How Many Tears to Nurture a Rose?

Identité : Ana Lucasta Souvorov Son premier prénom fait sans doute partie des plus communs de toute l'Europe si ce n'est au-delà. On ne s'attardera pas dessus. Son deuxième prénom en revanche, Lucasta, est plus recherché. Ses parents le lui ont donné en hommage à Lucius, premier amour de sa mère. Une âme en peine qui hante toujours les Grey Souvorov pour le meilleur et parfois le pire. Lucasta signifie lumière pure, un prénom tout à fait bien donné. Quant à son nom de famille, c'est celui de son père comme on pouvait s'y attendre mais surtout parce qu'elle est née à une époque où sa mère, Lady Lilith Grey, ne voulait plus rien à voir à faire avec sa très illustre et décadente famille. Il s'agissait également de ne pas donner un mauvais départ à la progéniture d'Alexandr et Lilith Souvorov à l'heure où les grands procès exposèrent les méfaits de nombre de mages noirs au sang dit pur, dont les Grey et leurs plus proches amis.

Date et Lieu de naissance :  24 ans, née un 21 décembre sous les neiges d'Oxford. Pas de domaine séculaire ni de délivrance sous l’œil clairvoyant des banshees pour Ana et Andras, son jumeau. Leurs parents, pour héritiers qu'ils fussent, vivaient à l'époque dans un grand appartement du quartier magique d'Oxford. En revanche, on se rappellera particulièrement de cette naissance sous les bons auspices de la bûche de Yule.

Statut civil : célibataire. Ses pensées se tournent depuis toujours vers la même personne. Un amour honteux qui la tourmente et qu'elle aurait volontiers oublié à la faveur d'un mariage arrangé dont son père et sa mère n'ont jamais voulu entendre parler. La distance induite par les stages de fin d'études et l'entrée dans la vie active ont à la fois l'effet bénéfique de l'éloigner de son désir inavouable et l'effet pervers de la confronter à sa propre frustration, loin du constant rappel à la morale qu'était sa simple présence.

Scolarité :

Ana a fait ses six premières années d'études à Beauxbâtons qu'elle quitte diplômante de la prestigieuse LINOTTE (Licence Indispensable aux Néophytes Obtus Thésistes en Thaumaturgie Élémentaire), diplôme équivalent aux BUSEs qui lui ouvre les portes de Poudlard, mais également son MESANGE (Maîtrise de Sorcellerie et Archimagie Notablement Grandiose et Éblouissante).


Ce parcours un peu atypique pour une britannique naturellement inscrite au Registre des Admissions de Poudlard, elle ne le doit qu'à sa détermination à étudier coûte que coûte dans une école étrangère, et aux relations diplomatiques de son père.

Cela n'a pu se faire qu'à la condition de rentrer dans le rang pour l'obtention de ses MULOTs en candidat libre, quoique sous l'égide de Poudlard qui l'a accueillie au sortir du diplôme sanctionnant une sixième année dans l'école française. Miss Souvorov a donc préparer son MULOT comme un double cursus (le M1 & 2 en même temps) sur un nombre plus resserré de matières qu'elle ne l'aurait souhaité.


L'accent mis sur la BOTANIQUE, les POTIONS, l'ANALYSE et l'ASTRONOMIE pour son MULOT DE RECHERCHES MAGIQUES, elle s'autorise tout de même à suivre le cours d'HISTOIRE DE LA MAGIE en option. Ana travaille d'arrache-pied, comme à son habitude, valorisant ses relations avec le Conservatoire de Botanique d'Oxford, qu'elle fréquente depuis l'enfance, et les quelques travaux précoces qu'elle a eu l'opportunité de publier. Notamment, sa thèse sur la Symbiose de l'Arbre et du Gardien, publiée par la Maison de Lettres de Beauxbâtons et plus récemment, une suite à l'Herbier d'Albina Souvorov, sa bisaïeule.

