Thunder (Yara)

S’arrachant de lui en y laissant un morceau de son haut entre sa main, Yara s'était relevée en mettant entre eux cette distance qu’ils auraient du garder depuis longtemps, respectant scrupuleusement cette promesse qu’ils s'étaient faite d’avoir toujours un œil sur l’autre sans avoir besoin de se revoir. Et bien des années plus tard, il comprenait enfin pourquoi.

Son corps entier parlait à sa place. Son regard, son dos, sa posture qui tentait de rester digne face à ce qu’il avait touché, comme un point sensible, le plus sensible de tous. Il s'était redressé sans pour autant chercher à la retenir alors que la position de défense qu’elle adoptait était légitime et bien qu’elle lui murmurait que ce n'était que le passé, Glenn sentait encore sa chair à vif entre sa main, comme s’il voyait ce lycan lui tailler le dos et lui enlever tous les reflets ardents que le soleil lui aurait apporté sur une autre terre que celle où elle avait trouvé refuge.

”Non.”

Ce n'était pas son passé et il ne partirait pas. Il s'était levé, alors qu’elle lui intimait avec véhémence de partir alors qu’il venait à peine d’effleurer les raisons qui l’avait conduit à vouer une haine incommensurable envers eux. Envers lui. Depuis le premier jour, elle l’avait présumé responsable de ce qui lui était arrivé alors qu’il s'évertuait à lui dire qu’il n'était pas celui qu’elle cherchait, ni même celui qu’elle croyait. Dans une incohérence improbable, ils s'étaient pourtant côtoyé, loin de s’apprécier, prenant chacun son chemin et se recroiser en cours de route.

Laissant tomber le morceau de tissus sur le lit, il avait déjà fait un pas vers elle, cherchant à voir plus que tout ce qu’elle faisait pour le repousser, quitte à l’appâter avec une baguette dont il ne se servait si peu. Il savait qu’il la poussait dans ses retranchements à chaque fois qu’il se rapprochait d’elle, alors qu’elle feulait comme un animal blessé et qui ne voulait qu’on le voit ainsi. L'égo, la fierté, cette dignité qu’un Alpha aurait pu avoir si c'était senti mis à nu, voilà ce qu’elle exprimait dans un seul regard.

Glenn aurait aimé se dire qu’il aurait préféré ne jamais la toucher. Par son attitude, il se sentait légèrement meurtri, sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce qu’elle refusait de lui prendre cette main qu’il lui tendait, se cloitrant dans une vie qu’elle avait choisi par dépit alors qu’elle s'était peut-être destiné à une autre vie avant de croiser la route de ce lycan. Refusant de le voir tel qu’il était, elle ne souhaitait pas de sa présence, pas ainsi, préférant le voir mort ou même mourir elle-même plutôt que d’accepter qu’il en découvre plus. Et ce fut probablement cette pensée qui l’arrêta dans ses mouvements.

Il s'était toujours dit qu’il ne lui ferait pas de mal et il venait probablement d’en faire. Pourtant s’il l'écoutait, en partant par cette fenêtre, il la laisserait de nouveau seul dans cette certitude qu’on ne pouvait faire confiance aux loups. Parce qu’ils s’insinuaient dans des vies pour tout prendre et repartir des espérances arrachées.

Par respect, il détourna son regard de la jeune femme, certainement également par dépit ou lui donner du répit. Elle n'était pas prête à voir quelqu’un dans son angle mort et pourtant Glenn avait outrepassé toutes les règles qu’on imposait socialement pour briser une autre confiance, celle qu’un inconnu aurait du s’abstenir d’avoir. Parce que c'était ce qu’ils étaient au fond, ils ne se connaissaient pas. Quinze ans plus tard, c'était probablement mieux ainsi, même si elle savait qu’il était porteur du gène, même s’il savait qu’elle l'était aussi à un autre degrés.

”On ne se reverra plus.”

Il en avait froncé les sourcils, sans la regarder. Le ton aurait pu être lancé comme une menace, comme s’il lui interdisait de venir au domaine pour récupérer sa photo. Il lui aurait interdit d’approcher quiconque de sa famille parce qu’il ignorait ce qu’il lui ferait s’il sentait qu’elle se rapprochait de son domaine ou de ses proches. “Qu’on ne se revoit plus.” aurait été alors plus logique à proférer pour la tenir au loin mais c'était des mots qu’il avait dressé pour ne plus la revoir qu’il avait préféré dire,  pas dans ces conditions où elle se braquait.

Posant sa main sur la copie de son pull, il y avait pourtant cette infime partie de lui, encore résistante, qui préférait rester. Désarmé, sans la volonté d’aller à l’encontre de ce qu’elle lui disait et faisait comprendre, Glenn aurait clairement du prendre la première porte de sortie qu’elle lui offrait. Il l’avait gardé à l’œil tout ce temps, sans jamais l’approcher et la seule fois où il l’avait vu, il avait juste été capable de mettre en péril ce que son père et son père avant lui s'était juré de garder secret au sein des Yard.

”Crois moi, j’ai aucun intérêt à te recroiser comme ça Yara.”

Il préférait encore croire qu’elle n’y trouverait aucun intérêt non plus à cet instant. Peut-être parce qu’il allait repartir avec une partie de son passé en la laissant pleinement consciente qu'à présent, il savait ce qui lui avait été arraché cette nuit là. Tel un accord tacite établissant qu’aucun d’eux n’acterait ce qui venait de se passer.

”Le petit, il avait été mordu par un membre de la Meute. Je l’ai remonté proche de Flagley-le-Haut l’an dernier.”

La dirigeait-il ailleurs pour oublier cet instant ou tentait-il de lui passer un autre message? Sans pour autant se dédouaner de ce qu’il avait fait à l’enfant alors que son innocence avait déjà été arraché par un lycan, il avait tenté de comprendre en amont d’où était venu la menace sans avoir pris le risque de rentrer dans un territoire qui n'était pas le sien à l'époque. Retrouver le lycan n’aurait rien changé à la condition du petit qu’il avait tenté de prendre sous son aile, @Haruka Yard s’y étant même attachée et à qui il devrait bien plus que des explications à présent.

Levant le regard vers elle, il lui tendait un petit quelque chose qu’elle ne saurait refusé de sa part, surtout lorsque la Meute mettait en péril leur sécurité. Celle des sorciers et celle des familles de lycan comme eux, qui n’avaient rien à voir avec leur agissement. Il lui donnait la possibilité d’aller plus loin, de retrouver la source de ceux qui mordait depuis des années des sorciers innocents qui finissaient par ne plus maitriser ce qu’ils devenaient.

La fenêtre ouverte laissa apparaitre l'éclair qui fendit bruyamment le ciel, alors que le lycan venait d’apparaitre sous ses yeux, le poil blanc bien plus majestueux que dans la forêt, silencieusement. Stoïque, il s’imprégnait du parfum de la pièce avec la sensation qu’il devait lui montrer qui il était et s’assurer qu’elle avait pleinement conscience de laisser partir un loup en vie, de son propre toit. Il ne lui avait adressé qu’un seul regard avant de sauter par dessus la fenêtre, la pluie battante cachant ses traces pour le reste de la nuit. Tu sais où me trouver. Malgré lui.