Until Love Do Us Part

Until Love

Do Us Part

feat.  @James Grey
1e septembre 2022

Un ciel nocturne avec une touche de romantisme. C'était ainsi que la mariée avait décrit ses envies à la couturière spécialement attachée à ses services pour la préparation de la noce. La souplesse légendaire de Symphony avait tué dans l’œuf toute envie de s'opposer à ses directives que ce soit chez les demoiselles d'honneur ou les témoins. C'était au demeurant un travail d'orfèvre, digne du conte de fées dont la jeune femme avait toujours rêvé. Soie de tisse-rêve brodée de pierreries fines et de petites fleurettes enchantées à la main. Décolleté plongeant dans le dos aussi bien que devant. Ana Souvorov s'observa longuement dans le miroir en pied, derrière le paravent, le bel ouvrage encore sur cintre superposé à sa silhouette.

Le domaine de Little Hummington, dont Calixte comptait faire cadeau à sa bien-aimée, était enchanteur. Le marié les y avait accueillis en personne la veille au soir ainsi que tous les invités que l'on avait logés dans de grandes tentes luxueuses aux décors savamment enchantés pour la circonstance. Calixte était encore en train de compter les roses lorsque Lady Lilith, la tante de la mariée, et sa fille, étaient revenues de leur balade à la belle étoile. Il avait insisté pour superviser lui-même tous les préparatifs hors les rendez-vous avec la couturière, se plaçant dans le rôle extrêmement périlleux de celui qui ne doit pas décevoir. C'était que mademoiselle sa fiancée était précédée par sa réputation d'enfant gâtée aux exigences irréalistes. Mais rien ne semblait trop ni trop inaccessible ou trop beau aux yeux de Calixte. Il avait poussé le romantisme jusqu'à réserver à son épouse, le tout premier pas dans le pavillon où il comptait bien élever leurs enfants, sans doute au risque de la froisser. Ce n'était pas peu dire car à voir  avec quelle minutie il était repassé derrière le moindre artisan et le moindre sous fifre, tant durant le chantier que dans la mise en œuvre de cette grande nuit de Mabon, ne pas pouvoir assurer la contre-visite finale revenait à accepter avec résignation l'épée de Damocles que Symphony avait placée au-dessus de sa tête en toute insouciance ou peut-être plutôt avec un malin plaisir. Qu'adviendrait-il si la tapisserie de soie et fils d'or qu'il avait commandée n'était pas suffisamment bien ensorcelée pour reproduire à la perfection le visage de la future Mme McSwann et, pire encore, de leurs enfants à venir ? Et si le parfum du rosier thé était juste un peu en dessous de leurs espérances ? Et s'il s'avérait que le chef d’œuvre original du célébrissime Stradivarius, qui lui avait coûté les yeux de la tête, n'était en vérité qu'une pâle contrefaçon ? Lui n'y connaissait strictement rien mais Symphony elle le verrait tout de suite. Pouvait-on réellement faire confiance à ces Verts Galants ? Et les carreaux de la mosaïque des bains, directement importés de Byzance lui avait-on assuré, mieux valait que ses directives aient été suivie pour ce qui était des couleurs...

Loin de tous ces sujets d'angoisse, les invités, restés à la porte, s'émerveillaient déjà des pelouses impeccables du parc et de ses arbres multi-centennaires aux oiseaux mélomanes. On pouvait aussi voir de l'extérieur la magnifique verrière au bord de l'étang où quelques cygnes, blancs évidemment, glissaient sur l'eau avec grâce.

« Oh ! Merlin me sauve, je vous avais pris pour Mademoiselle Symphony ! Dans cette lumière, la ressemblance est frappante ! »

Stupéfaite, la couturière aux joues rebondies venait de briser ce moment de réflexion. Ana lui adressa un sourire cordial, indiquant que Symphony avait finalement préféré s'installer dans le boudoir. En tant qu'accompagnantes, les demoiselles d'honneur et témoins avaient quitté Little Hummington pour le Domaine familial des Grey aux petites heures du matin. Tout avait été prévu à la seconde près. Le carrosse. L'arrivée des uns et des autres...

