Enquête #1c : Tous en scène, le spectacle commence

Karma n'était pas né de la dernière pluie et il sentait que le jeune homme, qui avait suivi le même MULOT que lui durant sa scolarité à Poudlard, partageait les mêmes doutes que lui. Que faisait la magie dans un tel endroit, que faisait tous ces attirails de guerre au milieu des photos de ces sorciers? Des moldus semblaient les avoir pris pour cible et à la lecture vague du grimoire dont il tournait les pages, il était évident qu'ils avaient quelques informations vraies du monde caché par le code international des sorciers. Alors qu'il lisait cette phras en latin, ce fut les mots "Aube Rouge" qui attira son attention et Gabriel se le nota dans un coin de l'esprit alors qu'il regardait la fiole remplie de sang.

"Plusieurs hypothèses s'offrent à nous. Soit Bragge était sur ce filon qu'on vient de découvrir et il s'est fait avoir avec le reste du groupe par une tierce personne, soit il alimentait les rumeurs volontairement pour une raison encore obscure et dans tous les cas, il s'est retrouvé dans la liste des victimes."

Il leva les yeux vers Karma, pointant du doigt le livre dans ces phrases latines.

"Cet ordre te dit quelque chose?" Puisqu'il était l'heure d'allier deux services du département de la justice magique, Gabriel espérait que celui de la Brigade était déjà tombé sur cet élément nouveau.
Il fit néanmoins glisser sa baguette magique sur le grimoire, un sortilège Revelio œuvrant dessus afin de voir si la même trace du casier subsistait sur le grimoire avant d'en faire de même sur la fiole de sang. Était-ce le sang de Bragge ou d'un autre sorcier? Attendant que Karma jette un coup d'oeil à la carte, Gabriel observa un instant les photos et les décrocha du mur, autant pour ne pas laisser d'indices dans un lieu moldu que pour protéger l'identité des sorciers qui avaient été pris en photo. Qui étaient-ils, courraient-ils également un danger?

La carte de Londres caressant le bout de ses doigts, Noma se perdit un court instant en déduction et pensées futiles, lésant ainsi tout intérêt pour la représentation de la capitale britannique. D'une cascade de soupirs moroses, l'inquiétude du brigadier croissait au fil des découvertes et investigations plus poussées, anxiété inhabituelle pour ce vétéran, mais il devait bien avouer que cette enquête commençait à prendre une tournure plus que déplaisante. « Nous sommes sur la même longueur d'onde, mais pour le moment, nous ne pouvons exclure aucune hypothèse... Évitons de nous cloisonner à ces simples conclusions » avait-il finit par lancer dans un esprit de zèle amplifié par le poids des constatations déjà menées.

Son regard soucieux s'attarda sur de nombreux encarts journalistes relatant des "faits paranormaux", alors qu'il replaça sur son pan de mur le géorama urbain. La tête légèrement inclinée sur le côté, l'insulaire traîna plus que de raison devant ses articles, un sourire en demi-teinte arrosant ses lèvres, tandis que Standford l'invitait à venir jeter un œil au grimoire qu'il tenait entre les mains. Survolant le sol d'une démarche feutré, les iris piquant par-dessus l'épaule de l'auror une œillade, Karma ne mit que quelques secondes à déchiffrer les écrits en inscription latine. « Ça donne plus l'impression d'être un slogan ralliant une bande d'illuminés religieux sur le point de dévoiler à la face du monde l'existence du monde sorcier... » cracha-t-il avec un certain dédain à l'encontre des instigateurs d'un mouvement anti-magique.

D'un mouvement de recul, le tireur d'élite s'éloigna de son partenaire afin de reprendre l'exploration de cette pièce souterraine, passant ainsi en revue l'armement de ce groupuscule d'inquisiteurs du dimanche. Il annota sur un bloc notre sorti au préalable de sa veste la nature et quantité de fusils et autres instruments de guerre déposés à la vue de tous. Dans un silence de cathédrale, l'Asiatique bien trop familier de ce matériel ne vit pas le besoin d'en consigner une comme preuve, leur témoignage faisant foi de cette trouvaille. « On devrait ramener au Ministère ce que l'on peut emporter, tout en prenant soin d'en faire des copies, histoire de ne laisser aucune trace de notre passage. » souffla-t-il d'un timbre désabusé en s'apercevant que son binôme avait déjà pris les devants sans réellement se soucier d'effacer les indices d'une effraction au sein du repère.

