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Palate Cleanser — Miranda V.

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FICHE DE PERSO
(the art of being in pain while remaining silent)
@Miranda Vayne

thème musical


Friday March, 3rd, 10pm

L’odeur du sang a une teinte métallique, le parfum aussi écœurant que merveilleux. C’est toute la pièce et ses clameurs qui en est saturée. Franz esquisse un sourire qui ne se délivre pas. La baguette tourne entre ses doigts fracassés. La magie conspire toujours au plus terrifiant des ravages mais c’est le corps qui encaisse, c’est la violence qui achève. Le péril s’engrange quand les deux se combinent, quand la nausée vrille au bord des lèvres et que le cœur pulse trop fort aux tempes. Ils saignent, versent sans s’en soucier des gallons d’hémoglobine sur la scène, ne tiennent que sous l’adrénaline qui explose en gerbes dégueulasses dans leurs veines. Les sorts ont fusés à plusieurs reprises, les maléfices vicieux, les intonations dangereuses. L’atmosphère crépite encore sous les résidus. Tous les coups sont permis durant ce type de duel et Franz en est suffisamment sorti victorieux pour savoir que la survie ne se niche que dans les détails : une ouverture écarlate, une inattention fatale, un sort figé. La langue vient lécher le coin des lèvres, là où le vermeil sèche déjà. Les muscles sont perceptibles sous la peau, il se redresse légèrement, avise ce qui se prépare et s’élance à nouveau. Il en est des mises à mort comme chez d’autre des vertiges incandescents, la même sensation sensuel qu'un saut à l’élastique ou qu'une déflagration sur plusieurs étages. Un plaisir similaire lui coulait sur l'épiderme durant les matchs de quidditch, du temps de Poudlard, mais il a remplacé les balais par les sortilèges poisseux et le vide par la douleur. Le coup part avant qu’il ne lance un sectumsempra qui l’éclabousse du sang de son adversaire. Ce dernier réplique en faisant du sol une banquise éphémère. La glace se réverbère dans les regards assassins et Franz sent, dans une douleur stridente, une bourrade en plein cœur qui lui coupe un instant la respiration. Il se recule en quelque pas fiévreux, la respiration lourde, l’affliction si vivace qu’il en voit des étoiles.

Il ne baisse pas le regard néanmoins, ne s’attarde certainement pas à affaiblir sa garde malgré le tourment. Il s’occupera de ça ensuite, analysera plus tard pourquoi le public a avalé l’air ambiant dans un « ouh » horrifié en le regardant. Il avise les angles, l’ouverture sur la carotide et lance son poing dessus sans tergiverser, la baguette changeant au vol de main tandis qu'il donne un coup de pied sur celle de l'ennemi pour la mettre hors d'atteinte. Les gestes s'enchainent, rapides, précis. Il finit par darder le bout de sa baguette au-dessus de la pomme d’Adam du cadavre en sursis. L’adversaire a le regard flouté, k.o ou presque. « Tu vas p’tet gagner cette bataille, mon gars, mais ce sera la dernière. » Le rictus qu’il a fait flancher Franz, un cillement tacite en guise d’invitation à s’expliquer. Dans une lenteur sombre, le regard glisse finalement. Il voit la poignée en ivoire enfoncée jusqu’au manche dans son plexus solaire. La douleur irradie et il se rend compte enfin, que sa respiration est sifflante. Il y a une encoche, une serrure qui ne lui dit rien qui vaille. Le poignard n'est pas comme à l'ordinaire, enchanté certes mais il y autre chose.
Franz contemple et appuie un peu plus sa baguette sur la gorge, un peu de rage sinueuse au bord des cils. « Tu as la clé du mécanisme je suppose. » Les dents de son némésis du jour se découvre tandis que les « Fini-le ! » fusent de partout. Il pourrait, en effet. La valse des paris scintille autour de la plateforme et Franz se penche un peu plus en avant. Le supplice s’accroche si férocement à lui maintenant. Le corps s’échine à se réapproprier son autonomie sous les cliquetis de l’arme magique enfoncée. « Ta vie contre la clé. » Un rire s’échappe en gargouillis écarlate qui se répand le long de la langue et du visage du duelliste. Sang pour sang. L’offrande est généreuse semble lui dire Franz sans un mot. « Très bien. Dans ma poche. » Le tueur à gage repousse, fouille et sent le métal lui érafler les mains avant de se relever en titubant et de se reculer dans un regard imperturbable. « Ça te sauvera pas, connard. » On lui lève le bras pour annoncer sa victoire tandis que l’autre reste au sol, un rire fantôme sur les lèvres, des rivières pourpres en oppressant écho à ce qu’ils sont dans ces arènes : des spectacles d’hémoglobine qui crachent, des désastres orchestrés.

Rien d’autre.

***


Friday March, 3rd, 11pm

Au fond de la pièce aux murs d’un blanc malade, on le soigne dans une urgence désastreuse. La magie s’opère pour ôter le mal qui obstrue les poumons, saccage la lucidité et éclipse ce qu’il lui reste de conscience. Les plaies s’effacent, les bleus s’atténuent, les os repoussent. Franz ne dit rien même quand on l’avertit des maux à venir. Il ne laisse pas le moindre son franchir l’écueil de ses lèvres sauf lorsque le médicomage se penche sur le mécanisme à son torse. « Je vais… » « Non. » La voix tranche dans un calme ferme tant et si bien que le scientifique se pare d’une rare diplomatie. « Monsieur Biederman, je ne sais même pas si je peux parvenir à vous retirer ce mécanisme mais plus nous attendons… » L’autrichien se rhabille, l’endolorissement perceptible et heureux. Il est en vie. C’est tout ce qui importe sous l’amertume des combats âpres. Il est en vie. L’euphorie glisse, la béatitude stationne lourdement au creux de sa gorge. « Je connais quelqu’un qui peut s’en occuper. » Explique-t-il sobrement sans épiloguer. Il vérifie juste que la clé du mécanisme est dans sa poche puis prend son miroir sertie de cuir.

***

Friday March, 3rd, 11h30pm

Transplaner lui a demandé plus d’efforts qu’il ne l’aurait cru. Il sent avec une acuité pernicieuse sa respiration se faire plus sourde, comme si l’énergie s’échappait au goutte à goutte. Il a sa langue encore serti du scotch ingurgité à la va-vite avant de partir. Le supplice est d’une lenteur exécrable et lui arrache un gémissement silencieux quand il tape à sa porte. Elle a occupé ses pensées au moment même où il a vu ce qui le perforait. Engoncé dans son long manteau, l’horreur n’est pas visible, pas de suite en tout cas. La porte s’ouvre et il darde un regard tendre sur le visage adorable. Miranda est un Botticelli, la joliesse ardente, l’humeur mutine. C’est un baume inaltérable et les lèvres frémissent d’un pâle sourire. Il sait qu'elle a mieux à faire mais elle a cette élégance de toujours plier le temps quand il s'agit de l'un d'entre eux. « J’espère que tu ne m’en veux pas d'être arrivé si vite. » Il lui tend sans préambule ce qui ressemble à une clé, un curieux pentagramme en guise de dents. « J’ai un puzzle pour toi. » Les iris s’éclairent légèrement, la luminosité en ouragan. « Je peux entrer, Miranda ? » Demande-t-il dans une tiède placidité.
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Palate Cleanser

Miranda referme la porte sur sa mère avec une lenteur prudente, avant de se retourner pour s’abandonner omoplates contre le panneau de bois, mains sagement croisées dans le dos. C’est terminé. Ses épaules s’affaissent un peu. Elle s’abîme dans un silence contemplatif, considérant les vestiges du dîner qu’elles partagent deux fois par mois, et parmi eux, perceptible comme un spectre, le fragile reliquat de confiance et d’estime qu’elles raccommodent gauchement à coups de demi-mots et de demi-sourires où entre parfois une louange, souvent un reproche – jamais de consolation. Elle cille lourdement. La ligne de sa bouche s’ourle de patience, de sérénité et de tout-va-bien. La ligne de sa bouche ment. Son silence ne conjure pas l’orage, il lui fait entendre au contraire combien tout hurle à l’intérieur. Il va de soi qu’elles se sont gardées de mentionner l’anniversaire de la mort de son père, misérable et solitaire au fond de sa cellule. Encore lestée de ses irrévocables fidélités d’enfant, elle a eu le sentiment de le trahir chaque fois qu’elle souriait comme si de rien n’était ; et en même temps absurdement soucieuse de complaire à sa mère, elle a avalé ses remarques comme autant de couleuvres, de ces considérations qui se veulent protectrices et anxieuses sans se dispenser d’être désobligeantes. Tout y est passé : son loft trompeusement lumineux qui s’apparente plus à une garçonnière qu’au sanctuaire d’une femme ayant sa vie bien en main – « N’est-ce pas un parfum d’homme que je sens ? Encore un ? » –, sa médiatisation frénétique et ses apparitions au bras de personnalités souvent plus riches que fréquentables – « Ta grand-mère se fait beaucoup de souci pour toi. » –, les maigres traces de sa vie intellectuelle, celles qu’elle veut bien montrer – « Pourquoi perdre ton temps à lire ces magazines sans intérêt ? » Il y a, parmi ces magazines sans intérêt, ceux que Franz a eu la gentillesse de lui ramener du Londres moldu, et elle y tient.

Entre elles, ce n’est plus qu’un amour bardé de ronces. Cela lui coûte toujours de recevoir sa mère et de constater les étrangères qu’elles sont devenues l’une pour l’autre. C’est une comédie plus difficile à jouer que ses mascarades mondaines habituelles : pas d’éclats de voix devant Juniper Vayne, pas de pleurs, pas de chagrins indignés dont on n’aurait su que faire. Elle qui d’ordinaire vit si fort doit absolument se museler face à la grande dame qui l’a mise au monde, sans savoir exactement qui elle épargne ce faisant.

Elle ferme les yeux. Il lui faut inspirer longuement, s’employer à rassembler ses forces, à recomposer une femme, n’importe laquelle, sauf celle-là, qui arbore impudiquement ses fragilités de fillette comme une plaie sans cesse rouverte. Souffrir est absurde et laid, se répète-t-elle continûment à la façon d’un mantra, souffrir est absurde et laid. Du moins sont-elles d’accord là-dessus. Elle rappelle sa légèreté de cœur et sa frivolité d’esprit, opère une métamorphose affective qui lui éclaircit lentement le visage.

Elle rouvre les yeux. L’horloge indique vingt-trois heures. La nuit commence à peine : Miranda Vayne n’est pas attendue avant une heure du matin dans le monde nocturne et se rehausse volontiers d’un retard de bon aloi.

D’un mouvement de baguette, elle débarrasse la table, et tout le reste. Il s’agit de ne laisser aucune trace de cette présence qu’elle ne chérit plus qu’avec inquiétude, de peur de se surprendre à la haïr par mégarde. Au fond, elle sait pertinemment ne pas être en position de juger ce qu’une mère – sa mère – a pu estimer bon pour elle et pour sa fille par le passé ; mais certaines choses sont bien malgré elle plus faciles à dire qu’à faire, et son hypothétique bonté d’âme achoppe systématiquement à l’emprisonnement injuste de son père, à sa lente agonie.

Basta ! murmure-t-elle pour elle-même en se laissant tomber dans l’un des profonds fauteuils qui meublent son séjour. Il lui semble toujours que le plafond, par sa belle hauteur, se penche sur elle pour lui apporter protection et réconfort. Les fenêtres d’atelier adoucissent la pâleur de la nuit londonienne en reflétant comme une toile de projection les lumières chaudes qui décorent son intérieur. Sa mère se trompe, sans doute : elle n’aurait pas voulu d’autre asile que celui-ci.

