Sean Clearwater - poète guerrier

Identité : Sean Clearwater.

Date et Lieu de naissance : Sean est né le 6 octobre 1998, à Edimbourg en Ecosse. Il a 23 ans.

Statut civil : Plus jeune, lors de son parcours scolaire dans le monde non-magique, Sean a vécu quelques amourettes avec des jeunes filles moldues. Lors de son arrivée à Poudlard, les sorcières l’intimidaient. Il avait l’impression que ses camarades jugeraient son manque de connaissance dans le monde magique. Cette sensation s’est atténuée avec le temps, et notamment en rencontrant LA jeune sorcière qui l’a aidé à se sentir à l’aise parmi les siens. Se liant d’amitié avec elle, il en est progressivement tombé amoureux avant de se rendre compte que ses sentiments étaient réciproques. C’est ainsi que depuis quelques mois, Sean a le bonheur d’être en couple avec sa meilleure amie: Yeleen.

Scolarité : Sean a toujours été un excellent élève dans tout son parcours scolaire qu’il a dans un premier temps effectué dans des établissements non-magiques. Quand il est arrivé à Poudlard, le Choixpeau a su reconnaître en lui des qualités de bravoure, de courage et un grand sens de la justice. Il a également détecté une vive perspicacité et une bonne capacité de discernement. Hésitant entre les maisons Serdaigle et Gryffondor, le couvre-chef magique a finalement écouté la demande du sorcier pour être dans la même maison que la plupart des membres de sa famille : Gryffondor. Après trois années de brillantes études, le sorcier a obtenu ses BUSEs haut-la-main et vient juste de valider ses ASPICs. L’étudiant souhaite débuter un MULOT en double spécialité Droit magique et Histoire et archéologie, comptant bien trouver un stage dans un journal indépendant afin de le former au métier de journaliste.

Profession : Sean recherche activement un stage dans un journal.

Baguette magique : La baguette de Sean est composée du sombre bois d’ébène, conducteur de magie connu pour apprécier les sorciers fidèles à leurs convictions et qui ont le courage d'être eux-mêmes. Mesurant 29,5 cm, elle possède une Tige de dictame. Assez simple, elle ne présente pas d’autre ornement qu’une rainure indiquant la poignée.

Famille : Sean Clearwater est issu par son père – Braxton Clearwater - d'un vieux clan de sorciers écossais. La lignée de ces fiers Albannach remonte loin dans le temps, mais ils restent cependant ouverts d’esprit. La famille s’élargissant reflète la diversité du monde qui les entoure - à commencer par les moldus. La mère de Sean, Betty Johns, est en effet une infirmière tout ce qu’il y a de plus moldue. Sean a également une sœur - sorcière tout comme lui. Ses cousins, oncles et tantes Clearwater prennent une place importante dans sa vie. Son oncle Jameson a notamment été particulièrement présent lorsque le jeune sorcier a découvert ses dons magiques, prenant la place de son père absent.

Hérédité du sang : Sean est de sang mêlé: sorcier par son père uniquement, sa mère étant non magique.

Particularité magique : Aucune particularité, sinon des crises d’angoisses liées à un vieux sortilège subi durant son enfance qui perturbent parfois la maîtrise de sa magie.

Caractère : Sean est un jeune homme studieux et mature. En raison de son mystérieux métier, leur père a souvent été absent de leur vie. Leur mère faisait tout son possible pour être présente mais son travail à l’hôpital était également très prenant. Le garçon a donc dû très tôt prendre des responsabilités pour s’occuper de sa jeune sœur. Quand il a compris qu’il avait des pouvoirs, il a tenté autant que possible se débrouiller seul pour que cette découverte ne pèse ni sur sa mère ni sur sa sœur.

Complexé à l’idée d’avoir du retard par rapport aux sorciers ayant baigné toute leur vie dans cet univers, il a pris l’habitude de beaucoup étudier ce qui fait de lui un très bon élève à Poudlard. Ses origines écossaises font de lui quelqu’un de fier et de droit. Son sens de la justice le poussera à défendre toutes les personnes qu’il trouvera en difficulté. Il applique moins aisément son franc-parler sur lui-même et il éprouve d’importantes difficultés à exprimer ce qu’il ressent quand une situation le touche. Gardant ce trop plein d'émotions pour lui, il lui arrive de temps en temps d’exploser afin d’évacuer sa colère et son chagrin.

Un traumatisme a marqué son enfance: celui d’avoir été oublietté par son père pour lui effacer le souvenir du massacre dont il a été témoin. Son enfance a par la suite été marquée par de violentes crises d’angoisse dont il ignorait l’origine. Ce sortilège a également fortement impacté ses rapports avec son père. Sean se sent habité par une colère à son encontre, récemment alimentée par la découverte par accident de ce qu’il avait subi étant enfant. Le sorcier ne pardonne pas à son père son mensonge et sa fuite du foyer familial. Il ne sait que faire de l’amour qu’il ressent pour lui, et cherche à fuir la violence et la contradiction de ses sentiments. Habité par un fort sentiment d’abandon et de culpabilité persistante, le jeune Clearwater ne fait en réalité que courir derrière la reconnaissance et le pardon de son père qu’il pense ne jamais pouvoir obtenir.

Patronus : Le patronus de Sean est une petite et agile martre des pins, un animal emblématique de l’Ecosse. Il a depuis peu appris que ce dernier était similaire à celui de son parrain, mort sous ses yeux quand il était enfant. Depuis cette découverte, il éprouve beaucoup de difficultés à maîtriser de nouveau ce sortilège.

Miroir de Risèd : Comme de nombreux enfants issus d’une famille fracturée, il garde le secret espoir que la sienne soit de nouveau unie. Dans le reflet du miroir, son père est présent avec le reste de sa famille. Il l’observe avec un regard plein de fierté qui raconte à lui seul l’amour qu’il éprouve pour son fils.

Epouvantard : La plus grande peur de Sean est de voir les personnes qu’il aime décédées, sans qu’il n’ait rien pu faire pour les protéger. L’épouvantail prend plaisir à lui présenter les cadavres des membres de sa famille et de ses amis le laissant face à sa propre impuissance : sa mère, sa sœur, sa petite-amie, ses cousins… et son père évidemment.

Particularités : Sean est un étudiant plutôt petit par rapport à la taille moyenne de ses camarades, ce qui le complexe un peu. Le jeune homme compense ce qu’il juge comme un défaut par des exercices réguliers, et une attitude surprotectrice vis-à-vis de celles et ceux qu’il aime. Il a le regard souvent trop sérieux qui lui donne quelques années supplémentaires, mais quand il rit, son visage se transforme complètement, donnant un aperçu de celui qu’il pourrait devenir s’il parvenait à être moins angoissé et torturé. Dans ces quelques moments d'état de grâce, il laisse son accent écossais marquer ses propos habituellement policés par l’accent de Birmingham.

Qui es-tu ? : Belcasan, « elle », 32 ans, de Lyon

Faceclaim & Crédits : Tom Holland, Tumblr

Trigger Warnings : Aucun

Un petit plus ? : Je suis accro à l’ensemble des membres du staff, c’est grave médicomage ?

L’enfance de Sean fut douce et heureuse, du moins dans ses souvenirs. Ses parents étaient la preuve vivante que les opposés s'attirent. Son père était une personne sympathique, un peu secrète, très romantique. C’était un idéaliste qui avait de vraies convictions. Sa mère était aussi expansive que son père était introverti. Pleine de joie de vivre, elle était bien plus terre à terre que son mari. Le couple aurait pu perdurer si Braxton Clearwater avait su se débarrasser des fantômes de son passé. La guerre avait laissé en lui des traces bien plus profondes qu’il n’y laissait paraître. De plus en plus pris par le travail, il se renferma de plus en plus, se coupant peu à peu de sa famille.

Sean et sa sœur vécurent donc principalement avec leur mère. Si elle n’en montrait rien, cette dernière était profondément affectée par les nombreuses absences de Braxton. Elle était infirmière et son travail prenait beaucoup de place dans sa vie. Sean avait toujours été impressionné par le dévouement de sa mère et l’importance qu’elle accordait au fait de prendre soin des autres. Il trouvait une certaine noblesse dans l'action de soigner les gens sans magie : il fallait beaucoup de temps et d’attention – là où la magie pouvait tricher en prenant des raccourcis. Le jeune homme sentait bien que Betty regrettait de ne pas passer plus de temps avec ses enfants et faisait tout pour la soulager de cette culpabilité. Être une mère quasi célibataire avec deux enfants à charge était loin d’être aisé.

