Carry on [ft. Bianca]

En montrant son badge à l’accueil du ministère de la magie, Sean sentit qu’il avait passé un cap. Cela faisait une semaine que son stage auprès de Bianca avait commencé, et si l’Auror ne le ménageait pas, il sentait chez elle un réel enthousiasme à l’avoir auprès de lui qui le mettait en confiance. Un instant, il avait cru que celle qui était presque comme une tante pour lui n’ait accepté sa demande que par pitié, mais elle lui avait rapidement prouvé le contraire. Bien qu’ils n’aient jamais échangé sur le sujet, Bianca devait tout savoir de son enlèvement de cet été, et comment les tortures qu’il avait subies avaient fragilisé son corps comme son esprit.

Si @Braxton Clearwater ne lui en avait pas parlé - ce dont Sean doutait - @Jameson Clearwater en tant que directeur de sa maison et son tuteur pédagogique, ou @Gabriel Standford en tant que chef du service avaient dû chacun lui glisser leurs recommandations. Sean savait que sa famille veillait au grain, et vu le danger qu’il pouvait représenter, l’étudiant comprenait leurs inquiétudes. En effet, depuis que le loup-garou responsable de son enlèvement l’avait renvoyé chez lui, Sean sentait que tout n’était pas revenu à la normale. Parfois, le Gryffondor était emporté par un flot d'émotions dont il ne maîtrisait rien et qui lui faisaient perdre totalement le contrôle sur ses actions. Il craignait que Ryan ne lui ait ensorcelé l’esprit pour piéger et se venger de sa famille. Mais quand le jeune homme en avait parlé à Gabriel, son cousin n’avait en retour évoqué qu’une seule solution: s’entraîner à résister mentalement à l’emprise néfaste.

En termes d’exercices, Bianca s’était pour l’heure contentée de procédures administratives toutes plus barbantes les unes que les autres. Mais s’étant engagé à mettre tout son cœur dans chacunes des tâches qu’on lui demanderait, Sean avait accompli chaque mission avec la patience et la rigueur qui le caractérisait. C’était d’ailleurs souvent un reproche que lui avait asséné Bianca quand elle venait les voir - plus jeunes - à la maison: Sean était bien trop sérieux. A la différence de sa sœur, plus drôle et exubérante, le jeune homme se montrait souvent rabas-joie et trop réfléchi pour son jeune âge. Bianca prenait souvent plaisir à le railler, tentant par tous les moyens de lui arracher un sourire, ce qu’elle parvenait systématiquement à obtenir.

Mais Sean avait grandi, et leur relation avait évolué en un rapport professionnel entre étudiant et maître de stage. Le sourire venait toujours aussi rarement aux lèvres du jeune homme, mais Bianca ne semblait plus s’en formaliser, se contentant de vérifier la bonne exécution de ses demandes. Du reste, peut-être excusait-elle à présent l’humeur sombre de l’étudiant au vu de ce qu’il avait dû subir durant l’été. Cela n’empêchait pas Sean de montrer autant d’enthousiasme que de curiosité dans la découverte de ce métier qui par bien des aspects le renvoyait à son père qui avait un temps eu le rôle que tenait Bianca pour lui aujourd'hui.

Poussant la porte du bureau de l’Auror, Sean remarqua quelques documents étalés sur son bureau, mais les lumières étaient éteintes. La sorcière ne semblait pas être encore arrivée, ce qui était étrange car Sean avait l’habitude de la voir présente au Ministère bien avant son arrivée, et elle y restait également bien après son départ. D’un coup de baguette, il éclaira la pièce en observant autour de lui.

- Bianca, appela-t-il - se trouvant un peu idiot à le faire. Malgré lui, il sentit une certaine excitation le gagner. Est-ce qu’une affaire lui était finalement tombée dessus ? Allait-elle enfin l’amener sur le terrain pour lui montrer ses techniques secrètes d’Auror ?

