La chance aide parfois, le travail toujours.- Ima

Crédits: all-souls

La perspective d’une nouvelle année scolaire se dessinait de jour en jour. On dit qu’il n’y a pas de fin à l’horizon, que l’on peut toujours lui courir après, jamais il ne se rapprochera. C’était une vision des choses terriblement pessimiste et pourtant si vraie. Au cours de sa cinquième année, Céleste n’avait fait que se laisser bercer d’illusions, avalant couleuvre après couleuvre. La leçon avait été radicale: elle ne devait jamais plus se laisser berner ici, laisser un homme prendre les rênes de sa vie sans qu’elle n’ait pas son mot à dire. @Michel-Ange Grimm avait tout fait pour s’immiscer dans sa vie, petit à petit l’oiseau avait fait son nid. Il avait tout mis en œuvre pour l’inciter à baisser sa garde, n’hésitant pas à abîmer le plumage de la demoiselle au passage. Épuisée, à bout de souffle, éteinte. C’est ainsi qu’elle avait achevé sa cinquième année, la seule à avoir été passée dans l’enceinte de Poudlard à l’époque. L’Ecosse n’était pas connue pour avoir hérité des meilleurs esprits sur cette planète et cette année n’avait fait que confirmer ces préjugés. Comme Céleste aurait aimé prouver le contraire à ses parents. Comme elle aurait aimé faire un joli pied de nez à son père, Édouard, qui avait d’abord vu cet échange d’un mauvais œil. Mais elle n’avait fait que tout confirmer, malgré elle, y compris son incapacité à impressionner son père.

Le soleil de la Corse n’avait pas suffi à effacer toutes les douleurs passées. Hortense, sa mère, n’avait pas pipé mot. Édouard s’en était chargé pour elle, endossant le rôle de deux parents aigris et rabat-joie, usant et abusant de sa figure paternelle. Chez elle, les paroles d’Edouard étaient d’or. Céleste, elle, avait eu tendance à acquiescer au cours des années, fomentant secrètement de renverser la vapeur. Partir à Poudlard, ç’avait été l’occasion idéale de grandir en dehors du carcan familial, une occasion unique de se faire justice, de prouver sa valeur. Elle n’avait jamais profité de marques de tendresse venant de son père et n’en avait jamais réclamé non plus. Tout ce qu’avait désiré Céleste, c’était un peu de reconnaissance. À la place de cela, elle avait eu le droit à de la pitié. Édouard n’avait fait que remuer le couteau dans la plaie, soulignant sa cruelle incapacité à choisir un parti digne de ce nom.

La pitié paternelle, la pitié amoureuse, la pitié amicale. Elle avait levé le masque qu’elle adorait porter pour cacher ses blessures, laissant voir toutes ses cicatrices et donnant l’opportunité de la blesser, une fois de plus. Cette année, il faudrait prendre les choses en main pour ne pas se faire marcher dessus une fois de plus. Elle était une Delacroix après tout, son père appuyait suffisamment sur ce point pour qu’elle ne l’oublie pas. Elle marcherait sur Poudlard légère, au moins en apparence, solide, sûre d’elle, comme si le passé n'avait été que fumisteries.

Lorsque l’on écoutait Céleste parler, peu parvenait à déceler en elle une appétence particulière pour quel que métier que ce soit. Elle était un point d’interrogation à elle même, éternellement indécise et fluctuante. Si quelque chose l’animait terriblement, c’était la volonté de rayonner, de faire valoir ses droits. C’est tout naturellement que la demoiselle se pencha sur le domaine de la justice alors qu’elle devait songer à quel MULOT débuter.

Elle envoya une lettre, joliment écrit avec la plus belle plume qui soit, n’accentuent en rien son statut social. Être une Delacroix l’avait toujours aidée sans qu’elle n’ait jamais à lever le petit pouce. Cette année, elle reviendrait à Poudlard et prouverait qu’elle n’est pas une Delacroix que par le nom.

Céleste avait passé des heures enfermée dans sa chambre, grognant au moindre bruit qui pouvait gêner sa réflexion. Les domestiques en eurent pour leur argent et n’osèrent plus la déranger après avoir entendu sa porte se verrouiller à double tour. De multiples essais se succédèrent, tous plus lamentables que les autres à en juger Céleste. L’objectif n’était pas de faire les yeux doux, c’était de dresser un portrait fidèle. Mais surtout de glisser une touche d’audace qui ferait guise d’appât. Qui donnerait envie de lui laisser une chance.