Sean a longtemps cru qu’il n’avait pas de pouvoirs magiques car il en a eu la preuve très tardivement. Il a pendant un temps lié de manière négative tout ce qui avait attrait à la magie à son père, l’éternel absent de la famille. Sa toute première manifestation magique a justement eu lieu lors d’un des rares week-end que lui et sa sœur devaient passer en présence de leur père. C’était l’anniversaire de sa sœur et Braxton leur avait promis d’être présent pour fêter ça. Mais quand il leur annonça qu’il devait finalement se rendre au ministère pour toute la durée du weekend, Sean ne supporta pas la déception dans les yeux de sa sœur, et éjecta son père hors de la pièce avant de claquer la porte sur lui. Avant qu’il ne disparaisse, Sean avait eu le temps de lire une étincelle de fierté dans le regard de son père et il avait été profondément agacé de se rendre compte du plaisir que cela lui avait procuré.

Heureusement pour le jeune garçon, ses oncles et tantes Clearwater prirent en charge son éducation magique. Sean et sa sœur passaient la grande majorité de leurs vacances dans leur famille écossaise, baignant ainsi dans un mélange d’amour et de magie revigorant. Leur oncle Jameson fut particulièrement présent pour Sean, devenant une figure paternelle sur laquelle le jeune homme pouvait toujours compter. Quand il reçut sa lettre d’admission à Poudlard, Sean n’en fut donc pas étonné. Ses cousins plus âgés qui lui avaient longuement parlé de l’école, ses passages secrets et ses fantômes durant leurs vacances aux Hébrides.

Lorsqu’il est arrivé à Poudlard, Sean s’est senti confronté à une grande pression. Il avait clairement vu que ses connaissances du monde magique étaient bien moins étendues que celles des étudiants ayant été élevés dans le monde magique et il était angoissé à l’idée de passer pour un bon à rien. Cette crainte le poussa à étudier énormément et à se placer de lui-même dans une forme de retrait vis-à-vis de ses camarades. Ses cousins furent d’une grande aide, toujours prêts à le soutenir en cas de besoin. Ses tout premiers cours pratiques avaient été éprouvants, mais pas autant qu’il ne l’aurait cru. Très rapidement, une étudiante en particulier avait attiré son attention par la manière dont elle parvenait à combiner son handicap avec sa façon de canaliser sa magie. Il l’avait observé, discrètement, s’inspirant de sa force et de sa résiliation. Dès qu’il sentait la panique l’envahir, il lui suffisait de poser les yeux sur cette prodigieuse Serdaigle pour sentir ses démons s’éloigner et pouvoir se reconcentrer sur ses cours.





La serdaigle avait croisé son regard et Sean baissa immédiatement les yeux, gêné d’avoir été pris en flagrant délit en train de la dévisager. A côté de lui, l’un de ses cousins faisait le pitre en faisant tenir deux pichets de jus de citrouille en équilibre l’un sur l’autre, motivé par les exclamations qui fusaient autour de lui.

Cela ne faisait qu’une semaine qu’ils étaient arrivés à Poudlard et Sean n’avait encore lié peu de liens avec ses camardes de maison, bien qu’il ait déjà retenu tous leurs prénoms. Les premiers jours, chacun essayait d’impressionner le groupe en montrant le nombre de sortilèges qu’ils connaissaient déjà. Certains se targuaient même d’avoir illégalement utilisé la magie en de nombreuses occasions chez eux. Sean ne connaissait aucun sort et tentait d’écrire phonétiquement et de décrire tous ceux dont il était témoin en-dehors des cours.

En se taisant, il tentait de cacher son incompétence et espérait pouvoir passer inaperçu le temps qu’il rattrape le niveau des autres. Une attitude bien loin de la bravoure Gryffondor… Quand on avait déposé le Choixpeau sur son crâne quelques jours auparavant, la décision du couvre-chef magique n’avait pas été aisée, et il hésitait beaucoup avec la maison Serdaigle. Sean savait que bon nombre de membres de sa famille avaient été chez les lions - notamment son propre père et son oncle - et le Choixpeau avait écouté son désir de suivre leurs traces.

Quelques instants après, une autre jeune fille - bien plus grande que les autres - s'était avancée pour être à son tour répartie. Bien des regards s’étaient sur elle et Sean l’avait à son tour observée, frappé par le sentiment de solitude qu’elle dégageait. L’attention qu’on lui portait semblait glisser sur elle comme si elle n’y prêtait aucune attention, et pourtant son regard expressif portait loin à travers la foule. Elle fut envoyée à Serdaigle et Sean s'était un instant demandé s’ils auraient été amis s’il avait finalement été réparti dans cette maison. Leurs yeux se croisèrent un instant et le visage si fermé de la jeune fille semblait taire tellement d’émotion que subjugué, il ne parvint pas à détourner son regard.

Depuis, il ne pouvait pas s’empêcher de la rechercher dans la foule des étudiants. Elle était souvent en retrait, tout comme lui. Il remarquait qu'elle agissait parfois comme si elle vivait dans une bulle, n’interagissant pas ou peu avec les étudiants qui l’entouraient. Pourtant, à chaque fois, son regard brillait d’une étincelle qui ne demandait qu’à contaminer le reste du monde. Bien souvent, il fut tenté d’aller vers elle, et d’amorcer une conversation car il brulait d’en savoir plus sur elle, ne serait-ce qu’entendre le son de sa voix ! Mais à chaque fois, l’air distant et presque agacé qui émanait de la jeune fille l’en dissuadait et il tournait les talons avant même qu’elle n’ait pu l’apercevoir.

Ce matin ne faisait pas exception, et Sean n'avait pas pu s’empêcher de l’observer de loin. Il s’était détourné bien sûr quand elle avait croisé son regard. Et les pitreries de son cousin l’occupèrent pendant un moment. Mais presque involontairement, ses yeux s’étaient tournés de nouveau vers la table des Serdaigle pour tenter d’en savoir plus sur cette si étrange étudiante.





Sean avait enfin pris son courage à deux mains pour aller discuter avec la jeune Serdaigle. La gentillesse et la bonté qui semblaient émaner d’elle l’avait stupéfié. Mais il ne fut pas en reste quand elle l’informa avoir observé ses efforts dans la maîtrise de sa baguette magique. Lui qui pensait être celui qui l’observait à la dérobée depuis une semaine apprenait qu’il s’était fait prendre à son propre jeu. L’idée que Yeleen l’ait remarqué en cours était à la fois grisante et terriblement gênante. Est-ce que sa prise de baguette était si pitoyable que cela ? Il y avait de quoi être embarrassé… Et dans le même temps, il ne pouvait passer outre le conseil d’une personne qui semblait mieux maîtriser que lui le sujet. Sean s’empressa alors de sortir sa baguette en se tournant de côté afin de ne plus lui faire face par mesure de précaution. Comment savoir s’il n’allait pas la toucher par accident ? Mieux valait prévenir que guérir… Il fixa sa baguette d’un air concentré en tournant son poignet, tentant de suivre le conseil de la Serdaigle. Le petit caillou qu’il pointait de sa baguette se souleva lentement dans les airs sous le regard émerveillé de Sean qui se tourna vers sa professeure sans pouvoir cacher sa joie. Le regard de fierté que Yeleen posait sur lui le fit s’enflammer instantanément.

Cependant, rapidement, il voulut en savoir plus sur Yeleen - peut-être trop - et la questionna sur ses difficultés à s’exprimer. Il regretta sa question à l’instant même où il la posait car il vit Yeleen garder les yeux baissés. Il semblait évident que le jeune homme l’avait mise mal à l’aise et qu’elle n’avait aucune envie de lui répondre. Malgré sa gène évidente, Sean ne parvenait pas à la lâcher du regard, suivant des yeux ses mèches de cheveux qui s’envolaient au vent, et les gestes inconscients de ses mains qui tentaient de les retenir. Son cœur qui battait si vite quelques instants auparavant sembla ralentir comme s'il voulait figer le temps. Il avait presque envie de la prendre dans ses bras, et de replacer lui-même cette mèche rebelle en lui demandant d’oublier sa question stupide. La chaleur qu’il avait précédemment ressenti quand elle avait posé ses yeux brillants sur lui revint l’habiter rendant cette image terriblement réelle. Mais cette envie éphémère passa bien rapidement, et il eut de nouveau cette extraordinaire jeune fille devant les yeux, si mystérieuse, à la fois fragile et puissante, et dont il souhaitait tant en savoir plus. Yeleen finit par lui expliquer sa dysphonie, presque à contrecœur. Malgré tout, l’étudiante parvint à relever les yeux vers lui tout en lui souriant. Elle secoua la tête, avec toujours cette petite lueur de regret dans les yeux avant de lui proposer de lui apprendre la langue des signes. Sean avait accepté avec enthousiasme avant même qu’elle ne termine sa phrase. Il avait tellement craint que la jeune fille s'assombrisse et ne veuille plus lui adresser la parole qu’il était soulagé devant cette proposition de la connaître encore mieux. En se concentrant avec le même sérieux qui l’habitait en cours, il se mit à reproduire les signes qu’elle lui montrait - un à un.





