(Bal, dans le Grand Hall de Poudlard) Veela meeting

Saúl & Siobhán
Never-Utopia

La tête baissée, le regard concentré, Siobhán avançait un pas devant l'autre en direction de son dortoir. Son esprit, d'ordinaire déjà rarement libéré, bouillonnait littéralement alors qu'elle cherchait à comprendre la réaction de @Xris Andērson.

À dire vrai, ce n'était pas réellement lui en tant que personne qui l'importait — elle ne le connaissait pas — mais plutôt le sentiment creux qui avait pris possession d'elle alors que son don ne s'était pas exprimé envers le Serpentard. Et, surtout, cette désagréable incompréhension qui avait pris le pas sur tout le reste au point de la pousser à quitter la Grande Salle alors que la soirée ne faisait que commencer.

Si elle n'était pas vélane, elle n'était plus bonne à rien. C'était un héritage de sa mère, la seule caractéristique qui la différenciait de la fadeur des autres étudiantes de Poudlard. Et, accessoirement, tout ce qui lui restait d'elle.

Elle fut brusquement tirée de ses pensées par une voix, forte et douce à la fois, résonnant dans son dos alors qu'elle s’apprêtait à monter les marches. Elle n'avait pas vraiment porté attention, mais elle était pourtant sûre que personne ne se trouvait dans le Grand Hall quand elle avait passé les portes... Elle mit quelques secondes avant de se retourner, les mains crispées sur sa longue robe.

Devant elle, un homme inconnu éclairé par les lumières pétillantes du bal, plus âgé qu'elle, qui portait élégamment le costume officiel des Aurors, qu'elle avait aperçu à plusieurs reprises dans la Grande Salle.

Il se dégageait de cet homme comme une aura magnétisante qui fit faire à Siobhán deux pas vers lui, sans même qu'elle ne s'en rende compte. Puis, elle resta immobile, lâchant simplement sa robe à laquelle elle s'était inconsciemment cramponnée. Jamais personne ne l'avait interpellée de la sorte. Et surtout...

« Comment savez-vous que... » demanda-t-elle d'une voix basse, comme si elle craignait que d'autres l'entendent alors que tous savaient déjà.

Elle ne termina volontairement pas sa phrase. C'était une question idiote. Tous savaient déjà. Les hommes, surtout — sauf Xris, jusqu'ici — avaient montré qu'ils savaient.

« Peu importe. »

La jeune vélane était rassurée. D'une part, parce qu'il avait affirmé qu'il était comme elle. Il ne devait pas mentir ; elle avait bien ressenti quelque chose lorsqu'elle s'était tournée vers lui, même s'il se pouvait qu'elle ait juste terminé trop rapidement son verre quelques minutes plus tôt et que sa tête en soit toute échauffée. Elle était rassurée aussi, parce que cela signifiait qu'elle n'avait pas perdu son don.

Ces quelques mots qu'il avait prononcés n'avaient pas non plus suffit à la mettre totalement en confiance. Pour autant, elle décida de renoncer à cette distance qui les séparait. Loin d'être naïve ou idiote, Siobhán n'était juste pas de nature peureuse, et - il fallait l'avouer - l'auror l'intriguait.

« Comment puis-je savoir que vous dites vrai ? Et en quoi puis-je vous aider ? » demanda-t-elle poliment et simplement, le visage impassible, essayant de capter son regard.

Au fond d'elle, la Korrigan nourrissait le pressentiment qu'il disait vrai. Mais elle avait pour coutume de penser que les yeux des gens en disaient souvent plus long que les mots qu'ils voulaient bien prononcer. Il ne ferait sans doute pas exception à la règle.

Sur les trois interrogations exprimées, la deuxième question de Siobhán était tout aussi stupide que la première. En attendant la réponse de l’Auror qui lui faisait face, elle avait même regretté de l’avoir posée, pendant un instant.

Elle l'avait cherché. Puis, elle l'avait trouvé.

Cette contrariété s'effaça aussi vite qu'elle était arrivée. Car la seconde d’après, la Serpentard ne montrait plus aucun signe de regret.

Il manquait un millimètre à leurs visages pour qu'ils ne fassent plus qu'un. De la vélane, s'échappaient les effluves d'un désir profond qui la poussaient à poser instantanément ses lèvres douces sur celles de l'homologue qui la confrontait. Si chaque parcelle de son corps encourageait vivement l'initiative, sa tête, elle, lui hurlait de rester à sa place, voire de s'éloigner. Elle resta finalement coincée entre ces deux volontés, pétrifiée par le charme envoûtant qui émanait de sa personne. Était-ce réellement le sang de vélane parcourant frénétiquement ses veines qui procurait ces sensations ? Ou bien Siobhán découvrait-elle simplement les effets de l'attirance et de la séduction ?