***

Un petit chatouillis capta son attention alors qu'elle discutait avec M. de Hautecour, l'ami de très longue date dont lui avait parlé Lady Calanthe. C'était le genre de compagnie suffisamment érudite pour lui faire oublier la signature de James Grey au côté de la sienne et cette étrange sensation d'effleurer sa main par le truchement du parchemin du mariage. Étrange situation que celle-ci... Finalement le charmant vieillard l'abandonna, insistant bien sur le fait que c'était un crève-cœur que de délaisser une compagnie aussi délicieuse.

Elle se tenait-là un peu à l'écart depuis un petit moment, dans cette merveilleuse robe de témoin qu'elle découvrait légèrement opalescente maintenant que la fête se poursuivait sous un ciel piqué d'étoiles. A son cou, une fine chaînette d'or pur à laquelle était suspendu ce qui semblait être un simple anneau d'or quoique finement gravé.

Encore un vieux lubrique ?

La voix d'Honoria, fluette et gaie, la cueillit en pleine contemplation. La rouquine la gratifia d'un large sourire avenant. Il y avait quelque chose avec Honoria McSwann. Esquichée dans sa robe de demoiselle d'honneur, elle avait l'air d'un petit saucisson emballé dans un papier de bonbon affriolant. Pourtant, cette fois-ci Lady Aren n'était pour rien dans le choix vestimentaire. Pire encore, les autres demoiselles, toutes plus ravissantes les unes que les autres, recueillaient tous les éloges au bon goût de la mariée. Ana ne put rien moins que ressentir un peu de compassion pour la petite jeune femme que rien ne semblait pouvoir habiller. Elle avait pourtant un fort joli visage, ce qui n'était pas peu dire quand on considérait ses frère et soeurs. Même Marla portait mieux la robe de demoiselle d'honneur quand bien même elle donnait l'impression d'une âme errante en désespérance loin de ses habituelles fripes noires. Même les enfants du cortège, dans leurs atours des récoltes et dont la petite Aethefled était sans conteste l'étoile, jetait sur la pauvre boulotte leurs ombres espiègles, comme par une cynique fatalié.

Oh, je ne savais pas que tu t'étais fiancée... , nota la jeune femme avec une pointe d'amertume qu'elle essaya au mieux de dissimuler.
Que - , Ana manqua s'étrangler, mais de quoi parlait-elle.
Oh non ne te sens pas mal à l'aise. Je ne le prends pas mal Les Souvorov ne sont pas si proches de notre famille, tu n'aurais eu aucune raison de m'inviter ou même de m'envoyer un faire part... y a pas de mal je t'assure.
Mais enfin de quoi tu parles ? Je ne me suis fiancée avec personne !, au grand damne de mon père pensa-t-elle... fallait-il qu'elle ait cette conversation justement avec elle...

Honoria la regarda, interdite, pendant quelques secondes.

Oh pardon j'ai cru à cause de l'alliance. C'est la première fois que je te vois avec alors...

le visage d'Ana Souvorov blêmit. Elle avait oublié de l'enlever, trop habituée sans doute à la faire disparaître sous ses chemisiers, chose que le plongeant de son décolleté ce soir-là ne permettait pas...

Until Love

Do Us Part

feat.  @Ana Souvorov
1e septembre 2022

Il n’y avait aucun faux pas.
Elle n’en avait pas douté un seul instant, comme elle avait attendu toute sa vie cet instant et sans doute que pour Calixte, ç’avait été la même attente interminable. À le voir le visage rongé par l’inquiétude ces derniers jours, Symphony s’était même demandée si elle devait lui avouer son tout petit secret, mais elle s’en était bien gardée, trop amusée à le voir, son beau Chevalier, luttait contre vents et marées. En véritable chef d’orchestre, il avait tenu à être en charge des arrivées, de la logistique, des approvisionnements. Investi comme il l’avait toujours été, Calixte n’avait manqué en rien. Tout était parfait - ou devait-elle dire par fée ?

De sa robe d’un nacre doux laissant entrevoir ce qui était la plus belle des Grey jusqu’au choix de la musique, des cadeaux ou plus simplement de la couleur du parquet, rien n’avait été laissé au hasard, sauf peut-être la chance de leur naissance.

À voir Symphony jetait un regard au profil de son nouvellement mari, on ne pouvait pas douter un seul instant qu’elle l’aimait comme on aime qu’une seule fois. Ce n’était pas une de ses lubies, pas plus qu’un de ses caprices, seulement un énième de ses jeux de chatte malicieuse et espiègle qui se délecte, spectatrice maîtresse et toute puissante sans avoir à tirer ne serait-ce qu’une griffe de la patte de velours.

