Hierba Mala (1) — ft. Saúl Ochoa

Saúl & Siobhán
Never-Utopia


La valse des hiboux qui pénétraient dans la Grande Salle de Poudlard chaque matin, au petit-déjeuner, était un spectacle dont Siobhán ne parvenait pas à se lasser, même après quatre années d’études au château. Son humeur du jour, quelle qu’elle soit, passait toujours en second plan lorsqu’elle se délectait d’observer de loin des visages immédiatement animés par le plaisir de recevoir un courrier d’un parent, d’un voisin, d’un inconnu, d’un amant. Et il fallait avouer que la distribution de ces correspondances avait un goût encore plus prononcé lorsque l’un des rapaces se décidait à déposer, à ses côtés, une enveloppe délicatement fermée avec son nom parfaitement orthographié sur son devant.

La Korrigan ne pouvait nourrir aucune certitude quant à l’identité de l’expéditeur qui lui avait écrit ce matin-là. Mais elle nourrissait en secret le souhait de voir la signature de Saúl apparaître devant ses yeux, en bas à droite du parchemin qu’elle aurait déplié. Cette espérance était on ne peut plus présomptueuse quand on savait qu’elle avait posté son courrier la veille au soir, et qu’il n’avait donc eu qu’une nuit pour lui écrire. Saúl avait sans doute mieux à faire que de répondre à une gamine écervelée dont il n’avait peut-être aucun souvenir. C’est en tout cas ce qu’elle se forçait à penser en soulevant, avec délicatesse et empressement, la patte pointue de l’enveloppe.

Son regard se ravissait de ce qu’il découvrait dans cette lettre signée de la main de l’Auror, lui proposant une entrevue le soir même. Il se souvenait d’elle, c’était suffisant.

Siobhán ne prit même pas la peine de terminer son petit déjeuner, attrapant ses affaires avec la lettre dans une de ses mains. Il fallait qu’elle confirme qu’elle serait bien là.

(…)

Le reste de la journée était passé si lentement que la jeune vélane ne savait pas où elle avait trouvé la force d’assister à toutes ses classes. La soif d’apprendre avait ses limites quand il s’agissait de patienter du petit matin jusqu’au soir.

Mais la nuit commençait enfin à tomber. Siobhán avait choisi la tour d’astronomie parce qu’elle aimait s’y faufiler pour passer du temps, lorsque le soleil entamait sa descente, juste avant de laisser la lune le remplacer. Si la journée avait été belle, le ciel se paraît généralement de ses plus belles couleurs rosées pour accueillir comme il se devait le coucher de l’astre roi, qui se consumait alors progressivement derrière l’horizon.

Il s’agissait là de son tableau préféré. Une scène vivante que ses yeux se plaisaient à photographier les soirs où elle se décidait à monter les marches pour prendre la peine de l’observer.

Ce soir était justement l’un de ces soirs, où le ciel et ses nuages devenaient une œuvre d’art. Ni plus, ni moins. Alors, en attendant Saúl, sans même avoir eu la confirmation qu’il viendrait, elle s’était assise, les pieds dans le vide, pour observer la beauté du soleil qui se couchait. Et à en croire les pas qu’elle entendait bientôt dans les escaliers, il était venu.

« Viens vite, il faut que tu vois ça », le pressa-t-elle en montrant, avec un mouvement de tête, le paysage qui s’étendait au devant.

Un sourire se dessinait sur le visage de Siobhán, savourant des yeux les derniers instants de l’étoile qui s’en allait déjà mourir au loin.

Jusqu’à demain.

Elle pivota lentement vers Saúl, les pupilles levées vers lui. Toujours avec ce sourire, alors qu’elle posait sa tête sur son bras, lui-même détendu le long de la rambarde.

« Tu es venu. »

À l’instant même où leurs regards s’était croisés, la peau d’ivoire de l’Irlandaise s’était animée sous la caresse du frisson qui l’avait traversée. Invisible, semblable au souvenir de ce petit morceau de soirée qu’elle avait passée aux côtés de l’Auror. Et lorsqu’il avait posé ses lèvres sur sa joue pour la saluer, un défilé d’images silencieuses et figées s’était lancé devant ses yeux, seul témoin de ce fragment de temps qu’ils avaient partagé.

Si sa mémoire lui faisait un jour défaut, son corps, lui, se souviendrait de toute façon.

À la manière d’un vif d’or, les souvenirs de Siobhán se faisaient tactiles et un seul toucher suffisait à lui rappeler ce qu’il s’était passé.