Ce fut l'Auror qui prit la décision de la ramener brusquement à la réalité, au bout de quelques interminables secondes. L'Irlandaise, elle, du se forcer pour reprendre le contrôle de son enveloppe et fit un pas en arrière avant de relever les yeux vers l'homme, un soupçon de colère inconsciente naissant en elle à l'idée d'avoir pu être manipulée, aussi court cet échange fut-il.

C'était la jeune femme qui avait insisté pour qu'il fasse preuve d'honnêteté. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'avait plus aucun doute à son sujet.

La vélane venait de découvrir toute l'étendue potentielle de ses pouvoirs, sans vraiment le savoir. Elle ne s'était pas imaginé, après l'échec cuisant auquel elle avait été confrontée lors du bal, qu'une rencontre bouleverserait à ce point son champ des possibles. Ce moment de doute et d'incompréhension qui l'avait assaillie dans la Grande Sale avait d'ailleurs été perçu par l'Auror qui lui proposa son aide et se présenta en bonne et due forme, dans une langue latine fort séduisante. Elle mit quelques instants avant de retrouver l'usage de la parole et fut forcée de se racler la gorge. Sans rien laisser paraître.

« C'est qu'il semblerait que je ne maîtrise pas encore mon don aussi bien que vous, visiblement », dit-elle en arborant à son tour un sourire en coin.

« Oh, et, Siobhán », dit-elle avec aplomb en parvenant à dissimuler sans peine son esprit embaumé avant de tendre la main vers son interlocuteur. « Siobhán Gavalagh-Korrigan. »

Elle était devenue maîtresse dans l'art des faux-semblants, c'était indéniable.

Siobhán fit un pas vers Saúl. Une danse lente et hachée semblait s'être initiée au niveau de ses jambes élancées, qui allaient et venaient vers lui selon le rythme donné par leurs échanges. Comme un aimant qui attirait et repoussait en fonction de ses mouvements.

« Est-ce que ça veut dire que je peux faire ça, moi aussi ? »

Bien-sûr qu'elle le pouvait. Elle avait juste besoin de l'entendre pour officialiser l'information comme il se devait. Puis, agir en conséquence.

Cette soirée, bien que mal partie, se poursuivait tranquillement et de la meilleure des manières. Siobhán rencontrait pour la première fois un de ses semblables, elle qui s'était souvent sentie seule lorsqu'elle ne parvenait à comprendre qui elle était. Bien sûr, son père lui avait dit ce qu'il savait sur sa condition, même s'il avait volontairement occulté certains chapitres. Bien sûr, il y avait les livres. Mais savoir était bien différent de vivre.

Les premières formalités passées, les questions se bousculaient dans l'esprit vif de la Serpentard. Et cette fois-ci, elle ne se laisserait pas berner par le sourire enjôleur et le regard doucereux de Saúl. Pourtant, elle devait l'avouer, il y avait de quoi basculer dans le laisser-aller. Il s'était légèrement incliné devant elle ; elle lui rendit sa révérence. Il lui souriait ; aussitôt ses lèvres l'imitaient. Siobhán sentait qu'elle pouvait être elle-même devant cet homme qu'elle connaissait à peine, mais qu'elle estimait déjà. Son titre, sa condition, son âge : tout portait à croire qu'il pouvait lui donner les réponses qu'elle cherchait. Elle en eut rapidement la confirmation, avant qu'il ne l'invite à s'asseoir près de lui, tendant une main qu'elle s'empressa de saisir.

« Avec plaisir. »

À travers ses gants fins, elle sentit la chaleur de sa peau, la même qui faisait brûler ses yeux, menaçant de la consumer à tout moment. La jeune vélane prit place sur les marches vieillies par le temps, prenant soin de ne pas abîmer sa robe. Il la rejoignit.

L'Auror voulait en savoir plus sur elle, alors qu'elle s'embrasait d'impatience et que les questions tournaient en boucle dans son esprit échauffé. De temps à autre, elle sentait qu'il jouait de son emprise avec ses yeux, mais elle se força à ne pas se laisser tomber dans ses filets. Elle devait rester concentrée.

Comment tu as su ? En connais-tu d'autres ? Comment as-tu appris à contrôler ? Sommes-nous nombreux ? Pourquoi Xris m'a-t-il ignorée ?

Elle répétait dans sa tête pour ne pas se laisser détourner. Puis, elle se souvint qu'il attendait une réponse, se gardant tout le loisir de l'interroger dans un second temps et se promettant secrètement de l'inviter à danser. Un jour. Ou plus tard.