Si un jour on avait dit à Bianca qu’elle mentorerait le fils de Braxton Clearwater, elle aurait probablement ri à s’en tenir les côtes. Et pourtant. Pourtant il y a quelques temps, Sean est venu la voir. Lui a fait part de son envie de changement de voix. Et elle ne s’est pas esclaffée. Il y a évidemment eu de l’inquiétude, qu’on pouvait lire dans le pli entre ses sourcils. Et elle a eu une longue discussion avec @Gabriel Standford sur le sujet. Tout a été pesé, et le verdict est tombé. Sean sera aura. Et c’est elle qui en aura la charge. C’est une chose pour laquelle elle se serait battue bec et ongles, dans tous les cas. Car si on lui a mené la vie dure, après avoir été sous la houlette de l’ex-Auror, que ferait-on à son fils ? Dès que la rumeur de sa venue a commencé à enfler, la Mexicaine a été parfaitement claire : le premier qui ne ferait ne serait-ce que le regarder de travers aura affaire à elle. Le message est à priori plutôt bien passé, puisque depuis une semaine, tout le monde se tient à carreaux. Il faut dire qu’on évite généralement de la provoquer. Et quand elle couve le petit nouveau comme une mère louve, d’autant plus.

Pour l’instant, ils n’ont pas fait grand-chose. Ce n’est même pas du bizutage, plutôt une évaluation silencieuse. Et il faut bien dire que ça fait partie des choses les plus chiantes de leur boulot, la paperasse, mais c’est aussi pour cela qu’ils commencent par là. Si Braxton avait un peu plus insisté dans ce domaine avec elle, elle n’aurait sans doute pas eu autant de problèmes à ce niveau-là. Dans tous les cas, c’est une bonne chose, et cela lui permet de dire que pour le moment, le jeune homme semble tenir le coup. Ils vont donc pouvoir lentement passer à la vitesse supérieure. Et elle sait exactement comment faire. Une petite mise en bouche de ce qui l’attend. Le terrain n’est pas pour tout de suite, elle va déjà l’emmener à la salle d’entraînement pour tester ses réflexes, une baguette à la main. Mais elle peut avoir quelque chose s’approchant. Il lui faut faire un détour par les cellules, glissant un mot au responsable. « Interrogation room three. Ya. » Le temps de remonter, pendant qu’on le prépare pour elle et elle passe par son bureau, où son apprenti est déjà. Bianca « Carino, I am fit as ever but I still don’t fit under my desk. »

Le bureau est plutôt désert, mais ce n’est pas pour autant qu’elle se permet des familiarités avec le jeune homme. Quand ils sont là, ils restent professionnels. Elle s’avance dans la pièce pour récupérer un des dossiers qui trône sur ses monceaux de papier, pour le lui tendre : « Look, paperwork was fun but I have something else for you today. » Sa baguette entre en action pour leur préparer deux cafés, et de l’autre main, elle lui fait signe de lire. Elle n’a pas choisi un cas trop choquant pour le premier, mais il s’agit d’une affaire en cours sur laquelle elle doit effectivement enquêter. Un receleur qui a eu entre les mains plusieurs objets infusés de magie noire, réputés disparus depuis la chute des Mangemorts. Et la convergence d’autant d’artefacts en même temps est inquiétante, c’est une certitude. « Let’s get practical. » Les deux mugs fumants sont prêts et elle les fait léviter, lui demandant de la suivre : « Five minutes to read it, two to debrief me as if I never read that file. » Un index tape le cadran de sa montre avant de se mettre en marche : « Your time starts now. Go ! » Et elle a hâte de voir comment il s’en sort. Résumé, esprit de concision. Les choses sérieuses commencent.

Sean sursauta en se retournant, tombant nez-à-nez avec Bianca qui le raillait gaiement en le surprenant à chercher sous son bureau. Il eut un sourire d’excuse en se passant la main dans les cheveux avant d’attraper un dossier que l’Auror lui lançait. Fronçant les sourcils, il ouvrit le fichier comprenant diverses coupures de presse, une fiche avec une photo agrafée présentant une énumération d’éléments factuels sur le sorcier qui s’agitait dans son cadre, des listes d’objets disparus depuis la grande guerre, avec les rapports des agents ayant constaté leur disparition.

Sean compris rapidement l’exercice demandé par Bianca. L’étudiant sentit l’excitation le gagner alors qu’il retrouvait la zone de confort qu’il affectionnait tant qu’il avait un temps songé suivre la voie du journalisme : parcourir articles et rapports, notant rapidement les informations saillantes et les éléments qui se recoupaient pour résumer rapidement le tout. Bianca lui avait donné cinq minutes, et il n’utilisa pas une seconde de plus avant de lui récapituler son analyse, la suivant à pas rapides dans les couloirs.