Sans oublier les senteurs boisées de ce parfum qui pourrait sans nul doute lui faire perdre l’esprit le jour où elle ne serait pas suffisamment sur ses gardes. Et ces yeux, sombres, dans lesquels la Serpentard avait pris plaisir à se perdre, la dernière fois.

« On ne sait jamais. Tu ne serais que le deuxième, ce mois-ci », déclara-t-elle avec un sourire qui se faisait tout à coup tendrement triste.

Siobhán balançait toujours ses pieds dans le vide sans même s’en rendre compte, appuyée sur cette seule rambarde qui la soutenait. Le soleil avait disparu, maintenant, laissant seulement derrière lui des traces rosées dans son sillage, balayant le ciel qui s’obscurcissait à mesure que les minutes passaient.

La présence de Saúl l’avait, de toute façon, détournée de ce tableau.

Il était une œuvre d’art à lui tout seul.

« Merci, en tout cas. Ça compte beaucoup pour moi », souffla-t-elle sans le quitter des yeux pour lui montrer toute sa sincérité.

Il était important pour la Korrigan de remercier celui qui avait tenu les promesses sous-entendues de ce pacte, scellé sur les marches du Grand Hall, avant même de lui expliciter davantage les raisons qui l’avait poussée à faire appel à lui. Il avait fait le déplacement pour elle, après tout.

Son corps quitta sa position assise d’un mouvement lent et habile en même temps, pour se mettre debout en s’aidant de la rambarde. Malgré tout ses efforts, sa petite taille l’empêchait d’arriver à la hauteur de Saúl. Il lui fallut donc pousser sur la pointe de ses pieds pour l’embrasser, à son tour, sur sa joue. Une manière pour la jeune femme de lui rendre ce qu’elle percevait comme étant une marque d’affection et de lui montrer que, peu importait ce qu’il pouvait ressentir à son égard en cet instant — c’était réciproque.

N’importe qui serait monté jusqu’en haut de la tour en cet instant aurait pu sentir les effluves du désir qui s’échappait de leur promiscuité. Siobhán ne maîtrisait toujours pas ce qu’elle était, mais savait de mieux en mieux saisir les signes qui lui permettrait, à terme, de contrôler davantage leurs effets.

« Mais je vais bien, ne t’en fais pas », le rassura-t-elle en faisant glisser une main délicate sur son avant-bras, ne pouvant s’empêcher de rester trop longtemps éloignée de cette peau qu’elle avait déjà frôlée.

Siobhán n’était pas de celles qui aimaient se placer au centre des préoccupations, au cœur de l’attention ; un comble pour une créature qui vivait pour attirer.

Mais, au fond, cette phrase était un mensonge. Outre le fait qu’elle était désormais potentiellement une cible pour une partie de sa famille, il y avait aussi l’image de son père qui ne quittait pas son esprit, et les derniers mots qu’il avait prononcés à son égard qui résonnaient dans sa tête, sans cesse. Siobhán sentait bien, au fond d’elle, que tout un monde était en train de s’écrouler. Celui de ses certitudes et de ses convictions.

Mais elle, elle n’allait pas s’effondrer.

« C’est juste que… je ne t’ai pas tout dit la dernière fois. Je n’ai pas… eu le temps, on va dire ? », ajouta-t-elle en se mordant la lèvre alors que celle-ci s’étirait déjà en un léger sourire.

En fait, si. Elle aurait complètement pu lui en parler, le soir du 21 décembre. Ils avaient eu tout le loisir de discuter, après tout. Mais cela aurait signifié interrompre un moment trop important. Et il y avait un temps pour tout.

« J’ai découvert des choses sur ma famille que tu dois savoir, je pense, parce qu’au final, ça ne concerne pas que moi », continua-t-elle. « Et puis, comme une révélation en cache une autre, d’autres vérités se sont imposées d’elles-mêmes, et je ne sais pas… comment gérer tout ça. Et tu es le seul à qui je me voyais en parler. J’espère que tu as un peu de temps devant toi, parce que ça risque d’être long à raconter. »

La nuit venait seulement de tomber. Est-ce qu’elle cherchait à savoir s’il avait prévu autre chose pour la soirée ?

Ainsi donc, Saúl était à Siobhán, et Siobhán à Saúl, ce soir-là. Secrètement, la jeune vélane avait nourri l'espoir qu'il lui dédierait une partie de son temps. Mais jamais elle n'aurait eu la prétention de penser qu'ils partageraient une soirée entière. Il y avait bien longtemps que la Korrigan avait cessé de présumer quoi que ce soit des autres, avant qu'ils n'aient clairement fait part de leurs intentions les plus profondes. Ne plus espérer quoique ce soit d'autrui était, petit à petit, devenu une habitude. Car l'attente était trop souvent synonyme de déception, et de la déception naissait la frustration.

