Vocalises nocturnes [Ft. Eynaelle]

La séance de chant se terminait sur une bonne note. Eynaelle était vraiment talentueuse et avait réussie à extraire le réel talent de Freya. Cette dernière ne se fit pas priée pour apprendre le plus possible. Elle tenterait assurément de faire sienne les techniques et de les incorporer dans ses chansons à l'avenir. Elle ferait part de ses progrès à sa colocataire Mayline le lendemain.

- Vile flatteuse !

Freya sourit à pleines dents avant qu'Eynaelle prenne la tangente et joue à se faire désirer. Un petit jeu dont l'aiglonne était très friande. Enfin du moment où elle le gagnait ! Et elle n'aimait pas perdre, encore moins quand le sujet de ses désirs se trouvait à quelques mètres d'elle ! Elle emboita ainsi le pas de la Poufsouffle, la poursuivant dans le parc/ Le monde qui l'entourait n'existait plus et seule comptait cette amie qui était probablement un peu plus que ça.

- Pour toi, j'aurais toujours le temps, mon petit canari.

Freya minauda alors qu'elle attrapait finalement la main d'Eynaelle. Elle glissa ses doigts dans les siens frissonnant au contact de sa peau immaculée. Sa proie ne pourrait plus s'échapper. L'aiglonne était bien plus rapide mais ne possédait apparemment pas l'endurance de la demi-vélane qui venait pourtant de chanter pendant un bon quart d'heure. D'un côté, la galloise se dit que ce n'était forcément un mal.

- Encore faut-il que je trouve un sujet de recherche qui vaille la peine de me consacrer uniquement à lui.

Freya resserra sa prise sur la main d'Eyna et plongea son regard azuré dans le sien. Un regard sans équivoque qui trahissait tout le désir qu'elle éprouvait pour elle. LA réalité était que la galloise ne voulait rien laisser passer et conserver toutes se options pour le futur. Elle paraissait souvent telle une reine inébranlable et infaillible mais au fond elle était pleine d'insécurités et les dissimulait avec une efficacité presque irréelle.

- Je t'ai déjà parlé de ma famille ? Et de mon père en particulier ?

Un sourire d'une tristesse infinie apparut alors sur le visage de Freya. L'ambiance avait changé du tout au tout. A tel point qu'Eynaelle pouvait se demander si la Serdaigle était bien la même personne que quelques secondes auparavant. La galloise semblait prête à se confier.

- Le temps est bien la seule chose qui me manque en effet.

Freya répondit en restant évasive. Si Eynaelle souhaitait clairement garder un peu de distance physique en cette soirée propice aux confessions, peut être à cause des regards qui se font insistants depuis le début de leur performance, la galloise gardait quant à elle une distance mentale. Elle refusa même de se faire envoûter par les pouvoirs d'Eyna, son langage corporel changeant du tout au tout.

- Je ne sais pas si t'es au courant mais mon père, Eochaid Korrigan, le frère de notre professeur a été touché par une malédiction. Cela fait plusieurs années qu'il s'est changé en ours sauvage ayant perdu toute raison et tous ses souvenirs. Et ma famille a semble-t-il abandonné l'idée de le guérir.

Freya commença, son regard hagard se perdant dans l'immensité du ciel étoilé. Cette malédiction était un secret de polichinelle; notamment au sein de l'élite magique britannique qui mettait un point d'honneur à récolter ce genre d'informations. Mais elle pensait que le grand public n'en avait pas eu vent. Même si au fond ce n'était pas très important. L'aiglonne s'arrêta éventuellement et se tourna vers Eyna, plongeant son regard azuré dans le sien.

- Ce que personne sait... C'est que je n'ai pas encore abandonné. Je mène des recherches en secret depuis le début de l'année et je suis sur le point de concevoir une potion qui sur le papier, devrait guérir mon père.

Freya retourna les caresses amicales, ne souhaitant pas lâcher cette main qui la reliait encore à la réalité d'un monde loin de toute cette pression qui pèse constamment sur ses épaules. Un monde dans lequel sa quête n'existe pas et n'accapare pas tout son temps libre et hante ses pensées à chaque instant.