D’une main paresseuse, elle s’empare de l’un des magazines savamment éparpillés sur la table basse, se met à le feuilleter mollement, avant que l’intérêt n’affermisse ses doigts et ne fixe durablement son attention.

C’est l’alerte lumineuse de son Miroir à Double Sens qui l’arrache à sa lecture. Elle tend le bras pour s’en saisir avec un empressement qu’elle ne cherche pas à se cacher. L’image est trouble encore, mais elle sourit déjà, laissant à plus tard la perspective qu’il puisse être en grande difficulté – c’est Franz, après tout : « Je lisais justement l’un des magazines moldus que tu m’as apportés, lui apprend-elle en guise de salut. Tu savais, toi, à quel point les requins-baleines sont des créatures fascinantes ? Être capable de plonger jusqu’à deux-mille mètres de profondeur, c’est déjà incroyable – à côté le vol sur balai c’est de la gnognote –, mais je viens de terminer un article qui présente, écoute bien, la découverte d’une mutation génétique qui rendrait leurs pigments rétiniens plus sensibles aux changements de température – d’où l’augmentation de leur acuité visuelle dans les abysses. Le changement de température, c'est le secret ! Ça m’a donné un tas d’idées pour – » Elle suspend son pépiement en remarquant enfin l’expression mi-grave, mi-caressante de Franz – l’expression d’un homme qui, même mourant, se serait fait un plaisir de l’écouter patiemment pour ne pas lui faire l’offense de l’interrompre. Elle finit par acquiescer, soudain un peu plus sérieuse – mais pas trop non plus, c’est mauvais pour l’élasticité de la peau : « … Je t’attends. »

Plus nerveuse qu’elle ne veut bien l’admettre, elle fait les cent pas près de la porte, qu’elle ouvre sitôt que ses coups retentissent. Elle sourit invinciblement maintenant qu’ils se font face, bien que sa joie se nuance très vite d’une secrète inquiétude. Elle comprend d’où il vient à sa pâleur et à ses yeux battus – jamais plus que ne le sont ses adversaires, aurait-il rétorqué pour la rassurer : sorciers, créatures magiques, Franz ne discrimine pas. Elle sent douloureusement l’effort que trahit son sourire, accroche le regard invraisemblablement tendre qu’il pose sur elle quand il n’est pas occupé à intimider son prochain ou à faire couler le sang. Franz est toujours d’une humeur égale, déploie en toutes circonstances l’équanimité glacée d’un dieu, aussi y a-t-il peut-être quelque chose de l’ordre du miracle dans la délicatesse dont il a fini par l’entourer en dépit de ses premières réticences. Elle n’a pas la fausse modestie de s’en étonner, mais il est parfois plus difficile de se prémunir contre la vanité que peut inspirer ce genre de faveur ; de ne pas oublier que, lorsque Franz ne la regarde pas, il tue. A-t-elle déjà songé que ses mains pourraient tout aussi bien se refermer sur sa gorge ? Elle est bien placée pour savoir que la violence n’épargne personne, et qu’on doit travailler quotidiennement à se sauver soi-même avant de prétendre sauver autrui.

Et pourtant, pourtant, elle le sent : la tendresse, dans tout ce qu’elle peut avoir d’indéfectible, file inexorablement sa toile entre eux. Son sourire, insensiblement, s’infléchit : à la gaieté s’ajoute une douleur un peu fâchée ; mais elle a beau le considérer de la tête aux pieds, elle ne perçoit rien qui puisse trahir la gravité de son état, si ce n’est la fièvre qu’il a au fond des yeux. « Le temps m’a paru affreusement long au contraire… ! » feint-elle de lui reprocher dramatiquement en prenant l’étrange clé qu’il lui tend, sans comprendre. « Un puzzle… ? » Son regard s’éclaire malgré tout en même temps que le sien, parce qu’il a toujours su trouver les mots pour invoquer chez elle l’enfant et le génie tout à la fois. Seulement, avant de saisir où il veut en venir, son cœur doit d’abord trembler un peu alors qu’il envisage comme une incertitude ce qui est pour elle la plus limpide évidence – et il lui semble que son nom, dans sa bouche, figure un délicieux tremblement : « Oh, Franz, quelle question. Ne reste pas là. » Elle se dérobe avec un rire au bout des lèvres pour le laisser entrer puis referme la porte en s’assurant que le sortilège d’Impassibilité n’a pas faibli. Lorsqu’elle se retourne, son regard se fait plus inquisiteur, cherche à éprouver la solidité de ses épaules et de ses jambes, comme si une part d’elle-même avait déjà compris. Il est évident que quelque chose ne va pas. « J’ai le terrible pressentiment que je ne vais pas pouvoir t’offrir un verre de vin tout de suite. » fredonne-t-elle dans une comédie de légèreté en considérant la clé au creux de sa main – car elle ne sait que trop bien de quoi il s’agit. Sa voix est beaucoup plus grave quand elle reprend : « Où est l’autre partie du mécanisme, Franz… ? »

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@Miranda Vayne

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Le poignard lui semble plus léger maintenant, figé dans sa prison de chair et de sang. Partager un malheur c’est déjà s’en délester d’une partie. C’est dangereux en soi d’ailleurs et Franz a toujours été d’une prudence surannée à ce sujet. On garde ses ennemies et ses déboires au chaud, contre soi, ou au froid, six pieds sous terre. C’est l’un ou l’autre uniquement. On ne les conserve certainement pas planté en plein plexus par contre, au risque de voir le souffle filer par la blessure. Mourir pourtant est une évidence dans ce milieu. La pègre colle aux basques, nappe d’une gazoline chaque décisions précises et chaque échanges extérieurs. Pourtant, il avoue bien volontiers qu’il aime vivre. Que sentir, voir, être a un parfum sans égal - même là, en cet instant, alors que la douleur irradie le long du corps, il se sent dramatiquement plein d’une énergie radieuse et sombre. C’est un fantasme en soi ce bouillonnement intérieur, cette ardeur à s’accrocher à l’existence qui ne faiblit jamais véritablement malgré les activités mortuaires - un merveilleux processus de réconciliation avec le monde et ses alentours.

Il la voit s’illuminer, l’expression mutine en fugata irrésistible. Son pépiement adorable résonne alors sur lui, coule à la manière d’un rayon de soleil, réchauffant la chair mortifiée par la blessure, apportant l’éclat intrépide d’une journée printanière et d’une envolée au piano. La mélodie est familière mais le surprend toujours. De feu et d'audace, Miranda s'est accaparée des recoins insoupçonnés de son âme, les plus chatoyants quelque part, les moins obscurs assurément. Elle y a fait courir ses jolis doigts – ceux-là même qui dévrille et optimise si bien les serrures et les cadenas durant les missions et autres casses. Elle les a si profondément enfoncés en lui que les cicatrices ne peuvent véritablement être ignorées. Il s’en méfie – pas d’elle – mais de ce qui en découle. Il a naturellement pris place auprès de la brune incendiaire, l’ombre gigantesque et enveloppante mais tout de même raisonnable. L’esprit se fait repos alors, s’autorise une amitié indéfectible sertie de protection et d’accords tacites, les non-dits en berne, le reste verrouillé un peu plus bas, les secrets concaves au fond d’un cœur qui bat dans une suspecte régularité.

Elle est excellente actrice, l’illusion agréable, le miel omniprésent sans être écœurant. Miranda est comme un délicieux après-midi d’été où la paresse semble s’imposer, où le bien-être est paisible refuge malgré les labyrinthes aux parfums envoutants. Il a vu tant d’hommes et de femmes fondre sous ses sourires, plier devant son rire, se damner au feu ardent de sa joliesse miroitante. Pour beaucoup, Miranda n’est pas une femme en vérité, c’est un rêve. La gaieté a des relents festifs le long de ses robes élégantes, on perçoit des épices insoupçonnables au contact brûlant de sa peau. De lait et de cannelle saupoudré, le mélange sucré et âpre, juste ce qu’il faut. La voir c’est vouloir, l’entendre c’est désirer et il est impossible de ne pas sentir l’apesanteur bercer la mécanique du corps à ses côtés. La sicilienne est charme personnifié et il a d’abord cru – comme bien d’autre – que coulait dans ses veines diaphanes, du sang de vélane mais c’est trop simple, n’est-ce pas ? La sensation n’est pas la même, Miranda rend ivre aussi mais l’ivresse est moins contrariante, moins vengeresse et appose une légèreté à nulle autre semblable. « Un puzzle. » Répète-t-il d’une voix apaisante. Lui aussi fait illusion. Le calme en éclipse nocturne pour masquer la colère perpétuelle. Il en veut au monde entier, le dédain vertigineux au bord du cœur. Les injustices et les délinquances, les contrariétés et les mesquineries. C’est toute l’Humanité qu’il voudrait cogner et ramener à son bon sens. L’intransigeance a sur lui des accents métalliques. Il lui semble que l’inflexibilité le dote d’une volonté parfois si oppressante qu’elle pourrait écraser autrui – qu’elle pourrait tout occire. Elle le fait quand il laisse les humeurs se faire armes, quand tout ceci se perd dans des routes qu’il s’obstine à tracer trop droites devant lui.

Chaque chose à sa place. Chaque chose dans ses cases. Les échecs ont valeur de mise à mort dans la pègre. Les erreurs tuent. « Où est l’autre partie du mécanisme, Franz… ? » Il inspire dans une lenteur de nacre, les gestes efficaces tandis qu’il s’avance dans l’appartement cosy. L’odeur d’un bon verre de vin et de pelisses chaudes et réconfortantes flottent et invitent subtilement. A moins que ce ne soit le parfum fleuri et doré de la jeune voleuse. Il laisse ses pas le mener jusqu’en marge du couloir d’entrée puis se retourne vers la brune avant d’écarter un pan de son large manteau. Le regard se veut tranquille, un peu d’urgence au bord des iris. « Il a été rapide. Je n’ai pas anticipé le fait que son coup pouvait être aussi profond. » Un poing ou un sortilège, on peut toujours faire quelque chose mais une arme qui s’enfonce et de ce calibre fait partie des aléas surprenants et intéressants du ring magique.

A nouveau, Franz se tient en retrait, droit et immense sur le parquet chaleureux puis se décide à se délester du long manteau qui le recouvre. Bouger n’est pas heureux dans son cas, le supplice concret sous les mouvements, le tourment presque perceptible sur les lignes de sa mâchoire qui se tend. « Il a eu de curieux mots. Quand il m’a offert la clé, il m’a dit que cela ne me sauverait pas. » Il n’y pas la moindre émotion dans son élocution. Les idées et les sentiments sont toujours détachés les uns des autres, à la manière d’une pelure d’orange épaisse que l’on extrait pour mieux parvenir au fruit. « J’ai préféré venir à toi. » Il cille en la contemplant. « J’ai plus de chance de m’en sortir entre tes mains qu’avec le sorcier qui fait office de médicomage là-bas. » Le reste n’a pas besoin d’être dit. Les hommes comme Franz ne pointe généralement pas dans les hôpitaux de la ville et encore moins avec une carte de soin. « Je prendrais le verre de vin plus tard mais si tu as du scotch, » Il déglutit suavement, la respiration sourde. « Ce ne sera pas de refus. »
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Le silence qui les unit pendant une seconde n’en est pas un. Il a la profondeur du souffle qui précède la pluie, l’éloquence alarmante d’un début d’orage, tout en charriant avec lui la lumière rassurante dont est faite la secrète communion des âmes. C’est dans le regard de Franz, assurément, que tout se joue, ce regard qu’il prend le temps de poser sur elle comme s’il n’existait pas d’autre urgence, en tout cas aucune qui ne puisse être subordonnée à sa contemplation. Elle s’y réchauffe comme un chat paresseux dans un rai de soleil. Elle ne lui a jamais dit, évidemment, que son regard figurait parmi les plus difficiles à soutenir. Elle, tristement bien placée pour connaître par cœur et par corps la gamme de ceux qu’un homme est susceptible de poser sur une femme, du plus blessant au plus avilissant, du plus féroce au plus indifférent, ne sait pas vraiment quoi faire de celui-ci. Même l’indigente idée que beaucoup se font de l’amour ne réhausse l’être aimé qu’à travers le prisme d’une vaniteuse appropriation. Or il lui semble que Franz prend le chemin exactement inverse, tout aussi dangereux, un chemin rarement emprunté par ses semblables, pavé d’une émouvante abnégation, d’une dépossession de soi qui se donne pour rien – gracieuse dans tous les sens du terme. Il innocente son orgueil en susurrant du bout des yeux, non pas « Je t’idéalise, je te veux, et l’ivresse se dissipera avec la jouissance », mais « Je te vois telle que tu es, prodigieuse indépendamment de moi et de quiconque, et je suis à toi. » Ni piédestal qui la présupposerait insuffisamment grande, ni piège qui la tirerait par les chevilles au nom d’un obscur besoin de la ramener à une médiocrité à laquelle elle n’appartient pas – et c’est à cela qu’elle reconnaît la troublante et redoutable excellence de son cœur ; troublante car maintes fois contrariée par les revers du sort et de sa volonté, redoutable car il lui donne à voir à travers elle tout ce qu’ils auraient pu être dans une autre vie.