Plus il apprenait à connaître Yeleen, plus Sean commençait à se rendre compte qu’elle ne divulguait aucune information superficielle et non nécessaire sur elle-même. Tout dans son être semblait prioriser l’écoute de ceux qui l’entouraient, et l’analyse de leurs attitudes. Ses réponses étaient sans aucun artifice : aussi nettes, éclatantes et directes que le rayon de soleil qui perçait les nuages pour se poser sur eux. Clairement Yeleen semblait faire partie de ces rares personnes qui écoutaient réellement les gens, analysaient leurs paroles qui restaient gravées en eux. Cette attention à l’autre semblait presque irréelle, d’une vulnérabilité sans pareille. C’était peut-être cet éclat de pureté dans son regard qui avait capté l’attention du jeune homme dès la première fois qu’il l’avait perçu. Une fragile flamme de candeur qui donnait envie de tout faire pour la protéger. Et pourtant, il sentait aussi chez Yeleen une force et une énergie soigneusement confinée derrière le masque imperturbable de son visage. Souvent, le jeune sorcier profitait qu’elle ne l’observait pas pour laisser son regard glisser sur son visage un peu plus longtemps que de nécessaire. Quand il se rendait compte de sa conduite, il se reprenait en tournant vivement la tête de côté, espérant qu’elle ne se soit pas aperçue qu’il la dévisageait sans aucun savoir-vivre.





C’était l’arrivée de Nora à Poudlard, et Sean avait hâte de la présenter à son amie. En un an, les deux camarades s’étaient beaucoup rapprochés et il y avait peu de détails sur la famille de Sean que Yeleen ignorait - bien que le Gryffondor cherchait constamment à édulcorer tout ce qui était en rapport avec son père. La Serdaigle savait que la mère de Sean et de Nora, Betty, était infirmière dans un hôpital. Sean en était très fier, bien que l’engagement de sa mère dans son travail ne le force à souvent s’occuper de sa petite soeur.  Il avait longuement évoqué à son amie les soirées passées à tenter de faire manger sa difficile petite sœur, et à jeter tous les restes pour éviter que sa mère s'inquiète. Ces souvenirs tendres étaient toujours mêlés à une pointe d’amertume liée à l’épuisement de sa mère, sa culpabilité et sa tristesse qu’il mettait sur le compte de l’abandon de son père. Sean disait souvent qu’il considérait les non-magiques plus responsables car ils devaient vivre pour toujours avec les conséquences de leurs actes, sans pouvoir espérer s'en sortir avec des tours de passe-passe. La moindre action dans le monde non-magique demandait beaucoup de temps et d’effort. Les moldus étaient sans doute plus limités dans leurs moyens et en même temps, tout s’y vivait plus intensément, comme le plaisir qu'on a à savourer un repas simple après une dure journée de travail.

Sean se rendait compte que malgré lui, il gardait encore un à priori négatif vis-à-vis du monde magique. Cette défiance datait de son enfance, quand il avait compris la différence de pouvoir entre son père et sa mère. Il avait de tout cœur souhaité ne pas être un sorcier car il ne souhaitait pas être rattaché au monde de celui qui avait tant fait souffrir sa famille. Les Clearwater l’avaient aidé à déconstruire ses préjugés sur les sorciers, mais une petite part de lui continuait à mépriser la magie qu’il reliait instinctivement à la fuite des responsabilités de son père. Mais sa soeur Nora n’empruntait pas les mêmes réflexions que lui - qui étaient plus dignes d’un vieillard que d’un jeune étudiant de deuxième année. Elle débarqua à Poudlard avec l’énergie d’une tornade, embrassant tout ce que le monde magique avait de meilleur à proposer.





Pour son anniversaire, les amis et la famille de Sean lui avaient organisé une fête surprise à Pré-au-Lard. L’alcool avait coulé à flot pendant une bonne partie de la soirée et il était déjà tard quand du coin de son regard trouble, le jeune homme aperçut son amie Yeleen qui désirait prendre congé. Soudain embêté à cette idée, il la suivit à l’extérieur du pub où le chaos régnait. Yeleen semblait fatiguée, mais elle profita de l’occasion pour lui souhaiter un bon anniversaire. Sean se prit à sourire en la voyant signer, sa joie facilitée par l’alcool qui imbibait son sang alors que Yeleen lui proposait de prendre une photo d’eux deux pour immortaliser ce moment.

Le cœur de Sean se mit à battre plus vite à cette idée, mais ses battements effrénés eurent un raté quand il sentit le corps de Yeleen contre le sien. Ils leur arrivaient fréquemment de prendre des photos d’eux et de leurs amis, qu’ils s’envoyaient ensuite dans leurs échanges épistolaires de vacances, mais cette fois-ci semblait différente, peut-être en raison du nombre impressionnant de pintes que Sean avait ingurgité. Il ne voyait que cette soudaine proximité et son cerveau cessa de fonctionner. Sans plus pouvoir contrôler ses gestes, il enlaça son amie, et saisit du bout des doigts son menton avec la ferme intention de l’embrasser.

Cependant, Yeleen l’empêcha d’aller plus loin en le repoussant de sa main. Elle semblait très en colère et ne lui laissa pas le temps de réagir en s’éloignant encore davantage, l’obligeant à la lâcher à contrecœur. Sean cligna des yeux plusieurs fois, sans comprendre, alors que la jeune fille signait quelque chose à propos de confusion de fille. Elle était clairement furieuse, et le jeune homme - livide - la vit reculer en butant contre son appareil photo. Le Gryffondor se prit la tête dans les mains, désespéré, alors que son esprit réalisait lentement ce qui venait de se passer. Il avait essayé de l’embrasser, et Yeleen l’avait rejeté. C’était terminé. Il avait tout gâché. Depuis quand retenait-il ce désir de l’embrasser? Difficile de savoir... L’alcool lui brouillait les idées et il avait terriblement envie de s’enfuir lâchement en courant. Pourtant, au fond de lui, il savait que s’il partait maintenant, son lien d’amitié avec Yeleen risquait de prendre fin tout aussi vite, et cette peur lui tordait les entrailles.

Heureusement pour lui, son amie choisi de mettre son étrange comportement sur le compte de l’alcool, et lui pardonna rapidement son écart, lui proposant de retourner à sa fête alors qu’elle rentrerait au château. Sean fixa l’établissement de longs instants, sachant qu’il n’avait plus du tout le coeur à la fête. Il n’avait aucune envie que Yeleen porte sur lui un regard de pitié, si ce n’était de dégoût, mais l’idée de retrouver la troupe d’assoifés qui l’observeraient avec curiosité le terrifiait. Il choisit alors de raccompagner Yeleen jusqu’à la gare mais sans la regarder afin de s’épargner le jugement de son regard sur lui.

Le sorcier marchait silencieusement en tentant de faire taire ses pensées qui hurlaient en lui. Le dégoût. La honte. Le rejet. Sans qu’il ne sache pourquoi, il eut une vision de son père lui tournant le dos. Chassant cette image de son esprit, le jeune homme tenta d’éviter de penser à ce qui venait de se passer, mais inévitablement, il revoyait Yeleen tout contre lui, le repoussant alors qu’il se penchait vers elle. Alors que son cœur saisissait seulement ce qui venait de se passer, il le sentit se fracturer en milles et un morceaux et il comprit qu’un rêve qu’il n’avait qu’à peine touché du doigt venait de se briser en lui. Au-delà de cette peine qui semblait insurmontable tant elle le consumait de l’intérieur, la peur de perdre Yeleen était la plus forte et il dû puiser dans les dernières de ses forces quand ils arrivèrent à destination.