- L’homme a la cinquantaine. Arrêté il y a quelques années pour contrebande, il a échappé à Azkaban en contribuant à faire tomber certains de ses acolytes. Il tient une boutique de dépôt-vente sur le chemin de traverse qui lui permet semble-t-il de rester en contact avec un réseau de receleur déjà connu de nos services. Il est soupçonné d’être complice du recel de plus d’une dizaine d’artefacts qu’on pensait disparus ces dernières années. Mais si de nombreuses pistes remontent jusqu’à lui, on n’a pour l’instant aucune preuve concrète de sa culpabilité. Il vient juste d’être arrêté car il n’a pas fait son signalement auprès du Magenmagot comme il a l’obligation de le faire depuis sa remise en liberté conditionnelle. J’imagine que l’objectif est d’obtenir au moins un élément à charge pour justifier une descente dans sa boutique ? A moins qu’on veuille de nouveau le pousser à dénoncer son réseau de complices ?

Sean referma le dossier en observant du coin de l’œil l’Auror qui le menait dans le labyrinthe que formaient les couloirs du Ministère. Un ascenseur les avait emmené dans les sous-sols, où Sean n’avait encore jamais mis les pieds. Le jeune homme avait attrapé le café que lui avait préparé sa maître de stage mais n’osait goûter le breuvage qui fumait encore abondamment. Bianca aimait apparemment le café quand il était brûlant mais Sean aurait préféré être pétrifié sur place plutôt que de s’en plaindre. Brusquement, la sorcière s’immobilisa devant une porte qui portait le numéro 3. Elle se tourna vers Sean qui la fixa avec un regard étonné. Quoi… Le suspect était-il dans cette pièce ? Est-ce qu’ils allaient vraiment l’interroger ? Là, tout-de-suite ?

- Il est là, demanda-t-il en pointant du doigt la porte fermée devant eux. Le Gryffondor était à la fois électrisé, tout autant qu’épouvanté à l’idée de faire soudainement face à un criminel qui avait suffisamment bravé la loi pour mériter finir à Azkaban.

Juste un instant, Bianca se laisse aller à une pointe de tendresse. Le temps a passé, depuis la première fois qu’elle a vu les enfants de Braxton. Et le jeune homme qu’il est devenu s’en sort plutôt pas mal, considérant le père qu’il a – et elle dit ça avec tout l’amour, vache, certes, du monde. C’est une respiration, et l’enfant qu’elle a connu disparaît, laissant place à l’étudiant qui se concentre sur la tâche qu’elle lui donne à accomplir. Elle a la décence de le laisser en paix pendant sa lecture, même si ce ne sera pas le cas à chaque fois. Les Aurors doivent prendre des décisions immédiates dans de nombreuses situations compliquées, et il lui faudra le mettre à l’épreuve. Une chose à la fois. Elle n’a pas si terrible que ça, contrairement à ce que ses collègues peuvent penser. Et l’attente est récompensée, par un profil précis de l’homme en question. Des hochements de tête ponctuent le résumé, et elle finit par approuver : « Second option. We tracked down one of the payments for the artefact. The buyer is overseas so it is taking a bit of time but then we will have a warrant. » Et l’intervention aura lieu aussi rapidement que possible, pour éviter le risque que d’autres artefacts de magie noire ne tombent entre de mauvaises mains. Et que ceux-ci, recherchés par le Ministère, ne disparaissent encore une fois. « We will use this to put pressure on him and have him give us his source or sources. » Ce n’est pas une certitude, que cela fonctionne. Mais dans le pire des cas, il sera sous les verrous pour de bon, encore. Et cela devra suffire, l’enquête continuera simplement sans lui.