Oui, que faire de ce regard ? Que faire de cet homme ? Interdite, elle cille lorsqu’il rompt leur échange silencieux de sa voix calme et posée, alors qu’elle voudrait déjà s’affairer autour de lui avec des emportements de tragédienne. Oh, elle ne s’y trompe pas : Franz temporise, dompte l’émotion, mais sa lente inspiration produit le même écho – grave, menaçant – qu’un éboulis ou qu’un ressac. Elle le regarde se déployer comme l’ombre d’un nuage ou d’un oiseau de proie jusqu’au seuil du séjour, puis se tourner à nouveau vers elle pour entrouvrir son manteau. C’est un geste dont elle aurait pu se réjouir en d’autres circonstances, mais elle n’a pas même le temps de se permettre la moindre boutade à ce sujet ; déjà, elle blêmit en apercevant la serre enfoncée entre ses pectoraux : « Morgana mia… ! » laisse-t-elle échapper dans un murmure navré que la panique ne tarde pas à gagner, parce que la quiétude de son regard la tue. Elle est sur lui en quelques bonds de chevreau, mille questions au bord des lèvres tandis qu’il lui explique à demi-mots, avec un flegme invraisemblable, ce qui lui est arrivé sur ce ring de malheur et de sang. « Mais… Mais Franz, c’est affreux… ! Tu arrives encore à respirer ? Tu as réussi à transplaner… ? Comment… ? Tu saignes à l’intérieur ? Qu’est-ce que tu sens ? Il faut que… » L’étrange clé qu’il lui a remise prend subitement un tout autre aspect, semble peser bien plus lourd au creux de sa main. Et lui, lui, avec son impassibilité outrageante, son extraordinaire volonté de maîtrise, il lui crève le cœur, au point qu’elle se sent rapidement partagée entre la douleur et la colère, taraudée par le désir de le secouer pour lui ôter l’envie de jouer ainsi avec ses nerfs. Car enfin, il a cette façon insolente de se détourner pour retirer son manteau tout seul, ce qu’elle ne lui permet pas, l’aidant aussitôt avec toute la délicatesse dont elle est capable, en s’efforçant d’ignorer la brûlure de ses yeux rendus humides à la seule vue de sa mâchoire crispée par la souffrance. Elle boit ses mots comme un poison, de plus en plus excédée par son sang-froid, mais l’outrecuidance de l’adversaire – non, de l’ennemi – a du moins le mérite de balayer l’affolement au profit d’une sévère bravade : elle vivante, ce n’est pas un joujou mécamagique, aussi complexe soit-il, qui aura raison de son Franz. Il le lui confirme d’ailleurs, d’un simple constat qui prend pourtant la force d’une irrésistible et flatteuse élection. Oh, si elle avait encore été du genre à rosir… ! Elle cille en même temps que lui, plus fébrilement peut-être, avant d’abandonner le manteau sur l’un des fauteuils. « Allons bon. Tu as toujours été d’un optimisme confondant. » plaisante-t-elle avec un soufflement de nez où l’amusement le dispute à l’exaspération. D’un mouvement de baguette, elle barricade chaque fenêtre, accentue les lumières puis attire à eux le guéridon roulant où s’étagent plusieurs alcools et leurs verres associés. Le scotch est rapidement servi, et pour se distraire de la ligne tendue et puissante de sa gorge que la soif et la douleur étreignent, elle examine la clé dont le panneton consiste curieusement en un pentagramme droit, tandis que l’embase est sertie d’un cylindre que son instinct lui interdit de tourner.

Et puis, il y a ce discret cliquètement, qui semble sourdre du poignard parasite et l’avertit qu’il n’y a plus de temps à perdre. Elle expire profondément afin de rassembler tout son courage et son savoir-faire, avant de guider Franz d’une main impérieuse pour qu’il prenne place sur l’un des fauteuils vacants, dont elle abaisse légèrement le dossier. Ainsi penchée sur lui, l’encadrant de ses bras qu’elle voudrait aussi solides que lui, elle marque un temps d’arrêt pour le considérer, les mains sagement et sévèrement appuyées sur les accoudoirs. Alors elle ne résiste pas à l’émotion qui lui froisse soudainement la bouche et le menton. Oui, c’est hérissée de tout l’amour vindicatif d’une mamma sicilienne qu’elle lui reproche, à mi-chemin entre le miaulement et le feulement : « Tu vas me faire mourir. »

C’est ensuite avec un lever de bras et une inspiration dramatiques – elle n’a hésité qu’une seconde avec le reniflement, trop enfantin – qu’elle se redresse pour disparaître dans l’une des pièces attenantes, dont elle ressort quelques secondes plus tard à pas pressés, armée d’une imposante boîte à outils au ventre évidemment extensible. Celle-ci possède mille histoires différentes, et dans aucune d’elles Miranda Vayne n’en est la légitime propriétaire car enfin, il est apparemment difficile d’imaginer qu’une noceuse superficielle comme elle puisse s’épanouir dans les mécanismes compliqués et le cambouis – et c’est tant mieux. La boîte est déposée près du fauteuil de Franz avec une brusquerie qui signifie « Je n’ai pas fini de me plaindre. » et de fait, le miaulement douloureux, déchirant même, s’élève à nouveau jusqu’aux voûtes métalliques qui ceignent le plafond : « Je ne sais pas ce qui est le plus criminel dans l’histoire… » commence-t-elle en poussant un tabouret à roulettes sous elle et en s’employant immédiatement à défaire les derniers boutons de la chemise de Franz pour dégager complètement le lieu de l’intervention – mais oui : « Le fait que ton torse réinvente à lui tout seul les lois de la représentation tridimensionnelle ou que je ne puisse me réjouir de déboutonner ta chemise parce que, comble de l’escroquerie, il ne s’agit pas de se rincer l’œil tranquille mais de te soustraire à une mort qui sans mon humble personne aurait été certaine. » Elle ouvre sa boîte à outils qui se déploie en quatre rangées de tournevis, marteaux, pinces, ciseaux, scies, clés, instruments de mesure et quincaillerie, en somme tout ce dont elle a besoin pour plier n’importe quel mécanisme à sa volonté et à son imagination. « J’espère que tu mesures bien le poids que tu fais peser sur mes frêles épaules. »

La vérité, derrière son numéro de m’as-tu-vue, c’est qu’elle n’en mène pas large. Qu’a-t-elle sous les yeux ? Une arme meurtrière qui aurait fait le bonheur des collectionneurs et des traqueurs d’objets magiques dangereux, mais qui bouleverse considérablement l’image qu’elle se fait de la Mécamagie. Elle a conscience d'en faire elle-même un usage dévoyé, qu’elle seule peut s’expliquer par une casuistique retorse qui ne contredit nullement sa passion, où l’effraction devient une ouverture dans tout ce qu’elle a de plus beau, un affranchissement de toute espèce de limite ou de frontière, un réarrangement des territoires arbitrairement tracés et un pied-de-nez aux sordides lois de la propriété privée. Bien sûr, ce qu’elle fait n’aide pas directement son prochain, à l’exception des rares fois où son butin atterrit dans la caisse d’un gala de bienfaisance ; bien sûr, ce qu’elle fait est répréhensible, mais enfin, cet usage-là, qui consiste à exploiter les trésors de la Mécamagie pour s’attaquer spécifiquement au vivant... ? « C’est atroce. » Elle en connaît plusieurs qui lui auraient ri au nez en épinglant sa candeur et son hypocrisie, mais Franz n’est pas à compter parmi ces mufles, n’est-ce pas ? Elle poursuit son examen à l’œil nu : le poignard dispose d’un manche assez imposant dont elle devine qu’il renferme le mécanisme principal, et d’une garde représentant cette fois un pentagramme inversé que parcourt lentement une aiguille d’horlogerie – celle-ci aura d’ailleurs bientôt atteint la première branche. Elle se mord l’intérieur de la joue : le temps leur est compté, mais il ne faut surtout pas se précipiter. « Il n’y a pas de symbole, remarque-t-elle dans un murmure, du moins aucun qui ne soit visible. » Elle se décide enfin à enfiler ses lunettes mécamagiques qu’elle règle sur Revelio, avant de s’emparer de sa baguette : « Specialis Revelio. » Un soupir de soulagement lui échappe aussitôt. « Manifestement, ce n’est pas de la magie runique. Il n’aurait plus manqué que j’aie à appeler Oswald pour désamorcer ce truc. Tu imagines ? Elle improvise une imitation en modulant caricaturalement sa voix : Oswald, j’ai besoin de ton aide ; Bien sûr, mon adorable crocus d’automne, tout ce que tu voudras ; Il s’agit de Franz, c’est une question de vie ou de mort ; Ah, on est bien d’accord, et la seule réponse valable à cette importante question est la deuxième option : laisse-le mourir un peu, tu m’en diras des nouvelles – allez, salut, mon anémone des forêts, heureux d’avoir pu t’être utile. » Elle ponctue ses âneries d’un « Pfiou. » d’échappée belle et remonte ses lunettes sur son crâne. « En fait, vous allez me faire mourir tous les deux. » Sourcils froncés, elle se penche à nouveau sur le poignard. « On dirait de la magie élémentaire. Qu’est-ce qu’il lançait comme sortilèges, questo pezzo di merda ? » Puis elle s’empare d’un tournevis afin d’ouvrir les deux clapets placés sur le manche, découvrant – comme elle l’espérait et le redoutait tout à la fois – le mécanisme complexe qui commande aux propriétés mécamagiques du poignard. « C’est un bazar sans nom, rouspète-t-elle en rabaissant ses lunettes pour approfondir son examen. Bon. J’ai deux bonnes nouvelles et une mauvaise. » Elle marque bien sûr une pause dramatique. « Commençons par les bonnes. La première, c’est que le pentagramme inversé est juste là pour faire joli. Enfin, disons que c’est l’œuvre d’un kéké doublé d’un gros sadique : Oswald m’a appris que ce genre de tracé pouvait signifier l’intention de soumettre l’esprit à la matière, et dans ce cas précis, on peut supposer que chaque branche correspond à l’un de tes membres. La deuxième, c’est que ça ressemble à un mécanisme d’horlogerie à rouage réducteur – c’est-à-dire que la vitesse de rotation est réduite, ce qui me laisse plus de latitude pour le comprendre et en venir à bout. Si mon expertise est bonne, tourner le cylindre qui sert d’embase à la clé aurait permis à ton adversaire de passer rapidement d’une branche à l’autre, et donc de t’entraver à sa guise. Heureusement que tu ne lui en as pas laissé le temps. » Nouvelle pause dramatique – c’est important. « La mauvaise nouvelle, c’est que je sais pourquoi il a prétendu qu’avoir la clé ne te sauverait pas : il y a un verrou qui empêche de te retirer le poignard autrement qu’avec cette clé sans que ça n’ait des conséquences désastreuses ; or pour être en mesure de l’utiliser en toute sécurité, je dois d’abord désamorcer le mécanisme. Ce qui signifie que je vais devoir renoncer à l’Arresto Momentum de mes rêves pour pouvoir observer jusqu’au bout son mouvement mécanique et magique. D’ailleurs, on va en avoir un premier aperçu dans : cinq, quatre, trois, deux, un »