La jeune fille se tourna de nouveau vers lui, attrapant les pans de sa veste afin de la refermer. Ce simple geste donna à Sean l’impression de défaillir. Il fut lui-même surpris par la violence de ses sentiments et dû se figer totalement pour s’empêcher de l’enlacer sauvagement. Que Merlin emporte toutes ses promesses, il la voulait là, tout contre lui ! Tout son être hurlait de saisir son visage entre ses mains et d’enfouir sa tête dans son épaisse chevelure ondulée. Il n’y eut que le visage impassible de Yeleen, avec son petit sourire en coin qui lui permit de reprendre ses esprits, et de se rappeler que son envie différait de la sienne.

Elle lui souhaita un joyeux anniversaire en se reculant, et Sean ne put qu’acquiescer avec un faible sourire contrit. Cet anniversaire il le savait marquait pour eux la fin d’une période de douce innocence. Il avait lui-même tout gâché en dépassant le déni bienveillant qu’il maintenait depuis tout ce temps afin de se protéger. La peur du rejet avait été jusqu’à présent la plus forte et il comprenait aujourd’hui pourquoi. Une partie de son âme s’était attachée à Yeleen et elle lui avait été ce soir brutalement arrachée. La douleur aurait pu le rendre fou si son amie, par sa simple présence, lui permettait de garder la tête hors de l’eau et d’éviter la noyade. Son regard criait tout son désespoir en observant la Serdaigle se recoiffer dans ce geste exquis qu’il connaissait par cœur, mais il continuait pourtant à composer un doux sourire sur son visage.

Peut-être voyant qu’il ne réagissait pas ou peu à ses signes, Yeleen s’éloignait encore, lui intimant de rentrer au pub. Mais malgré le traumatisme de ces derniers instants passés avec elle, Sean répugnait à l’idée de la quitter. Il savait que demain, il retrouverait sa place de « meilleur » mais sans plus aucune chance de voir un jour la réciprocité de ses sentiments. Il n’y aurait plus de retour en arrière possible. En réalité, il était déjà trop tard. Il pouvait déjà faire le deuil de cet espoir qu’il avait à peine touché du doigt. Une idée pas tout-à-fait conscientisée. Une chimère qu’il n’avait osé espérer, se doutant sûrement de la folie de son ambition.

La jeune fille commença à s’éloigner sans qu’il ne puisse réagir, l’observant le cœur au bord des lèvres. Sa silhouette disparaissant dans la pénombre était l’image la plus cauchemardesque qu’il lui ait été donnée de voir. Elle se retourna une dernière fois, signant avec un sourire timide qu’elle serait toujours là pour lui. Cette promesse avait la douceur du printemps mais cachait l’horreur de l’immuabilité de ses sentiments pour lui. Il détestait soudainement être ce « meilleur » pour elle, qui serait pour toujours à ses côtés. Le tourment qui l’habitait exigeait une passion telle qu’elle en devenait presque violente. Il aurait presque souhaité la voir souffrir autant que lui-même était à l’agonie et cette pensée le terrifia.

Il lui avait en retour promis d’être toujours à ses côtés avec un sourire triste, conscient du mensonge dans son discours. Il y aurait bien un moment où il ne pourrait plus se tenir à ses côtés. Quand un autre que lui aura pris la place qu’elle occupait dans son propre coeur. Le sourire de Sean se fana quand Yeleen se retourna pour de bon sur le quai. Il fut certain qu’elle ne pouvait plus le voir pour signer ces mots qu’il niait depuis tout ce temps mais qu’il avait besoin d’extérioriser afin de pouvoir commencer à en faire son deuil: « je t’aime ».





Les vacances d’hiver arrivaient, tout comme la promesse d’un nouveau bal auquel Sean ne pourrait pas assister. L’idée de laisser Yeleen y participer seule l’embêtait au plus haut point, et il lui avait demandé l’air de rien si elle avait été invitée par un garçon. Impatient de connaître sa réponse, il la fixait du coin de l’œil sans grande discrétion afin de ne rien rater de sa réponse. Impossible de faire semblant de ne pas écouter quelqu’un qui employait le langage des signes… Plus le silence s’installait et moins Sean ne pouvait le supporter, submergé par un affolement qu’il ne comprenait pas. Finalement, alors qu’il allait la supplier d’oublier sa question, elle releva des yeux brillants vers lui pour lui confirmer que quelqu’un l’avait invitée au bal.

Sean en eut le souffle coupé alors qu’il eut l’impression qu’on plongeait son corps dans le lac glacé qui bordait l’école. Bien-sûr il avait posé sa question en sachant que Yeleen avait de grandes chances de répondre par la positive. Après tout, le bal de l’hiver était une tradition pour tous ceux qui passaient les fêtes à Poudlard. Il aurait même été déçu pour elle d’apprendre que personne ne l’avait choisie comme cavalière. Mais la panique le submergea alors que le concept même de l’existence d’un admirateur secret de Yeleen émergeait dans son esprit. Le jeune homme prit sur lui pour fixer de son regard torturé son amie dont le visage était délicieusement doré par la lueur des flammes de la cheminée devant laquelle ils se tenaient.

L’implacable vérité s’imposa alors à lui avec la même violence que le premier choc. Ce qui était étonnant en réalité, c’était qu’il n’ait pas été question d’un admirateur secret bien plus tôt… Si la beauté de Yeleen était évidente, cet inconnu avait-il remarqué combien la jeune fille rayonnait avec son esprit si pénétrant, son humour tordant, sa discrète loyauté à tous ceux qui l’entouraient ? Il semblait évident que Yeleen plaise à bon nombre d’étudiants, même à ceux qui ne la connaissaient aussi bien que lui. Sean sentait comme une bête féroce prendre en otage ses entrailles avant de lui enserrer la gorge alors que sa raison lui intimait de se calmer. Mais de quel droit empêcherait-il une amie si chère à son cœur de trouver le bonheur ? Il fallait qu’il s’éloigne d’elle pour lui permettre de s’épanouir comme elle le méritait.





C’était le deuxième week-end depuis la reprise des cours, et Sean comptait de nouveau passer ces deux jours entre la bibliothèque et la salle commune de sa maison, principalement pour réviser ses cours et prendre de l’avance sur leurs devoirs à rendre avant d’être dépassé par les évènements. Il avait ce besoin d’avoir son esprit constamment occupé pour éviter de ressasser les idées sombres qui l’habitaient depuis son retour au château. Refusant de prendre le temps nécessaire pour une inéluctable introspection, il ne savait lui-même vraiment expliquer pourquoi il n’allait pas bien.

Le sentiment de mal-être n’était pas nouveau chez Sean. Il connaissait depuis tout petit des périodes d’angoisse profonde qui le saisissaient sans qu’il ne sache vraiment pourquoi. Il avait toujours mis cette tension sur le compte de l’absence d’un père qui n’avait jamais su lui exprimer la moindre forme de reconnaissance. Le fait de savoir que Yeleen avait passé le bal de l’hiver avec un autre que lui l’avait plongé dans une désespoir froid doublée d’une sensation de panique étouffante. Il avait senti une nouvelle pression lui enserrer les entrailles. Son plongeon sans fin dans les révisions avait le double objectif d’éviter de le faire réfléchir mais encore et toujours de rechercher cette éternelle approbation paternelle qu’il savait pourtant ne jamais obtenir.

C’était dans cet état d’esprit qu’il avait pris une résolution qu’il avait sur le coup jugé pleine de bon sens : prendre ses distances avec Yeleen. La jeune fille lui avait fait comprendre il y a déjà un an de cela que leur lien ne serait pour toujours et à jamais qu’amical. Il lui avait à l’époque promis de rester à ses côtés, tout en sachant qu’il lui serait nécessaire de s’effacer quand sa présence ne serait plus souhaitée. Il sentait à présent que le moment était venu… Il s’était persuadé que s’éloigner de son amie lui permettrait de rencontrer et de nouer plus facilement de profonds liens avec celui ou celle qui deviendrait cher à son cœur. En réalité, il ne faisait que se protéger devant la violente douleur qu’il avait ressenti en imaginant Yeleen se rapprocher d’un autre étudiant.