Et ils sont enfin arrivés. La surprise de son étudiant la fait sourire, et elle confirme : « Si. But we’re not going to him immediately. » C’est la porte d’à côté qu’elle lui indique, et elle l’ouvre pour lui. La glace magique empêche le suspect de les voir mais leur donne une parfaite vue sur l’individu en question. Le café est récupéré et Bianca en avale la moitié, appréciant la brûlure sur le palais qui contribue à la réveiller au moins autant de la caféine. « It was a good summary, for sure. But paper and people are very different. » Son pouce pointe l’individu de l’autre côté du mur. Il n’est pas difficile de voir qu’il n’a rien d’une petite frappe qu’ils vont pouvoir intimider comme ils le souhaitent. Depuis son temps à Azkaban, il a fait beaucoup d’effort pour apparaître comme un homme d’affaires respectable, au moins autant que faire se peut. Ils ont eu de la chance de parvenir à apercevoir ce deal, sous les livres de compte plus que soignés quand ils l’ont eu chez eux pour ce motif stupide, pour lui. Il est loin d’être stupide, et il semblerait qu’il ait réussi à avoir un bon coaching. Et c’est aussi ce qu’ils veulent comprendre. Pourquoi manquer son rendez-vous ? Il doit y avoir quelque chose de plus gros dessous. « So. What do you think of him? First impression. » L’instinct est extrêmement important, même s’il ne fait pas tout. C’est cela qu’elle teste, maintenant.

L’équipe de Bianca n’allait pas tarder à obtenir un mandat pour perquisitionner le dépôt-vente du receleur et l’Aruror comptait utiliser cette menace pour pousser le sorcier à balancer ses sources. Mais sans en révéler plus, elle invita Sean à le suivre en poussant une porte, juste à côté de celle portant le numéro 3 peint en grand sur son battant. L’étudiant la suivit avec appréhension et fut soulagé de voir qu’une vitre les séparait encore du gardé à vue. Mais il n’eut cependant pas le temps de se détendre car Bianca lui demandait à présent son opinion sur l’homme assis à la table en face d’eux.

Sean retint un haussement de sourcil étonné en le détaillant. Sans bien savoir à qui s’attendre, le jeune écossais imaginait plutôt un individu à la mine louche et patibulaire, peu soigné, aux airs menaçants de ceux qui ont passé du temps à Azkaban. A la place, il trouva un sorcier à l’allure raffinée, costume impeccable et posture altière. Sean hocha doucement la tête, comprenant qu’il s’agissait là d’une première leçon : toujours se méfier des apparences. Son propre père @Braxton Clearwater ressemblait plus à un ancien détenu que le sorcier qu’il dévisageait. L’étudiant allait devoir désapprendre tous les préjugés que les films et autres histoires lui avaient inculqué sur le bien, le mal, la justice et ses agents. Sans avoir l’air de quelqu’un prêt à proposer son aider pour aider une personne âgée à traverser la rue, l’homme derrière la vite semblait des plus innocents. Il avait même une petite mine outrée de ceux qui pensent fermement être victimes d’une injustice. Pourtant, certains détails prouvaient chez lui une gêne certaine.

- Son costume est bien taillé, l’étoffe a l’air d’être de qualité, commença Sean, ayant plus de facilité à se concentrer dans un premier temps sur les détails extérieurs. A ses doigts et ses poignets, on voit des traces de bronzage qui indiquent qu’il portait des bijoux. On a dû surement les lui retirer au début de sa garde à vue. Il a de l’argent et n’hésite pas à le montrer… Les prunelles brunes de l’écossais passèrent de ses mouvements de genoux à ceux de ses doigts, avant de remonter jusqu’à son visage. Il n’a l’air stressé, mais pour autant, il arrive à garder un certain calme. On dirait… qu’il n’est pas si inquiet que cela pour quelqu’un dans sa situation.

Les yeux du receleur étaient la partie de son corps la plus mobile, papillonnant de la porte à ses mains, en passant par la vitre teintée.

- Il sait qu’il est observé, poursuivit Sean en fronçant les sourcils. Ce n’est pas la première fois qu’il subit ce genre d’interrogatoire. C’est peut-être pour ça qu’il a l’air aussi calme…

Soudain, une idée lui vint en tête et son visage se ferma encore plus.

- Il savait qu’il allait finir ici en manquant son signalement… Son arrestation était donc voulue ? Il doit avoir quelque chose derrière la tête… Peut-être qu’il a un marché à nous proposer… Ou alors il cherche à détourner notre attention de quelque chose…

Un peu perdu dans ses suggestions, Sean tourna un regard désemparé vers Bianca pour chercher à lire sur son visage s’il faisait fausse route.