Sortie major de sa promotion, l'insigne de préfète de Poufsouffle épinglée sur sa robe de cérémonie suite à la défection de la préfète précédente, Ana garde un bon souvenir de son année à Poudlard quoiqu'elle regrette de n'avoir pu que survoler de loin certaines activités comme sa contribution au de Naturalisme, remarquée quoique minime.

Son implication auprès de ses co-étudiants n'a au contraire pas eu à pâtir de son investissement académique. Très observatrice, elle quitte à regret certains élèves qu'elle aurait aimé voir évoluer sur le long terme, sa petite protégée  @Amy Jordan par exemple.

Profession : Assisante de terrain à l'IDEM. Un métier qui lui permet de se former tout en poursuivant ses recherches en botanique à l'occasion des expéditions. Formée par @Sorcha MacGregor, elle fait toujours en sorte d'être dans les valises de la briseuse de sorts, entre temps devenue, Directrice de Recherche, ravivant à chaque occasion leur alchimie détonante et créative.
Baguette magique : la baguette d'Ana est une petite œuvre d'art en bois de pommier finement sculptée. Relativement flexible quoique complètement muette, elle renferme une épine de monstre du Fleuve Blanc. Cette baguette est un héritage de son arrière-arrière-grand-mère paternelle, Albina, souvenir d'un amour de jeunesse rapporté des États Unis.

On y ajoutera plus tard un filin de bronze et un petit poids en forme de rose pour en modifier la balance...

Famille : Ana est la descendante de deux anciennes familles de sang pur.
La famille Grey arbore ainsi les armoiries à la Rose depuis, semble-t-il, la naissance même de l'Angleterre, quand il faisait encore bon chasser le dragon et chevaucher à travers plaine pour l'honneur du Roi. De cette glorieuse époque, la famille conserve quelques domaines en décrépitude, notamment l'immense domaine de Dean où tous les Grey reposent dans le vieux cimetière sous des brassées de rosiers séculaires. Ana y a de nombreux souvenirs d'enfance et de réunions de famille heureux. Les Grey ont pourtant mauvaise presse ces dernières décennies. En cause les coups d'éclats violents de quelques mages noirs, notamment Lord Lester Grey, Lady Cassandre mais également, à moindre part, Lady Lilith Grey. A la nouvelle génération de faire oublier les dégâts de siècles d'éducation à une idéologie sournoise et souvent silencieuse.

Les Souvorov quant à eux ne valent guère mieux puisqu'hormis quelques rares spécimens, ils sont connus en Russie pour leurs idéaux suprémacistes et quelques zones d'ombre entourant la disparition de certains dissidents de la lignée. Aleksandr Souvorov, le père d'Ana, s'est lui même expatrié à la fin de ses études à Koldovstoretz, profitant d'un échange avec Poudlard où il intégra la maison de Serdaigle pour trois ans pour couper les ponts avec sa famille de sang. Très proche de sa grand-tante Irina, il resta pourtant en retrait lorsque celle-ci disparu dans d'étranges circonstances, estimant que cela valait mieux pour la sécurité de son épouse et de leurs enfants. Un choix qu'il sait être le bon quoiqu'il lui pèse toujours. Irina n'ayant laissé à dessin aucun enfant pour perpétuer la détestable engeance Souvorov, c'est Aleksandr qui hérita de l'ensemble de sa fortune.


Hérédité du sang : sans conteste pur.

Particularité magique : sans que cela passe pour une faculté particulière, on remarquera qu'elle a une affinité peu commune avec les plantes et la Nature en règle générale. Comme si elle avait le don de faire s'épanouir n'importe quoi et de s'épanouir à son tour de ce petit bonheur.

Caractère : Ana est quelqu'un de très noble et de très doux en apparence. Facile d'accès quoique souvent sur la réserve, on n'ose pas toujours l'approcher, la faute sans doute à son pédigrée et à sa trop bonne éducation. Quoiqu'elle ne partage pas le sentiment de supériorité que certains pourraient nourrir dans sa famille, elle ne baigne clairement pas dans la même eau que le commun des sorciers et cela, à tout point de vue. Sorcière d'exception en devenir, fleuron prometteur de la recherche en botanique, elle est extrêmement déterminée, travailleuse mais aussi brillante dans tous les sujets qui l'intéressent. Ses réussites reposent, non pas sur des facilités, mais sur son implication féroce. Loyale, elle a également un fort sens de la morale et de la justice. Cela transparait assez facilement au quotidien.