A le voir fendre la foule, venir, partir, revenir, Symphony lui tendit un piège.
Elle attendit un moment de répit, un intermède seulement pour lui prendre la main et le retenir alors qu’il était déjà appelé sur le front. Sur lui elle releva ses iris couleur de saphir, une petite mine piquée sur le minois :

« Calixte, je crains qu’il me manque quelque chose »

En vile diablotine, Symphony dut faire un effort incommensurable pour ne pas se tirer d’un rire à voir le visage du MacSwann se déconfire devant elle. Elle lui serra seulement un peu plus fort la main, penchant la tête, attendant qu’il ne s’approche dans l’idée qu’elle lui chuchote ce qu’elle avait trouvé à redire - une fois à portée, c’est un baiser qu’elle vint chercher sur le bord de ses lèvres, les joues désormais teintes de rose thé.

« De ce goût-là »

Symphony eut un sourire mutin. Impétueuse, furibonde, semblable à Joleene avec ce quelque chose de plus mesuré de Lester, elle qui avait tant voulu la soirée de sa vie aurait aimé désormais pouvoir s’éclipser seulement avec lui. Alors là, peut-être que dans la pénombre de leur chambre à coucher, elle aurait enfin pu lui avouer ce terrible secret - celui qui consistait à admettre qu’elle était si heureuse ce soir d’être enfin sa femme qu’elle aurait pu passé outre la jolie maison, le parc, le stratovarius ou les cygnes, pourvu qu’il l’aime et qu’il l’aime longtemps encore, et de là peut-être lui aurait-elle fait à son tour son cadeau : l’alliance de fleur séchée qu’il lui avait offert, plus de dix ans auparavant et qu’elle avait gardé comme une promesse.

(...)

Le vent poussait doucement les embruns du lac vers son visage, revigorant quelque peu l’âme morne qui l’habitait depuis qu’il était revenu de Porto Vecchio.
Lui qui avait tant voulu faire différemment de Brivael se retrouvait désormais fiancé à une française. L’anecdote aurait pu le faire sourire si les conditions avaient été différentes. James n’avait d’ailleurs pas encore publiquement annoncé les choses, mais Joleene ne manquerait pas de le partager au cours de ses échanges, fière que son fils soit enfin décidé à passer aux choses sérieuses après avoir décroché un bon poste au Département des Mystères.

Revanche prise après des années dans l’ombre. Revanche amère pour le cadet des Grey qui jalousait en silence la parade nuptiale des cygnes blancs. Le frôlement de la main d’@Ana Souvorov contre la sienne. Son regard fuyant. Sa robe blanche.

James Grey ferma quelques instants les yeux.

Vous demeurez stupéfaits devant elles, vous demandant quelle puissance a mis ce feu inattendu dans ces yeux tristes et pensifs, qui a coloré d’un sang rose ces joues pâles naguère, qui a répandu cette passion sur ces traits qui n’avaient pas d’expression, pourquoi s’élèvent et s’abaissent si profondément ces jeunes seins ?
Mon Dieu ! qui a pu donner à la pauvre fille cette force, cette soudaine plénitude de vie, cette beauté ? Qui a jeté cet éclair dans ce sourire ? Qui donc fait ainsi étinceler cette gaieté ?¹

Un pauvre sourire lui revint sur le visage. La littérature russe et ce bon Fiodor Dostoïevski lui revint en pleine face. Il les rouvrit seulement pour l’apercevoir plus loin. La plus brillante des étoiles du soir. Brune et pâle, comme les rêveuses de Dostoïevski. Plus loin, la silhouette porcine d’Honoria.

James inspira profondément, tournant la tête comme si ça ne le regardait pas - ça ne devait le regarder.

Mais l’offense s’oubliera et il vous restera la douceur de m’aimer. Je vous remercie, oui, je vous remercie de votre amour. Il est gravé dans mon esprit comme un beau rêve qu’on se rappelle longtemps après le réveil ; je n’oublierai jamais l’instant où vous, m’avez si généreusement offert votre cœur en échange du mien tout meurtri. Si vous me pardonnez, j’aurai pour vous une reconnaissance presque amoureuse à laquelle je serai fidèle. Je ne trahirai pas votre cœur et nous nous rencontrerons, vous viendrez chez nous, vous serez notre meilleur ami. Vous m’aimerez comme avant. Je me marie la semaine prochaine, j’irai avec lui chez vous. Vous l’aimerez, n’est-ce pas ?