- En tout cas, il pense avoir l’avantage sur nous et ça risque donc d’être compliqué de négocier avec lui…

Les bras croisés, c’est sur Sean que les yeux de Bianca sont rivés. Elle commence à connaître le loustic de l’autre côté de la vitre, par cœur. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle s’est permis de le montrer à son Bleu, parce qu’elle a déjà la plupart des réponses – ou en tous cas elle connaît ses hypothèses préférées, et celles qu’elle va suivre. C’est donc un test avec des réponses pré-écrites que passe le jeune homme. Et pour l’instant, il s’en sort plutôt bien. Pas un son ne passe ses lèvres alors qu’elle le laisse faire, réfléchissant à voix haute. C’est important, de se poser tous les éléments, certains prennent des notes, d’autres font des boards. Elle aime jeter les siennes au mur d’en face, ce qu’elle l’encourage à faire. Au moins, il ne tombe pas dans les pièges pourtant faciles face à ce genre d’individus et prend le temps de tout analyser. Les vêtements, il note même les bijoux – bien joué – mais n’est pas allé jusqu’à parler de l’alliance. Ce n’est qu’un premier essai, c’est déjà mieux que rien. L’attitude est bien lue, les conclusions bien tirées … C’est du bon travail. Il s’agit maintenant de lui montrer ce qu’il n’a pas vu. Et de l’éclairer sur les hypothèses qu’il a formulées. « Not bad. You just missed one or two things, come closer. » L’index l’invite à venir et se pose sur la vitre, désignant la main gauche : « Very good take on the jellewery. However look at his left ring finger. » La nuance est tenue, mais visible : « His wedding ring has been removed a few months ago, for the mark is not as pale as the others. He is going through a rough divorce, at the moment. » Elle a certes l’avantage de connaître l’information par d’autres sources, mais c’est une chose que l’on peut déduire, en l’observant. « So the fact to get caught is actually a bad thing for him. »

Et c’est ce qui lui fait conclure : « So claro. There are two possibilities. » Et elle lève l’index : « He has a very good reason to be here, either to offer a deal on his own, or to distract us from something huge. » Le majeur le rejoint : « Or something big got in the way, and he is either in trouble or on a very big thing, that got him to forget or not be able to make his appointment. » Et cela change concrètement la donne. « First case scenario then yes, he has an edge over us. For now. » Mais si c’est la seconde option qui est la bonne, dans ce cas ils vont se régaler. « And you’re your chance to shine. » Le plan est des plus simples : l’envoyer lui et voir sa réaction. Et il y a une raison très simple pour ça : « Tell me why I chose this approach. » C’est simple comme bonjour. Et elle n’a pas le moindre doute quant au fait qu’il va immédiatement comprendre ce qu’elle attend de lui, et comment le faire. Et si ce n’est pas le cas, il est là pour apprendre et elle le lui expliquera.

Bianca l’avait fixé tout au long de son discours, et Sean tentait de relever les défis qu’elle lui présentait alors qu’elle testait les limites de son sens de l’analyse et de la déduction. Le jugement de l’Auror tomba, sans sentimentalisme, sans inutile enrobage pour faire passer la pilule, direct, fidèle à ce qu’elle était. C'était précisément ce que Sean appréciait avec Bianca : elle ne cherchait ni à le protéger, ni à le piéger. Prenant son rôle de tutrice à cœur, l’Auror se contentait de lui apprendre le métier sans prendre de pincettes avec lui.

Pas mal. C’était bien mieux que ce que Sean espérait. Cependant, il maintint la mine fermée alors qu’elle pointait ses oublis. Ces derniers semblaient d’apparence anodins, mais le plus petit indice pouvait ouvrir une toute nouvelle piste. L’étudiant suivit ses gestes précis pour noter à son tour ces détails qui n’avaient pas échappé à l’œil acéré de la sorcière. L’absence de l’alliance de l’homme prouvait un divorce récent et difficile. Sean tenta de ne pas songer à ses propres parents qui vivaient actuellement la même épreuve, restant concentré sur son observation.

Une troisième option se présentait à eux que Sean n’avait pas envisagée. Quelque chose - ou quelqu’un - pouvait avoir suffisamment effrayé ou perturbé le receleur pour que son recensement ne soit plus sa priorité absolue. Mais Sean n’eut pas le temps de retourner la possibilité dans son esprit car une exclamation de Bianca le secoua. Il resta pantois devant son air ravi tandis qu’elle lui signifiait que c’était à lui d’entrer en jeu. Le jeune homme blêmit légèrement mais se reprit rapidement pour réfléchir de nouveau à son interrogation.