Prudence étant le maître mot de Karma, Gabriel observa un instant la carte dont les points reportés méritaient de pouvoir se pencher dessus. Mais il fallait avouer que dans un lieu dépourvu de protection magique en plein milieu d'un vestiaire moldu, il valait mieux en sortir très vite pour ne pas attirer l'attention sur un tunnel creusé derrière ce qui était censé être un simple lavabo. Depuis combien de temps ce repère existait-il d'ailleurs? La preuve d'un latin conférait même un caractère ancien aux membres de cette secte qui avait tous péri.

"J'aurais tendance à modifier les photos au mur pour ne pas attirer plus l'attention d'autres personnes si elle venait à tomber dessus. Ces sorciers sont en position vulnérables." dit-il en montrant du doigt les clichés qui les montrait en robe de sorcier.

Serrant un instant la fiole de sang mort entre ces doigts, il finit par la remettre dans une de ses nombreuses poches capitonnées de son uniforme avant d'en faire de même avec le grimoire, non sans user d'un simple sortilège de gemino pour en laisser une copie sur place. Un second sortilège vint copier également les photos avant de les modifier et de les replacer contre le mur, les visages et les vêtements changeant sous leur regard pour n'en faire que de simples inconnus.

"Laissons une alerte à l'entrée, au cas où quelqu'un d'autre aurait encore un accès."

Ils avaient récupéré une dague, des photos, un grimoire et cette fiole. Entre des sacrifices de rituels, ce sang mort et cette dague avec une empreinte magique sur elle, toutes les théories pouvaient de bousculer et le chef des Aurors ne pouvait que déplorer les écrits du grimoire qui incrimitait toute la communauté des sorciers. Pour le né moldu qu'il était, il avait l'ombre de revenir à la chasse aux sorcières.

"On a tout?"

D’un doigté joueur, Noma se massa une barbe inexistante, non content d’avoir mis la main sur cette cache clandestine et d’avoir apporté la lumière sur un complot finement ficelé visant à briser le code international du secret magique. D’un simple hochement de tête, ne trouvant rien à apporter à la suggestion de son supérieur hiérarchique, il acquiesça promptement, un sourire ravis ondulant le long de la commissure de ses lèvres, sentiment du devoir accompli et d’un travail rondement mené. D’un menotte aérienne, il arracha de nouveau le plan détaillé du vieux Londres de son socle mural, qu’il vint tapoter du bout de son caducée. Une copie similaire, mais trafiquée de cette même carte trônait désormais entre les articles de journaux et les râteliers occupés d’un armement archaïque face à l’éventail magique à la disposition des cibles de cette conspiration. D’un pas leste, il passa à côté de cette pile aux clichés tronqués et ses iris s’illuminèrent d’un éclat radieux, si par inadvertance il demeurait des individus pour animer ce groupuscule, l’escouade d’élite du Ministère venait tout simplement de ruiner l’ensemble des indices pointant vers l’existence d’un monde parallèle.

Son tilleul roulant entre ses phalanges, Karma se faufila dans l’ombre de l’auror, s’extirpant de la tanière. D’un dernier regard, il photographia les lieux avant que la porte ne se referme sur la salle dans un courant d’air humide.  Un soupir amer glissa néanmoins entre ses lèvres, trouvant la tâche trop aisée, le brigadier ne put s’empêcher de se demander s’ils n’avaient pas failli dans une moindre mesure. « Trop subtile, nous devrions attirer l’attention des autorités moldues sur l’existence de ce repaire, mais évidemment le dernier mot vous revient… » Une ombre de défi dans le timbre de sa voix parsemait les syllabes de ces paroles d’un accent provocateur, sans pour autant tomber dans le piège d’une insubordination flagrante. Avec ce qu’ils avaient découvert, l’Asiatique trouvait cela un peu désolant de laisser cet arsenal croupir, alors que l’aide de leurs homologues non-magiques pourraient mettre un coup d’arrêt définitif à tout individu prenant une part active à cette chasse au sorcière moderne. Toutefois, la décision ne lui revenait en aucun cas, si bien qu’il se plierait au jugement de son binôme auquel il faisait entièrement confiance.

D’un virage à cent quatre-vingt degré, l’Américain quitta la salle des douches et retourna sur leur premiers pas. Tout en s’inclinant, il récupéra le classeur que Gabriel avait déposé sur l’un des bancs en tira la liste des employés et à la manière d’une photocopieuse sorcière, un duplicata apparu au creux de la paume du tireur d’élite. Avec minutie, il replaça le registre dans son enveloppe plastifiée et d’un coup de baguette, le dossier voleta jusque dans le casier duquel il avait été soustrait.  « Il ne manque rien. »  répondit-il fièrement tout en brandissant son bout de papier. Époussetant sa veste après y avoir dissimuler le répertoire, le Sammy se porta à la hauteur du chef du bureau des aurors. Il balaya la salle d'eau et le vestiaire d'un coup d'œil furtif tout en se pinçant la lippe, les paupières plissées, ultime vérification avant d'en venir à la conclusion que leur temps en ces lieux touchait à sa fin. « Je ne sais pas pour vous, mais pour cette fois, je vais me passer de la porte arrière, on se retrouve au Ministère. » Et d'un salut militaire décontracté, sans se faire prier, dans un craquement cave, le fonctionnaire disparut.