Sa vie depuis n’était qu’agonie. Il fuyait de toutes les manières possibles et imaginables la Serdaigle, tout en n’ayant de cesse de l’espionner dès qu’il en avait l’occasion, cherchant malgré lui à connaître l’identité de ce mystérieux admirateur, tout en redoutant de la découvrir. La jalousie le tétanisait et il choisissait finalement souvent de fuir, se demandant s’il parviendrait un jour à tourner la page. Le jeune sorcier avait pris l’habitude de prendre ses repas à des horaires un peu décalées des autres étudiants afin de croiser le moins de monde possible. Mais pour sa plus grande infortune, il tomba sur celle qu’il souhaitait au plus haut point éviter. Sans savoir comment réagir, il se surprit à faire demi-tour devant elle mais ne fut pas étonné quand elle l’arrêta par le bras pour lui demander des explications.

Sean l’observa dans un premier temps en silence. Yeleen avait l'air essoufflée, et son visage était adorablement plus marqué aux joues et sur le bout de son nez, prouvant qu’elle venait s’amuser à l’extérieur. Le Gryffondor avait l’impression d’être le seul à souffrir de leur éloignement et cela le renvoyait systématiquement au foudroyant sentiment de rejet qui ne le quittait plus. Il n’avait plus la force de prendre sur lui pour faire semblant d’aller bien. Pourtant, il se rendait bien compte que Yeleen ne comprenait pas ce qu’il lui reprochait. Elle était perdue, déboussolée, peinée et la voir ainsi lui tordait doublement le cœur. Non seulement il détestait l’idée de la blesser inutilement, mais le comportement de la jeune fille était bien la preuve qu’ils n’étaient clairement pas sur la même longueur d’onde.

Finalement, Yeleen préféra détourner son regard d'une tristesse infinie lui avouant qu’elle pensait que Sean avait rencontré quelqu’un et ne souhaitait que son bonheur. Sean hoqueta de surprise en la fixant. Son envie première était de lui hurler que dans son esprit, elle était et resterait la seule et unique vers laquelle toutes ses pensées étaient tournées jusqu’à le rendre fou. Il fut cependant pris d’un doute. Devait-il confirmer sa présomption ? Est-ce qu’il devait en passer par-là pour lui faire comprendre qu’à son tour elle devait s’épanouir sans plus ressentir la moindre pitié à son égard ? Mais un éclair de désir vint sournoisement s’insinuer parmi toutes ses tourments. Est-ce que Yeleen en avait réellement quelque chose à faire ? Est-ce que l’idée de voir Sean avec une autre fille la chagrinait un tant soit peu ?

Décontenancé, Il s’avança lentement vers elle, la pressant de lui dire si elle serait préoccupée de le voir - lui - avec une autre fille. Le cœur battant, il se tenait tout contre elle en cherchant à lire dans ses yeux ce qu'elle ne lui disait pas. Sa voix était devenue un simple murmure et leur proximité suffisait à lui faire perdre la tête. Le jeune homme voulut lui prendre le visage pour la forcer à le regarder, mais il se retint, se contentant de poser son poing fermé contre le mur à côté d’eux. Une once d’espoir l’avait traversé et elle avait suffi à démolir toutes les fermes résolutions qu’il avait prises depuis un mois.

Yeleen semblait tétanisée et Sean ne put s’empêcher d’espérer que sa question la retournait au moins un peu. Si elle pouvait seulement admettre qu’elle n’aimait pas l’idée de le voir avec une autre, alors rien n’était perdu. Cet espoir fou auquel il se raccrochait de toute ses forces le maintenant dans un état de fébrilité intense. La Serdaigle tremblait et une part de lui s’en voulut de la mettre dans un tel état, alors qu’une autre part constatait avec délice que sa présence ne la rendait pas indifférente. Colère, chagrin, exaspération… Tout lui allait tant que ce n’était pas de l’indifférence. Yeleen finit par lui rendre l’insistance de son regard, avant de fermer les yeux, ne supportant apparemment pas ce qu’elle voyait.

La jeune fille chercha à s’éloigner de lui et le Gryffondor l’observa sans bouger. Elle semblait éreintée, cherchant son souffle, tout en prenant garde de ne pas trop s’éloigner du mur qui pourrait la retenir si elle devait chanceler. Sean notait tous ces signes, instinctivement, comme il avait appris à le faire depuis qu’il avait rencontré Yeleen, toujours prêt à intervenir si la faible constitution de son amie venait à la lâcher. C’était cependant la première fois – ou peut-être la deuxième – qu’il était lui-même la cause de son trouble. Des sentiments contradictoires l’envahirent à cette pensée mais il était trop tard pour reculer.  Il ne pouvait qu’observer et écouter ce que Yeleen avait à lui dire.

Tout en signant, la jeune fille lui lança faiblement qu’elle-même serait incapable d’avoir de tels sentiments pour une autre personne, parce qu’elle ne pouvait les ressentir que pour lui - uniquement pour lui. Le cœur de Sean s’arrêta, tout comme le temps autour d’eux se figea. Il se raidit, en écarquillant les yeux, ne parvenant pas encore à comprendre ce qu’il venait d’entendre. Le regard de la jeune fille était fiché dans le sien, fier, affectueux, mais aussi d’une tristesse infinie que venait camoufler son éternel petit sourire en coin. Sean observa ce sourire, le cœur au bord des lèvres, avant de remonter à ses yeux, décelant avec horreur une larme naissante qui glissa le long de sa joue. Sortant alors de sa stupeur, Sean saisit la main de la jeune fille qui était posée sur son cœur pour l’attirer à lui, tandis que de l’autre il l’enlaça tout contre son corps. Plongeant sa tête dans la chevelure sauvage de la jeune fille, il ferma les yeux avec force pour se persuader que ce moment était réel.

Il ignorait si c’était lui ou elle qui tremblait sous son étreinte alors qu’ilparlait à son oreille en phrases entrecoupées, tentant de trouver les mots justes pour décrire tout ce qu’il ressentait pour elle. Il fit glisser ses mains de son dos à son visage pour fixer ses yeux embués de son propre regard brillant en secouant la tête devant sa détresse, la suppliant de le pardonner. Ses mots de perdaient entre eux alors que les pensées de Sean s’effilochaient. Il n’arrivait plus à penser à autre chose qu’au visage de la jeune fille si proche du sien, prisonnier dans la coupe de ses mains. Son odeur enivrante, ses yeux sauvages et indomptables à moitié masqués par ses longs cils recourbés, le grain parfait de sa peau, sa bouche entrouverte qui l’appelait…  Plus capable de maîtriser le moindre de ses gestes, il se pencha vers elle pour l’embrasser passionnément, se laissant envahir par un sentiment bien plus fort que tout ce qu’il avait pu ressentir auparavant.

La vieille tante invitée au repas familial avait apporté des photos de leur enfance que Sean n’avait jamais vu. Le jeune homme avait saisi l’une d’entre elle, apprenant avec une surprise non dissimulée qu’elle le représentait lui, en compagnie de son parrain dont il n’avait aucun souvenir. Les yeux de cet homme - Liam - qui fixaient l’objectif l’avait troublé au plus profond de son âme, comme si son parrain le regardait lui – et personne d’autre. Le jeune homme avait fronçé les sourcils en continuant à le fixer, alors que les battements de son cœur se faisaient plus irréguliers. Les yeux de son parrain étaient rieurs, son visage détendu et souriant alors qu’il tenait Sean sur ses genoux. Pourtant, il avait la lointaine impression que quelque chose d’épouvantable se cachait derrière cette parfaite image d’eux.

Sean entendit sa respiration se hacher, ce qui le fit vivement relever la tête pour fuir l’épouvante qui menaçait de nouveau de le submerger. A cet instant précis, l’électricité vacillante du vieil appartement birminghamien fit des siennes et le plafonnier du salon clignota plusieurs fois. Sean dû se retenir à la table, soudainement envahi par la panique qu’il tentait de contenir. Son visage était blême et il transpirait, tétanisé par l’angoisse. Cela faisait de nombreuses années qu’il n’avait pas eu ce genre de crises et il avait appris tant bien que mal à les gérer tout seul pour ne pas inquiéter sa mère. En respirant doucement il se concentra pour éviter de suffoquer devant sa famille et se dirigea vers la salle de bain dans laquelle il s’affala pour tenter de retrouver son calme dans cet espace clos qui le rassurait.