Son cœur accéléra dans sa poitrine, avec la douleur habituelle.
Pourquoi était-ce si dur de ne pas se retourner ?

Les talons du langue-de-plomb se tournèrent lentement vers la scène qui prenait place. D’un pas mesuré, dont James tentait de contenir la fébrilité, il approcha, ombre parmi les ténèbres, traînant derrière lui cette cape aux ailes de corbeau qui n’avait bientôt besoin que de l’imagination des hommes pour apparaître vraiment.

La distance fut rapidement avalée pour finalement se voir arriver devant une Ana au visage horrifié et une Honoria, bête mais pas méchante, se demandant sans doute ce qu’elle avait pu faire. La curiosité piqua le langue-de-plomb à son tour.

« Honoria, il me semble que Constanz te demande » siffla seulement James. Pas besoin de faire davantage pour la porcine qui avait cru, suite à l’obsession de sa mère, être sa fiancée. Obsession qui avait bien failli leur coûter cher mais fort heureusement Lord Lester était ami du patriarche Mac Swann qui lui même ne semblait pas porter dans son coeur la descendance porcine de Lady Aren.

Il attendit que la jeune fille ne s’échappe pour finalement reposer son regard sur Ana. À une bonne distance, tenant fermement à s’en tenir à ce qu’il avait décidé des mois auparavant, il ne put s’empêcher de remarquer qu’elle arborait toujours l’alliance autour de son cou. Il l’avait vu au moment de la signature - à vrai dire, il n’avait vu que ça au moment où elle était arrivée elle aussi, mais il n’avait pas eu le loisir d’observer plus que de raison le décolleté plongeant de la jeune femme.

Maintenant qu’ils étaient en tête à tête, il ne put s’empêcher :

« Pourquoi l’avoir gardé ? »

Elle qui lui avait sonné dans le fond de sa cage thoracique le glas, elle qui l’avait regardé comme s’il avait commis le plus grand des péchés - pourquoi l’avoir gardé à ce point si près du cœur ? Pourquoi ne pas simplement l’avoir jeté avec tout le reste, avec les ordures puisque c’était sans doute ce qu’elle devait penser de lui ?
Lui, l’incestueux, l’amoral...

Until Love

Do Us Part

feat.  @James Grey
1e septembre 2022

Si elles avaient les atours d'une nuit décrite à la plume d'un poète romantique, bleu brume et indigo, son costume à lui semblait se découper dans le tissu même de la nuit ou peut-être était-ce de son âme. Ana tressaillit avant même que son regard embrasse cette nouvelle présence, qu'Honoria n'avait pas vue venir.

Ce fut pourtant à elle qu'il s'adressa en premier et elle, trop heureuse de cette attention somme toute insignifiante, s'empressa de disparaître, non sans laisser derrière elle, le plus amoureux des sourires. L'ambiance de la soirée la laissait rêver à leurs noces prochaines, quand elle deviendrait Mrs James Grey et qu'enfin, il poserait sur elle ses lèvres toujours trop sérieuse. Aussi Honoria McSwann courrait-elle, que dis-je, elle volait à la rencontre de son disgracieux frère, s'éloignant de ceux qu'elle n'aurait pourtant jamais dû laisser seul ensemble.

Ana avait refermé d'instinct sa main sur le petit anneau, comme si elle espérait encore le cacher. Comment avait-elle pu s'y être tant habituée qu'elle n'avait plus pensé à le retirer ? Son coeur se serra. Il devait forcément poser cette question. Miss Souvorov baissa les yeux sur cette main fermée qui croyait encore dissimuler quelque chose. Sa gorge était nouée. Mais mise au pied du mur, elle n'avait maintenant d'autres alternatives que de répondre avec le maigre réconfort, qu'ils ne partageaient plus le même toit comme quelques mois auparavant, ce qui les garder de commettre l'irréparable. Du moins était-ce que qu'elle avait eu à l'esprit les dernières fois où ils s'étaient croisés. Sans doute à force de retenue et de non-dits. C'était presque devenu une obsession, qu'elle pose ou non son regard sur lui, quelque part au fond d'elle, elle sentait son cœur se serrait, non plus à l'idée de devoir encore le rejeter, mais dans la douce folie de refermer ses lèvres sur les siennes, d'entrelacer ses doigts aux siens, de respirer contre sa peau, à la naissance de sa mâchoire sévère, le parfum d'un amour interdit.