Mais Saúl, lui, était différent de tous ceux qu'elle avait rencontré avant.

Une pure loyauté émanait de lui, bien loin des faux-semblants du monde sorcier, à l'image de l'assurance qu'il dégageait. À simplement le regarder, n'importe qui aurait pu lui confier les plus terribles de ses secrets sans même envisager un seul instant de restreindre ses aveux. Le sang de vélane qui courait à pleine allure dans ses veines n'était certainement pas étranger à cela, mais il y avait quelque chose de naturellement bouleversant chez lui, capable d'ébranler par l'intermédiaire d'un seul regard les volontés même les plus dévouées. C'était probablement dû à cette aura innée qui brillait autour de lui et qui le laisserait toujours dans la lumière, quoiqu'il advienne. La même qui avait attiré Siobhán vers lui tel un aimant.

Comme s'ils s'étaient toujours connus. Comme s'il n'avait cessé de la protéger.

« C'est gentil mais tu sais, je ne crois pas... que je puisse avoir froid, là. Et si jamais... Et bien, ça aura le mérite de me remettre les idées en place », indiqua-t-elle, lâchant un petit sourire en coin, plongeant ses iris dans les siens.

Les températures étaient nettement descendues mais la chaleur de la main de Saúl sur sa joue avait suffit à l'embraser alors qu'elle ne portait rien de plus sur elle que sa plus épaisse robe de sorcier. Et si elle ne voulait rien montrer des sentiments auxquels elle était en proie, son corps, lui, ne pouvait pas mentir, se cachant pourtant de l'air glacial qui régnait autour d'eux grâce à l'ardeur du feu qui se consumait à l'intérieur. Au fond, Siobhán avait presque honte de ressentir du désir face à ce simple témoignage de tendresse à son égard. Mais ces voix qui criaient en elle ne savaient cependant être réduites au silence.

Parce qu'il y avait, dans cette rencontre, des évidences qui rendaient toute parole plus facile. Sauf quand la flamme se faisait trop grande et qu'il devenait alors impossible d'aligner une pensée devant l'autre. La vélane laissa ses cheveux de feu virevolter autour d'elle lorsqu'elle s'éloigna doucement, se libérant ainsi un instant de ses propres envies, tout en épanchant tout autour d'elle son parfum sucré. Elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle l'avait fait venir pour ça. Ses pas la menèrent à nouveau vers la rambarde de la tour, ses yeux vers le ciel qui s'assombrissait encore avant d'allumer ses plus belles étoiles. Elle reconcentrait autant que possible son esprit autour de son récit.

« Est-ce que tu as déjà entendu parler de chasseurs de vélanes ? », lui demanda-t-elle en tournant seulement son visage vers l'Auror.

Siobhán ne le connaissait encore que trop peu, mais elle savait par avance que cette simple question ne le laisserait pas indifférent.

Toute sa vie, des hommes avaient veillé sur elle. Deux d'entre eux, beaucoup plus que les autres, parce qu'ils avaient partagé son quotidien depuis ses premiers cris. Depuis son premier souffle. Son père et son frère avaient toujours fait en sorte que Siobhán n'ait jamais rien à craindre, parfois même au point de la restreindre et de la brider, sous couvert de sa propre sécurité. Et, plus récemment, au point de lui mentir.

Alors, le geste de Saúl, qui avait tenu malgré tout à la protéger du froid, ne la surprenait pas. Parce que souvent, quand elle disait quelque chose, les hommes de sa vie avaient tendance à agir à l'inverse. C'était ainsi qu'elle avait grandi.

À la différence que la teneur de ce qui cachait derrière l'attitude de Saúl était toute autre. En témoignait les quelques minutes qui avaient précédé son départ du Grand Hall, le soir du bal de Yule. En témoignaient les regards brûlants qu'ils s'étaient échangés, encore ce jour-là.

Si ce n'était que la deuxième fois qu'ils se voyaient, sa réaction ne l'étonna pas non plus. Il essaya de s'en cacher, mais ses traits s'étaient durcis, lorsque cette question avait été lâchée dans la nature, sans aucune amorce de contexte. Son regard aussi, avait changé. De toute évidence, il savait exactement de quoi elle voulait parler. De toute évidence, il y avait peut-être même déjà été confronté.