En fin de journée, elle signa Mademoiselle Thomson comme l’on signerait Mademoiselle Dupont en France avant d’apposer un sceau de cire neutre et de le glisser dans le bec du hibou familial. Ainsi, on ne l’accuserait pas d’user de son nom à tort et à travers.

« Vole vite et surtout, porte moi chance. » murmura-t-elle en l’observant disparaître sur la ligne d’horizon voilée.

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La fin du mois d’août avait passé, laissant toute sa place au misérable mois de septembre. Adieu les jolies plages, adieu les heures passées à dorer sous le soleil, adieu les matinées entières à se faire dorloter. L’heure de la rentrée avait sonné et bien vite les paysages idylliques avaient été engloutis par d’autres bien plus moroses. Ç’avait commencé avec ce vieux train tout poussiéreux que l’on avait rendu obligatoire pour on ne sait trop quelle raison. Ç’avait le don de dégoûter la Française avant même d’avoir remis les pieds à Poudlard. L’an passé, les choses avaient été différentes: Céleste était arrivée quelques jours après la rentrée des étudiants et avait ainsi échappé à cette mascarade pour son plus grand bonheur. Cette fois, elle avait dû s’installer parmi les autres et faire tout le trajet, subissant les jérémiades des autres lorsqu’ils croquaient dans une dragée immonde. Une chance pour elle: elle avait partagé le compartiment des Serpentard et même d’ @Alycia McWood, ce qui avait allégé un peu son esprit.

Quelques jours avaient passé sans aucune ombre, ce qui était sûrement à noter d’une croix sur le calendrier. En plein dîner, un hibou nonchalant vint déposer une lettre joliment écrite juste sa serviette, laissant apparaître sur son dos un sceau aisément reconnaissable. Le Magenmagot. Les yeux de la Française s’illuminèrent alors que son coeur s’emballait, prêt à sortir de sa poitrine. Elle essuya promptement sa bouche, ses mains et ouvrit la lettre qui lui était destinée. Un sourire s’étira sur ses lèvres mais elle n’évoqua pas le sujet de ce courrier et laissa le repas se terminer. Le rendez-vous été fixé, Céleste serait reçue au Magenmagot.

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Autorisée par la directrice à s’éclipser en pleine semaine, Céleste régla son réveil à l’aube. Bien trop à l’avance diraient certains, suffisamment tôt si l’on souhaite se passer des tracas de l’imprévu dirait-elle.
Levée de bon pied et de bonne heure, Céleste délaissa sa cape et son uniforme verts pour s’habiller avec élégance et sobriété. Elle prit soin de ne laisser aucun élément distinctif sur elle: si l’illusion demeurait parfaite jusqu’à la fin, la jeune femme en serait d’autant plus ravie. Mademoiselle Delacroix resterait Mademoiselle Thomson jusqu’à la fin, jusqu’au bureau de son hôte qui ne manquerait certainement pas de la reconnaître pour l’avoir déjà croisée. On n’oubliait jamais un Delacroix.

La jeune femme prit son balai, sur lequel était inscrit le nom de sa lignée, puis prit la poudre d’escampette jusqu’à Pré-au-Lard où elle transplana directement jusqu’au Ministère de la magie. Le bâtiment était impressionnant, mais pas au point de déstabiliser la brune. Elle entra sans demander son compte, présentant lorsque nécessaire le courrier qui lui servait de passe-droit puis se laissa guider jusqu’au bureau de M. Soninké. Là seulement, son coeur s’emballa un peu. Elle inspira un grand coup, ne se laissant guère le temps d’angoisser davantage, puis frappa à la porte, pile à l’heure. Tout était calculé pour ne pas se faire défaut.

La voix de l’homme résonna, grave, puissante. Ç’avait quelque chose de réconfortant comme d’étonnamment déstabilisant. Céleste ouvrit doucement la porte puis pénétra dans le bureau d’un pas relativement déterminé. Il était temps de montrer ce qu’elle avait dans le ventre. « Bonjour Monsieur le Président. » dit-elle d’un ton assuré, un mince sourire au bout des lèvres. Sa lettre avait eu l’effet escompté: l’homme était charmé par la lettre, étonné par son autrice. Sans grande surprise, Céleste n’eut pas besoin de se présenter, le Président s’en était chargé à sa place. Elle inclina la tête en signe de respect puis activa le pas jusqu’à la chaise qu’il lui désignait en agitant le bras, sa lettre fermement agrippée par son poing.