« Tu ne loupes pas grand chose, tu sais », dit-elle en affichant un sourire narquois avant de jeter un regard vers la source de lumière qui émanait de la Grande Salle et éclairaient leurs deux visages.

Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit ça. Peut-être une façon de réaffirmer que rien ne se passait là-bas de plus intéressant qu'ici, sur les marches du Grand Hall.

« J'ai toujours su que j'étais vélane. C'est mon père qui me l'a expliqué quand j'étais petite mais assez âgée pour comprendre. C'était ma mère qui était... »

Elle marqua une pause, sentant une douleur lancinante dans sa poitrine, comme à chaque fois qu'elle pensait à sa mère. Sa main se porta naturellement à son cœur.

« Ma mère était vélane mais elle n'a jamais eu l'occasion de m'apprendre comment en être une », avoua-t-elle finalement d'une voix lisse et sans trémolos.

C'était trop douloureux de dire qu'elle n'en avait pas eu l'occasion parce qu'elle n'était tout simplement plus de ce monde. Siobhán ne laissa volontairement pas de place au silence — parler pour ne pas se montrer.

« Et mon père, et bien, il m'a expliqué ce qu'il savait et ce que ma mère lui avait dit, mais rien de plus. Le reste, je l'ai lu dans les livres. Mais ce genre de don n'est pas automatiquement attribué avec un mode d'emploi, n'est-ce pas ? »

Ce n'était pas vraiment une question, mais la transition était toute trouvée.

« Peut-être que j'ai trouvé le mien, mon propre mode d'emploi ? » demanda-t-elle en adressant à Saúl un sourire pur, immaculé, sans faussetés. « Comment tu as su, toi ? Et comment tu as appris à le contrôler, à te contrôler ? »

Siobhán n'était pas le genre de femme à aimer parler d'elle trop longtemps, surtout aux inconnus.

Les questions s'étaient échappées seules de sa bouche, sans qu'elle ne parvienne à les filtrer. Elle avait besoin de savoir, et n'avait pas pu s'en empêcher.

Plus elle passait de temps aux côtés de Saúl sur ces vieilles marches du Grand Hall, plus son esprit curieux s’ouvrait à un monde nouveau qu’elle n’avait fait, jusque-là, qu’effleurer. Elle appréciait passer ce moment avec lui alors que les seules compagnies qu’elle avait jusqu’à présent véritablement tolérées était celles de Céleste et de sa propre solitude.

« Que veux-tu dire ? Tu crois que les sorciers ont une mauvaise perception des véla.. de nous ? »

Ses yeux verts partaient à la recherche d’informations dans ceux de Saúl. Siobhán avait la sensation qu’elle avait manqué tant de choses : comment avait-elle fait pour être aveugle à ce point sur ce qu’elle était et sur ceux qui étaient comme elle ? Comment son père avait-il pu la laisser si… seule ?

« Je te l’ai dit. J’ai tout à apprendre », affirma-t-elle.

Elle marqua une pause lorsqu’elle en arriva à parler de son père.

« Il a toujours tout donné pour mon frère et moi, j’en suis consciente. Mais il y a des choses qu’il ne pourra jamais m’enseigner. »

Il lui tendit une sucette suçacide qu’elle saisit instantanément. Nouveau sourire lorsqu’il assimila cette sucrerie à un pacte entre eux. Décidément, les traits de son visage allaient finir par s’y habituer.

Elle l’écouta avec attention raconter son histoire, à son tour. Il avait pris une voix et un regard tendres qu’elle ne lui avait jusqu’ici pas connus, et elle ne put s’empêcher d’apprécier qu’il se montre à elle ainsi, alors qu’ils ne se connaissaient pas. La jeune Serpentard se nourrissait de ce passé et de ces anecdotes, elle qui n’en avait finalement aucune reliée à son identité.

« Ta mère semble avoir été la charnière de ton éducation... », constata-t-elle en souriant. « Ce doit être une femme magnifique... »

Les récits de Saúl plongèrent Siobhán dans ses souvenirs. Elle avait toujours considérée comme la princesse de la famille, mais n’avait jamais pensé que son don y était pour quelque chose — s’imaginant plutôt que son entourage éprouvait surtout de la pitié à l'idée qu’elle n’ait jamais pu connaître sa mère. Au fond, la rouquine ne pouvait s’empêcher de nourrir une pointe de rancœur à son égard ; elle l’avait abandonnée beaucoup trop tôt. Bien sûr, Maeve avait comblé ce manque affectif profond qu’elle avait ressenti en grandissant et avait fait d’elle une femme forte, décidée, têtue et téméraire — rien cependant qui pouvait lui montrer toute l’étendue de ses capacités les plus profondément enterrées en elle.