Elle se pinça la lèvre, ses doigts se déliant pour caresser le petit objet dans sa paume.

« Ce n'est certainement pas par raison... »

Un pâle sourire lui caressa les lèvres. Elle posa finalement les yeux sur lui. Le bleu de sa robe rehaussait le gris de ses prunelles. Encore une chose qui les rapprochait de trop...

Until Love

Do Us Part

feat.  @Ana Souvorov
1e septembre 2022

Son cœur se serra dans sa poitrine. Pourquoi se devait-elle de lui souffler tantôt le froid, tantôt le chaud ? Il se souvenait de la douleur le long de sa joue, de son cri vociférant qui avait accueilli cette seule fois où il s’était senti assez courageux pour l’emmener loin de tout et seulement l’aimer. James ferma un instant les yeux, avant de détourner finalement la tête pour ne plus la voir. Son profil se fit sérieux, presque froid, alors que les cygnes dormaient les uns contre les autres en couples enlacés.

C’était le mariage de sa sœur. Le jour qu’elle avait attendu toute sa vie.

Calixte ne lui pardonnerait jamais s’il n’y avait ne serait-ce qu’une ride agacée sur le visage de sa femme désormais, comme une ridule de trop sur la surface du lac.

« Je vais me fiancer. »

Le coup de poignard fut lancé sans même qu’il ne la regarde. Il aurait pourtant presque pu se délecter si elle avait été blessé, il aurait pu lui demander si elle aussi elle la ressentait là, au plus profond, cette morsure froide et cruelle près du coeur. Il aurait pu, mais dans le même temps, il se serait pris à être désolé et se serait noyé en excuses tièdes, jurant qu’il n’avait jamais voulu.

Il avait un peu peur, aussi. Peur qu’elle ne soit ni blessée ni furieuse.

Lisse, comme la surface du lac.

Peur d’être le seul blessé.

« Nous avons choisi une date. Ce sera pour Yule, le lendemain sans doute. »

Second coup de poignard.

Il n’avait pas contredit la date quand elle avait été proposé. Pendant les vacances de Noël. Peu ou après le Bal de Poudlard. Il irait la chercher et ils fêteraient alors ça en comité restreint, dans l’intimité. A la morte saison, pour des amours morts avant d’être nés.

C’était elle qui l’avait rejeté. Elle qui l’avait meurtri.

Il serra doucement les poings, à l’ombre de ce corps, le long de ses hanches droites.

« Je ne te force pas à y participer. Je comprendrais que tu ne viennes pas. »

Voulait-il seulement qu’elle vienne pour admirer la Chute ?

Après un moment de silence, James tourna la tête vers elle, pour en découvrir le profil. Lui avait réussi à se maintenir le cap. Il s’était fait docile, avait écouté ce qu’elle avait eu à lui donner, à lui offrir - et ça n’avait été rien. Rien puisqu’il était fou, fou d’elle, mais trop fou pour elle à la fois.

Until Love

Do Us Part

feat.  @James Grey
1e septembre 2022

C'était peut-être l'effet de ce regard froid qu'il lui avait accordé à Beltane et qui revenait maintenant qu'il détournait son regard d'elle. Pourquoi le lui confier maintenant, alors qu'il ne semblait plus que mépris. Ce n'était pas qu'elle ne l'avait pas mérité, ni qu'elle avait espéré autre chose. Au contraire, finalement, n'épousait-il pas pleinement cette distance qu'elle l'avait enjoint de respecter des mois durant. Pourquoi diable n'était-elle toujours pas satisfaite ? Heureuse aurait été un bien trop grand mot.