Elle baissa la tête, toisant le vide qui s'échappait sous ses pieds. C'était beaucoup plus simple que de relever les yeux vers lui alors qu'il venait de parler de sa mère, craignant certainement qu'elle n'ait subit les méfaits de ce groupuscule qui voulaient les éliminer. Non, malgré tous leurs défauts, eux n'avaient rien à voir là-dedans. Parce que sa mère, c'était elle qui l'avait tuée, de ses propres mains de bébé. Elle en restait persuadée.

« Je ne sais pas exactement. Probablement », soupira-t-elle avec beaucoup de sérieux en répondant à sa première question, sans relever les yeux, toujours très distante avec la notion de danger.

Garder les paupières basses, rivées en bas, lui permettait de retenir ces larmes qui montaient à chaque fois qu'il était question de sa mère dans une conversation. Mais aussi de lui éviter d'affronter ce regard sombre qu'était celui de l'Auror, parce qu'elle ne savait pas comment il allait réagir en apprenant de quelle façon elle s'était probablement mise en danger.

Mais d'abord, elle allait désamorcer ce qui pouvait encore l'être. Et pour cela, il allait lui falloir arracher le pansement d'un coup sec pour éviter que la souffrance ne soit trop longtemps de la partie.

« Non. Ma mère est partie juste après notre naissance, à mon frère jumeau et à moi. À l'hôpital. »

Sa voix s'efforçait de maintenir ses vibrations habituelles, sans tressaillir. Bien sûr, Siobhán aurait pu employer un autre mot pour parler de son décès, au lieu de se contenter du verbe partir. Et si ça n'avait pas été aussi douloureux de le mentionner, elle l'aurait probablement fait. Mais l'idée de cette soirée n'était pas de se larmoyer sur cette absence qui la hantait pourtant quotidiennement. Alors, chaque mot se devait d'être justement pesé.

La demie-vélane s'efforça de se reconcentrer, non sans avoir laissé un petit silence s'installer, le temps de reprendre ses esprits.

Il fallait maintenant qu'elle donne une suite à son récit.

L'une de ses jambes se faisait tremblotante malgré la chaleur de ses vêtements, sans qu'elle ne parvienne réellement à la contrôler.

« Mon père ne nous a jamais trop raconté quoi que ce soit sur ma mère, sur sa famille, justement. » Elle déglutit difficilement pour faire disparaître le goût amer qui naissait dans sa bouche. « J'aurais pu lui poser des questions, je pense, mais je sais combien ça lui fait mal de parler d'elle. Alors j'avais préféré faire des recherches dans mon coin sur son arbre généalogique. Sur les Gavalagh. C'était son nom de jeune fille. Et j'ai découvert... Que certains membres de sa famille, plutôt des hommes, avaient entrepris de répudier les femmes vélanes qui fleurissent depuis plusieurs générations. »

Une pause.

« Et je les ai peut-être suivis, une fois dans l'Allée des Embrumes. Et peut-être qu'ils m'ont vue... Et attaquée, avant que mon père ne me retrouve et qu'on ne transplane. »

Les mots étaient sortis très vite et avaient eu le mérite de la sortir de sa torpeur passée. Siobhán guettait désormais la réaction de Saúl du coin de l’œil sans pour autant relever la tête, se mordant l'intérieur de la joue.

Le silence qui s'était fait autour d'eux, alors que Siobhán racontait ce qui l'avait forgée, n'était pas de ceux que l'on chercherait à tout prix à briser. Au contraire. Le mutisme dans lequel Saúl s'était enfermé ne faisait que renforcer cette proximité qui leur appartenait. Comme s'il avait saisi qu'ils n'avaient besoin d'aucune parole pour se comprendre, comme si les gestes suffisaient à exprimer ce qui ne pouvait pas toujours être dit. C'était sain, pur. Simple et vrai. La vélane se laissait apaiser par la caresse de son pouce sur le dos de sa main.

Même si elle ne s'était attendue à rien, c'était, en quelques sortes, la réaction qu'elle avait espéré. L'Auror lui avait confié tout l'attachement qu'il ressentait pour sa maman ; la Korrigan savait qu'il comprenait. Il n'avait pas besoin de le dire. Cette main dans la sienne outrepassait toute la douceur des mots qu'il aurait pu prononcer, et permettait à Siobhán de cesser de trop penser à celle qu'elle avait perdue sans jamais l'avoir connue. L'autre vint se poser sur cette cuisse qui ne cessait de remuer et lui permit de calmer ces souvenirs qui s'agitaient. La vert-et-argent posa sa main par-dessus la sienne.