- Il ne me connaît pas, commença-t-il afin de se donner un petit temps de réflexion.

Sans doute que Bianca et le criminel s’étaient déjà rencontrés s’il était si connu par leurs services. Mais en quoi cela serait-il un avantage ? Est-ce que le sorcier n’allait pas au contraire se braquer et se méfier devant un inconnu ? Le jeune Clearwater songea aux hypothèses qu’ils venaient d’évoquer. La réaction de l’ancien détenu serait sans doute différente en fonction des raisons qui l’avaient mené en cellule aujourd’hui. Dans le cas d’un deal à offrir, la déception se lirait sur ses traits devant un bleu comme lui… S’il cherchait une protection de leur part, il aurait peut-être peur de tomber sur un agent inconnu… S’il avait simplement oublié son obligation de pointage, le brigand pourrait être soulagé de faire face à un jeune inexpérimenté.

Mais alors qu’il retournait dans sa tête les nombreuses réactions qui pourraient se lire dans l’attitude du sorcier assis derrière la vitre teintée, l’évidence lui sauta aux yeux.

- La surprise - et mon inexpérience - lui feront baisser la garde. Avec moi, il risque de se dévoiler par erreur plus facilement…

Il était temps pour lui de tester sa supposition en se confrontant au brigand. Sean était loin d’être rassuré mais fit son possible pour prendre la posture professionnelle que Bianca attendrait de lui. Il voulait donner le meilleur de lui-même afin de se prouver qu’il était capable d’être à la hauteur. Aussi, en entrant dans la pièce, il posa un regard le plus neutre possible sur le sorcier qui le toisa en retour.

Sean comprend vite. Il a l’esprit vif. Et il sait écouter quand il ne sait pas – ne faisant pas preuve de l’arrogance de certains nouveaux, surtout ceux ayant de la famille dans les Forces de l’Ordre. Et c’est ce qui en fera un grand Auror, s’il persévère dans cette voie. Mais une chose à la fois. Et si Bianca lui indique que c’est lui qui va entrer en scène le premier, ce qu’elle ne dévoile pas est que cela ne durera pas plus d’une minute. Si certains s’amusent à jeter leurs Bleus en pâture à des criminels pour voir comment ils en ressortent, ce n’est pas le genre de la maison. Surtout quand certains des traumatismes du jeune homme n’ont pas disparu. Ce n’est pas elle qui le dit, c’est son dossier. Elle tente de rester impartiale. Et le rictus qu’elle lui adresse quand il comprend ce qu’elle attend de lui est à la fois amusé et un défi. « That’s the idea. » Oh, elle aurait pu le faire toute seule. Mais la méthode est un peu plus fine. Et surtout, cela pourra bénéficier au jeune homme. Les liens magiques ne sont pas visibles, mais elle les a demandés. Le risque est absolument nul qu’il se fasse attaquer, avec ce lascar. Mais la sécurité est une priorité. @Braxton Clearwater la scalperait, s’il lui arrivait quelque chose. Et elle ne se le pardonnerait probablement pas. « Let’s go. » Il peut prendre quelques minutes s’il le veut, mais son apprenti ne marque pas réellement de temps d’arrêt avant de disparaître de la salle. La porte se referme sous les yeux d’une Bianca se rappelant qu’elle est au travail et qu’elle n’a pas le temps d’être émue de voir le jeune homme qu’il est devenu prendre les devants et aller au-devant d’un criminel. Bien. Elle fait demi-tour et pose les mains sur le plan de travail, yeux rivés sur le détenu.