« Je ne suis pas faible », répliqua-t-elle d’un ton assuré. «  Et je peux te le prouver.  »

L’Irlandaise se pencha vers lui et chuchota, près de son oreille, lâchant un instant sa sucette.

« Apprends-moi. »

Puis, se leva brusquement, pour se mettre debout en face de lui, tout sourire.

« Montre-moi ce que j’ai loupé dans la Grande Salle. »

Une révérence et un regard.

« Maintenant que je sais tout ça, je te parie que j’arriverais à résister et à te montrer que je ne suis pas aussi faible que tout ce monde peut se l’imaginer. Si j’arrive à rester moi-même, considère ça comme une simple première leçon que tu me donneras dans le cadre de notre pacte », termina-t-elle en reprenant sa sucette.

Sinon… il n’y avait pas de sinon.

Quelques mètres à peine les séparaient alors que Saúl était toujours assis sur les marches — c'était déjà beaucoup. Était-ce dû au magnétisme inné de son sang de vélane ? Exerçait-il quelconque pression sur elle, même à distance ? Ou bien était-ce simplement le fruit de son imagination ?

Siobhán était bien incapable de répondre à ses propres questionnements pour le moment. Elle avait juste envie de savoir ce qu'il allait faire, ce qu'il allait dire et restait pendue à cette attente alors que ses iris verts ne quittaient plus le regard souvent taquin de l'Auror. Elle maintenait le contact entre eux avec ses yeux, parce qu'elle avait senti qu'il aimait être regardé. Et puis, parce qu'elle aimait le regarder, aussi.

Puis, la voix de Saúl s'éleva à nouveau dans le Grand Hall. La Serpentard dut faire taire sa tête qui s'affolait. À l'extérieur, elle ne laissait en rien présager que toutes ses pensées venaient la torturer. L'Irlandaise restait immobile, naturelle, souriante, simple. Seules ses pupilles s'exprimaient.

Si Saúl et son aura étaient réellement en train de la tourmenter en cet instant, elle n'osait imaginer ce que pourrait provoquer un simple contact. Elle n'eut pas le loisir de visualiser quelconque scène dans son esprit qu'il s'était déjà rapproché d'elle et s'inclinait pour la convier à danser. Son corps s'était mêlé à sa voix pour formuler l'invitation, qu'elle allait accepter silencieusement mais avec toute la ferveur qui caractérisait jusqu'à présent leur rencontre. Mais avant...

« Si l'on veut que cette danse soit la plus sincère possible, si je ne veux pas tricher, si je veux pouvoir te montrer que je peux réellement y arriver, alors il vaudrait mieux que j'enlève ça. »

Ce n'était pas une question ; elle ne doutait pas, parfaitement au fait ce qui allait se jouer dans les prochaines minutes. Siobhán avait toujours été une élève disciplinée, respectueuse des consignes lorsqu'elle travaillait, à cheval sur les règles lorsqu'elle jouait. Elle fit voyager son regard depuis ses gants d'opéra jusqu'au visage de Saúl puis, d'un geste soigneux, les retira. L'un après l'autre. Le tissu soyeux qui caressait sa peau lui donna un frisson parce qu'elle savait au fond d'elle que ce geste ne serait pas anodin pour l'Auror.

Elle apprenait vite et sentait déjà une sensation nouvelle exhaler de son corps. Quelque chose lui disait qu'elle ne serait pas seule à le percevoir. Après tout, Saúl avait rapidement compris ce qu'elle était ; il ne passerait probablement pas à côté de ses pouvoirs en éveil.

La vélane posa délicatement sa main dans celle qu'il lui tendait.

« Je ne suis même pas sûre de savoir danser... », songea-t-elle à voix haute, les yeux de nouveau rivés dans les siens.

...Trop tard. Etait-ce réellement important ?

Alors que sa peau touchait enfin la sienne, la vert et argent balaya ses doutes et fut parcourue d'un frisson qui gagna toutes les parcelles de de sa chair en même temps. Par réflexe, elle fut tentée de s'éloigner mais savait au fond d'elle qu'elle ne pouvait reculer sans que cela ne constitue l'aveu d'un échec. Alors, elle resserra ses doigts pour forcer son corps à cesser d'avoir peur, pour l'inciter à chavirer dans l'assouvissement de ses envies. Au moins le temps d'une soirée. Saúl allait-il sentir ce point de bascule ?

Elle n'osa aller plus loin, laissant à l'Auror le soin de faire le dernier pas vers elle, celui qui marquerait probablement le début de la danse, parmi d'autres commencements.