C'était à croire qu'il y avait bien quelque chose qui les reliait. Était-ce un même sentiment d'appartenance ou bien ce sang en commun qui les animait ? Y avait-il un fil invisible qui reliait ces demi-créatures par leurs similitudes et leurs sentiments communs ? Ou bien parlait-on simplement de deux êtres sur la même longueur d'ondes depuis le début ? Ces questions avaient une vraie raison d'être et Siobhán s'en rendit véritablement compte lorsque Saúl esquissa un sourire et que, dans la seconde qui suivit, elle le lui rendit. Elle n'avait pas besoin de comprendre l'origine de cette connexion ; la vivre et l'expérimenter suffisait amplement.

Elle l'écoutait décrire ce don qui leur avait été offert avec des mots dont l'exactitude ne faisait que relater l'aisance avec laquelle il le vivait. Saúl était né pour ça, bien sûr, alors qu'elle avait tendance à se demander si ceux qui l'avaient choisie ne s'étaient pas trompés en lui attribuant ces facultés. Il décrivait des vélanes comme des êtres d'émotions, quand elle n'était à l'aise que lorsqu'elle les freinait ; comme des créatures de passion quand elle se tuait à contenir chacune de ses ardeurs.

« Comment est-ce que tu fais pour trouver l'équilibre, dans tout ça ? », lui avait-elle demandé, sentant que cette explication l'avait plongé dans des mémoires qui étaient siennes.  

Parce qu'entre ne rien se permettre de ressentir et se laisser lentement consumer, Siobhán  se doutait qu'il y avait un juste milieu à viser. Une sorte de passerelle où l'harmonie et la paix devait régner, maîtresses au centre de tout cet émoi qui menaçait constamment de les dévorer.

La douceur de ses souvenirs fut de courte durée. Rapidement, c'était un tout autre visage que Saúl montrait alors que la nostalgie laissait place à la colère.

Il était touchant de voir qu'il cherchait à la protéger quand elle ne savait même pas si elle serait capable de reconnaître le danger.

La Korrigan était consciente que ses recherches de réponses constituaient un risque d'une manière ou d'une autre, mais depuis qu'elle avait lâché du lest sur ces carcans dans lesquels elle s'était efforcée de se contenir jusqu'ici, elle sentait dans sa bouche sèche un goût d'aventures, une soif d'adrénaline nouvelle. Elle ne pouvait rien promettre, même s'il avait saisi son visage pour qu'elle saisisse toute la portée de son regard et de ses mises en garde.

« Je n'avais pas encore le plaisir de te connaître, à ce moment-là. Mais tu sais, je pense que si mon père n'était pas arrivé j'aurais pu les contenir toute seu...»

Ses lèvres s'étaient serrées quand elle avait réalisé qu'il valait mieux qu'elle ne finisse jamais cette phrase. Saúl avait cette autorité naturelle qui ne donnait pas particulièrement envie de l'outrepasser. Ou peut-être était-ce son don qui l'appelait à se ranger derrière ses envies ? Ses yeux s'étaient laissés pétrifier par les siens avec un pouvoir dont seule Médusa détenait, normalement, le secret.

« Oui, d'accord », avait-elle finit par acquiescer sans savoir si elle était réellement convaincue par ses propres mots, ni s'ils allaient réussir à le persuader.

Une fois son visage de nouveau libre de ses mouvements, elle ne put retenir un petit rire malicieux, éprouvé par le seul plaisir de ce petit jeu auquel ils se pliaient. Avant de retrouver son sérieux, quand il lui demandait ce qu'elle cherchait sur cette branche de sa famille.

« Je voulais juste savoir s'ils étaient dangereux. Et puis, mon père m'a toujours caché leur existence alors je pense que j'étais juste curieuse, au fond. Et d'ailleurs... Je t'ai écrit parce que j'ai découvert un peu par hasard qu'une de mes cousines étudiait à Poudlard, elle aussi. C'est une fille Gavalagh. La nièce de ma mère. Et surtout, c'est une demie-vélane. Comme moi. Elle s'appelle  @Eynaelle Sanderson. Et elle m'a parlé des chasseurs, elle aussi. Tu penses qu'ils peuvent être dangereux ? Tu crois que je devrais lui faire confiance ? Je ne peux pas en parler à mon père et je crois... que j'avais besoin de savoir ce que tu pensais de tout ça. »

Un petit sourire de biais, un regard furtif.

« Parce que j'ai confiance en toi. »