Considérant avec le plus honnêteté possible la proposition de son collègue qui lui conseillait d'alerter les autorités moldus sur l'existence du repère mais surtout des armes qui seraient encore utilisable, Gabriel fit un signe négatif de la tête et expliqua son point de vue avec une extrême prudence .

"On a tous les deux été mandater par le Ministre en personne, je serais d'avis de retourner dans les bureaux, faire notre rapport et attendre les nouveaux ordres." dit-il, de manière très protocolaire.

Entre les multiples meurtres, les autorités moldus ne sauraient où chercher pour tenter de retrouver les corps et l'affaire serait bien trop vite porter par les médias avant même que le ministère moldu ne puisse entendre quoi que ce soit du ministre de la magie. Et au vu du temps employé par ce dernier concernant son homologue durant le briefing de l'amphithéâtre, il semblait clair que le sorcier ne souhaitait nullement faire affaire avec les moldus.

Hochant la tête alors que le brigadier faisait une copie du classeur qu'il avait réussi à avoir et confirmant qu'ils avaient bien tout pris tandis que le lavabo reprenait son emplacement initial, Gabriel installa la marque, le liant à son propre Galion des Aurors afin de pouvoir être averti en personne. A ces yeux, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire et il espérait vivement que le responsable des meurtres reviennent dans les lieux pour se faire prendre. Il eut un sourire alors que Karma disait vouloir se passer du chemin du retour en transplanant sans l'attendre et Gabriel observa le vestiaire une dernière fois avant de sortir en passant par l'entrée arrière afin d'avoir eu par lui-même une vue d'ensemble sur le bâtiment.

Passant alors devant d'innombrable couloirs, Gabriel s'arrêta devant une porte qui attira son attention. Bien différente des autres, il s'assura ne pas être vu par un autre technicien et entra dans une très ancienne salle de théâtre, loin d'être aussi chic et clinquante que les autres salles du bâtiment. Fronçant les sourcils et alors qu'il levait le bras, sa baguette ayant retrouvé son étui à son manche, le chef des Aurors émit un informulé pour confirmer s'il ressentait bien un peu de magie dans les lieux.

Balayant du pouce le Galion des Aurors en espérant qu'un de ses collègues passerait vite le message à son binôme, Gabriel eut la désagréable sensation de ne pas être le bienvenue dans l'ambiance soudainement malsaine de la salle. Il ne sut comment interpréter cette sensation, ignorant les poils hérissés sur ses avants bras et s'assura d'un coup d'oeil qu'aucun moldu ne soit de passage dans le couloir.

Fronçant les sourcils, il remarqua le levier derrière un des nombreux rideaux et l'observa un instant, baguette totalement en l'air pour ne rien louper de ce qui se passerait dans la trappe s'il l'actionnait. Vigilance constante était le maître mot et l'Auror se para en conséquence en activant le mécanisme moldu qui semblait renfermer une magie noire comme il n'en avait encore jamais encore vu.

Par précaution, il lança un bouclier face à lui, sans trop savoir encore à s'attendre mais avec la certitude que ce qu'il trouverait serait bien plus terrible que la pièce cachée dans laquelle il s'était retrouvé avec Karma.

Laissant le Gallion des Aurors dans la poche, Gabriel avança doucement vers la trappe alors que l'imprimante malsaine qu'il avait ressenti ne s'était tari avec l'ouverture de la trappe. Tentant de ressentir cette magie en s'y concentrant un peu plus, il grogna silencieusement en n'arrivant nullement à mettre le doigt sur ce qui le dérangeait.

Une telle salle de théâtre avec une vieille trappe au sol, accessible au moldu, n'était pas anodine. Entre la dague et la fiole de sang qu'il avait dans la poche de son uniforme, aucun détail n'était à laisser au hasard.

Surpris par un seul trou d'un demi-mètre de profondeur, il leva un instant les yeux vers le plafond sans rien trouver de probant avant de se mettre à genou près de l'ouverture, guettant les parois à l'oeil nu. A la faible lumière de la pièce et osant interférer le moindre sortilège pour ne pas dénaturer la magie inhérente, Gabriel posa sa baguette sur le côté avant de s'y appuyer pour toucher le fond du trou de sa propre main afin de l'inspecter.