Vous reprendrez bien une petite tasse de sadisme ? :

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(the art of being in pain while remaining silent)
@Miranda Vayne

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La fébrilité disperse les raisonnements les plus sensés. Il sait pourtant qu’il devait venir ici, à sa porte. Lorsque son visage apparait la tension se relâche d’un claquement sec pour mieux lui revenir aussitôt en pleine face. Rien d'autre que cette certitude d’une détresse muette murmurée à une oreille capable de déjouer les tourments qui le percutent. Franz se sait pourtant capable de gérer les crises. Il a toujours été voué à ne connaitre qu’un crépuscule décadent, à mouvoir dans la nuit sans goûter totalement l’aube. Or Miranda est rayon de soleil incandescent et le baigne d’une lumière qui n’esquinte pas les yeux, qui caresse dans un enthousiasme mutin et terriblement intelligent, tout regard qui se pose sur elle. Il sait trouver les chemins âpres de la délivrance mais face à un tel mécanisme, il a préféré chercher l’expertise des doigts agiles et aériens d’une dulcinée qui s’ignore.

Tandis qu’il avance dans le couloir, la douleur sifflante en son torse, il ignore comment aborder le spectre d’un arrêt probable et éviter un bain de sang sur les mains de la jeune femme. Les muscles noués par le poids qu’il vient de déposer sur les frêles épaules de la sirène lui concèdent une posture prudente  teintée d’une nonchalance factice, comme un désir secret de la rassurer envers et contre tout. Ce n'est rien pour des criminels de leurs trempes, n'est-ce pas ? Ils sont habitués aux instants de crises, font face autant qu’ils le peuvent aux déflagrations de la magie et des corps. « Morgana mia… ! » Un sourire s’esquisse, un froncement de sourcils amusé ombre son visage. « Ah, de l’italien. C’est donc sérieux. » Il peut presque sentir son désir de claquer la langue, de s’agacer dans son anxiété palpable. En vérité, il est presque désolé de lui infliger cela mais il la sait souple, ardente aux terreurs obscures qui feraient pourtant si facilement s’effondrer d’autre. Les questions tombent en pluie agréable autour de lui et il tâche d’éventer ce qui tient de l’urgence et ce qui s’apparente plus à de l’inquiétude. C’est merveilleux, n’est-ce pas ? De savoir qu’elle s’inquiète. Il mentirait s’il n’admettait pas qu’il y a une douceur fugitive à sentir que les grands yeux noirs qu’elle darde sur le mécanisme le pleurerait un peu. L’instinct lui murmure de se taire comme toujours. Il n’a jamais été friand de grands discours, de paroles inutiles. Il n’a pas envie de s’essouffler en vaines réponses. Peut-être que c’est la fin ou peut-être pas. Il a, en flash impulsif et profondément égoïste, l'idée de la faire taire du bout des lèvres, de venir la retrouver au cœur de la débâcle, de l’embrasser pour se focaliser sur elle plutôt que sur la douleur, de l’attirer contre lui comme il a si souvent envisagé de le faire, pour oublier les menaces qui planent. S'astreindre à espérer seulement, l’espace d’un instant, que ça suffise à tout.

« Mal. » Répond-t-il enfin. Le manteau glisse douloureusement de ses manches. Il est factuel comme seuls les êtres issus de peuple germains peuvent l’être. « Je crois que cela m’obstrue d’une manière ou d’une autre les bronches. » L’inspiration se fait lente, l’évidence en un grondement métallique sur sa langue. Un instant, il ferme les yeux. Les volets claquent, les fenêtres tanguent et il a un murmure inconsistant en prenant le verre tendu pour y tremper ses lèvres. Le scotch est amer, puissant et suffit à lui mettre en feu ce qui s’anesthésiait précédemment sous la douleur. Il brûle et c’est tellement préférable à cette sensation de cendres. « Tu vas me faire mourir. » Il cille, le regard trouble, l’alcool perlant, humide, sur sa bouche. « Si seulement. » Ose t'il en la voyant s'éloigner et s’affairer à il ne sait trop quoi.

Il lui fait confiance autant qu’on le peut quand on a baigné dans la pègre depuis son premier souffle. Il la sait compétente, curieuse à la manière d’un chat. Il accepte le fauteuil, s’y love dans une lourde chute, la position bien plus confortable. Il a dans l’idée que s’il se laisse aller à un quelconque sommeil, à une torpeur trop séduisante, il va y passer. Le babillage frondeur de Miranda le fait sourire, imprimant une vague au sein du plexus solaire, un roulement qui le rend presque nauséeux. Le flegme reprend pourtant ses droits, si ancré dans sa chair et dans son esprit que même s’il le voulait, il ne pourrait s’en défaire. « Je sais. » Il pose sa tête en arrière, la nuque sur le cuir malléable et ne la quitte plus des yeux tandis que les bras viennent s’échouer sur ceux du fauteuil. « Je me ferai pardonner. » Une manière de lui dire qu’il a foi en ses capacités, qu’il ne doute pas qu’elle y parvienne. Et si elle ne peut pas, au moins il aura eu l’heur de la voir une dernière fois. Il s’imagine que s’il le lui dit, elle s’offusquera pour de bon. On a pas idée de venir mourir dans le salon des gens, tout de même. Ces mois de silence lui paraissent subitement ridicules, d’autant plus dérisoires quand les conséquences sont étalées avec beaucoup de simplicité. J’aurai peut-être dû te dire que.... L’iris s’élargit, le bleu s’estompe, la souffrance domine et menace d'avaler son souffle, d'affecter ses paupières, de déborder sur sa chair.  Les cliquetis du mécanisme conspirent déjà, s’ajustent en un jeu terrible : tête, cœur et tripes, le risque ondule sous l’éventualité de séquelles irréversibles. L’esprit délaisse néanmoins rapidement cet océan d’impuissance pour s’enrouler autour de la voix qui le réclame.

Il écoute attentivement son analyse, cherche à y apposer ce qu’il sait lui-même mais ses connaissances en mécamagie lui proviennent majoritairement d’observations éparses. « Oh par pitié, je préfère encore mourir que d’appeler Oswald. » Ah, voilà que le chromosome x se manifeste à nouveau dans sa stupidité étincelante et que l’homme grogne, éperdument jaloux malgré lui. C’est qu’Oswald est aussi merveilleux que ne le chante Miranda à vrai dire, qu’il est aussi imprévisible, brillant et méphitique qu’il ne veut bien l’avancer lui-même quand ils se retrouvent tous ensemble en mission. Ils sont horriblement complémentaires, forment un « valknut » selon les propres termes du viking : les failles des uns se voient pallié par les forces des autres, l’enlacement inévitable, les contours se dissolvant entre eux. Sans doute qu’Atlas s’en est rendu compte d’ailleurs, à sa manière. Cela ne change en rien le fait que Franz, pourtant toujours si posé, voit sa patience se liquéfier en jalousie sourde à voir le suédois s’entendre si bien avec la sylphide qui se penche sur lui en cet instant même. « En fait, vous allez me faire mourir tous les deux. » Elle en rajoute, le cœur innocent et il fronce les sourcils, incrédule. Des relents d’allemand flottent sur sa langue. « Il te fera mourir plus vite que moi c'est certain, il est insupportable. » Propos aux relents curieusement fraternels qui s’ignorent, la rivalité trop grande lorsqu'il s'agit de la Joconde. C’est elle qui le tue en affirmant une telle chose. Ne souffre-t-il donc pas déjà assez ?

« C’est un bazar sans nom. Bon. J’ai deux bonnes nouvelles et une mauvaise. » L’annonce toute solennelle lui redonne un peu de ce détachement immuable qui le caractérise et qui l’oblige à se recentrer sur sa blessure plus que sur la proximité affolante de Miranda. Il a senti des mèches éparses d’un chocolat intense lui frôler le ventre. L’épiderme s’est alors contracté tout aussi douloureusement qu’au niveau de sa blessure. Dieu merci, elle est trop concentrée sur comment le sauver pour y prêter attention et il laisse son cœur remonter jusqu’à sa gorge et l’y démanger sans un mot, les langues brumeuses d’un état des lieux qui se rappelle à lui et qui refuse sans cesse de le laisser prendre ce qu’il désire tant.

Il cille sous l’explication. « Mmmm une poupée vaudou mais avec un mécanisme enchanté en quelque sorte ? » C’est prodigieusement ingénieux quoi qu’on en dise et il admire suffisamment la magie pour garder dans un coin de son esprit l’utilité d’un tel objet dans ses poches. La mauvaise nouvelle tombe et il a un rire rauque qui meurt dans sa gorge tandis qu’elle tourne la clé sans attendre. Il lui faut se faire violence pour ne pas hurler, pour ne pas ployer sous la douleur, pour ne pas rouler et tomber au sol et attendre seulement que l’orage passe. Mais il ne passera jamais si la situation n’est pas prise en main immédiatement et de la bonne manière alors il lutte contre sa propre douleur, contre la souffrance qui rejaillit le long du corps jusqu’à lui étreindre l’esprit, l’étouffant à petit feu jusqu'à faire taire ses pensées rationnelles. Le visage se fait pâle, se décompose sous l’asphalte qui lui coule soudainement dans les veines. Le grondement s’intensifie jusqu'à faire trembler le sofa, les paupières se clôturent et il se raidit dans un soulèvement brusque avant de retomber. Les muscles gonflent à vue d'œil maintenant. Une fine pellicule de sueur lui recouvre le front. Il sent que quelque chose se produit, qu’on lui dévore les entrailles pour mieux vomir un venin létal le long de ses membres. Ce sont ses doigts qui lui font comprendre ce qu’il se passe en premier lieu. Lourds, rigides, pareil à du granit. L’austérité grimpe pour mieux griffer les jambes et les bras, l’emprise complète, l’inflexibilité autoritaire. Franz tâche de reprendre sa respiration mais ne plus sentir ses membres le plonge dans une anxiété qu’il parvient à peine à tenir silencieuse. Il s’oblige à un calme élastique. Il s’imagine léger comme une bulle, s’égarant entre des vagues. La rigidité est quand à elle intransigeante et c’est d’une voix plus fébrile qu’à l’ordinaire qu’il tourne sa question vers Miranda. « Combien de temps ? » Le calvaire le hérisse, l’ankylose et le tend à nouveau - un nouveau déclic, un nouveau tour mais cette fois-ci le cri s’échappe dans un appel guttural. « Combien… » Le torse se soulève en tempête tandis que tout le reste de son corps se fait plomb. « de… temps, Mi...mi…. » Le prénom a un parfum salé sur sa langue qui meurt sous le sacrifice trop conséquent. La respiration s'emballe, se fait la malle avant de lui creuser un gouffre au niveau de la clé qui tourne et dont le supplice lui donne la couleur translucide d'un voile.  



