Two wrongs make no right (Sio)

Cette détention matinale entre ses bras, empêchant même la vélane de s'éloigner ne serait-ce que pour rejoindre son côté du lit, était complètement consentie. Elle se laissait aller près de lui comme elle s'était laissée tomber dans ses bras, tard dans la nuit. Sans oublier pourtant les premiers mots qui s'étaient élevés une fois la porte refermée. Même si Edel avait réussi à l'en détourner temporairement, un coin de la tête de Siobhán s'obstinait à lui répéter inlassablement les termes qui avaient été posés, maintenant que son esprit était bien réveillé. Peu importe combien ils étaient hypnotisants, les iris dorés d'Edel ne parvenaient pas à faire taire cette petite voix qui s'insinuait au travers de ses pensées.

Parce qu'elle savait, au fond d'elle, qu'il n'était pas du genre à gaspiller sa salive et que le peu de mots qu'il s'autorisait à prononcer ne sortait jamais à la légère. Elle savait qu'il était fougueux, mais elle savait aussi qu'il ne prêtait pas grande attention aux détails, ne s'octroyant décemment pas le luxe de perdre du temps. Il n'en avait pas à perdre, préférant vivre intensément chaque seconde de la vie qui lui appartenait.

Alors oui, cette accalmie ne serait probablement que de courte durée.

Mais pour le moment, elle préférait encore se laisser glisser, enrouler ses jambes autour des siennes, maintenir fermement le contact entre leur deux corps. Tant qu'elle le pouvait encore. Tant que la douceur de ces instants pouvait subsister.

Siobhán se laissa embrasser, avec cette tendresse qui le caractérisait à chaque fois qu'ils se retrouvaient seuls. Le vert-et-argent montrait une autre facette de lui lorsqu'il était avec elle. Il s'ouvrait, à sa manière. À son rythme. À chaque fois, il laissait derrière lui des indices rares et souvent silencieux, que la jeune femme n'avait plus qu'à saisir à son passage. Et elle le faisait, les rassemblant tous pour les collecter les uns après les autres dans un coin de sa tête. Là où personne d'autre qu'elle ne pourrait jamais venir les chercher. Comme elle l'avait d'ailleurs fait quand la lune les regardait.

Parce qu'elle ne savait que trop bien que tout pouvait très vite basculer, si tous les deux se laissaient un peu trop surprendre par ce qu'ils ressentaient. L'aperçu de la dernière fois avait suffit à l'en convaincre. La voix d'Edel s'était faite tranchante quand il lui avait demandé de prendre ses affaires et de sortir de sa chambre. Siobhán, elle, s'était contentée de claquer la porte avec force plutôt que de simplement la fermer. Frustrée de ne pas comprendre pourquoi cette écharpe avait autant retenu son attention. Frustrée de ne pas se comprendre tout court.

« C'est toi qui étais devant ma chambre, hier soir, je te rappelle », chuchota-t-elle, ne pouvait retenir un petit clin d’œil joueur.

Ses yeux cherchaient encore les siens quand un faible sourire s'invita sur ses lèvres. Un baiser déposé, puis deux sur celles d'Edel qui la surplombaient. Un frisson parcouru son échine alors qu'elle sentait ses doigts parcourir sa peau avec, toujours, cette délicatesse.

« De toute façon, c'était la dernière fois, non, je crois ? L'addiction n'en est une que si elle vient à durer », glissa-t-elle en guettant sa réaction.

Une pointe de malice s'échappa dans sa voix, alors que ses yeux montraient qu'elle plaisantait.

Non sans chercher à débusquer la pointe de vérité qui se dérobait derrière les propos qu'il avait tenus.

Comme prévu, l’accalmie fut de courte durée. Ses petits baisers ne trouvèrent pas preneur alors qu’Edel tout entier semblait s’être crispé à la mention de cette fameuse « dernière fois » dont elle ne voulait pas. À en croire la distance qui s’étira entre eux, cette idée ne plaisait pas davantage au Serpentard qui n’hésita pas, une deuxième fois, à lui dire qu’elle l’énervait. Siobhán afficha une moue boudeuse alors qu’il lui tournait le dos. Par curiosité, ses yeux s’arrêtèrent sur les marques qu’elle avait laissées avant de se rediriger, droits devant elle.

Effectivement, elle l’avait bien griffé.

À nouveau, la tension montait alors qu’un rien avait suffit à faire basculer l’ambiance tendre dans laquelle ils se prélassaient dans une atmosphère nettement plus tendue. Mais les mots d’Edel lui firent comprendre que sa prétendue plaisanterie l’avait touché, alors que ce n’était même pas le but recherché. À cette vision, elle sentit son cœur rater un battement, pour des raisons obscures qu’elle ne parvenait toujours pas à cerner. Pour toute réponse, Siobhán se contenta de rabattre les couvertures sur elle en se rapprochant de lui, toujours sur le lit.

Dans un autre monde, la vélane se serait simplement contentée de se rhabiller et de partir, emportée dans des élans vindicatifs aux côtés de sa fierté. Mais il n’en fut rien.

« Non, plus maintenant. Plus depuis que tu me l’as dit. Je te crois. »

Ce n’était pas encore un « je te fais confiance », mais c’était déjà un premier pas pour une femme qui était toujours en proie au doute quand il s’agissait de l’accorder. En dehors de cette écharpe dont Siobhán ne connaissait toujours pas la propriétaire, Edel n’avait rien fait pour qu’elle doute de ses intentions. A sa manière, il l’avait rassurée. Par des gestes tendres, des paroles glissées dans son oreille quand ils se donnaient l’un à l’autre. Et avec le recul… elle n’était pas en droit de réclamer plus. Pas sans lui donner, à son tour, quelque chose sur quoi s’appuyer.

« Et je crois que c’est important que tu saches que je ne fais pas ça non plus avec n’importe qui. Juste avec toi. Depuis que t’es là. »

Sa tête posée sur son épaule, toujours enveloppée dans les draps qui séparaient leur peau, elle se contenta de poser des lèvres sur son cou, sentant la pression monter en lui, comme la dernière fois. Mais elle n’avait pas envie de se battre avec lui. Pas aujourd’hui. Pas après tout ça. Son cœur espérait vivement qu’il allait saisir les perches qu’il tendait de son propre gré. Le rejet serait la pire des réponses pour quelqu’un qui tentait finalement de mettre des mots sur ses sentiments. Aussi difficile était-il pour Siobhán de s’ouvrir.

« Enfin c’est important pour moi que tu le saches. »

Ses mains partirent à la recherche de celles d’Edel, quand ses bras se glissèrent pour l’entourer. Une manière de lui montrer qu’elle ne voulait pas qu’il s’en aille, et que leur bulle n’avait pas encore explosé dans son esprit. Qu’il pouvait encore revenir à elle, s’il le souhaitait. Qu’elle serait là pour l’accueillir.

« Et j’aimerais te revoir cent fois à la porte de ma chambre comme hier soir. Parce que je crois… que tu étais là pour les mêmes raisons qui m’ont poussée à en sortir. »

Le rose lui montait aux joues. Parce qu'elle s'exposait, parce qu'elle tirait ses propres conclusions, sans même savoir comment ses vérités, si dures à avouer, seraient reçues.

Parce qu'elle ne savait jamais à quoi s'attendre, avec lui. Et que ça l'enivrait autant que ça l'effrayait.