Une fois installée, Céleste leva la tête, pas effrayée pour le moins du monde. La peur ne rongeait pas son estomac mais plutôt une sorte d’adrénaline qui la mettait au défi de réussir. « Je suis effectivement l’autrice de cette lettre. » La déclaration était nette, assurée. A ses yeux, il n’y avait rien de mal à ce qu’elle avait fait.Ce n’était aucunement une usurpation d’identité. N’importe qui pouvait se nommer Mme Thomson ici, c’était comme s’appeler Mme Dupont en France. « Il s’agit d’un nom très commun. Mon objectif était d’être traitée comme n’importe quel étudiant. Qu’on veuille l’admettre ou non, voir le nom des Delacroix sur un courrier rend rarement impartial, en bien ou en mal d’ailleurs. Si j’avais signé Jane Doe, jamais vous n’auriez accordé quelque attention à ma demande. Suis-je dans le faux en affirmant cela? » Elle fixait le Président comme n’importe quel homme, sans pour autant prétendre quelque forme de supériorité sur lui. Être une Delacroix ne lui conférait aucun droit particulier.  

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Céleste fixait le Président d’un regard droit, ferme, implacable. Une originalité pour n’importe qui,car en soi personne ou presque n’aurait osé adopter un comportement si étonnant devant une telle figure. Ce n’était pas Edouard Delacroix, ni même la directrice de Poudlard qui se tenait devant elle. De ce fait, beaucoup l’auraient taxé d’insolente. Céleste se comportait à l’image des hommes de justice qu’elle admirait le plus: ceux qui restaient droits dans leurs bottes et qui ne trahissaient pas leurs idéaux. C’est ce qu’elle voyait en M. Soninké. Et pourtant, elle savait pertinemment que l’habit ne faisait pas le moine. Chacun comptait sur l’impartialité du Président, sur sa rigueur et son objectivité inébranlable. Pourtant, n’était-il pas un homme, tout comme n’importe quelle personne au titre extravagant? Elle-même n’était pas réellement la jeune femme que ses parents avaient déguisés en jeune femme docile et prudente.

« Tout homme, au sens général, est faillible. Chacun des membres du Magenmagot fait le serment de faire respecter la loi, et je ne doute pas de votre propre engagement à ce sujet. Mais comme tout être humain, chacun peut se laisser aveugler par ses émotions ou par de rudes évènements au cours de sa vie. Je ne prétends pas être la reine de la ruche en portant ce patronyme. Toutefois, cette astuce m’a permis de vous intriguer sans que mon nom ne joue en ma faveur ou ma défaveur. » D’autant que cet entretien n’avait, en soi, strictement rien à voir avec les serments qu’avaient prêtés le Président. Qu’il veuille l’admettre ou non, voir son nom écrit sur ce mince bout de parchemin aurait eu une incidence sur ses choix.

D’ailleurs, si la justice faisait toujours bien son travail, personne ne chercherait à faire sa propre justice et tout irait pour le mieux sur cette planète. Et Céleste n’aurait pas à subir les vieilles lois sorcières des familles traditionnelles. Un vague sourire se logea dans un coin de sa bouche alors qu’elle baissait un peu la tête. Il était évident que cette question viendrait sur le tapis. Pourtant, Céleste n’y avait pas songé plus que cela, souhaitant avant tout privilégier son honnêteté plutôt qu’une répartie joliment réfléchie et ficelée.

« C’est une excellente question. » Non pas qu’elle voulait particulièrement flatter le Président. C’était une manière polie de gagner un peu de temps pour trouver les mots adéquats. Dresser un parallèle entre sa propre famille et celle du Président n’était sûrement pas une bonne idée. « Être issu d’une famille renommée ouvre beaucoup de portes, ce n’est pas un secret. Toutefois, ce n’est pas toujours le monde idéal dont rêvent beaucoup de Sang-Mêlés ou de Moldus à Poudlard. Je n’oserai pas dire que je suis à plaindre, bien au contraire. » Céleste avait beau larmoyer depuis des mois, elle avait bien conscience de ne pas être la plus à plaindre. « Je suis l’aînée de la famille, et les Delacroix placent beaucoup d’espoir en moi. » Plus elle progressait dans son discours, moins la situation semblait tourner en sa faveur. Pourtant, elle arrivait bientôt à son point. « J’ai de l’ambition, comme tous les Delacroix qui m’ont précédée. Mais j’abhorre les horribles règles que l’on impose aux enfants de cette famille. Jamais on ne laisse le choix à ces enfants chéris. J’ai beau vouloir casser la cage dans laquelle on essaye de m’enfermer, j’ai toujours l’impression d’être poursuivie par le poids des traditions. » Elle se retint de soupirer. « Tout ça pour dire que si cette préoccupation est la mienne, d’autres se sentent aussi piégés dans des situations tout aussi différentes. Prenons l’exemple des elfes de maison, exploités au Royaume-Uni alors que les Français ont fait le choix de les libérer. »