« En vérité je ne l'ai jamais quitté de- »

Elle croyait poursuivre mais leur mots se mêlaient déjà, ceux de James lui faisant l'effet d'une claque. Elle s'interrompit net, les prunelles scintillantes. La jeune femme déglutit péniblement, toute couleur abandonnant ses joues déjà si pâles d'ordinaire. Elle fronça les sourcils, pinça les lèvres pour se redonner un semblant de contenance.

« Je suppose que c'était la chose à faire. », répondit-elle assez froidement, plus parce qu'elle contenait son désarroi face à cette nouvelle. Qui ? Avait-elle envie de demander. Ca n'était certainement pas Honoria McSwann. Elle en aurait entendu parler. Mais elle ne dit rien, trop certaine de ne pouvoir que concevoir une jalousie sans nom si elle savait. Elle saurait. Tôt ou tard et bien malgré elle, elle saurait. Mais elle ne voulait rien savoir. C'est alors qu'il crut bon de lui faire savoir que la chose était déjà programmée, et pas pour n'importe qu'elle date.

Malgré elle, elle ne put retenir un élan outré en sa direction. Un tel soufflet faisait voler en éclat toute tentative de bien paraître. Ana en était bouche bée, ses yeux d'ordinaire si placides réduits à deux miroirs qui mettaient à nu son âme bafouée.

Yule.

Pourquoi cette date ? Par pur sadisme ? Par vengeance.

L'air qui entrait dans ses poumons brûlait d'une certaine forme de rage que seuls ont les fauves quand ils meurent. Elle acquiesça difficilement.

« Je ne serais pas là. J'ai d'autres projets. », coupa-t-elle de peur que d'autres révélations ne viennent achever de piétiner son coeur et sa fierté. C'était pur mensonge mais il pourrait le croire facilement puisqu'il avait le culot de se fiancer le jour de son anniversaire. Il n'avait pas pu l'ignorer en faisant ce choix. Il avait toujours été le premier à le lui souhaiter. Le premier à l'embrasser et à lui dire qu'il se sentait chanceux du temps que l'année leur avait prodigué. Il était loin ce James Grey qui lui nouait des alliances de pâquerettes au doigt, même celui qui explosait de rage devant ses refus. Elle avait fini par y parvenir : chasser le spectre immoral d'une relation avec son propre cousin. Mais fallait-il que ce soit si douloureux.

« Tu devrais sans doute en informer Honoria. Je ne pense pas qu'elle ait compris que tu avais d'autres projets... »

Les bras croisés sur sa poitrine, en signe de défense, c'était tout ce qu'elle pouvait se forcer à dire. Elle ne voulait pas faire de vagues. Ce jour était trop spécial pour ça. Pour autant, quelque chose lui pesait sur le coeur. Quelque chose qu'elle avait tellement intégré qu'elle avait pu oublié de s'en défaire.

Elle donna un coup sec à la chaînette d'or qu'elle avait autour du coup et posa quelque chose sur la table qui s'étirait jusqu'à cet endroit tranquille, près du lac. Il y eut un petit bruit lourd et sec.

« Je crois bien qu'il m'a été offert par erreur. », souffla-t-elle, les poumons compressés par l'envie de fuir sur le champ.

Elle irait sans doute valser aux bras de leur ami Sven Mustang ( @Jameson Clearwater ). Un excellent danseur au demeurant.

Until Love

Do Us Part

feat.  @Ana Souvorov
1e septembre 2022

Blessée.
Comme il l’avait imaginé, la voir ainsi, piquée, comme une biche boiteuse sous le feu des canons, lui fit l’effet d’un coup de fouet au travers du dos. Il baissa les yeux, s’accrochant à la vue de ce visage angélique qui lui avait pourtant craché quelques mois auparavant qu’il était fou. Fou, oui. D’elle, de la vie, de l’amour. La folie, c’était aussi sans cesse répéter la même chose, le même mouvement, dans l’espoir sans doute que ce qu’il en sorte au final soit différent. N’avait-il pas été son bourreau, son assaillant, au point qu’elle le fuit jusqu’en France ? Et désormais, elle se comportait en capricieuse. Petite fille à qui on avait retiré son jouet.

L’amertume teinta les lèvres de James Grey alors que son visage se tordait, ondulant entre ce qu’il avait de plus acide et de plus douloureux.

« Honoria ne tardera pas à l’apprendre, par ma mère ou la sienne j’imagine » commenta-t-il seulement.
Pour Ana, il avait voulu le lui dire à la seconde, mais il était aussi persuadé qu’elle aurait brûlé le courrier et ne lui aurait jamais répondu.

