I might howl at night„ ( lyvan )

Les aspirations et espoirs d'un troisième année avaient bien vite été chassés par les craintes et méfiances de son successeur. Les vacances estivales résonnaient encore de cet accord mélancolique, où en cascade d’amertume à l’écume empoisonnée, cette détestable saison avait sonné le glas d’une innocence presque enfantine. L’élection d’un nouveau ministère à l’idéologie conservatrice avait lavé sans ménagement le mince optimisme de voir un jour l’harmonie régner dans cette société courant à sa ruine. Les événements entourant le clan Clearwater et l’implication probable de ses semblables avaient jeté l'opprobre sur l’ensemble d’une minorité désormais perçue comme indésirable. Ah, elle avait sans doute raison, la peur de l'inconnu nourrissait la lâcheté des hommes, et les plus puissants, en chef d’orchestre aux desseins malsains, d’une main de maître, jouaient de cette défiance pour la modeler en Terreur. Alors, si d'ordinaire, Viper se réjouissait de retrouver les bancs universitaires, synonymes d’un sentiment de sécurité profond, cette année, ce fut avec appréhension qu’il aborda cette rentrée et les défis qui l’accompagnaient.

Plus soucieux que jamais, le serpentard avait assisté au traditionnel banquet, sans pour autant en apprécier le faste ou bien se délecter de l’ambiance bonne enfant du rituel. À peine avait-il pris place à la table des verts et argent, que cet esprit vagabond avait sombré dans un cercle vicieux duquel il ne parvenait pas à s'extirper. La tête basse et ses bourgeons en amande perdus sur l’autel d'offrande, il ne s’était jamais senti aussi vulnérable, chancelant sous la lame effilée de leurs insoutenables regards. Les muscles raidis, les sens à l’affût, tout son corps s’était tendu crescendo à mesure que les festivités s'étiraient en retrouvailles et en chamailleries ambiantes. Et si certains se plaisaient à se raconter leurs aventures, le japonais endurait plus qu’il n’y tirait de plaisir. La gorge asséchée, les fibres de son être à la merci de convulsions incontrôlables, le jeune homme suffoquait de leur simple présence. Tiré dans les méandres de l’angoisse, les vapeurs d’une crise de panique inhalées, Viper perdait pied. Alors, d’un geste mécanique, sans se rendre compte qu’il pouvait tirer sur lui une attention non désirée, le pas volant au travers de la grande salle, le serpent s’était glissé bien loin du monde des vivants.

Les paumes abandonnées contre le froid granitique d’un hall déserté, une berceuse aux gammes orientales bafouillée entre deux bouffées d’un air moins vicié, l’asiatique revenait peu à peu à lui, sans pour autant réussir à dissiper la brume d’une attaque si soudaine. Encore sujet à l’effroi, mais sans demander son reste, le reptile s'effaçait du paysage festif, préférant la sérénité d’un lieu de vie plus isolé. Une enjambée après l'autre, ses sens en éveil constant, le sang-mêlé avalait marches et couloirs, passait salles et tableaux dans la quiétude perturbée de ses pas hâtifs à la cadence alarmante, tout en s'enfonçant dans les entrailles du château. D’un ton détaché, le mot de passe lâché d’un râle animal, Saito poussa le pan de mur nu et humide d’une main experte. Les talons traînant sur la pierre briquée, sa silhouette livide aux allures de marionnette désarticulée se jouait des reflets aqueux avant que son cadavre ne s'échoue sur les rives d’un canapé au derme lénitif. Le dos épousant les courbes capitonnées de l'alcôve, ses mirettes se divertissaient d’un spectacle d’ombres chinoises, et sous la bonne garde de strangulots à la curiosité piquée, le louveteau s'arrimait au port des songes; il coulait d’un repos bien mérité.

Son odorat brûlant d’un effluve inconnue, l’ouïe froissée d’une fréquence cardiaque discordante, comme un doux cauchemar, à l’ombre de paupières closes, le lycanthrope avait senti se glisser une présence insoupçonnée au sein de l’alcôve bénéfique qu’il avait longuement partagé avec ses doutes et incertitudes. Tiré du royaume des songes, d'un bond manquant de voir sa carcasse quitter le confort sommaire dans une roulade au résultat désastreux l'assise d’une litière, le nippon émergeait de cette stase à la léthargie lénitive. Le derme piqué d'un frisson d'horreur, ses mirettes balayaient le huis clos de cette piaule autrefois vide de toute autre forme organique, espoir vain à s'assurer de la quiétude de l'endroit. À son grand désarroi, cette année allait faire exception, à l'orée de ses iris argentés, dans la clarté relative qu'offrait l'abîme du château, se dessinait une silhouette à l'essence étrangère.

