'Cause I'll never run away (Ebenezer)

Ebenezer semblait être un homme à double tranchant, doux et presque un peu trop doux pour être sérieux avant de la surprendre d’un revers de manche avec un Legilimens si bien placé. Yeleen s'écarta doucement, gardant sa main sur sa plaie ouverte alors qu’il n’y décelait rien. Les insultes au nom qu’elle avait porté durant sa moitié de vie lui coulait sur la peau sans la moindre égratignure et fut légèrement perplexe à l’idée que le Gobelin ne sache rien de ce qui venait de se produire. La technique d’interrogatoire lui fit faire un pas en arrière, loin d'être habituée à manipuler physiquement et de fouiller dans la mémoire ainsi. Elle plissa les yeux devant l'écume qui finissait par rendre le Gobelin inerte avant de se rendre compte avec effroi que son sortilège d’allégresse l’avait presque apaisé dans ses souffrances.

Pendant un instant, elle regarda autour d’elle, les artéfacts se déposant et se revendant comme un troc et se rendit compte du danger potentiel que certains objets avaient à se trouver ici, entre de mauvaises mains. Avoir un œil sur ce genre de boutique et la laisser tourner était une manière pour le Ministère d’avoir toujours en vue de ce qui se passait dans une ruelle où les agents n'étaient pas les bienvenus. Alors qu’elle regardait le système des oreilles à rallonge, elle l’entendit lui dire qu’ils étaient probablement arrivé trop tôt avant de voir l'éclair vert teinter au milieu de la pièce dans un Oubliette Sonore.

Sa main trembla un instant, le souvenir de @Braxton Clearwater oubliettant @Sean Clearwater lui revenant en mémoire comme si elle était encore dans la pensine et se retourna totalement pour ne pas affronter le regard du Gobelin. Fermant les yeux, elle souffla, pensant à @Lucy Clearwater qui aurait eu tellement plus de courage qu’elle pour affronter une telle mission. Était-elle réellement fait pour ça? Prenant un papier dans l'étagère, elle tenta d’y jeta un sortilège d’Avensegium qui rata en beauté avant de fourrer dans sa propre poche, râlant sur son incompétence dès qu’une image sordide lui venait en tête.

Peut-être qu’il a été oublietté avant nous.

Elle l’avait signé, presque un peu sèchement. Parce que ses méthodes n'étaient pas les siennes, trop barbare, trop violente pour accepter d’un jour faire le mal pour avoir le bien. Elle avait été élevée dans un domaine où le mal se répandait pour un bonheur égoïste et éphémère, c'était bien une manière qu’elle ne voulait reproduire ici ou ailleurs.

Alors qu’il l’attirait vers un bar, prétextant avoir pu la tirer d’affaire, Yeleen mit une distance avec Ebenezer, encore légèrement secouée par un bureau des renseignements qui n’hésitait pas à employer des méthodes barbares pour soutirer des renseignements. Ce n'était pas elle, ce n'était pas fait pour elle. Et la manière dont l’oncle de Mich semblait pouvoir oublietter si facilement d’autres créatures lui faisait froid dans le dos.

Monsieur Grimm commença-t-elle respectueusement. On m’a apprit à pouvoir me défendre pour mieux défendre. Elle comprenait néanmoins que le chef du bureau de liaison n’avait peut-être pas pour habitude d’emmener une stagiaire sur le terrain, pas aussitôt après être sorti indemne du Hall de Gringotts en feu. Elle n’allait clairement pas boire une seule goutte d’alcool ni même d’eau dans ce bar et alors qu’ils se posaient non loin de la baie vitrée, Yeleen profita d’un silence pour lui signer en toute discrétion, la capuche toujours par dessus les yeux.

Pour qui travaillait-il avant, ce Gobelin?

Après tout, un indic avait forcément eu d’autres employeurs bien moins scrupuleux. Un seul d’entre eux suffirait à remonter des pistes ou à en faire un second informateur, en lui espérant une meilleure fiabilité.

Mettant les mains dans mes poches, un peu à l'écart de l'entrée du Veritaserum, je l'observais signer en m'arrêtant. Je voyais bien que ses gestes exprimaient un certain agacement et que sa gestuelle montrait qu'elle était un brin énervé. Je restais donc planté là, les mains dans les poches comme devant Jade Weimer ma patronne officielle.