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Palate Cleanser

Il lui semble que la clé lui brûle les doigts sitôt qu’elle en fait rouler le cylindre. Effacé, le sourire fugitif de Franz, celui qu’elle lui a arraché à grand renfort d’âneries, celui qu’il lui a concédé avec une tendresse bourrue. Effacé, l’effluve malté du whisky, celui qui lui a chatouillé le nez comme l’haleine capiteuse des fleurs en plein été, celui qui constituait somme toute la preuve rassurante mais maintenant menacée qu’il pouvait encore boire et respirer. Effacé, le regard fauve qui lui creuse délicieusement le ventre et fait courir le long de son échine le poids fantomatique d’une main dont il n’a jamais daigné la caresser. La promesse qu’il se hasarde à formuler comme pour s’obstiner à envisager l’avenir, comme pour se refuser à se montrer aussi dramatique qu’elle ; l’irrépressible esprit de chicane qui le lie à Oswald plus étroitement qu’il ne le voudrait ; l’inflexion désapprobatrice de ses sourcils qu’exige son sérieux à toute épreuve ; le murmure pensif de sa voix qui reconnaît impudemment un chef-d’œuvre dans ce qui le tue ; tout, absolument tout s’effrite en même temps que la rocaille de son rire.

Sa douleur la prend aux entrailles. Elle a toutes les peines du monde à garder les yeux fixés sur le mécanisme, à poursuivre son examen avec la rigueur qui s’impose, tant elle voudrait plutôt souffrir avec lui, pouvoir le rassurer d’un sourire ou d’une parole, lui rafraîchir le front d’une caresse. Il y a pour elle quelque chose de terriblement cruel dans l’indifférence impassible qu’elle doit affecter tout en commandant à son supplice ; rester aveugle à la crispation déchirante de ses muscles, à ses mains de pianiste qui se referment brusquement en poings exsangues, à ses avant-bras marbrés de veines comme sur le point de se rompre ; rester sourde aux sinistres saccades de son souffle et à l’affolement de son propre cœur. Sa gorge lui paraît dure comme de la pierre chaque fois qu’elle parvient à déglutir, mais c’est bien peu de chose, n’est-ce pas, en regard de ce qu’il traverse à cet instant. Elle s’efforce d’observer les rouages du mécanisme avec toute la concentration dont elle est capable, de ne pas céder à la panique lorsqu’une souffrance croissante ébranle son corps d’ordinaire si solide ; tant pis pour la sueur qui perle à son front, tant pis pour sa pâleur inquiétante. Elle ne considère que la nécessité de le soustraire au plus vite à cette peur qu’elle reconnaît entre toutes et partage secrètement – celle de l’infirmité. Elle sait ce qu’il voudrait lui dire – pour la rassurer, pour se raffermir : il a connu pire, il en a vu d’autres ; mais comment trouver la moindre consolation dans ce triste constat ?

Le plus tragique, dans l’histoire, c’est que Franz semble déjà s’accommoder de l’état de son bras : par une respiration difficile et brutale, il apprivoise la douleur, rassemble ses forces pour la soumettre ; aussi actionne-t-elle à nouveau le mécanisme dans un chapelet murmurant d’excuses et de regrets. À la détresse brûlante qu’il exhale, elle se représente avec horreur le cheminement serpentin du tourment qui gagne sa jambe, inexorable et comme inextinguible. Elle n’a pas manqué d’incliner le visage sur l’autre versant du manche pour achever d’en comprendre le fonctionnement. « Testa di cazzo. » finit-elle par grommeler dans la barbe qu’elle n’a pas. Elle considère de plus près l’assemblage étrange qui ressemble à une pompe à engrenages miniature où ne circule pas un fluide, mais un sortilège. Un seul, de toute évidence. Elle s’en assure d’une main dont elle essaie de réprimer le tremblement, éprouvant la dureté nouvelle du bras de Franz, puis de sa jambe – elle perçoit la chaleur bouleversante de sa peau à travers le tissu de sa chemise et de son pantalon, essaie de ne pas s'émouvoir de ce qu'il refroidit déjà comme la pierre –, avant de faire rouler le cylindre une dernière fois pour confirmer son hypothèse. L’étranglement de sa voix lui brise le cœur, mais elle ne peut se résoudre à le sommer de souffrir moins fort. Elle doit se montrer rassurante : « Plus très longtemps, Franz, susurre-t-elle comme elle aurait pu le faire avec une infinie tendresse contre sa tempe – et elle espère ne pas mentir, maintenant qu’elle pense être en mesure de démonter le mécanisme. En attendant, je t’interdis de crier mon nom : ce n’est pas dans ces circonstances-là que tu es censé le faire. »

Elle se donne du courage en rappelant le naturel, se console en songeant qu’elle n’aura pas à invalider son bras droit – du moins si tout se déroule comme elle le souhaite. Après avoir prudemment déposé la clé dans l’un des compartiments de sa boîte à outils, elle en sort de quoi isoler la peau de Franz au maximum. « Essaie de bouger le moins possible, gattino mio. » Sa respiration semble de plus en plus difficile : elle craint que les soubresauts de son torse ne compliquent l’opération. Hélas, elle ne va pas l’aider à se sentir plus léger. Avec application, elle stabilise le poignard au moyen d’un porte-pièce. « Je crois qu’il sera tout de même plus prudent d’appeler un Médicomage pour te retirer cette horreur une fois que j’aurai terminé. Je sais que nos deux disciplines reposent sur un tronc commun, mais je ne suis pas certaine de pouvoir t’en débarrasser proprement. » Cela ne devrait pas être un problème, du reste : tous deux ont ce qu’il faut parmi leurs contacts, aléas de leur noble métier obligent.

Elle risque un regard vers lui et le regrette aussitôt. La poitrine barrée d’un chagrin cuisant, elle se réfugie à nouveau derrière ses lunettes mécamagiques et inspire profondément pour enfouir ses émotions. « Tiens bon. »

Elle s’adresse à lui aussi bien qu’à son propre cœur.

Enfin elle se met à l’ouvrage, disciplinant sa main avant de diriger la pointe de sa baguette vers sa boîte à outils. « Piertotum Locomotor. » Tournevis et brucelles d’horlogerie à embouts interchangeables s’animent aussitôt, prêts à l’assister – les outils qu’elle enchante peuvent avoir mauvais caractère, mais il ne semble y avoir aucune place, cette fois, pour l’insubordination. Elle abandonne sa baguette et enfile ses protège-doigts pour ne pas salir les éléments du mécanisme qu’elle s’apprête à manipuler ; puis elle rassemble méthodiquement les pièces en laiton nécessaires à la fabrication d’un drain magique – qui s’apparente par certains aspects à une poire à pipeter. Il s’agit pour elle de le fixer autour de la sortie de la pompe pour intercepter l’éjection du sortilège, mais la manœuvre est délicate. Pendant deux longues minutes, elle s’abîme dans un silence minéral, tandis que ses outils surveillent l’intégrité du rubis de contre-pivot et de son ressort antichoc, car chacun de ses gestes, malgré la précision que lui permet la loupe intégrée à ses lunettes, menace le mouvement du mécanisme dans son ensemble.

Ses épaules finissent par se détendre légèrement pourtant, lorsqu’elle constate que l’installation du drain est un succès. Sa bouche tremble dans un sourire timide, qui se veut confiant mais refuse de crier victoire trop vite. La ponction du sortilège est peut-être l’étape la plus chaotique du désamorçage. Elle ose un autre regard vers Franz, se fait la réflexion que le silence lui sied bien mieux qu’à elle. Elle déteste le laisser seul dans les affres de la douleur, aussi entreprend-elle de le distraire. « Tu te souviens de notre première rencontre ? lui demande-t-elle sans interrompre son travail. Quand tu m’as servi de garde du corps à l’inauguration de la galerie Fennell Robson ? » Une galerie d’art en plein cœur de Londres dont ils devaient, quelques jours plus tard, dérober l’une des pièces maîtresses pour le bon plaisir et les beaux yeux d’Atlas. « Tu m’as regardée comme si j’avais eu le toupet d’admettre que je n’aime pas Beethoven. » Elle se mord l’intérieur de la joue pour réprimer son amusement – le moment est mal choisi. Le souvenir qu’elle évoque la réconforte cependant. Il lui est très précieux. C’est qu’un début heureux n’avait rien d’une évidence pour eux : elle n’ignore pas l’inconfort voire l’effroi que la présence de Franz provoque presque immanquablement. Elle n’y a pas échappé, quand bien même cela n’a duré qu’une seconde. Qu’a-t-elle vu en lui ? Elle se rappelle l’avoir envisagé de la même façon qu’une haute montagne : un mélange subtil mais terriblement enivrant d’appréhension et d’excitation. La décence aurait voulu qu’elle se contente de lui sourire prudemment, seulement voilà : Miranda Vayne ne transige jamais avec son désir, et gare à celui qui l’y forcerait. Alors, elle le lui a dit, très simplement, comme on commenterait le beau temps : « Vous me donnez envie de vous grimper dessus. » Dans la version officielle de l’histoire, c’est le moment qu’a choisi l’un des artistes exposés pour débuter son discours en grossissant sa voix d’un Sonorus – couvrant ainsi ses bêtises impudiques pour épargner les chastes oreilles de Franz. Elle ne lui a jamais demandé s’il l’avait entendue, évidemment. « De toute façon, c’est vrai que j’ai toujours préféré Bach. » Après avoir terminé de relier son drain magique à une fiole en verre borosilicate, elle s’empare à nouveau de sa baguette pour faire fonctionner son tourne-disques enchanté. Elle ne lui fait pas remarquer qu’il la regarde désormais comme si elle lui apportait le même apaisement qu’une aria de Bach – il suffit d’écouter la suite en Ré majeur qui s’élève dans le loft pour voir se matérialiser entre eux le cheminement de sa pensée.

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Si l’Enfer a un son, il réside dans celui que provoque ces étincelles particulières, les gerbes de magie qui s’échappent après des sortilèges impardonnables et des cliquetis mécaniques aux effets abominables sur des artefacts ouvragés.

(C’est faux. La douleur ici n’est que physique, la fin, un simple totem. La véritable douleur a le son des regrets et celui d’un verre esseulé sur un comptoir.)

Les ruades dans son sang se multiplient, la magie lui galope le long des veines, pernicieuse et noirâtre. L’épaule se fige, prête à se faire brique. La jambe suit. Il souffre le martyr et il n’aime pas cette expression – elle n’a pas lieu d’être quand on vient d’une famille de rescapés, le poids de la salvation en gazoline opaque sur son nom. Mais c’est exactement ça, la douleur est exécrable et lui fait haïr le monde entier – tous, toutes, sauf elle. Il pourrait faire flamber l'univers en cet instant, le déchiqueter sous sa rage glacée, l'écraser d'un poing vengeur précis et ne le trouver que plus adéquat ainsi. Le mécanisme semble déterminé à déjouer les tentatives de la brune. Franz a confiance pourtant. Si quelqu’un peut dénouer le fil d’Ariane, c’est elle. Il a un sourire désabusé quelque part entre deux sifflements étouffés, la torture si vive qu’elle lui transperce les iris pour s’étaler dans son regard. Il n’est que le minotaure dans cette histoire et il estime, peut-être un peu trop, que la seule manière de réellement la remercier si jamais il s’en tire, c’est de se tenir prêt d’elle sans jamais chercher à y déposer ses crocs. De peur de l’avaler toute entière, de peur que son fracas ne provoque des drames et des vacarmes propre à exposer son cœur tordu et oppressé par un millier de battements désordonnés.