Et cela ne manque pas. Au moment où la porte s’ouvre, il y a ce léger mouvement, sur sa chaise, d’inconfort. Jusqu’à ce qu’il n’aperçoive le Gryffondor. Et le relâchement des muscles de ses épaules et de sa nuque est visible d’où elle est, ses mains plus détendues sur la table. Option deux, then. Très intéressant. “Can you explain to me what is going on? I am just an honest civilian trying to run a business here.” L’Auror étouffe un rire, se détournant de l’échange. Son Patronus apparaît, alors qu’elle veut transmettre un message à un de leurs enquêteurs : « Allen, remember our friend Nich Wilde ? He’s in. Find me everything you can about his divorce. And check where his former associate is at. Something is wrong. » Et le chat disparaît dans les couloirs. Elle a sans doute manqué un peu de l’échange entre Sean et lui, mais ce n’est pas très grave. Il a du clamer son innocence et demander qu’on lui explique pourquoi il est là. Les broutilles habituelles, qu’il n’aurait pas forcément tenté avec elle. Parfait. Il est temps d’entrer dans la danse. La Mexicaine quitte la pièce pour ouvrir celle d’à côté d’un coup de pied. L’homme a le bon goût de sursauter : « Nicky, Nicky, Nicky. I know you can’t get enough of me, but you’re still married. » Le sourire crâne est parfaitement maîtrisé et elle va se poser contre le mur du fond, l’air parfaitement détendu et les mains dans les poches. Et la couleur de l’homme a changé, une fraction de seconde. Il se reprend, n’hésitant pas : « Agent Almadovar, this would qualify for sexual harassment. » « Would it now? Agent Clearwater ? » Nouvelle leçon improvisée. Comment flirter avec les limites de la loi sans les dépasser. Et Bianca est devenue une experte, grâce à un très bon entraîneur. Après tout, on peut lire ce qu’on veut dans ses mots. Une mise en garde à ne pas énerver sa femme en la poursuivant elle, par exemple. Et l’homme semble hésiter à demander confirmation au jeune homme devant lui. « I’d say you are the one pursuing me. How did you call me last time? “sweetheart?” » Men. Elle s’en détourne, demandant à Sean : « What did this fine gentleman share with you? » Il faut qu’ils gagnent un peu de temps, pendant que les autres font leur travail. Et c’est un boulot d’équipe. Peut-être comprendont-ils des choses par eux-mêmes, entre temps.

L’homme en face de lui s’était redressé de toute sa superbe en le toisant de haut, ainsi que l’avait prévu l’étudiant. Le jeune Clearwater ne chercha cependant pas à renverser particulièrement ce rapport de force que l’homme pensait avoir imposé entre eux. Il se contenta de l’observer sérieusement, tentant de lire les indices que son attitude pourrait révéler. Il avait repéré que ses poignets étaient curieusement inclinés et peu mobiles. Des liens invisibles sans doute… Bianca se montrait des plus prévenante, bien qu’elle s’en cachait ouvertement. Ce détail rassurait Sean, et pour autant, il savait qu’il devrait vite s’habituer à ne pas devoir compter sur ce genre de sécurité.

L’Auror ne mit pas longtemps à débarquer derrière lui avec sa gouaille légendaire. Sean eut le bon ton de ne pas sursauter lui-aussi quand la porte s’ouvrit d’un coup bruyant alors que l’Auror interpellait déjà le criminel. Elle semblait si détendue qu’elle pouvait intimider le plus dur à cuire des mages par sa simple présence. Rapidement, Sean nota sa posture, ses gestes et son intonation, sans pouvoir pour autant l’imiter.  Le jeune homme avait également remarqué que le sorcier avait reconnu Bianca, son teint ayant brusquement blêmit avant de reprendre son aspect naturel. Il n’était clairement pas ravi d’être là. L’hypothèse du marché était donc à rayer de la liste.

Se faire appeler Agent Clearwater eut un curieux effet sur l’étudiant – pour qui ce titre n’avait jamais concerné que son père @Braxton Clearwater. Mais il se concentra sur la question de Bianca en fronçant les sourcils à destination de l’homme. Heureusement qu’il avait lu avec attention ses ouvrages de magie juridique. Il y avait bien un caractère intimidant à l’interjection de sa tutrice à l’égard de l’interpellé – quant à l’atteinte à sa dignité – elle était difficile à définir. Il manquait cependant un aspect primordial pour qualifier un propos de harcèlement.