Patronus : étonnamment, pour ce qu'on y voit généralement un oiseau de mauvais augure, le patronus d'Ana est un corbeau mais c'est un sortilège qu'elle n'exécute jamais pour le plaisir.

Miroir de Risèd : Pour en croiser un régulièrement au Conservatoire de l'IDEM, on peut dire que pour Ana Souvorov, son reflet est plutôt changeant. Oscillant tantôt entre l'idéal portrait de famille, un simple reflet d'elle-même, un paysage de forêt ensorcelée, un baiser torride avec un grand brun ténébreux dont le visage n'est pas vraiment visible... ces derniers temps, elle y croise plus souvent un cerf des Hespérides...

Epouvantard : là encore, l'occasion est à portée de main même si Ana n'a pas la bêtise d'aller dépoussiérer la vieille malle qui dort dans un des greniers du Domaine de Dean. Etant enfant, son épouvantard prenait la forme d'Honoria McSwann. Une petite rousse rebondie tout emballée dans ses robes de soie aux couleurs criardes.

Désormais, il prend simplement la forme de son cousin,  @James Grey , qui la regarde avec un air dédaigneux avant de lui tourner le dos. On remerciera à nouveau l'IDEM pour la révélation de cette mise à jour pour le moins... inattendue.

Particularités : ...

Qui es-tu ? : Esha.

Faceclaim & Crédits : Millie Brady


Trigger Warnings : à voir ensemble mais rien qui me vienne a priori

Un petit plus ? : +

Une caresse douce effleura son mollet comme elle s'apprêtait à refermer la porte de sa chambre. Ana sursauta. Ses yeux gris se posèrent sur le petit animal à la fourrure noire. Il semblait attendre quelque chose d'elle. Une caresse. Elle effleura sa truffe humide du dos de la main, grattant l'animal derrière l'oreille avant de le délester du message qu'il apportait. Une petite enveloppe, plus lourde qu'on aurait dû l'attendre pour une simple lettre. Le chat s'enroula une dernière fois autour de ses jambes avant de disparaître dans la pénombre du couloir. Pourquoi tant de précautions ?

Elle resta quelques instants à la porte de sa chambre, fixant l'obscurité. Sa camarade de chambre ne tarderait pas à la rejoindre à son tour. La soirée en l'honneur de l'équipe de quidditch bronze et noire battait son plein lorsqu'Ana était passée par la salle commune mais il se faisait déjà tard. La jeune femme se glissa par l'entrebâillement de la porte, refermant précautionneusement derrière elle comme si elle craignait qu'on la surprenne. Faisait-elle déjà quelque chose de mal ? Le cœur étreint par un désagréable pressentiment, elle glissa son doigt sous le pli de l'enveloppe pour l'ouvrir et en renverser le contenu dans sa main. Un anneau d'or, savamment ciselé d'entrelacs. Il pesait un certain poids. Doucement, elle le prit entre ses doigts, l'observant à la lumière vacillante de la cheminée. Puis elle détourna son attention du bel objet pour extirper délicatement le feuillet qui l'accompagnait, y retrouvant sans surprise, la fine écriture torturée de James Grey, son cousin au premier degré du côté de sa mère. S'il prenait la peine de lui écrire - et une si longue lettre encore - cela ne pouvait qu'être pour lui parler d'une chose.

Elle avait patiemment parcouru les lignes de ce billet, les mains tremblantes. Debout près de son lit, elle se tenait toujours plus raide à mesure que ses yeux dévalaient la longue et inacceptable confession. Quand elle eut fini sa lecture, ses mains se crispèrent sur le morceau de parchemin, l'écornant légèrement sur la côte. Il lui fallut une très longue inspiration pour se défaire de l'état catatonique dans lequel cette lecture l'avait enfermée. Les mâchoires serrées, pâle comme un linge, elle s'était lentement retournée vers la cheminée. Le feu y crépitait joyeusement, exutoire nécessaire aux indéfendables déclarations de James Grey.





