Two hearts in one home — ft. Finn Gavalagh-Korrigan

En réalité, Finn n’avait pas vraiment envie de découvrir le contenu de cette fiole. Un tout petit récipient qui pouvait toutefois détruire une vie. Une goutte suffisait certainement pour diffuser tout le venin nécessaire pour les achever. Comme il était plaisant de vivre une vie résignée, une vie où l’on n’a pas envie de savoir de quoi était fait le passé, une vie où seul le futur comptait. Siobhán avait besoin de regarder en arrière pour récupérer les quelques briques qui manquaient à sa fondation. Lui préférait laisser ces quelques trous et vivre sur une base instable, espérant que les prochains coups de vent ne suffiraient pas à le faire s’écrouler. Espérant peut-être même que quelqu’un, un jour, viendrait les combler d’un coup de baguette magique. Finn était persuadé que le passé pouvait lui faire plus de mal que de bien. Que s’acharner, dans leur cas, c’était juste enfoncer un peu plus profondément l’épine qui les heurtait depuis bien longtemps. Lui préférait oublier, et pourtant, subitement, il se dévouait pour découvrir ces souvenirs plutôt que sa sœur, jouant le rôle des plus grands héros. Il devait montrer de lui une image solide, il devait être le rocher de Siobhán lorsque la tempête menaçait de trop souffler et de l’emporter.

Comme si elle avait deviné le fond de sa pensée, Siobhán n’avait pas manqué d’envoyer balader la proposition de son frère. On pouvait dire n’importe quoi de lui: qu’il était têtu, peut-être un peu trop fier, mais on ne pouvait nier qu’il s’agissait de traits de caractère familiaux. Sa sœur n’était pas mieux que lui, @Luke Korrigan, leur père, était certainement pire même, si cela était possible. Lorsque les trois s’y mettaient en même temps, la situation virait vite au casse-tête insoluble si personne ne finissait par agiter le drapeau blanc, quitte à ce que cela tourne au ridicule.

Il esquissa un sourire qui disparut dès qu’elle retira le bouchon qui fermait la fiole, comme si tous l’odeur des souvenirs qu’elle retenait lui montait déjà au nez, comme s’ils avaient la simple odeur des pires cauchemars. Le Serpentard avait le pressentiment que la première n’avait été qu’un simple entraînement, une vague préparation à quelque chose qui serait bien plus horrible. Plus horrible et plus nouveau. La première les avait heurté mais n’avait pas apporté grand chose de plus sous le soleil. Celle-ci, il la sentait, serait différente.

Le tourbillon les emporta très rapidement, faisant basculer leur monde tranquille vers une atmosphère de chaos. Pendant quelques secondes, Finn ne comprit pas réellement ce qu’il se passait sous ses yeux, ni même où et quand ils se trouvaient. La scène avait tout d’une guerre. On distinguait vaguement des tirs de baguette et, lorsque l’on se concentrait un peu plus, le visage sérieux de leur père alors bien plus jeune que maintenant. Il comprenait les airs de famille qu’on lui attribuait. Tout contre lui étaient blottis deux jeunes bébés, impuissants. Ils avaient l’air si jeunes qu’ils ne pouvaient avoir plus de trois semaines.
On comprenait bien vite le dessein de Luke: protéger à tout prix ses enfants. Mais de quoi? C’est ce que Finn ne percevait pas encore.

Si l’on reconnaissait bien certains traits de visage de Luke chez Finn, la ressemblance n’était pas aussi frappante que celle qui se dessinait sous ses yeux. Les hommes qui les avaient attaqué ressemblaient parfois comme deux gouttes d’eau au jeune homme, tel qu’il était à l’heure actuelle. Finn, sidéré, ne sentit même pas sa sœur s’approcher ni même lui saisir la main. C’était comme s’il se voyait attaquer sa propre famille. Une explosion brutale et inattendue le sortit de ses réflexions, jusqu’à même les extraire tous deux de ce méchant souvenir.

Siobhán, éprouvée par les scènes qui venaient de se jouer sous leurs yeux, reprenait doucement son souffle tout contre la pensine. Finn s’en écarta le plus vite possible, comme si la pierre qui la constituait pouvait lui brûler les doigts. Comme si elle avait pu lui tendre les bras et le forcer à y retourner.
Il ne savait pas quoi en penser. La question de sa petite sœur résonnait donc en lui comme dans un immense bâtiment vide. Qui était-il réellement? Pourquoi les Gavalagh s’obstinaient tant à les éliminer. Au fond, était-il plus un Gavalagh ou un Korrigan? Qui pouvait prédire si, un jour, il ne finirait pas par leu ressembler plus que par l’apparence?