- Je compte mettre mon plan à exécution pendant les vacances de Pâques.

Le regard de Freya renvoyait à présent une immense détermination. Une froideur implacable qui tranchait fortement avec cette façade affable qu'elle offrait au monde quotidiennement. Peut-être était-ce là sa véritable personnalité ?

Le duo s'était éloigné des sentiers battus et bientôt les deux amies se retrouvèrent dans un endroit plus isolé non loin du grand saule cogneur. Freya écouta les réflexions censées d'Eynaelle de manière distraite. Elle luttait à présent pour se retenir et évacuer toutes ces pensées qu'elle estimait dangereuses et profondément destructrices. Des pensées qui changeraient assurément le cours de sa vie si l'aiglonne les laisser la contrôler. L'évocation de la famille la ramena vers des pensées plus agréables. Du moins pour un temps.

- Oui la famille c'est le plus important.

Freya répéta de manière robotique, ses doigts resserrant leur prise sur ceux d'Eynaelle comme pour appuyer ses propos. Depuis toute petite on lui avait enseigné ces valeurs chez les Cynfeirdd et la galloise prenait cela très à cœur. Elle n'hésiterait pas à remuer ciel et terre pour ses proches. Et fondamentalement c'est pour cela qu'elle avait si mal. Ces derniers n'étaient visiblement pas prêts à de tels sacrifices. Ils avaient tous abandonné son père !

- Merci. Je crois que je... vais pouvoir... gérer. Je... Je...

Freya balbutia tandis que ses yeux s'embuèrent. Ses sentiments refaisaient surface telles des vagues immenses sur son esprit mis à nu par l'annihilation de ses défenses mentales. Ce bouclier d'argile qu'elle ne baissait que rarement, en présence de Blo ou Maeve principalement. Bientôt ces émotions lui coupèrent les jambes et elle tomba à genoux devant Eynaelle complètement impuissante. Le barrage finit éventuellement par céder.

Le visage déformé par les larmes et une profonde tristesse, Freya se mit à pleurer de manière incontrôlable.

Les gestes d'Eynaelle ne firent que renforcer les pleurs et ouvrir les vannes en grand. Complètement submergée par ses émotions, Freya versa toutes les larmes de con corps. Dans l'étreinte protectrice de la Poufsouffle, la galloise pouvait enfin lâcher les chevaux et se comporter en gamine immature qu'elle était. Il n'y avait à cet instant plus de BUSES, plus de Poudlard, plus de famille et plus d'Eochaid. Il n'y avait plus qu'Eyna et son cœur suffisamment grand pour accueillir les misères de sa triste existence.

Freya resserra son étreinte.

La chanson douce d'Eynaelle parvint éventuellement à la calmer, lui évoquant les chansons que lui chantait jadis sa mère @Maeve Cynfeirdd. Des chansons qui lui rappelaient l'enfance et cette période insouciante durant laquelle Freya n'avait aucune responsabilité, protégée du monde par une famille aimante et indestructible. Une époque bénie dont elle se souvenait avec nostalgie alors qu'elle allait tout juste sur ses vingt-et-un ans. La galloise portait un tel fardeau alors qu'elle n'avait pas encore l'âge d'avoir vécu.

- Désolé Eyna, je voulais pas te montrer mon côté pathétique. Merci...

Freya détacha lentement son front de celui de sa partenaire du soir. Elle s'essuya ses yeux encore embués d'un revers de la main avant de reposer cette dernière sur la hanche de la Poufsouffle. Elle plongea son regard azuré dans celui d'Eyna et frotta son nez contre le sien avant d'apposer un tendre baiser sur ses lèvres. Un remerciement qui ferait l'affaire pour le moment.

- Tu dors avec moi ce soir ? May est de sortie aux Trois Balais.

Freya demanda innocemment, les yeux rougis, suspendue aux lèvres d'Eynaelle. Elle avait visiblement besoin de réconfort après ce déluge d'émotions, libérateur certes mais horriblement drainant psychologiquement.