Le visage sévère, Ana espérait toujours le tenir en respect, empêcher toute transgression. Pourtant, même si tout dans la physionomie de James promettait de s'être assagi, il lui tendait maintenant ce bouquet de roses et d'anémones en sachant parfaitement bien ce qu'elle y lirait. Bien sûr qu'il n'aurait pu mieux choisir pour lui demander d'accepter des excuses. En d'autres temps, elle aurait pris le bouquet et humé le parfum des roses avec plaisir, un sourire doux effleurant ses lèvres fines. Mais cette fois, elle n'en fit rien. Un silence s'installa entre eux tandis qu'elle retraçait chaque trait du visage de James, ignorant pour l'instant son bouquet, s'attardant un peu sur ce rouge qu'il était si peu commun de lui voir aux joues, sauf sous l'effet de la colère.

A nouveau il brisa le silence, son bouquet toujours entre les mains. Elle en écouta chaque mot. Il les avait soigneusement choisis, sans doute répétés pour s'en convaincre ou à défaut se convaincre d'au moins les lui livrer. Et à mesure qu'elle l'écoutait, elle s'enfonçait dans cette idée qu'il n'y avait rien à faire qui puisse vraiment arranger les choses entre eux. La gorge nouée, elle ne disait toujours rien. Elle ne voulait donner aucune ouverture. Cela la ferait passer pour plus mauvaise qu'elle n'était mais tant pis. S'il le fallait, elle s'y tiendrait.

Elle aurait eu un milliard de choses à lui dire sur la Norvège. Des conseils, des petites attentions pour bien préparer ce voyage car, pour avoir suivi sa mère dans ses recherches de terrain, elle savait que pour éblouissantes qu'étaient les étendues steppiques, elles pouvaient aussi se montrer cruelles. Elle aurait dû dire quelque chose de ce genre, oui. Prends bien soin de toi. Ecris moi. Ce genre de choses que l'on dit aux gens qu'on aime quand ils nous quittent, même si ça n'est que pour un temps. Elle aurait du le prendre dans ses bras pour mieux garder dans son coeur tout ce qu'elle voulait garder de lui. Tout, en fait. La chaleur de sa peau. Son odeur. Le rythme de son coeur contre le sien. Son sourire. Comme si tout cela n'était pas déjà gravé en elle au point de venir la hanter dans des rêves plus vrais que nature qui la laissaient hors d'haleine au réveil.

« Restons-en là alors. », conclut-elle en prenant finalement ses fleurs. Sa voix blanche, son teint translucide lui donnaient l'air d'être souffrante. Comme si elle traînait avec elle une de ces affections au long cours qui vous laisse vivoter mais seulement jusqu'à un certain point. Les bénéfices de six années à l'étranger s'étaient dissipés bien trop vite au contact de James Grey, « J'espère que tout se passera bien pour toi. »

Le silence était si pesant que le bruit des tiges fraîchement coupées entrant au contact de l'eau rempli l'espace vide qui les entourait. Comme s'ils avaient été véritablement seuls dans cette serre.

« Merci. Pour les fleurs. »

Elle lui tourna le dos, et retourna à ses occupations. Loin de lui. Dans le monde des vivants.






Ici, l'humus dégageait quelque chose de presque salin, comme en souvenir des flots qui battaient inlassablement la côté, à une vingtaine de kilomètres de là. Le salon de coiffure improvisé sur la falaise pour l'Ursuig lui paraissait loin. C'était que  depuis, Sorcha l'avait traînée un peu partout et Ana commençait à en avoir dans les pattes. A la poursuite du chemin des contrebandiers, elles avaient découvert quelques caches dont une lui laisserait le souvenir impérissable d'une mâchoire de la taille de la cavité dans laquelle elles étaient entrées. Un Sauropside. Indétectable au stormglass. Ana n'en avait jusque là vu que dans les précis de minéralogie de l'IDEM. Dommage pour le trésor. Les deux femmes avaient préféré sauver leur peau. Ce soir-là elles avaient fait halte chez une connaissance de la briseuse de sorts, dans une vieille mansion où les couloirs semblaient murmurer en permanence, puis elles avaient repris la route dès l'aube le lendemain.