- Sans même parler de la connotation que vous sous-entendez, les propos de l’Agent Almadovar n’ont en aucun cas été répétés, et ne peuvent donc correspondre aux critères du harcèlement. L’outrage à agent ne nécessite en revanche aucune répétition pour être invoqué…

Laissant sa phrase volontairement en suspens, Sean réfléchissait à l’information dévoilée par Bianca. Il était encore marié – la procédure de divorce n’était donc pas terminée bien que l’homme ait déjà retiré son alliance. Conservant cet élément dans un coin de sa tête, il ne quitta pas le mage du regard en répondant à l’Auror.

- Eh bien, comme l’interpellé ne comprenait pas la raison de sa présence ici, je l’informais de son apparent oubli de signalement auprès du Mangenmagot ainsi que le stipule la condition de sa liberté conditionnelle. Sans le respect de cette condition, il pourrait se voir de nouveau enfermé pour un bon bout de temps.

Sean se rendait compte qu’il lui était plus facile d’évacuer sa nervosité en se reposant sur ses plus grandes forces. Grâce à ses études jusqu’à présent orientées vers le journalisme, il savait manier les mots, se reposant calmement sur des faits irréfutables pour apporter une pointe de menace dans ces derniers sans qu’elle ne puisse aucunement être réfutée. Il était cependant loin d’avoir le talent de Bianca, pour qui les mots étaient de véritables sortilèges, coupant et brulant tout sur leur passage.

La réplique de Sean arrache un sourire fier à l’Auror, sans qu’elle ne puisse s’en empêcher. Ce n’est pas extrêmement grave, aussi ne se reprend-elle pas, se contentant de le transformer en air narquois, dirigé vers le sieur Wilde, qui n’a pas l’air d’en mener large. Enfonçant le clou, elle lui envoie un coup de menton, demandant : “So, you want to discuss about how we address each other, or do you want to focus on what brings you here?” L’accusé ne répond même pas, les épaules se voûtant légèrement. Il avait sans doute pensé entrevoir une porte de sortie, et demander à parler à quelqu’un d’autre, ou à son apprenti, seul. Peine perdue. L’attitude du Bleu ne lui donne d’ailleurs rien d’autre que de la satisfaction, se contentant de hocher la tête au verdict qu’il pose. Son approche sérieuse des choses est un bon parti pris, pour l’instant. Si cela lui permet de se mettre à l’aise, ce n’est pas une mauvaise chose. Et en binôme avec elle, cela ne peut que fonctionner. “Claro. And it wouldn’t look very good on your divorce procedure, would it Nicky?” Il sait qu’il n’a pas vraiment d’options, acculé et privé de toutes les armes qu’il pensait avoir en sa possession. La manœuvre a été parfaitement exécutée et la Mexicaine n’est pas fâchée d’avoir décidé de donner sa chance à son étudiant en ce jour. La suite promet d’être intéressante.

Décroisant les bras, elle se passe la main dans les cheveux, l’air désabusé. “You apparently miss the Dementors so much, it would be a shame to deprive you from their company longer. I’ll arrange your hearing and your transfer for today.” Peu importe la carrure, la stature, la condition sociale : il existe une manière de voir la peur s’instiller dans les yeux d’un homme, et la mention des créatures gardant Azkaban fait mouche à chaque fois. “It was just one day! One time. It is not worth a trip back to prison!” Un sourcil est haussé à son attention et Bianca finit par se detacher du mur, pour s’approcher des deux hommes. Elle laisse volontairement à Sean le soin de s’occuper de l’aspect véridique ou non de cette allégation au regard de la loi – elle connaît déjà la réponse. Sa démarche est souple et détendue : “I don’t know. You seem to be a flight risk.” “I didn’t go anywhere!” “So you just forgot to go to set up your alarm clock?” L’accusé se redresse, visiblement mal à l’aise. Il y a bien quelque chose. Quelque chose de gros, et de juteux. En plus de son business, cela va sans dire. “I don’t have to talk to you.” La tête de Bianca se penche sur le côté, finissant par se fendre d’une moue signifiant son approbation : “That’s true, you don’t. But unless you can provide us with a witness saying you were in London at the time of your meeting, we will write a note to the Magenmagot to advise to put you in detention.” Il n’est pas loin de craquer. C’est une évidence. C’est comme si elle pouvait voir les rouages s’agiter sous son cuir chevelu. Et Bianca laisse couler son regard vers Sean. S’il veut essayer de lui donner la pichenette qu’il faut, elle lui en laisse l’opportunité. Sinon, elle l’achèvera elle-même.