D'un soupir traduisant un agacement certain, le serpent en vint à la conclusion d'une erreur rythmée d'un empressement à vouloir cueillir la douceur d'un moment solitaire coupé du monde des vivants. D’une valse esseulée, portée par le rythme d’un organe affolé, le regard dispersé aux quatre coins de la pièce, s’apposant tour à tour sur le mobilier familier et ses bagages abandonnés au pied de son plumard, humant les vapeurs aux odeurs habituelles, Viper en vint à une conclusion amère. D'une foulée feutrée, les phalanges closes en poings serrés, le japonais s’était laissé glisser au chevet de ce lit jumeau d’ordinaire froid et vide. La tête légèrement inclinée, de ses amandes orientales aux sourcils froncés, il dévisageait le malheureux, tentant de se remettre cette tronche perdue en pensées, en vain. « Hmm…» Première semonce à la délicatesse mesurée, infructueuse timidité, les bras croisés sur le torse, Saito trépignait d’une impatience à mettre ce malappris dans le droit chemin et le voir quitter sa tanière.

Si douceur et politesse ne faisaient pas office de bon médiateur, la force brute et la rudesse se chargeraient d'expulser et d'éradiquer toutes marques de sa venue dans le sacro-saint du loup. Alors, d’un coup sec du talon contre la barre de lit, le vert appelait son homologue à faire preuve de lucidité, à effacer cet air béat de son faciès. « Sleeping beauty, tu t’es plantée de tour, alors si tu pouvais faire place nette et aller squatter ailleurs, ça arrangerait tout le monde. » D’un anglais coupé au couteau, au timbre condescendant, l’enfant du soleil levant ne cherchait pas à ménager ce rêveur. Lui tournant le dos, prêt à s'effondrer sur sa propre paillasse, Viper ne porta pas une grande attention à l'indésirable. Toutefois l'absence de réaction de se dernier le força à nouveau à lui faire face. « Si tu cherches la sortie, c'est exactement le même accès que tu as emprunté pour entrer. Bon prince que je suis, je veux bien te tenir la porte le temps que tu évacues les lieux ! » D'un soupir couplé d'un geste cru, un bras tendu vers le débouché donnant sur la salle commune, le quatrième année n'avait aucun désir à vouloir jouer un quelconque jeu avec ce gaillard, bien loin de s'imaginer qu'il allait, bon gré mal gré, devoir s'accoutumer à cette compagnie.

L’ombre d’un sourire avait brièvement illuminé ses lèvres avant de s’effacer d’une pincette animale, lippe mordillée fébrilement, Viper était agacé ; embarrassé de devoir partager sa tanière avec un troll aussi mal léché, énervé de devoir s’écraser devant cette graine de goule. Et déjà, dans l’écho de ses notes aux accords salés, le japonais accusait silencieusement ces remarques tachées d’un sarcasme auquel il avait grand mal à adhérer. Bras croisés sur le torse, ses amandes sondant d’un aplomb emprunt d’arrogance ce malappris, un rictus lui chatouillait les commissures, comme une subite envie de laisser libre cours à cette nature bestiale et insolente, d'exprimer l'art subtil de quolibets tous aussi fleuris les uns que les autres.

D'un coup de langue contre le palais, Saito réprimait ses pulsions assassines, sa patience déjà bien trop entamée par l'attitude hautaine et son petit air satisfait. « Je me ferais à ta présence quand les dragons se seront décidés à cracher des fleurs ; conseil d'un mec qui n'a pas spécialement envie d'apprendre à te connaître, ne te familiarise pas trop avec l'endroit... » Une semonce à l'amertume non dissimulée, une vérité de fait plus qu'une menace, son timbre avait fendu l'éther d'une assurance plus que certaine. Un soupir lâché masquant cet éclat cristallin que l'asiatique n'avait pas su retenir, le bougre allait goûter à sa propre médecine à la prochaine croissance lunaire. « Pour être tout à fait honnête, si j'étais à ta place, je ne me ferais même pas ch**r à m'installer et défaire mes valises... » Acidité d'une voix décourageante, le japonais ne lui laissait pas le mois avant de vouloir décamper, du moins s'il doutait que ce dernier ait inventé la poudre de cheminette, il ne lui faudrait pas longtemps avant de deviner sa véritable nature.