« Ça ne ressemble pas du tout à des runes ça... », nota Sorcha d'un ton sceptique.

Il fallait dire que cela faisait bien une heure que sa stagiaire griffonnait frénétiquement, épuisant presque son carnet sans fin. Elle avait changé quinze fois de position tant l'excitation de leurs découvertes de la journée l'agitait. Une fois à plat ventre dans le moelleux de la mousse des bois. Une autre assise sur une vieille souche ou en tailleur sur un rocher comme dans un nid d'aigle. Adossée à un arbre. On ne tenait plus l'aventurière en herbe.

« Ne vous en faites pas tout est là, dans ce carnet-ci. », fit l'étudiante en désignant un petit carnet de cuir qui dépassait d'une des poches de son sac sans s'arrêter de griffonner.

Ana avait pris pour habitude de tout noter consciencieusement, aussi, sa maîtresse de stage ne chercha-t-elle même pas à vérifier ses dires, se contentant de l'observer un instant avec un petit sourire goguenard avant d'aller s'occuper de la théière qui sifflait déjà. Une petite rincée leur tomba dessus juste après le repas, les contraignant à se replier un peu plus tôt dans la tente.

Il était près de minuit quand la lumière se ralluma du côté que Sorcha MacGregor occupait dans la tente. Ana était toujours plongée dans ses notes et son anthologie de magizoologie, empruntée aux archives de l'IDEM avec celui de botanique et un autre sur la minéralogie avant de partir. C'était un petit carnet qui ne contenait qu'une double page blanche et une table des matières qui s'étirait sur une soixantaine de feuillets. Un enchantement d'archivistes permettait ainsi de consulter toute la documentation accessible au détenteur du livre. Encore fallait-il savoir ce qu'on cherchait ou, comme Ana, avoir la patience et l'envie de faire défiler des milliers de pages sur la malheureuse surface vierge, jusqu'à tomber sur ce que l'on cherchait. Elle n'avait probablement pas vu l'heure tourner.

« Ah ! Je le savais !! », lâcha l'étudiante en épinglant l'image d'un cerf aux ramures impressionnantes du bout de son doigt. Elle n'avait même pas remarqué l'oeil réprobateur qui la dardait depuis une dizaine de minutes et mieux encore, quand elle se leva, galvanisée par sa trouvaille, elle se tourna spontanément vers Sorcha comme si elle l'avait toujours eu à ses côtés, attendant elle aussi avec impatience que sa stagiaire tombe sur ce qu'elle cherchait. « Je vous l'avais dit Sorcha ! Je vous l'avais dit. Regardez... le cerf des Hespérides ! Il écrit que c'est un ongulé à ramures fleuries... c'est exactement la créature qu'on a vue... bon le nôtre ne portait pas de fruits comme celui de la gravure... sensible aux changements de saisons et à la météorologie... intéressant... »

Un raclement de gorge la fit redescendre sur terre. La petite montre rivée à son sac d'aventurière indiqué minuit et quart. Ana ouvrit de grands yeux affolés. Le réveil le lendemain serait plus que difficile avec les kilomètres qu'elles avaient avalés dans la journée. Ni une ni deux, elle donna un coup de baguette au fatras sous lequel se dissimulait la petite table d'appoint sur laquelle elles mangeaient lorsque les conditions ne se prêtaient pas à manger au grand air. Dans un froissement de parchemin frénétique tout ce beau monde se retrouva classé et ordonné dans les carnets de l'étudiante. Les lumières s'éteignirent. Plus un bruit.

Tout de même, quelque chose la chiffonnait. Quelque chose d'évident mais elle ne remettait pas le doigt dessus. Les yeux rivés sur la toile au-dessus de sa tête, Ana Souvorov ne pouvait s'empêcher de cogiter, jouant sans s'en rendre compte avec le petit anneau qui se dépliait en sphère d'astronomie miniature qu'elle portait à son cou. L'image du cerf majestueux qu'elles avaient rencontrés plus tôt dans l'après-midi dévorant tout espoir de sommeil. Le lendemain serait rude. Elles le savaient déjà.