Son regard de vipère se posa sur la bague qu’elle avait finalement arraché de sa gorge. Cela brisa un peu plus le coeur de ce bon James, mais ça devenait une habitude. Les mains de la divine Ana Souvorov n’étaient pas seulement faites pour l’orfèvrerie, ils avaient un quelque chose de gracieux aussi à plonger dans sa poitrine pour en extirper jusqu’au dernier tressaut, jusqu’à la dernière palpitation.

Qu’elle était haïssable quand elle se faisait passer pour la victime, et lui pour le coupable.

La main de James se posa avec force sur la sienne, la forçant à reposer ses doigts sur le médaillon. Le visage froissé soudainement, revoyant soudainement John, sans plus de regrets ou d’envie de rendre. Il ne lui restait seulement que la sensation d’avoir été tourné au ridicule par elle.

« J’ai pensé chaque foutu mot qui me sont sortis de la bouche depuis le jour de ma naissance et j’espère bien que je continuerais à ne dire que ce que je pense jusqu’au jour de ma mort » siffla-t-il à Ana, soudainement plus tranchant qu’elle l’était d’ordinaire avec lui : « aussi, il ne me semble pas être revenu sur ce que j’ai avancé et je crains malheureusement de devoir emporter tout cela dans ma tombe, ce qui ne devrait pas changer de l’ordinaire - jusqu’à maintenant, tous mes appels ont été vains et c’est toujours à l’image de la pierre la plus froide que celle que j’aime m’a répondu. »

Sa main se fit plus pressante, probablement trop, assez pour meurtrier les os et que ça ne devienne et douloureux pour elle et pour lui. Le regard terrible, James Grey reprit, le ton toujours bas :

« Je n’étais pas le seul à souffrir mais j’étais le seul à vivre dans mon monde d’illusion si je me souviens bien. » C’était dans un monde comme celui-ci qu’il continuait de vivre, la cervelle dévorée par quelques afflictions, le sang tourné par cette proximité et en même temps, il la revoyait, si froide, si dure... Il aurait pu mourir en Norvège, et leurs derniers mots alors auraient été quoi ?
« C’est toi qui m’a dit que nous devions en rester là. »

C’était ce qu’elle lui avait dit, ce qu’elle lui avait craché juste avant qu’il ne parte pour la Norvège avec @Jameson Clearwater et @Apolline Dunn.

Sa main relâcha la sienne, avant de la jauger d’un regard à la fois sévère et dur. Elle avait été si dur, elle avait enfoncé si loin ses griffes et désormais quoi ? Il fallait qu’en plus il soit le grand méchant de l’histoire, celui qui avait offert et qui avait repris ? Il se remémora les mots échangés avec Céleste Delacroix. Ses promesses d’être un bon époux, de lui être loyal, de la protéger de tout, du besoin comme du monde entier.
Il se souvenait aussi parfaitement de lui avoir dit que ce cœur ne serait jamais capable de l’aimer. Il y aurait toujours une autre, Perséphone indétrônable, qui serait là. Elle pourrait s’en faire la copie pâle certains soirs, et peut-être était-il vrai qu’avec les années il finirait sans doute par s’y habitué et qu’il finirait par être capable de la posséder aussi, de lui offrir qui sait une descendance. Pour l’heure, il n’en était qu’aux balbutiements de cette nouvelle vie qui germer. Elle en avait retourné le terreau, elle en avait planté les graines.
Comment Perséphone pouvait-elle s’offusquer du bosquet qu’elle avait elle même semé ?

« Alors restons-en l- », sa voix se coupa alors que de son nez perlait déjà quelques gouttes de sang. Quelques unes à peine. Il fronça légèrement les sourcils. Il lui semblait pourtant que le traitement qu’il prenait avait amélioré sa situation jusqu’à maintenant...

Until Love

Do Us Part

feat.  @James Grey
1e septembre 2022

Elle reconnut sans mal ce mauvais rictus sur les lèvres de son cousin. Elle les connaissait toujours. Par coeur. Gravés dans sa mémoire pour mieux la hanter dans son sommeil. Sans qu'elle y puisse grand chose, son corps tout entier se raffermit en réaction à ce rictus venimeux. La vipère l'avait trop habituée à sa morsure, elle s'y tenait prête désormais sans pourtant être immunisée.