Et comme si de rien n'était, avec une élégance frivole, d'un bon d'éruptif, le gamin d'orient s'abandonnait à corps perdu dans le fauteuil qu'il venait à peine de quitter. Le cuir encore chaud de l'assise l'accueillit tel un viel ami, et d'un regard amusé, il fusilla l'autre tête de gobelin mal peignée.  « En attendant que tu implores le personnel pour changer de dortoir, je me ferais à ton haleine de goule en respirant par la bouche ! » Un clin d'œil flatteur à son égard et ses paupières se fermèrent de nouveau, maigre espoir de pouvoir trouver la sérénité dans laquelle il aimait à se perdre en solitaire.

Les paupières semi-ouvertes, ses iris à l'éclat astral se posèrent sur le vert avec dédain. Aussi remonté qu'un retourneur de temps, Viper était fermement résolu à ne pas donner à ce bougre d'hippogriffe le dernier mot. Et tandis que le caverneux s'affairait à dessangler ses bagages, d'un râle animal le serpent exprima son désaccord. Les phalanges craquant contre l'assise de ce fauteuil aux soupçons épineux, le loup-garou se releva prestement, martelant le sol de ses talons. L'énergumène n'avait sans doute pas encore saisi que ce lieu, qu'il essayait tant bien que mal d'imprégner de son fumet pestilentiel, ne serait, ô grand jamais, sien. Et si le japonais devait en venir aux mains avec cet effronté pour défendre sa tanière, il n'hésiterait pas à marquer du fer de sa patte son minois suffisant. « T'es plus con qu'une cheminée ma parole... » Derrière ce timbre à l'apparente tranquillité, il réprimait un vil désir de lui sauter à la figure.

Se laissant glisser dans son ombre, l'asiatique passa son bras par-dessus l'épaule du sixième année. Cette proximité nouvelle, lui arracha un soupir de dégoût, avant que l'enfant du soleil levant ne puisse s'empresser de détourner son faciès de cette silhouette qu'il rêvait de faire voler à travers la pièce. D'une paume ferme au tact étranger, l'hybride, en espèce territoriale, ajourna cette vaine tentative à vouloir marquer son antre d'une quelconque breloque. « Je vois bien que tu n'as pas été béni par Merlin, mais si tu ne comprends pas de cette manière peut-être devrais-je me montrer moins conciliant. » D'un sifflement méprisant, cernant un peu plus le personnage, le nippon ne comptait pas venir à bout de son adversaire par le simple pouvoir d'une persuasion verbale. Alors joignant l'acte à la parole, la plante de ses pieds flirtant silencieusement avec le sol, il combla cette fine distance qui les séparait ; et aussi sournoisement qu'une vipère, sa silhouette épousa le dos de son camarade.

Alors que les murs finissaient de se repaître de son vers assassin, dans le bruissement et frottement du textile, le loup serra son étreinte funeste contre sa proie. Ses coussinets quittèrent cette valise qu'il projetait de faire disparaître ; et en un claquement de doigts, son avant-bras vint se loger sous la gorge de son probable quatre heure. D'un geste habile, sa seconde menotte vint récolter le poignet de sa victime et le verrouilla dans une clé de bras douloureuse. Le creux de son coude logé à l'orée de sa pomme d'Adam, sa respiration mourant sur le derme chaud d'un cou dénudé, ses lèvres s'approchèrent dangereusement de son encolure. « Ok, maintenant que j'ai toute ton attention, on va essayer de faire court pour ne pas te faire l'affront de surchauffer ton cerveau de goule. » Ses incisives mordant sa lippe, le Serpentard se délectait de cette position de faiblesse offensante dans laquelle il avait poussé sa victime.

Ses expirations canines embrassant le lobe de l'effronté, Viper tirait une satisfaction qu'il ne parvenait plus à dissimuler ; un rictus illuminant ses traits fatigués, acculé par une soif de solitude, le japonais serra les dents. « Toi devoir changer de dortoir, avant que moi montrer vrai visage, entendu ? » D'un murmure éclairci, mot à mot, il crachait ce phrasé aux allures de menace tout en accentuant la pression exercée sur son membre. Et si cet arriéré doutait de la véracité de cette sommation, Saito ne serait que ravis de lui faire déguster un avant-goût de ces capacités acquises au fil des années passées au sein du clan Ryūjinchi à faire la sale besogne.