Elle inspira doucement avant de lâcher. « Je ne suis pas parfaite, loin de là. Mais je suis une personne terriblement obstinée, et je suis persuadée que cet entêtement serait une qualité parfaite pour exercer dans ce domaine. Comme tout autre humain, je ne peux prétendre à l’impartialité parfaite, mais je peux certainement promettre de faire de mon mieux pour m’en approcher. C’est aussi cela à mon sens de travailler dans la justice. Espérer faire toujours mieux, se remettre en question et tout faire pour continuer à progresser au fur et à mesure du temps.»  

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Le calme de Céleste pouvait sembler simplement déconcertant pour le commun des mortels. Se jouait devant elle le tournant ultime de ses études supérieures. Malgré toute la sérénité que pouvait afficher la Française, elle gardait à l’esprit qu’il ne s’agissait que d’un vague jeu d’échecs où son avenir professionnel avait été choisi comme mise. Les Delacroix retombaient toujours sur leurs pattes car ils avaient toujours plus d’un tour dans leur sac. Bien souvent, si les choses venaient à prendre une tournure déconvenable, Edouard finissait par brandir une menace subtile ou par acheter le silence et l’accord de son interlocuteur. Ceux qui n’acceptaient pas disparaissaient de la circulation ou vivaient d’inconvenantes histoires.

Dès le plus jeune âge, Céleste avait appris à contenir ses émotions autant que possible. La neutralité était sa meilleure amie: ainsi le plus embarrassant des conflits tombait vite aux oubliettes. En général, un conflit ignoré était un combat vite abandonné. Ne pas montrer ses sentiments avait été son plus grand atout et sa plus grande faiblesse. Froide au premier abord, maladroite, Céleste paraissait comme une reine de glace au coeur de pierre. Personne ne soupçonnait un foyer chaleureux tapis juste derrière des côtés qui ne souhaitait qu’être alimenté. Montrer ses sentiments à  @Michel-Ange Grimm avait été la pire erreur qu’elle avait pu faire. Le Président du Magenmagot voyait se dessiner sous ses yeux une jeune femme aux revendications fortes, à la mentalité d’acier qui avaient à coeur de clamer ses idéaux. Plutôt étonnant quand on a toujours connu Céleste comme une gamine aristocrate douée pour les ronds de jambes.

Elle vit bien les sourcils du Président se hausser, manifestant la plus grande des surprises lorsqu’elle mit sur la table la condition des Elfes. Beaucoup suggéraient que les Français étaient des excentriques ou tout simplement fous en constatant leurs divergences de pensée. Les Français avaient fait le choix de ne plus réduire les Elfes de maison à l’esclavagisme. D’ailleurs, Céleste trouvait cela tout bonnement ridicule d’offrir n’importe quel vêtement à un Elfe pour pouvoir le libérer. Ainsi, une simple chaussette sale suffirait? Accordait-on si peu d’importance à ces créatures, douées de magie et bien plus aptes que bon nombre d’apprentis sorciers moldus? Il semblait bien que ce soit le cas ici au Royaume-Uni. Bien sûr, elle aussi profitait du système. Il lui était arriver de demander un service à un Elfe qui traînait par là. Mais jamais elle n’avait fait preuve de mépris. Et, secrètement, elle glissait parfois une petite récompense ou ne serait-ce qu’un simple merci, à condition que ce ne soit pas répété. Reine de glace un jour, reine de glace toujours.

Ce fut au tour de Céleste de marquer sa surprise. Elle avait rarement vu le Président enlever son masque d’impartialité, même lors des grandes réceptions. Force était de constater que, quelle que soit la situation, grandes étaient les chances que l’on vienne le harceler pour discuter d’un sujet délicat ou entendre son avis sur une quelconque affaire. Être Président du Magenmagot n’était pas chose facile, c’était aussi ce qui forçait l’admiration de Céleste.

Un large sourire se dessina sur le visage de l’étudiante, mettant elle aussi de côté son attitude sérieuse et cérémonieuse. Elle saisit délicatement la main du Président, la serra du mieux qu’elle pouvait pour manifester tout son engouement. « Merci de votre confiance M. Le Président. Je me tiens à votre disposition pour commencer dans les plus brefs délais, en accord avec les enseignements de Poudlard. » Elle retint un léger rire à la remarque de son nouveau tuteur. « Je tâcherai de faire preuve d’honnêteté. » De toute façon, la secrétaire la reconnaîtrait.