Il balaya la pauvre Honoria du champ de ses préoccupations. En avait-elle jamais été une ? Ana ne pouvait pas dire qu'elle compatissait sincèrement mais elle éprouvait tout de même un peu de peine pour cette pauvre fille.

Résignée pourtant, elle se fit un devoir d'aller au bout de ce qu'ils avaient commencé. Il ne pouvait pas le prendre bien, c'était à prédire, mais elle, savait que c'était, effectivement, la chose à faire. Comme la main de James semblait vouloir broyer la sienne pour le lui faire payer, elle planta son regard dans le sien. Ils étaient si proches qu'un rien aurait pu sceller un baiser entre eux mais pour une rare fois, son coeur à elle ne se serra pas d'angoisse à cette idée.

« Tu me fais mal James. », siffla-t-elle avec venin.

Mais de quel mal parlait-elle ? Celui qui lui faisait avec sa main ou avec leurs mots ? Difficile de démêler dans ces quelques mots un sens véritable et sans détour. Elle ne cilla pas une minute devant les accusations, le laissant pour une fois poursuivre sans l'interrompre.

« Et maintenant que tu rejoins mon monde de raison qu'attendais-tu de moi ? Que j'arrache mes vêtements et me mette à genoux devant toi pour pleurer mon malheur comme dans une de ces tragédies grecques que nous aimions à partager ? », elle eut un soupir exaspéré, « Ce n'est pas parce que j'ai choisi la raison que je n'ai pas de sentiments. Ce n'est pas parce que j'ai choisi la raison que tu peux me servir encore un de tes caprices où tu serais le seul à souffrir. Oui, tes caprices. Tu me reproches d'être restée sourde à tes appels. Toi tu es resté aveugle à ma détresse. Je ne t'en ai pourtant jamais fait le reproche. La moindre des choses serait de ne pas me faire passer pour ton bourreau. »

A quoi il contra en la renvoyant à la solitude du monde des illusions dans lequel il s'était depuis longtemps enfermé. Elle ravala un soupir, laissant sa tête s'incliner légèrement comme si elle désespérait de trouver une solution pacifique à tout cela.

Sa main lâcha la sienne.

Ils n'avaient jamais été si loin l'un de l'autre.

« Je ne peux pas le garder James. Tu peux bien me dire qu'elle n'en saura rien, moi je saurais et ça me déplait. Ça m'insupporte. », protesta-t-elle alors qu'il lui assénait, en guise de silence, un restons en là retour à l'envoyeur.

Être à jamais prisonniers de cette relation, à l'ombre d'un mariage qui prospérerait sur des non-dits ? A cause d'elle ? Non merci. Pourtant il ne semblait pas lui laisser le choix ici. Elle serait l'autre femme, quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise. Elle haussa les épaules, froidement agacée par le choix de lui renvoyer à la figure des mots plus justes qu'il ne voulait bien l'admettre. Et quand bien même ces mots lui faisaient horreur - elle pouvait bien l'admettre - elle ne s'offusquait finalement que de la mesquinerie avec laquelle ils lui avaient été jetés à la figure.

Elle aurait sans doute obtempéré, refusant de pousser plus loin la dispute quand elle savait qu'ils étaient capables d'incendier jusqu'à la moindre cellule l'un de l'autre quand ils avaient ce genre de mots. C'était le mariage de Calixte et Symphony, pas un champ de guerre sans foi ni loi. Hors de question de se déchirer maintenant. Elle allait justement reprendre le mot de la fin quand quelque chose la coupa dans son élan.

« James - »

Il y avait une réelle inquiétude dans sa voix. Ce n'était pas la première fois. Il disait toujours que ça n'était rien, qu'il avait réglé le problème. Mais rien n'était réglé. Spontanément, oubliant leurs mots sans rien contrefaire de sa peine ni de sa rancoeur, elle avait déjà réduit à néant la distance qu'il avait mis entre eux.

« Ça fait trop longtemps que ça dure. Et si c'était plus grave que tu ne veux bien l'admettre ? »

Dans ses yeux gris azurés, il n'y avait pas de non-dits, pas de venin, seulement le miroir d'une âme navrée et inquiète.