait des yeux, chaque battement donnait une nouvelle idée, une nouvelle pensée.
Aller au Marché aux Trolls, se rendre à Ryan, libérer les gamins.
Aller au Marché aux Trolls, tuer Ryan, perdre à jamais les gamins.
Aller à Bristol, se noyer.
Aller à Bristol, se pendre.
Aller à Poudlard, nourrir les bêtes.
Aller à Poudlard, nourrir les bêtes.
Elle inspira profondément, seule sur son trottoir, les mains enfoncées dans les poches de son blouson déchiré. Le galet d’écosse roula entre ses doigts, sec et rugueux.
Kathleen le sortit par curiosité, le faisant de nouveau rouler avant de se mettre à rire, d’un rire morose, fatigué, las.
Un galet.
Un galet…
KATHLEEN JINXED JONES
“And though she be but little, she is fierce.”
“And though she be but little, she is fierce.”
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