Elle s'y était laissé entraîner plus facilement qu'elle ne l'aurait cru. Il fallait dire qu'à ses yeux, libations et promesses d'amour et de famille nombreuse n'avaient rien de bien attirant. Mais l'idée de prendre un temps de relâche après avoir bourlingué à travers la moitié de l'Écosse l'avait cueillie au milieu de ses notes. Toujours ton cerf ? s'était gentiment moqué Sorcha avant de lui imposer - mais pas vraiment - un break pour marquer la fin de leur périple. L'anglaise avait levé le nez de ses notes, retirant ses lunettes de précision de botaniste qui lui donnaient l'air d'une intello de première, puis, un large sourire avait éclairé son visage diaphane.  

Les enfants fuirent devant l'agressivité de la petite créature qui se cachait sous les cheveux de la belle jeune femme à la longue chevelure, la laissant avec un chignon plus que négligé, piqué de quelques fleurs de chèvrefeuille et de myosotis. Ana regarda le petit bonhomme tout penaud qui boudait dans la paume de sa main. Yggberht n'avait jamais été très sociable, il fallait bien le reconnaître. Mais il lui était toujours d'une aide précieuse dans ses travaux. Indulgente, elle laissa la petite créature arranger les fleurs dans ses cheveux, de la façon qui lui plairait, avisant Sorcha qui lui faisait de grands signes de loin.

Ana se leva, prête à la rejoindre, quand une main inconnue l'entraîna dans une ronde aussi joyeuse que fleurie. La jeune femme se laissa complètement happer par tant de bonne humeur. Elle riait aux éclats maîtrisant soudain ce genre de danses folkloriques qui auraient fait dresser les cheveux sur la tête de sa mère. Les joues rosies, elle n'avait bu qu'une bière et une demie coupe d'hydromel mais c'était suffisant pour qu'elle se sente déjà un peu grisée. L'ivresse générale y contribuait sans doute aussi. Le pas aussi léger que le coeur, elle ne prêta pas attention au Mât de Mai dont les rubans effleuraient joyeusement les danseurs. Elle ne vit pas non plus le spectre, installé sur le banc, créature sombre et longiligne, hermétique à la liesse des foules qui dansaient devant ses yeux, comme une créature de cauchemar tapie à la lisière d'un rêve un peu fou.

Un ruban de soie vermillon s'enroula innocemment à son poignet. Il était encore un peu griffé en souvenir de leurs échauffourées de la veille avec les ronces urticantes. Ana eut un sourire enchanté, décidément un peu plus grise qu'elle ne l'aurait cru. Elle observait la danse suave du ruban autour de son poignet, s'attendant à le voir repartir comme il était venu mais en lieu de cela, le ruban  s'enroula d'un coup sec, l'entraînant hors de la ronde vers le triste sire qui la rêvait en silence.

Si leurs mains liées ne s'effleurèrent pas, leurs yeux singulièrement jumeaux s'entrechoquèrent dans un regard surpris. Elle n'eut pourtant pas de mouvement de recul, trop sidérée pour endosser le rôle du bourreau cette fois. Lui, se releva comme sur l'invite d'un coup de fouet sinistre qu'il aurait été le seul à entendre pour une fois. Ana fronça le sourcil, durement touchée. N'était-ce pas là juste retour des choses ? Non, c'était bien plus cruel qu'un simple revers. Sa main trembla, prête à le retenir, comme une profonde expression de... dédain ? se peignait sur le visage si résolument sérieux de James Grey. Les libérant tous les deux d'un revers brusque de son poignet, il fit un pas en arrière. Elle le regardait toujours interdite. Se pouvait-il...

L'instant d'après, il lui tournait le dos, sans plus un regard, lui cédant son banc solitaire à la lisière amère entre le rêve et le cauchemar.