" Il travaillait pour moi, sous couvert du Ministère. Le Bureau des Renseignements à un fonctionnement particulier. Chaque Agent disposent de plusieurs sources et il passe entre ces dernières pour récolter des renseignements et faire des rapports. C'est pas bien différent des autres boulots Ministériels. Il était chargé d'identifier tout mouvement suspect sur des recels d'artefact de certains groupuscules, dont Thanatos par exemple. "

Je m'arrêtais de parler. L'observant les mains dans les poches un long moment. Puis je déclarais d'un air calme, et surtout qui se voulait rassurant.

" Crois-moi, ce que je lui ai fait n'est rien comparé à ce qu'il aurait pu nous faire. J'ai bien compris que la méthode ne t'avait pas plus. Déjà, c'est indolore. Et ce sont deux moyens efficaces très utilisé dans mon job. L'un pour soutirer des informations rapidement et sans faire souffrir l'autre, et l'autre pour effacer nos traces. C'est un mal nécessaire, pour la sécurité du pays magique. Si tu dors sur tes deux oreilles dans une paix durable depuis plusieurs décennies c'est parce que des Agents des renseignements déjouent attentats et attaques. La statistique est d'un attentat réussi pour vingt cinq déjoués. C'est pas mal non? "

Je lui indiquais l'entrée du bar du bout du nez. Dans une mimique qui était digne de mon neveu sans le savoir. Avec un petit sourire moqueur et un brin provocateur en coin je l'observais un long moment sans rien dire. Finalement je déclarai d'une voix calme :

" Tu as jusqu'à Septembre pour savoir si ça t'intéresse. Bien sûr entre temps tu seras sous Maléfice de Langue de Plomb pour que tu ne divulgues pas ce que tu as dit, ni ma couverture. Je ne peux faire qu'une cooptation tous les cinq ans! Donc réfléchis bien. Maintenant, si tu veux on peut aller boire un verre et parler de toute autre chose. "

Je soupirai. Je me rendais compte à quel point mon métier m'avait isolé de tout. Qu'est ce que j'étais en train de faire exactement? Je n'étais pas en train de lui faire une proposition un peu nulle? Dans le sens où sa vie serait peut être semblable à la mienne, toujours dans le mensonge qui poussait fatalement à n'avoir que très peu d'ami et des relations plus que complexe. Je me grattais la barbe pensif, et je me risquais de lever ma main pour la poser sur son épaule.

" Et mieux se défendre pour mieux défendre, c'est une bonne philosophie. Mais parfois, il faut faire certaines actions discutables pour le bien commun. Le plus important, c'est surtout de ne jamais hésiter et bien projeter les conséquences de ses actes. Là, si je n'avais rien fait et que j'étais parti tel quel, je sais exactement ce qui se serait passé. Les sources ne sont pas des alliées. "

Il aurait prévenu des renforts, et il aurait donner beaucoup d'informations clefs à ses nouveaux employeurs. Et qui sait avec ces informations ce qu'il aurait pu faire? C'était ça le plus dur dans le bureau des renseignements. Eviter les fuites et empêcher les méfaits. Mais malheureusement, contrairement aux Aurors ou aux Brigadiers, notre travail demeurait invisible.

Les questions s’entrechoquaient dans la tête de la Serdaigle qui avait eu mal à enchaîner la moindre logique dans ce qui venait de se produire. Il y a à peine quelques heures, c'était une promenade tranquille qu’elle faisait avec  @Tristan Pendragon , ne souhaitant que se rendre à Gringotts et acheter une nouvelle batte qu’elle attendait depuis des mois. Mais le cambriolage, les créatures magiques en plein jour, puis l’incendie du hall de la banque et les transplanages commençaient à lui tordre le ventre. Et surtout, elle se demanda pour la première fois si elle était réellement faite pour tout ça.

Levant les yeux vers Ebenezer qui arborait un calme parfait, elle l'écouta avec le plus d’attention possible alors que le visage du Gobelin qui était sa source lui revint en tête. La Légilimencie qu’il avait pratiquée avait pourtant été douloureuse sur les traits de son visage ridé, bien qu’il lui avait oubliétté le tout par la suite sans le moindre ressenti. Mais c'était justement là que résidait toutes les valeurs de Yeleen, ses émotions et surtout, elle n’arrivait pas à avoir le détachement qu’Ebenezer pouvait avoir ou même @Braxton Clearwater . Et si elle arrivait à ce point un jour, pourrait-elle regarder @Sean Clearwater de la même manière avec toute l’innocence qu’il était capable de soulever avec un seul de ses sourires?