Finn n’eut même pas une pensée pour leur père, ne prenant même pas le temps de réfléchir à tout ce qu’il avait fait pour les protéger dès le plus jeune âge. Il ne pensait qu’à ces hommes à qui il ressemblait étrangement. Siobhán ressemblait à leur mère, qui les avait tant aimés. Lui ne ressemblait qu’à des meurtriers.
A son air blême, il était aisé de deviner que Finn digérait mal la situation.
« Je pense que ce sont de vrais salauds. » articula le vert et argent, incapable d’en dire plus.

Est-ce que moi aussi, j’en suis un?

Ressaisis-toi un peu mec, qu’est-ce qui te prend?

T’es juste comme eux, un vrai salaud.

Finn s’était éloigné de la pensine, comme on fuit un serpent prêt à mordre et à instiller son venin. Mais il avait déjà été mordu, il était trop tard pour faire marche arrière. Deux petites voix se disputaient dans son cerveau, rivalisant chacune d’arguments qui rendaient le débat stérile, si débat il y avait.

En réalité, deux options s’offraient à lui: choisir de sombrer dans ses humeurs, de tomber dans un puits de réflexion sans fond ou bien de laisser tomber, de remettre cette remise en question de côté pour plus tard, car il n’était pas tout seul. Juste à côté de lui se tenait sa petite soeur, celle qu’il voulait protéger à chaque instant, celle qu’il laissait tomber pour l’heure. Tout ce qu’il lui offrait, pour l’heure, c’était son angoisse.

Depuis tout petits, ils avaient toujours eu un don pour ressentir les émotions de l’autre. C’était un sacré atout: l’un pouvait aisément calmer ou apaiser les souffrances de l’autre; mais c’était aussi une malheureuse malédiction car lorsque l’un souffrait, l’autre en pâtissait souvent aussi, qu’il veuille l’admettre ou non.

Il ne savait plus trop si c’était lui qui manquait d’air ou Siobhán mais il lui semblait qu’on aurait aussi bien pu lui bander les yeux et lui bâillonner la bouche tant il manquait de discernement. Plus aucune odeur, presque même aucun son ne lui parvenait plus. C’était comme s’il était resté sur ce champ de bataille et que quelque chose avait détoné juste à côté de ses oreilles. Finn était sourd à tout, hormis à sa souffrance qui le dévorait un peu plus chaque seconde.

Jamais il n’avait voulu savoir qui avait manqué à sa vie de famille. Car personne, hormis sa mère, n’avait vraiment manqué. Il reconnaissait aujourd’hui un morceau du puzzle manquant, un casse-tête qu’il aurait préféré laisser incomplet car, maintenant, tout ce qu’il voyait ressurgir en lui, c’était le sang Gavalagh.

Etait-ce ce pourquoi il réagissait si mal? La raison pour laquelle Finn se laissait toujours déborder par ses émotions, quitte à sortir de lui-même et à diamétralement changer? Le Finn qui sortait ces jours-là était-il tout simplement Finn Gavalagh?

Une simple phrase sortit de sa bouche, comme un souffle qui était difficilement sorti de sa gorge. Siobhán avait peut-être compris en cherchant à retracer ce qui avait pu le remuer. Lui n’aurait pas la force d’en dire plus aujourd’hui. Il avait besoin de digérer et, pour ça, de beaucoup de temps.

Sa petite soeur vint le serrer dans ses bras, comme pour absorber un petit bout de la peine qui le consumait. Il baissa un peu la tête pour enfouir sa tête dans les cheveux de Siobhán, s’abandonnant à tout l’amour qu’il pouvait éprouver pour celle qui partageait son sang.

« J’peux pas m’en empêcher » murmura-t-il, la gorge serrée, fuyant par la même occasion son regard. Lire ce souvenir l’avait-il transformé? Avait-il fait naître en lui la partie qui était toujours restée discrète? Il ne pouvait assumer devant elle une telle chose. Il ne pouvait pas voir le reflet de cet homme dans les pupilles de sa propre soeur.

Il ne lui jeta plus un regard, ouvrant très peu la bouche depuis laquelle sortait toujours tout un tas de bêtises. Le Serpent se laissa guider hors du château, hors de ces lieux qui jusqu’ici ne lui inspiraient pas autant d’horreur à sa soeur. Jusqu’ici.