Dans l’obscurité de la pièce, Sean avait ramené ses jambes qu’il maintenait contre lui, en fixant droit devant lui la pénombre qui l’entourait, attentif à sa respiration erratique. Des éclairs couraient devant ses yeux, le renvoyant à une terreur qu’il ne comprenait pas. Il savait seulement que les endroits clos et sombres pouvaient faire passer cette peur primaire qui le saisissait parfois. Son objectif était d’y rester suffisamment longtemps pour se calmer et pouvoir de nouveau faire face à sa famille – en espérant qu’ils ne se soient rendus compte de rien. Sa manière de faire face à sa crise était cependant à double-tranchant car s’il restait trop longtemps dans un espace fermé et sombre – il le savait – une autre angoisse bien plus violente le terrasserait. Une sensation sournoise s’insinuerait en lui, lui donnant l’impression d’être enterré vivant, pouvant l’obliger à défoncer la porte pour sortir.

Il ne se souvenait pas exactement quand avaient commencé ce genre de crises, mais une en particulier avait marqué son esprit. C’était une nuit d’orage. Il devait avoir à peu près 6 ou 7 ans et un éclair l’avait particulièrement tétanisé. Il avait hurlé et son père avait débarqué dans sa chambre peu de temps après, baguette à la main, pour le retrouver en boule dans son placard. Le petit garçon qu’était Sean à l’époque avait mis énormément de temps à pouvoir se calmer, la peur de mourir le faisant grelotter et s’asphyxier à moitié. Son père l’avait gardé serré contre son cœur pendant tout le temps de sa crise, le calmant en le berçant comme s’il comprenait ce que son enfant traversait. Malgré l’horreur qu’il avait ressenti, ce souvenir était resté doux dans sa mémoire, comme l’un des derniers moments durant lequel il avait pleinement ressenti l’amour de son père pour lui. Sa carrure qui lui paraissait immense à l’époque l’enveloppait d’une carapace protectrice et il savait que dans ses bras, rien ne pourrait lui arriver. Au fil des années, il avait entretenu ce souvenir qui lui permettait de calmer ses angoisses avant que sa confiance en son père ne finisse par s’étioler lentement. Adolescent, ses crises vinrent à se calmer, ou du moins, il arrivait à les contenir en maintenant un self-control de façade bien plus facilement. Cela faisait des années que la panique ne l’avait pas à ce point terrassé, laissant revenir les symptômes de ses crises au grand jour. Fallait-il qu’il visualise les bras de son père pour se calmer comme lorsqu’il était enfant ? Il en doutait… Pourtant, ce fut bien la voix de son père qui lui parvint doucement à travers la porte de la salle de bain.

« Papa ». Sean ferma les yeux en l'entendant, sa respiration sifflant dans sa gorge. Il souhaitait se raccrocher à ce mot comme à une bouée pour sortir de la vague d’émotion qui le noyait à moitié mais c’était compliqué. Une part de lui s’y refusait. Le jeune homme souhaitait pouvoir s’affranchir de l’aide de son père pour s’en sortir. L’idée que ce dernier le voie toujours comme un enfant faible et craintif le répugnait. Il ne souhaitait pas non plus que sa famille s’inquiète pour lui, mais qu’elle puisse au contraire se reposer sur lui, comme le roc solidement ancré qu’il rêverait d’être. Mais plus Sean se mettait la pression, et moins il parvenait à garder les idées claires. Un deuxième appel de son père où l’inquiétude transparaissait clairement lui fit soudainement rouvrir les yeux et il se leva presque instinctivement pour appuyer sur l’interrupteur. Le flot lumineux qu’il reçu par l’ampoule dénudée qui pendait du plafond lui mit comme une claque violente et lui retourna suffisamment le cerveau pour qu’il puisse ouvrir à son père.





Lors de leur premier rendez-vous de couple, Sean avait invité Yeleen à Pré-au-Lard, et ils s’étaient tous les deux installés en terrasse, partageant un verre en évoquant les derniers jours passés loin de l’autre. Yeleen écoutait le jeune homme parler de sa famille et de ses faiblesses avec une attention sans faille. Sa proximité permettait à Sean de s’enivrer de son parfum entêtant tout en profitant de la force de son regard sur lui. Elle apparaissait à la fois puissante et fragile, aussi irrésistible qu’un torrent creusant son lit dans la roche de son âme. Sean su à cet instant qu’à aucun moment il n’avait eu le choix. Il avait appartenu à Yeleen depuis le premier regard et serait à jamais à elle jusqu’à la fin des temps. Alors que cette certitude s’imposait à lui, Yeleen lui révélait la sienne : elle était amoureuse de lui.

Sean se figea entièrement pendant quelques instants alors que les mots de la jeune fille résonnaient en lui. Très lentement, la compréhension le gagnant peu à peu, il releva la tête pour l’observer sans aucune autre réaction que ses yeux s’écarquillant lentement. Puis soudainement, comme si son corps voulut rattraper le temps perdu, il sauta hors de son tabouret et se détourna, en cachant à moitié son visage avec ses mains qui se posèrent sur lui. Son cœur explosait dans sa poitrine, une ivresse le faisant trembler dans un mélange d’émotion allant de la stupéfaction à l’euphorie en passant par une fierté bien incongrue. Enfin, après s’être assuré qu’aucune larme ne trahirait son émoi, il finit par se tourner doucement vers Yeleen, la liesse se lisant sur son visage resplendissant. S’approchant de Yeleen, il ne put s’empêcher de l’attraper dans ses bras dans un rire tonitruant de Clearwater pour la faire tournoyer.

La reposant à terre, il l’embrassa à plusieurs reprises avant de saisir son visage entre ses mains pour scruter chaque détail de son visage avec un sourire qui s’agrandissait au fur et à mesure qu’il prenait conscience d’être l’homme le plus chanceux du monde. Il lui rappela de manière inutile être également amoureux d’elle, élément qu’il lui avait déjà plusieurs fois déclaré, mais savourant chacun de ses mots avec régal inédit. Le jeune homme avait mis une emphase sur le mot « également » que l’accent écossais avait à moitié transformé pour le rendre encore plus lumineux. Ses mots vibrants en lui, Sean se sentit transporté par un bonheur tel qu’il se savait capable de déplacer des montagnes entières. Il comprit alors qu’il avait une possibilité de démontrer à Yeleen la force de sa félicité. En sortant sa baguette, il énonça le sortilège qui fit apparaître le patronus le plus réussi qui lui ai jamais été donné de faire. Une martre des pins, aussi nerveuse qu’agile sautilla autour d’eux les protégeant de sa longue queue touffue avant de disparaître dans un éclair bleuté.

Évidemment Sean se rendait bien compte que les deux étudiants n’évoluaient pas au même rythme dans leur relation. Sean avait pris conscience de ses sentiments il y avait plus d’un an et il avait passé des nuits entières à espérer le moment où ils pourraient se révéler réciproques. Depuis que ce rêve semblait si proche de la réalité, il envisageait déjà le prochain, sans douter une seule seconde de la force de son attachement. Son amour était aussi pur et inévitable que l’eau de roche transparente qui creuse des sillons profonds dans les falaises des Hébrides. Si lui était déjà sûr de son amour, et prêt à passer le reste de son existence aux côtés de son amie, Yeleen avait besoin de prendre son temps. Sean pouvait aisément le comprendre, et respectait sa réflexion. Il ne souhaitait que son bonheur, et avait hâte que Yeleen se voie de la façon dont lui l’admirait. Elle était semblable à la bruyère écossaise, délicate et poétique, mais capable de résister aux vents les plus violents. Et elle apportait de la couleur dans un univers monochrome.





Lors de leurs cours particuliers en sortilège, son oncle Jameson venait encore de jeter son neveu à terre, terrassé par le sort qu’il avait reçu de plein fouet. Sean était conscient de ses faiblesses, mais il s’entêtait cependant à les reproduire… Le jeune homme fronça les sourcils en se relevant, nullement offensé par l’attaque et les remarques de son oncle. L’écossais était habitué au caractère bourru et sans tact de l’aîné des Clearwater et il se contenta de baisser les yeux sur ses propres pieds quand Jameson attira son attention sur sa position trop instable. En comparaison, le professeur se mit lui-même en position d’attaque afin que Sean puisse plus facilement repérer ses erreurs. Puis, copiant sa posture, il passa tout son poids de sa jambe gauche à sa jambe droite en pointant devant lui avec sa baguette. Son oncle s’avança pour corriger légèrement son maintien d’épaule avant de se pencher vers lui.