La brûlure sous sa peau le rend fiévreux et lui embrouille les pensées qui éclatent en un milliers de confettis. Rien n’a de sens sous les afflictions. La géhenne a la couleur bronze de l’instrument planté dans son thorax et il serre les dents si fort que la mâchoire manque de céder.  L’égo se fracture, un peu plus ébréché suite aux propos tenus mais déjà, les doigts de la main encore disponible se serrent à en rompre les jointures qui ne demandent qu’à étreindre son propre néant. « Essaie de bouger le moins possible, gattino mio. » L'affection palpable le cingle. Elle l’extirpe de l’ombre pour un instant, le gorge de lumière malgré le ton plus inflexible qu’escompté.

Il aurait dû, n’est-ce pas ? L’embrasser dans ce musée, lui parler sous la pluie, la prendre ici et maintenant quand il le pouvait encore. Il s’imagine tellement la douceur de nacre que ses hanches peuvent avoir quand on s’y enfonce, se projette si facilement dans le délice que peuvent avoir ses baisers. Il a vu tant d’admirateurs lui tourner autour durant ces soirées mondaines et ses mises en place de missions aux calibrages parfaits. Elle a la séduction en sacerdoce, les sourires écarlates des russalkas en bord de forêt. Il lui a déjà fait l’amour mille fois en vérité. Dans cet appartement et ailleurs. L’interdiction de crier son nom frémit avec ironie sur lui alors qu’une singulière douleur altère les prochaines pulsations. La sollicitude se devine chez Miranda, la douceur s’étale derrière cette couche d’intransigeance venue tromper des oreilles entrainées à la dénicher. Elle s’inquiète et il y trouve un réconfort désespéré. De quoi laisser les tourments l’avaler, les flots des supplices se faire extension d’une nouvelle voûte céleste. Les paupières s’alourdissent sous les tambours ravageurs. Il se dérobe à lui-même, se congédie presque dans une foule de sentiments qu’il ne parvient définitivement plus à contenir correctement. La souffrance et la tendresse s’entremêlent tissent de nouvelles émotions au fond de la pupille. Il veut vivre - malgré les désarrois et les ténèbres. Il y a quelque chose de si immuable à la mort, de si final qu’il ne s’y résout pas, pour l’instant.

La voix de l’italienne ondule autour de lui en corde salvatrice. La sirène a des accords harmonieux même dans l’urgence. Elle ne s’est jamais départie de son insolence naturelle maintenant qu’il y pense, s’est toujours drapée d’une joliesse intrépide qui la rend irrésistible à ses yeux. Il n’y a pas besoin du moindre artifice. En a-t-elle seulement nécessité ? La courbe de ses désirs a celle du trait d’eye-liner qui lui étire merveilleusement le regard. Un temps, il pense à tout envoyer en l’air, à pousser tout ces instruments et à la réclamer elle. « Tu te souviens de notre première rencontre ? » Il cille, la respiration lourde, les tempes en feu. Il n’a pas loisir de lui dire que oui, il s’en souvient. Qu’elle avait l’air d’un Botticelli, qu’il a à peine regardé les œuvres d’Art aux murs, qu’il a eu du mal à faire correctement son travail ce soir-là. Il sait ce que l’on dit de lui, à juste titre d’ailleurs. On dit qu'il est impitoyable. Et c'est vrai. Les bras ne tremblent jamais, le regard se drape en continu de fer et toujours, de l’inexorable le nimbe quand il pénètre quelque part. C’est une erreur que de le croire insensible pour autant mais il a compris depuis longtemps que la plupart des gens ne comprennent pas ce mot : impitoyable; que pour eux justement, il s’apparente à une méchanceté brutale alors qu’il n’en est rien. Il ne s’agit pas de cruauté, il s’agit de voir une ligne claire et lumineuse qui mène du premier point au dernier. De l’Alpha à l’Oméga. La ligne qui va du motif aux moyens. Le début et la fin. Il s’agit de ce trait délicat mais implacable qu’il suit avec conviction et de ne se soucier de rien d’autre que de la solution.

Il voit toujours les solutions. Et elles sont toujours plus simples et plus radicales que les gens ne veulent bien le croire. Voilà tout.

(Et bien sur, il y a toujours une exception pour confirmer les règles.

Elle n’en a pas de solutions, elle.)

Il lui jette un regard opaque teinté d’incrédulité. Ne pas apprécier Beethoven est une chose, la façon dont elle se mord l’intérieur de la joue en est une autre qui le plonge un peu plus dans des affres indicibles. Cette douleur là le distrait de l’autre et il s’y accroche avec le désespoir d’un forcené. Il lui semble qu’une accalmie se fait au sein du corps pourtant, que peu importe ce qu’elle est en train de faire, cela fonctionne. Il lutte contre l’envie mortifère de s’assoupir, fait mine de se hisser un peu plus sur le fauteuil et abandonne l’idée en voyant qu’il peut à peine se mouvoir. Il ne sent plus rien – rien que cet incendie qui le parcourt et dont il ne sait plus vraiment quelle en est l’origine. Le regard se fixe sur la silhouette diaphane qui s’éloigne. Les gestes sont des pétales de fleurs sous une brise matinale de printemps et un sourire discret vient lui fustiger les lèvres quand il entend les premières notes de l’Air de la suite n°3 en ré majeur de Bach. Les cordes l’apaisent immédiatement. Les notes le transportent avec assurance dans ces immenses prairies bavaroises où les montagnes cachent à peine le soleil les jours d’été. Le cœur s’emballe pourtant, malgré lui, malgré la musique. Un éclat de douleur indicible passe sur son visage. Il remue ses doigts tandis que le ressac du sortilège se fait moindre le long de ses membres. Les yeux se ferment puis se réouvrent pour mieux la contempler. Elle ne voit pas que les notes lui créent un manteau harmonieux fait de croches et de blanches, les noirs en souliers, les clés en parure. Les lèvres s’humidifient d'un désir cicatrisant. « Un jour… je te ferai apprécier Beethoven. » Le sourire s’esquisse, impitoyable.

Un jour. Probablement.



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Le désabusement qui pâlit son sourire lui brise un peu plus le cœur. Sa respiration, qui semble par moments devenir aussi fragile que la gorge d’une colombe, trahit combien il se fait violence pour ne pas céder aux ravages de la douleur. Elle y entend un sifflement inquiétant – et c’est précisément ce qu’elle commence à craindre : que le poignard, planté si près du cœur sans l’avoir atteint, ne l’affaiblisse malgré tout par une obscure contagion. Elle regrette de ne pas posséder le matériel nécessaire pour déterminer avec exactitude ce qui se passe à l’intérieur de lui. Tout ce dont elle est capable, c’est se représenter l’action de cet objet de malheur à partir du mécanisme complexe qu’elle a sous les yeux. L’espace d’une seconde, elle déplore également le fait que Franz soit si peu loquace au sujet du mal qui le ronge, qu’il ne lui décrive pas ce qu’il ressent avec une précision chirurgicale – celle-là même qu’il déploie lorsqu’il a le malheur de devoir débusquer un point faible ou ôter une vie ; et en même temps, elle lui sait gré de n’en rien dire, car enfin, aurait-elle été prête à entendre ces choses-là ?

La cuisante émotion qu’elle éprouve chaque fois qu’il crispe la mâchoire lui indique que non.

Il n’y a qu’un seul véritable moyen de détendre ce corps, elle le sait, pourtant elle trouve un semblant de consolation dans l’effet thérapeutique que la musique exerce peu à peu sur lui – quand bien même ce n’est qu’un expédient provisoire.

Elle enchante la fiole et le drain en laiton pour les rendre plus résistants, tout en observant d’un œil anxieux l’alourdissement de ses paupières. Il ne doit surtout pas fermer les yeux, pense-t-elle sans formuler son angoisse – et si ce n’était pas l’effet de la rêverie agréable qu’elle vient de convoquer ? Mais il revient à elle, cille en guise de réponse – « Oui, je me souviens. » semble-t-il dire –, car il n’y a nul besoin de mots, n’est-ce pas ? Elle a un léger pincement de lèvres pour réprimer le sourire insolent que son regard lui inspire, avant de se concentrer pour mener jusqu’au bout la ponction du sortilège, essence ô combien instable qui aurait pu faire éclater le verre entre ses doigts.

Il lui suffit de percevoir sa tentative de se redresser pour retrouver tout son sérieux – heureusement, son état l’en dissuade mieux qu’elle n’aurait pu le faire. Les muscles de son visage se contractent à nouveau, et son propre cœur manque un battement. Elle doute que cela soit bon signe, quand bien même il parvient à remuer les doigts : si le sortilège s’estompe, cela ne la dispense pas pour autant de terminer le désamorçage. Aussi prend-elle le temps d’envoyer un Patronus à un Médicomage dont elle sait qu’il saura se rendre disponible : une belette mutine se matérialise au bout de sa baguette, porteuse d’un message impérieux l’exhortant à venir de toute urgence.

Puis elle encapsule le goulot de la fiole afin de la rendre étanche, le temps de substituer à la magie qu’elle contient le contre-sort correspondant : « Reparifarge. »

L’instillation semble se dérouler sans accroc, mais elle craint toujours le plomb que Franz a dans les paupières. Dans un murmure, elle lui intime de rouvrir les yeux, et il y a pour elle quelque chose d’infiniment rassurant à entendre sa voix de nouveau, tout aggravée qu’elle soit par la souffrance. En considérant sa bouche, en écoutant ses paroles gorgées d’une délicieuse menace, en embrassant son sourire du bout des cils, elle sent que le sol pourrait se dérober sous ses pieds, là, tout de suite. « Je crois que c’est la chose la plus effrayante qu’on m’ait jamais dite. » susurre-t-elle avec un discret amusement, l’air d’ajouter un « Dis-m’en plus. » plein d’une curiosité morbide. Hélas, il s’agit d’être raisonnable, n’est-ce pas ?

C’est la raison pour laquelle elle ne pousse pas plus avant l’évocation du souvenir ; ce moment fatal où il lui a fait comprendre que ses lèvres sur les siennes constituaient un grave manquement à la raison et au professionnalisme ; cette seconde absurde où elle l’a vu se tendre, se défendre d’elle, et lui signifier d’un simple silence, d’un regard incisif, avec l’imperturbabilité glacée du minéral : pas pendant le travail, s'il vous plaît. Car même son mutisme est insolemment poli. Elle s’obstine à penser qu’il a dû considérablement bouleverser l’équilibre cosmique par son refus ; pour le reste, elle n’a plus rien tenté depuis. Vexée ? Peut-être, dans une certaine mesure – traduction : oui, vexée comme un hippogriffe. Sans doute aime-t-elle qu’on lui résiste, mais comme en toute chose, il faut avoir le sens de l’à-propos, et chose curieuse, elle n’a jamais trouvé pertinent que le corps puissant de Franz ne se referme pas le plus naturellement du monde sur le sien. Non, elle n’a plus rien tenté depuis : elle trouve plutôt un malin plaisir à le contempler avec la sérénité d’un chat qui considère de loin toute la bonne volonté que met sa proie à atterrir dans ses griffes. Elle le regarde approcher, lentement, inexorablement, de l’instant où il cèdera enfin, et probablement y a-t-il un peu de cruauté dans son attitude ; mais enfin, ne s’est-elle pas toujours réclamée du célèbre adage qui aime bien, châtie bien ?

Il se trouve qu’elle l’aime beaucoup.