Baissant son regard vers la table, elle réfléchissait doucement, l’agent du bureau des renseignements lui offrant un choix de carrière qui pouvait s’annoncer prometteur si elle s’y lançait à corps perdu, mais elle avait l’impression, à cet instant là précis, de pouvoir aussi y perdre son coeur. Si les Gryffondors tenaient un courage sans limite qui les poussait à se dépasser, la Serdaigle qu’elle était misait tout sur la prudence. Avoir des sources qu’on devait cuisiner ainsi, ce n'était pas sa manière de vouloir protéger les autres, d’en prendre soin. C'était une manière bien trop radicale à ses yeux, à la manière des groupuscules comme Thanatos. Etaient-ils derrière tout ça d’ailleurs, qui lui disait à présent que les ficelles n'étaient pas tirées de la même manière de l’autre côté?

Elle réprima un frisson alors que l'évocation de son simple nom dans la boutique avait suffi pour n'être qu’une monnaie d'échange. Pour @Iris Faux-Orpin , elle ne pourrait pas s’engager sur cette voie, pour @Sean Clearwater , elle refuserait de pouvoir faire chanter et utiliser un sortilège d’oubliette sans se sentir souillé. Ebenezer prenait à sa charge le sale travail, celui qui le poussait à se salir les mains pour le bien commun. Ses biens communs à elle, s'étaient toujours résumés à ce qu’elle avait depuis toute petite, c’était dire : rien. Apolline avait pris une place particulière, Thésus également puis son arrivée à Poudlard avait été sa révélation. Une famille toute entière pour qui elle se battrait, mais peut-être était-ce là, la différence, elle se battrait avec courage pour eux, mais se remettrait toujours en question lorsque les enjeux étaient plus grands. Ses épaules n'étaient pas taillés pour ça. Pas encore du moins.

Vous pouvez me mettre sous le maléfice de langue de plombs le temps de.

Tant que Sean n'était pas sain et sauf, elle ne pourrait envisager de savoir où aller l’an prochain. La présence de Ryan complexifiait tout, ce n'était même plus Thanatos et ses machinations qui l’inquiétaient, mais la présence d’un loup perpétuel chez son Gryffondor et toute l’agressivité qu’il lui fallait contenir. Elle espérait que d’ici septembre,  @Dâriush Aslan puisse l’aider à avoir une meilleure visibilité à l’avenir, peut-être envisagerait-elle d’y penser à ce moment-là. Mais ne pas pouvoir partager cette possibilité avec Sean n'était pas envisageable à cet instant.

Vous pouvez.

Elle se convainquait qu’elle était capable d'être bien plus qu’une excellente joueuse de Quidditch, d'être bien plus qu’une jeune femme qui doutait perpétuellement de ses compétences en magie, bien plus à l’aise sur un balai que sur la terre ferme. Si Ebenezer acceptait d'être invisible lorsqu’il s’agissait de récolter les informations, Yeleen avait sa place sur un balai, là où elle avait actuellement le plus confiance en elle.

Mais pour autant, elle n’avait pas simplement envie de lui tourner le dos et de continuer la journée sans prendre en compte la proposition qui lui avait lancé. Mich lui avait si peu parlé de son oncle, au-delà d’une dispute avec le patriarche des Grimm, elle sentait qu’Ebenezer avait bien des talents à offrir dans cette double casquette qu’il avait au Ministère. Un métier à responsabilité et à risque qu’il arrivait encore à avoir sans que rien ne le fasse ressembler au père de Sean. Il y avait une bienveillance différente, plus sensible, plus … plus Grimm. Et l'envie de regagner le Ministère de la Magie à pied avec un café en main était un peu plus tentante, comme pour lui permettre de souffler et de prendre un peu d'élan avant que la montagne de paperasse et d'enquêtes ne lui incombe, même en tant que stagiaire.

On va prendre un café et parler d’autre chose, ailleurs si vous le voulez bien, ce marché me donne vraiment la nausée pour le moment.