Sean se figea sous la surprise alors que la voix grave de Jameson résonnait à son oreille, lui rappelant que son équilibre ne serait qu’illusoire tant qu’il n’aurait pas trouvé sa paix intérieure. Il devait apprendre à se faire plus confiance, et à accepter l’homme qu’il était devenu avec ses forces et ses faiblesses. La mine de Sean s’assombrit. Il n’avait jamais eu de difficultés à identifier ses faiblesses et à chercher à les dépasser ou au moins les camoufler du mieux qu’il le pouvait. Ses forces en revanche, c’était une autre histoire… Il tentait de se voir son propre reflet dans les yeux de son père mais tout ce qui lui venait en tête c’était son dos – massif – qui s’éloignait d’eux. Sans son père, le jeune homme avait l’impression qu’il ne restait qu’une version amoindrie de lui, avec ses crises d’angoisse qui le laissaient revivre des souvenirs sans doute inventés, aussi terrorisants qu’ils avaient l’air réalistes.

Heureusement, les conseils de James se mirent ensuite à moins viser son mental que son corps. Selon Jameson, dans le feu de la bataille, son esprit serait trop lent à réagir. C’étaient la force de ses jambes et ses réflexes qui feraient la différence. Le cœur de Sean qui s’était glacé en constatant sa propre médiocrité avait progressivement dégelé devant les traces d’affection et les encouragements de son oncle. L’attention quasi paternelle que Jameson avait pour lui finit par faire éclater les dernières traces de doute en lui. Son regard se raffermit alors qu’il se repositionnait en imitant la posture de son professeur, prêt à reprendre l’exercice.





Sean et ses compagnons avaient plongé la tête la première dans la pensine laissée sans surveillance de son père, et ils étaient dans l’impossibilité de faire machine arrière. Ils se trouvaient dans une pièce délabrée. Liam, son parrain, se tenait debout, encerclé par des mages noirs. Le visage blême, Sean comprit soudain comment se finirait le souvenir que son père avait souhaité retirer de sa mémoire. Liam allait mourir, ainsi que son père le lui avait révélé.

Mais la panique le saisit et lui enserra le cœur quand il se reconnut non loin de là, petit garçon perdu dans sa salopette. C’était impossible. Il ne pouvait pas être présent, il se serait souvenu, il n’aurait pas pu oublier ça ! Son père surgit soudain, en compagnie de Liam, et ils se précipitèrent vers son alter ego de plusieurs années plus jeune que lui. Les yeux écarquillés de frayeur, Sean vit la pièce presque imploser d’elle-même sous les feux des sortilèges échangés entre les sorciers. Soudain, un patronus vint pourchasser l’un des assaillant, et pas n’importe lequel. Son patronus. Une martre des pins.

En suivant le regard, Sean vit Liam - baguette levée - concentré pour protéger le petit Sean. Un instant plus tard, il tombait - percuté par un des sorts. La petite martre courut quelques secondes encore avant de s’éteindre en même temps que son créateur. Si des larmes coulaient le long des joues de Sean, il n'en avait presque pas conscience et ne parvenait pas à détourner le regard du corps de son parrain qui avait donné ses dernières forces pour le protéger. Son père hurlait de rage, tuant instantanément le mage responsable de sa mort. La seconde d’après il reçu un autre sortilège et se plia, criant de douleur, en tombant à genoux devant le petit. Sean chancela devant cette scène et il porta la main à sa gorge avec l’impression d’étouffer.

Mais montrant une étonnante résistance mentale, Braxton réussit à se libérer du sortilège et lança une attaque que son assaillant  n’eut pas le temps d’esquiver, envoyant son corps hors de la maison. Le silence retombait alors que Braxton se détourna pour chercher son fils qu’il trouva sous des décombres. Il le prit dans ses bras en pleurs, mais quelque chose n’allait pas. Le petit ne répondait pas. Ses yeux étaient ouverts mais ils ne semblaient rien voir. En écho à sa propre image, Sean s’immobilisa - se contentant de fixer son père avec un visage morne. Il avait l’impression de ne plus parvenir à ressentir la moindre émotion. Il n’était plus sûr de savoir qui il était et qui il avait sous les yeux. Qui était ce petit garçon aux yeux vitreux, vivant un traumatisme dont il n’avait aucun souvenir? Un sortilège de détresse fit réagir l’enfant qui se mit à hurler de terreur, cherchant à fuir son père qu’il semblait voir comme un danger. Braxton le rattrapa, des larmes coulant sur ses joues, impuissant devant la frayeur de son petit. Soudain, son visage angoissé se ferma alors qu’une décision venait de germer dans son esprit. Toujours immobile, Sean comprit en un instant le geste irréparable qu’allait accomplir son père.

Avec une grimace, Sean rompit enfin son immobilisme en se détournant, se prenant le visage dans ses mains tremblantes. Prisonnier de ce souvenir, il ne pouvait qu’être témoin de l’irréparable. Rien ne pouvait empêcher Braxton de lancer son sortilège. Un éclair plus tard, c’était fait. Le petit Sean avait tout oublié, jusqu’à l’existence de son propre père.





Le cousin de Sean, Gabriel Standford, également chef du bureau des aurors avait répondu à son appel. Le jeune garçon avait besoin de son aide pour reprendre de toute urgence contact avec sa mère. Mais un élément imprévu avait empêché Sean de lui expliquer la raison de leur rencontre: l’arrivée de plusieurs Sombrals devant eux. C’était la première fois que Sean les voyait autrement qu’en illustration dans un livre. Cette vision venait confirmer ce dont il avait été témoin deux mois auparavant dans la pensine de son père.

Gabriel s’était approché de lui en le maintenant par les épaules en signe de soutien. Il lui certifia que ces étranges créatures n’étaient pas dangereuses, sans doute pour l’aider à retirer le voile de superstition qui les recouvrait. Il s’agissait d’une famille, et chacun d’entre eux avait son nom bien spécifique. A cette explication, Sean déglutit en passant son regard sur eux, se poussant à récupérer un brin de courage. Une famille unie…

Malgré lui, ses pensées filaient irrémédiablement vers cette nuit qui avait dû débloquer sa capacité à voir les sombrals.  Son parrain était tombé sous ses yeux - raide mort. Et il avait dû également être témoin de la fin de certains de ces mages noirs qui les avait attaqués. Mais le sortilège de son père avait si bien effacé ce souvenir de son esprit qu’il avait été incapable de voir les sombrals avant son passage dans la pensine. Est-ce que la vision de ces souvenirs avait débloqué certains éléments dans une mémoire si lointaine qu’il ne pouvait plus l’atteindre ? Ou est-ce que voir son alter-égo enfant dans cette pièce à moitié détruite avait fini par convaincre son inconscient qu’il avait bien vécu ces événements, même s’il n’en avait aucun souvenir? C’était difficile à savoir.

Depuis ces deux mois, il avait également été en incapacité de reproduire un patronus. Depuis qu’il avait découvert que son sortilège ne faisait qu’imiter à la perfection le patronus de son parrain décédé en le protégeant, le sorcier n’était jamais parvenu à émettre autre chose qu’une espèce de fumée grisâtre. Leur macabre découverte dans la pensine de son père l’avait poussé à s’interroger sur l’origine de la forme de son patronus. Est-ce que le moindre de ses actes n’étaient finalement qu’une simple reproduction causée par la marque ineffaçable du traumatisme? Durant les rares exercices au cours desquels il avait réussi à dépasser ses questionnements, le simple fait de voir la fumée prendre la forme de la petite martre de Liam l’avait renvoyé à l’image de son cadavre, interrompant instantanément le processus. Cette nouvelle preuve de faiblesse chez lui l’embarrassait fortement et il ne souhaitait surtout pas la partager à ses amis et sa famille.





Devant sa mère, Sean avait annoncé de but en blanc tout savoir. Betty s’était tue un instant, et le jeune sorcier avait senti dans le poids de ce silence toute l’étendue des non-dits qui les avaient séparés durant toutes ces années. Sa mère avait une voix résignée, quand elle reprit enfin la parole, expliquant qu’elle avait redouté autant qu’attendu cette conversation. Elle n’y était pour rien, évidemment, dans le sortilège qui avait effacé son enfance - faisant disparaître les mauvais comme les bons souvenirs. Et pourtant, elle s’évertuait à défendre Braxton, arguant qu’il n’avait pas eu d’autre choix. Sa voix n’était plus qu’un murmure quand elle mit en avant l’amour d’un parent, censé être plus fort que tout.