C’est finalement avec son culot habituel qu’elle lui ordonne : « Arrête de me déconcentrer, maintenant. » En vérité, elle essaie de ne pas se laisser submerger par l’espoir. L’étape magique du désamorçage a été un succès. La partie mécanique ne devrait pas poser de problème – il lui faut « seulement » apporter les modifications nécessaires pour inverser le sens de rotation du mécanisme –, toutefois elle redoute quand même les effets que ses manipulations pourraient avoir sur le corps de Franz. Après avoir retiré la fiole et démonté le drain, puis vérifié une dernière fois le fonctionnement de la pompe à engrenages, elle remonte ses cheveux en un chignon serré d’un mouvement de baguette. « Tu es prêt ? demande-t-elle avec une détermination renouvelée. Ça risque d’être douloureux. » Tous deux ne manqueront pas de penser qu’il n’est plus à une souffrance près, mais cela n’en est pas moins un crève-cœur pour elle. Si elle en croit le mécanisme qu’elle a sous les yeux, la lame du poignard n’est pas tout à fait lisse, mais jalonnée de dents rétractiles qui se délogeront de la chair de Franz sitôt qu’elle aura modifié la machine et tourné la clé dans le sens anti-horaire. Elle risque en somme de provoquer des dégâts supplémentaires, et tout ce qu’elle peut faire, à cet égard, c’est placer tous ses espoirs dans l’arrivée imminente de leur Médicomage.

Elle inspire profondément, et lance un « Arresto Momentum. » sur l’ensemble des rouages – car elle peut, maintenant – afin de se laisser toute latitude pour intervenir dessus avec ses outils enchantés. Puis elle dépose sa baguette pour s’armer de ses brucelles et ajuster sa lunette de grossissement. C’est évidemment la partie qu’elle préfère, et les années, contre toute attente, n’ont jamais appliqué sur cet aspect de sa vie la terne patine de l’habitude – c’est même tout l’inverse. La Mécamagie lui inspire immanquablement une exaltation presque mystique : il lui semble avoir de l’amour au bout des doigts quand elle a le privilège de manipuler des pièces aussi délicates, dont la précision ne déçoit jamais pourvu qu’on y mette la rigueur nécessaire. Il y a quelque chose de l’ordre de la perfection dans les petites dents ravissantes des rouages – et celles-ci ne laissent pas de l’émouvoir : après tout, ne sont-elles pas au métal ce que la dentelle est à l’étoffe ? Oh, elle s’efforce de ne pas penser à son père ce faisant – son adorable petit papa, rectifie sa mémoire d’enfant –, de ne surtout pas se rappeler la manière infiniment tendre dont il pouvait lui décrire un mobile, un pignon ou même un simple boulon.

Non, elle se concentre, songe qu’il lui faudra absolument remplacer le catalyseur une fois ses modifications terminées. C’est que l’ennemi a poussé le sadisme jusqu’à utiliser une pierre tendre trop riche en plomb, proche de l’antimoine, dangereusement fragile et toxique en somme ; or elle craint que cela ne se répercute d’une façon ou d’une autre sur l’organisme de Franz.

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(the art of being in pain while remaining silent)
@Miranda Vayne

thème musical

Rien ne fait sens, encore moins ce qui se presse de son cœur à ses lèvres. La douleur est si forte qu’il parvient à peine à la ravaler – le sombre sortilège lui bouffe les artères, la lame lui comprime la poitrine, l’affliction affûte tout ce sang mauvais et vicié en lui.

Juste sous la surface, la violence et le karma.

Peut-être qu’il mérite son sort.

(Il n’est pire eau que celle qui dort.)

Le choc s’accumule dans les viscères, à tel point qu’il s’attend à ce qu’elle adoucisse d’une caresse l’annonce d’une mort prochaine. Le regard se trouble un instant sous l’indifférence qui affleure pour mieux se dissoudre. Il veut vivre malgré la douleur trop aiguë qui embrouille ses pensées jusqu’à n’en faire qu’un marasme sombre, épais et poisseux. C’est le même sursaut qu’il a sur les rings clandestins, la même adrénaline ténébreuse qui lui coule dans les veines glacées durant les missions périlleuses. Il a appris si tôt à se détacher de lui-même ; à être et ne pas être tout à la fois, l’équilibre précaire, l’âme en gouffres escarpés. C’est un lied que l’on joue pianissimo, les gestes feutrés, les chutes inévitables parfois aussi.

Il trébuche sur lui-même quand elle est là.

La musique recouvre à peine la voix de la sirène. Il reconnait le sortilège et inspire lentement. Autant de poignards constellant son torse que d’oxygène glissant en lui. Derrière, les notes le bercent, enchantent de leurs doigtés aériens l’apocalypse en cours. Il n’a jamais aimé le silence. Pour lui c’est une part du travail uniquement, une nécessité crasse aux plus sordides besognes. Le silence est, par essence, bien trop bruyant. C’est une cacophonie où le rien gobe le tout, où l’orchestre tout entier se retrouverait dédié à une seule et unique cavatine assassine. Autant de petits poignards invisibles venant s’écraser à ses oreilles. « Parle, Miranda… » Il y a un s’il te plait derrière qui se délite sous l’écarlate. C’est que le sang veut lui remonter la gorge maintenant, qu’il en sent tout le parfum ferreux recouvrir la trachée et l’arrière de sa langue. « Arrête de me déconcentrer, maintenant. » Elle le dit la frimousse en espièglerie fugace, des promesses de tendresse au bout des longs cils gantés de noir. Un sourire spectrale se forme en guise de réponse, si fragile qu’il semble presque invisible. Elle lui semble immaculée en cet instant, l’allure de Madone sur son visage dessiné au pinceau. Les notes déflagrent dans l’atmosphère et il peut en recouvrir aisément la sylphide, l’imagine sans peine tournoyer sous les arpèges et les variations. Il s’accroche à ça pour ne pas s’étourdir sous les cliquetis sinistres. « Je me souviens… » Il est à retardement. Le temps s’échappe. Un cercle plat qui tourne sous les volutes rouges de son supplice.

Il voit bien qu’elle a plongé dans la pègre par choix et que les robes noires aux tracés impeccables dont elle se recouvre cachent des secrets sulfureux. Il ne se voit pas y rajouter les siens. Seule, elle peut encore se sertir d’étoiles, se prêter un avenir aussi rayonnant que ne le sont ses sourires. Lui, ne ferait que déverser une encre trop lourde sur elle, un monochrome asphyxiant alors qu’elle a la couleur chaude des pays du sud et des plages méditerranéennes. Pourtant, il y pense parfois - quand il entend les opéras italiens d’Haendel par exemple, les mélodies italiennes sous les directives germaniques. Le torse se creuse sous l’écho invraisemblable, le mélange en explosion de saveurs à ses sens. Il sait pourquoi il a refusé cette fois-là, pourquoi il s’est donné l’image de celui qui ne cède pas aux beaux yeux noirs. En vérité, il lui a cédé. Le cœur et l’âme ; or il n’a pas le moindre désir de sauver ni l’un ni l’autre alors à quoi bon. Le corps serait moins compliqué sans doute et des trois c’est le plus docile mais les ligaments sont de feu et de lave et engager l’un, c’est promettre incendies et ruines aux deux autres. Il pourrait compartimenter, traiter l’affaire comme une énième mission, un autre protocole. Il y a pensé mille fois en la regardant se faire sylphide contre des bras onéreux. Les mécaniques sont inébranlables, le corps se déploie toujours avec tant de facilité sous ses exigences. Il pourrait – tout du moins si elle l’acceptait - mais lui-même s’y refuse. Le crépuscule autrichien au fond des yeux, des décennies de débâcles en naufrage programmé sur les lèvres croit-il, Franz, l’idée percluse de déviantes illusions, préfère préserver Miranda et par là même, un espoir infime que quelqu’un peut se relever malgré les éboulements de ce monde.

Il l’entend lui demander s’il est prêt. « Toujours. » La respiration s’apaise, le sang-froid revient. « Ne t’en fais pas. » Souffle-t-il. La douleur est une vieille amie. Il sait l’apprivoiser, laisser ses longs doigts lui broyer la nuque et les os. Parfois, il la recherche de lui-même, s’amuse de la revoir au détour d’un duel fiévreux. Le sortilège coule des lèvres roses d’une dulcinée éternelle et aussitôt, le néant recouvre ses sens, l’appel est trop fort maintenant, la sirène nucléaire si omniprésente qu’elle recouvre tout à la manière d’un déluge implacable. Il s’abstrait avec peine, la respiration sifflante, les sons grésillant et la gorge prête à exploser sous le poids de l’ancre présente. Le regard ocre se fige sur la voleuse. Il a toujours trouvé un charme discret à la contempler lorsque concentrée. C’est ce qui lui a plu en premier chez elle. « Tu as la même expression que devant cette serrure enchantée. » L’air s’aspire pesamment tandis qu’il guette chaque signe menaçant, chaque fêlure que son expression pourrait lui indiquer. La pupille s’arrête sur le moindre tressaillement. Il sait quand cela va faire mal parce qu’elle cille différemment. De quoi serrer les dents, de quoi accuser le coup plus facilement.



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Palate Cleanser

Il est difficile pour elle de ne pas tirer vanité de ce besoin qu’il exprime de l’entendre parler, quand il accueille d’ordinaire la majorité des interventions humaines avec une fatigue et une incrédulité d’âme lasse. Elle s’étonne aujourd’hui encore de ce que ses pépiements ne l’agacent pas, comme s’ils avaient trouvé grâce à ses oreilles en réussissant à habiter harmonieusement la partition de ses silences. Il n’est pas question de se laisser distraire cependant : son sourire frémit avec la fugacité d’une étoile trop lointaine, et elle a le sentiment qu’il lui échappe. Pourtant sa main ne doit surtout pas trembler, pas maintenant ; son cœur ne doit pas se liquéfier devant sa vaillante disposition à endurer tous les supplices, ne doit pas se briser face à l’abnégation absolue de soi qui donne à cet effarant « Ne t’en fais pas. » des accents si émouvants – et proprement irrésistibles. À mesure que la tension se cristallise derrière les lignes de son torse et que sa respiration se complique, elle se déteste d’être si longue et de ne pouvoir aller plus vite.

Malgré tout, il s’efforce de la ménager – ou peut-être est-ce la douleur qui le fait s’oublier jusqu’à laisser échapper une réflexion presque enamourée. Oh, elle sait exactement à quelle serrure enchantée il fait référence : un superbe pendule-médaillon divinatoire, trésor d’orfèvrerie magique qui renfermait, d’après celui qui en convoitait le contenu, l’une des dents de la pythonisse d’Endor. « Tu ne peux pas dire une chose pareille, Franz, murmure-t-elle dans un souffle raccourci par son intense concentration. Ce que j’ai sous les yeux n’a rien de commun avec toutes les serrures enchantées que j’ai pu crocheter. C’est… C’est… » Elle a un pincement de lèvres, cille plus longuement : « C’est encore plus terrifiant que la serrure à piège et à secret d’Emile le Tourangeau – mais clairement moins génial, il ne faut pas exagérer non plus. » Quelques secondes plus tard, elle s’empare d’un tournevis d’horloger afin d’effectuer les derniers réglages, puis reprend ses brucelles pour manipuler avec prudence la pierre qui sert de catalyseur au mécanisme. « Tourmaline rose ou noire… ? demande-t-elle en se penchant à nouveau sur sa boîte à outils. Rose, n’est-ce pas ? C’est une couleur qui te va très bien au teint – je te l’ai déjà dit, il me semble. » Oui, la tourmaline rose fera parfaitement l’affaire : plus saine, plus solide et propre à fortifier le cœur. « J’y suis presque. Reste avec moi, ne ferme pas les yeux. »

Sa main s’égare une nouvelle fois parmi ses outils, dans une recherche fébrile qui s’éternise, avant d’enfin saisir la poire soufflante dont elle a besoin pour dépoussiérer le mécanisme modifié. « Je pense que c’est bon. » Du bout de sa baguette, elle remet les engrenages en branle et constate avec une satisfaction mêlée de soulagement que ceux-ci se meuvent sans accroc.