Sa dernière remarque agaça profondément Sean. Comment croire que son père l’avait maintenu dans l’ignorance depuis si longtemps uniquement par amour pour lui ? Est-ce qu’un parent aimant avait vraiment cette attitude avec son enfant ? Il lui semblait avoir au contraire couru toute son enfance durant derrière ce père - presque inconnu - qui lui accordait si peu d’attention. Était-ce le dégoût qui l’avait détourné ainsi de lui ? Est-ce que le visage de son fils lui avait sans cesse rappelé cette terrible nuit durant laquelle il avait tant perdu?

Sean avait bien vu ce que le massacre avait fait de lui, ce qu’il était devenu. Oui, les yeux ternes et fixés dans le vide de ce petit garçon l’avaient marqué au fer rouge. Il les avait considérés avec effarement, sans parvenir le moins du monde à se reconnaître en eux. Et pourtant, la panique l’avait envahi quand son inconscient avait commencé à rattacher entre elles les bribes de sa mémoire au fur et à mesure qu’elle se dessinait sous ses yeux, à défaut de s’en rappeler. Un désarroi tel que le jeune homme avait compris que les racines de son traumatisme étaient toujours là, ancrées au fond de lui, bien qu’il lui était impossible de mettre le doigt dessus en raison du sortilège d’oubli.

Betty n’avait pas tenu la baguette responsable du sort, mais elle ne désapprouvait pas pour autant le geste de son mari. Sean releva lentement des yeux peinés vers elle. Il aurait cru qu’elle plus que personne d’autre de sa famille aurait condamné l’utilisation de la magie pour apaiser l’épouvante qui avait saisi son enfant. La magie ne pouvait pas tout guérir. Le corps de Braxton bardé de cicatrices en était la preuve vivante. Et c’était encore plus délicat pour tout ce qui concernait des blessures de l’âme. Le jeune homme aurait cru que sa mère aurait préféré défendre un soin sur le long terme, demandant beaucoup de temps, de patience et d’attention, et surtout ne détournant pas des yeux l’origine du problème.

Plus que tout, Sean voulait savoir pourquoi ses parents ne lui avait rien dit plus tôt, à son entrée à Poudlard par exemple, pour lui expliquer pourquoi les sortilèges lui faisaient cet effet là. Mais le sorcier s’était tu, alors que l’évidence s’imposait à lui. Si ses parents avaient choisi de ne rien lui dire, c’est parce qu’ils ne l'avaient pas jugé assez mature pour encaisser la vérité. La preuve en image: sa maîtrise de soi ne tenait qu’à un fil… Après tout, il avait toujours vécu dans l’attente de l’approbation de son père qui lui aurait été quoi qu’il arrive refusée. Un enfant cabossé, fragile, qu’on devait maintenir dans le mensonge: voilà tout ce qu’il était pour eux. Si c’était ça l’amour parental, il n’en voulait plus.

Ses doigts rejoignirent ses tempes comme pour contenir le trop plein d'idées qui s’en échappait. Le jeune écossais ressentait un grand nombre d’émotions le traverser, et la pire de toute, c’était le sentiment que ses parents avaient peut-être eu raison. Il n’était certainement pas assez fort pour accuser le coup. Son attitude face à sa mère n’en était-elle pas la preuve ? Cette idée le rendit misérable et il fixa le comptoir, à côté d’eux. Brusquement, l’envie de boire le saisit, suffisamment pour oublier cette piètre opinion qu’il avait de lui-même.

Quand il avait découvert que son père avait une autre femme dans sa vie, il s’était demndé si la détérioritation de sa relation avec le Langue-de-Plomb avait précipité la fin du mariage de ses parents. Il était en réalité bien loin du compte. Ce qu’il s’était passé cette terrible nuit et dont il n’avait aucun souvenir personnel avait entaché les liens qui les maintenaient comme une famille unie. Si les Clearwater n’étaient plus que les pièces éparpillées et coupantes d’un miroir cassé, il en était le premier responsable. C’était son traumatisme qui - non content de lui avoir gâché la vie - avait ruiné celle de sa famille entière. A présent, même Nora refusait de parler à son père après avoir su ce qu’il avait fait subir à son frère.

Comme si elle pouvait lire les réflexions de son fils, Betty lui demanda d’aller contre sa nature en évitant de garder ses sombres pensées uniquement pour lui. Mais en était-il capable ? Il songea à la version plus jeune de son père qu’il avait entraperçu dans la pensine. Sans doute qu’il avait été semblable à Nora étant jeune : impétueux, courageux, sûr de lui… Betty portait elle aussi une témérité et un certain culot dont son fils se sentait par moment bien dépourvu. Dans ce cas, de qui tenait-il cette faiblesse que son entourage appelait sensibilité pour le préserver ? Est-ce que son caractère actuel n’était que le résultat d’un traumatisme couplé à un sortilège enfermant ses souvenirs, faisant de lui l’ombre de l’homme qu’il aurait dû devenir ?

Le regard paniqué du Langue-de-Plomb qui avait croisé le sien en sortant de la pensine était resté gravé dans sa mémoire. Il avait fait écho à celui dont Sean avait été témoin dans cette même pensine, venant d’un Braxton de 20 ans plus jeune devant son fils visiblement traumatisé par ce qu’il venait de vivre. Ce regard portait la trace d’un si profond désespoir qu’il n’arrivait pas à le faire disparaitre de sa mémoire. Ces deux pupilles noires surgissaient régulièrement devant lui, à l’image d’un fantôme en peine qui refusait de s’éloigner. C’était comme si son esprit, conscient d’avoir été amputé d’une partie de ses souvenirs, s’accrochait d’autant plus fermement aux nouveaux qu’il créait. Mais il ne s’agissait bien que d’un fantôme, car si son père était bien en vie, il ne lui en donnait aucun signe. Sean ignorait ce qu’il attendait exactement de son père et ce silence imposé entre eux lui semblait aussi salutaire qu’étouffant.

Heureusement, sa mère détourna la conversation sur Yeleen. Un sourire vint alors barrer son visage inquiet, effaçant progressivement le souci qui s’était accumulé dans les discrets plis de son visage. Parler de son amie était comme une véritable thérapie pour le jeune homme. C’était comme choisir la vie plutôt que la mort. De plus en plus souvent, au lieu de questionner ce qui avait bien pu pousser la Serdaigle à l’accepter à ses côtés, il tentait de se voir à travers ses yeux. Le reflet qui transparaissait dans les sombres pupilles de la métisse était bien éloigné de l’image qu’il avait de lui, mais il était pourtant si prometteur qu'il pouvait suffire à le remotiver pour une journée entière. Alors touché dans son estime de soi, il n’avait qu’une envie, c’était de devenir cet homme-là par amour pour elle. Dans ces moments-là, il se sentait pousser des ailes et il parvenait à ne faire qu’un avec celui qu’il rêvait d’être. Mais plus il utilisait cette ruse, plus c’était difficile de retrouver l’autre Sean, celui qu’il essayait de cacher aux yeux du monde.






C’était la première fois que son père reprenait contact avec lui, lui promettant qu’il lui expliquerait tout. Mais pas maintenant. Plus tard. Sean pourrait lui poser toutes les questions qu’il souhaitait. La voix de Braxton, curieusement modifiée par son petit patronus, détonnait avec l’image qu’il renvoyait de lui.

Sean rentrait à peine de l’un de ses entraînements qui s’était révélé assez peu fructueux. La volonté n’était pas là, il avait du mal à se concentrer et sa magie fusait sans qu’il ne parvienne à la canaliser. Mais son objectif n’était pas tant d’améliorer sa technique que de suffisamment s’épuiser pour ne plus réussir à penser à rien. Avec un peu de chance, il aurait droit à l’une de ces rares nuits sans rêves qui lui permettaient de ne pas se réveiller en sursaut, couvert de sueur, alors que les démons du passé s’accrochaient à son esprit, se nourrissant de ses tourments pour s’ancrer dans sa réalité.

Le message avait résonné contre les murs de la salle d’eau vide, jusqu’à longtemps après la disparition de la petite souris. Sean s’était affalé tout habillé dans la douche, sans même s’apercevoir du filet d’eau qui coulait sur lui, ruisselant sur son visage, se mêlant habilement aux larmes pour en effacer la moindre trace. Sa baguette avait roulé à côté de lui et prenait l’eau, tristement inutile, unique témoin de la détresse du jeune sorcier.