Aussitôt, elle s’empare de la clé abandonnée plus tôt pour l’introduire délicatement dans le rotor situé au centre du pommeau ; la tourne une première fois dans le sens anti-horaire, découvrant avec un soulagement redoublé que le contre-sort se déploie immédiatement pour désengorger la jambe gauche de Franz ; une deuxième fois pour désentraver son autre jambe – il lui semble que son cœur va éclater de bonheur – puis une troisième pour achever d’assouplir son bras droit. À cet instant, elle interrompt son geste, car il lui faut encore rejoindre la branche supérieure du pentagramme ; or c’est ce qu’elle redoute le plus. « Les dents de la lame vont se rétracter. » l’avertit-elle en s’efforçant de ne pas le regarder, de peur de faiblir. Elle retient son souffle au moment de tout finir – « Maintenant. » – et tend l’oreille pour percevoir un son semblable à un déclic – puis, plus rien. Le mécanisme a tout à coup cessé d’émettre son cliquetis sinistre. Avec une infinie prudence, elle retire le porte-pièce qui maintenait le poignard en place. Hélas elle n’a pas le loisir de crier victoire, car une étrange secousse agite le buste de Franz, et le sang se met à sourdre plus franchement de sa blessure. « Franz… ? » l’appelle-t-elle d’une voix préoccupée.

Morgane soit louée, c’est l’instant que choisit le Médicomage pour se manifester enfin. Miranda bondit de son siège, retire tout son attirail et se précipite à la porte dont elle suspend les protections magiques le temps de faire entrer leur sauveur. « J’ai fait aussi vite que j’ai pu, assure-t-il en guise de salut après avoir franchi le seuil. Explique-moi pendant que je prépare mon matériel. » Elle le suit à pas pressés alors qu’il s’avance sans plus tarder vers son patient pour effectuer rapidement un premier examen, en s’attardant davantage sur l’aspect et la tonicité de ses doigts, puis sur le poignard qui lui barre le torse. « Je peux lui retirer ce truc sans que ça ne m’explose à la figure ? » Elle acquiesce fébrilement. « Oui, je l’ai désamorcé, mais je ne sais pas exactement ce qui a été sectionné. La lame est hérissée de dents rétractiles, je crains d’avoir provoqué plus de dégâts encore en inversant le mécanisme. » Elle éloigne sa boîte à outils pour qu’il puisse installer sa mallette médicale et le regarde, non sans inquiétude, s’enfermer avec Franz dans un dôme d’asepsie d’un ample mouvement circulaire de sa baguette. « Il présente tous les symptômes d’une hémorragie interne, le problème c’est qu’ils se confondent avec ceux du maléfice contenu dans le poignard, dont je ne sais pas non plus si la lame a été empoisonnée, ni si
Ni si un éclat est resté fiché à l’intérieur, l’interrompt-il avec un hochement de tête pour lui signifier de ne pas céder à l’affolement. Je vais regarder ça. Toi, par contre, je te conseille de détourner les yeux, ça ne va pas être beau à voir. »

À contrecœur, après un dernier regard vers Franz, elle obéit. La dernière chose qu’elle voit, c’est le champ chirurgical que le Médicomage déploie, et l’alourdissement des paupières tant chéries sous l’effet d’un sortilège d’endormissement – cela malgré toutes les réticences du mastodonte. Elle essaie d’ignorer le bruit que provoque la lame quittant la chair, le tintement du métal poisseux contre celui du plateau, se focalisant plutôt sur les considérations du Médicomage : « C’aurait été plus confortable dans ma clinique, mais j’imagine que j’ai connu pire comme table opératoire. Je pars du principe que tu ne tiens pas spécialement à ce fauteuil.
Tous mes meubles sont sous Impervius, répond-elle en fronçant le nez, songeant aux innombrables excès qui caractérisent ses incontournables soirées.
Magnifique. Il n’y a plus qu’à espérer que l’hémorragie ne soit pas trop importante, parce que je n’ai pas de quoi le perfuser.
L’un de tes collègues s’est occupé de lui, là-bas.
Elle a dû réprimer une grimace de dégoût.
Oui, je vois ça ; c’est ce qui va le sauver, en plus de la rapidité de ton intervention – et de mon propre talent, évidemment. Tu sais à quand remonte la blessure ?
Moins de trois heures, je dirais.
Bon. Débarrasse-moi de ce truc, tu veux. »

D’un autre coup de baguette, il fait sortir le plateau du dôme d’asepsie pour que Miranda puisse le récupérer. Elle déglutit difficilement en observant le poignard maculé de sang – celui de son Franz –, sent le coin de ses yeux blanchir avant de secouer la tête pour se ressaisir. Elle l’emporte dans une autre pièce pour le faire disparaître à l’intérieur d’une des nombreuses caches que son loft contient – car elle se souvient du regard, fasciné malgré lui, qu’il a posé dessus un peu plus tôt, et il est hors de question de lui permettre de refermer la main dessus.

Elle revient auprès du Médicomage après avoir bu un grand verre d’eau, s’interdisant toujours d’observer la progression de l’opération. « Donne-moi une bonne nouvelle, s’il te plaît.
La lame était bel et bien empoisonnée.
Elle blêmit sensiblement.
Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans bonne nouvelle, au juste ?
Un sortilège de purification sanguine devrait suffire. »

Ses lèvres remuent en un remerciement muet.

Puis un long moment s’écoule, qui lui paraît interminable – combien ? une heure peut-être ? Elle ne s’entend pas soupirer à fendre les pierres, ne se voit pas tricoter avec ses doigts ni faire les cent pas, en dépit de l’agacement de plus en plus ostensible du Médicomage qui lui intime de se détendre. « J’ai réussi à réparer les nerfs sectionnés, finit-il par annoncer. Il a eu de la chance que son adversaire ne soit pas meilleur viseur – ou alors il tenait absolument à le voir mourir à petit feu. » Il perçoit le frisson d’effroi de Miranda mais ne semble pas s’en émouvoir. « Il va avoir très soif et risque d’éprouver une gêne respiratoire pendant quelques jours, au pire quelques semaines, mais la guérison devrait se faire sans séquelles s’il se repose comme il se doit. C’est peut-être une bonne occasion pour lui de réfléchir à ses activités, hm ?
Ne lui dis surtout pas ça à son réveil. » rétorque-t-elle en levant les yeux au plafond.

Le Médicomage sourit, mi-moqueur, mi-bienveillant, avant d'indiquer qu'il ne lui reste plus qu'à procéder à la ponction. Elle poursuit encore une fois les minutes de ses infatigables piétinements, incapable de s'occuper autrement qu'en exhalant son inquiétude à travers chacun des pores de sa peau. Malgré le dôme d'asepsie, elle perçoit l'odeur organique, intensément ferreuse qui a envahi son salon, et cela suffit à lui serrer le cœur.

Elle ne respire pleinement qu'au moment où Franz est enfin extirpé de son sommeil, tout en douceur, le torse sabré d'une nouvelle cicatrice.

« Bon retour parmi les vivants, monsieur Biederman – permettez-moi de prendre votre regard je-vais-vous-bouffer-tout-cru pour un merci. Ah ! Et je laisse à Miranda le soin de vous exhorter au repos et à la raison. »

Le Médicomage rassemble son matériel avec diligence et, après avoir tout nettoyé autour de lui, décline d’un geste l’initiative de Miranda qui s’apprêtait à s’enquérir de son paiement. « J’aurai besoin d’un service, cette fois. » Il désigne Franz du regard. « Je le réexaminerai dans une semaine pour être sûr que tout va bien. Pourquoi ne pas en parler à ce moment-là ? »

Elle hoche la tête avec un regard entendu, puis le raccompagne en le couvrant de remerciements chaleureux.

Une fois la porte refermée, les protections magiques rétablies, elle s’aperçoit combien elle est fébrile.

Elle croise le regard de Franz, inspire profondément.

Ce n’est qu’en le voyant intact qu’elle comprend enfin à quel point elle a eu peur.

Ce n’est qu’en le voyant sain et sauf qu’elle peut enfin laisser refluer la colère.

« J’ai dû perdre dix ans d’espérance de vie par ta faute, lui reproche-t-elle soudainement d’une voix blanche. Heureusement que je n’ai pas l’intention de faire de vieux os. » C’est dit avec l'âpreté élégiaque des mères méditerranéennes qui feignent de se réjouir de leur mort prochaine, l’air de vouloir épargner à leur entourage le fardeau que représenterait selon elle leur douloureuse existence. Et comme il prétend se lever, elle a un claquement de langue courroucé, le rejoint en quelques foulées pour l’en dissuader d’une main ferme sur son épaule.

Elle aurait aimé pouvoir lui opposer encore un peu de cette colère glacée motivée par une légitime et sincère frayeur ; mais comment s’y résoudre, maintenant qu’il la regarde sans lui donner l’impression de n’être qu’une fenêtre sur les limbes, maintenant qu’il peut de nouveau se mouvoir sans risquer de se disloquer, maintenant qu’il respire sans qu’un filet vermeil n’affleure ses lèvres ?

Elle doit ciller à plusieurs reprises pour maîtriser la mouillure de ses yeux, provoquée par la fumée âcre d’une trop grande émotion qui prend sa gorge en étau.

Sa main se referme un peu plus fort autour de son épaule. Elle l’attire doucement à elle, tout en se glissant dans l’écrin de ses jambes pour mieux le prendre contre son cœur, une joue toujours inquiète contre le sommet de son crâne, une main caressant dans un geste à la fois pensif et rassuré l’endroit de sa nuque, tendre et chaud, où commence la dentelure de ses cheveux. « Tu vas vraiment m’obliger à être cette femme-là, Franz… ? murmure-t-elle en fermant un instant les yeux, la poitrine agitée d’un soubresaut qui menace de se transformer en sanglot alors qu’elle respire son odeur, qu’elle s’imprègne de sa chaleur retrouvée avec l’amoureuse discrétion d’une anémone. Celle qui s’inquiète trop, la trouble-fête, la rabat-joie ; en somme l’ennuyeuse qui finira par se sentir obligée de se montrer plus raisonnable que toi – tu imagines ? – en te rappelant qu’il n’est pas nécessaire de descendre si fréquemment dans l’arène et de risquer si stupidement ta précieuse vie… » Elle relève la tête, rouvre les yeux à retardement, comme légèrement étourdie. D’une main caressante, elle soulève son menton pour le regarder au fond des yeux, les paupières ourlées de gravité. « Tu vas vraiment me faire cette offense ? »

Alors, avec toute la bouderie du monde, elle vient déposer un baiser contre chacune de ses pommettes, l’air de dire « Tiens, prends donc ça. » puis sur le méplat de son front, « Et ça. » enfin sur le bout de son nez, « Et encore ça. », avant de se détacher de lui d’un mouvement plein d’intransigeance, qui n’a pas l’intention de se laisser retenir. « On m’attend, déclare-t-elle péremptoirement en consultant l’heure. Je vais me refaire une beauté, puisque je ne dois plus ressembler à rien avec toutes tes bêtises. Tu vas rester ici le temps de te remettre complètement sur pied, d’accord ? De toute façon, tu n’as pas le choix. Je passerai chez toi pour prendre les affaires dont tu pourrais avoir besoin – et elle ajoute, sans chercher à museler la chipie qui a toujours sommeillé en elle, avec une cruauté tout enfantine qu’elle se reprochera peut-être plus tard –, Oswald en a bien laissé quelques-unes dans l’armoire de la chambre d’ami, mais je doute que tu acceptes de les porter. » Elle aurait tout aussi bien pu dire : « Ça t’apprendra à te faire tant aimer de moi. » Son regard s’adoucit fugitivement, pourtant, échouant à dissimuler son angoisse – et le fait qu’elle a terriblement envie de lui : « Tu promets de te reposer, Franz… ? Promets-le-moi. » Elle craint d’avoir senti son menton trembler un peu. « S’il te plaît. »

Spoiler:

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