Sandmann (Aram)

Conquis par la seule vision d’une bière ouverte sous ses yeux, l’inconnu sembla vouloir obtempérer avant d'être soudainement bien plus souple qu’elle ne l’aurait pensé. Entre un sourire charmeur et des yeux pétillants, Jade plissa légèrement le regard, stoppant ses gestes assez nettement pour évaluer la situation. Si elle avait réussi à virer un de ses employés parce qu’il était bien trop avenant avec la gente féminine du département, il ne faisait nul doute que la sorcière était aux aguets. Mais il y avait quelque chose de bien plus innocent et frais chez le jeune homme qui persistait à ne pas lui dévoiler son prénom, à l’oral ou à l'écrit.

Prenant la plume tendue non sans esquisser un sourire, Jade eut une légère moue à l’idée de devoir lui inventer un prénom de toute pièce. Mais après tout, l’adoption d’un nifleur ne nécessitait pas réellement une pièce d’identité, seule l’expérience prouvant que l’adoptant était apte à pouvoir prendre soin de la créature était suffisant et Jade se chargerait amplement de remplir ces lignes-là à sa place lorsqu’elle rentrerait au Ministère de la Magie.

”Sem, si cela vous va.” Avant de lui imposer un nom et un prénom qui n'était pas le sien, Jade leva les yeux sur lui afin de confirmer que la consonnance était correct. Elle y voyait une douceur et un certain romantisme caché derrière l’envie de liberté sans attache immédiate. Elle laissa de coté cette étrange requête concernant un éventuel mari, bien que l'évocation d’un monsieur Weimer ne lui rappela que son père. Mais entre la demande d'être marraine direct et celle d’un engagement des plus surprenants, Jade se mit à sourire, complétant rapidement les premières questions avant de croiser les jambes sous la table.

”Si je vous réponds oui, on fait ça tout de suite?” Oscillant la plume enter ses doigts, elle hocha doucement la tête, touchée dans un sens de pouvoir être marraine d’une créature magique. Cependant, elle doutait fortement avoir une plus longue durée de vie que l’inconnu qui avait fait le choix d’adopter le nifleur malgré une vie où sa roulotte ne se posait jamais longuement sur un terrain. C'était forcément @Pompeia Xu qui serait contente d’accueillir un Niffleur mais elle ne pouvait penser qu'à d’autres collaborateurs et amis qui seraient forcément ravit de pouvoir prendre soin de ce petit compagnie de vie. Pensant à @Dawn Nightingale ou même @Nyx Lawrence qui pourrait en prendre bien plus soin qu’elle à l’heure actuelle, elle accepta néanmoins d'être la garantie en signant à son nom.

”Mais je ne suis pas sure que Monsieur Weimer vous aille bien, j’aurais préféré avoir votre nom.” Continuant d'écrire, elle précisa néanmoins pour éviter tous malentendu rapidement. ”Seulement à titre indicatif, n’ayez crainte, n’allez pas vous enfuir au dos du premier Sombral venu. Mais Tâlhar sera entre de bonnes mains s’il se passe quoi que ce soit.” D’un ton assuré, Jade avait posé son regard vers la créature qui ne brulait clairement pas de passion pour elle. Si Jade s'évertuait à apporter une image positive de sa nature, il était certain que les créatures magiques avaient leur propre ressenti concernant l’espèce qu’elle était.

”Avant d’apposer un nom au hasard, pour avoir ma conscience tranquille, seriez-vous d’accord pour me dire le votre? Après tout, vous connaissez le tien, ça ne serait qu’un simple échange de bon principe.”

Observant le large sourire du, à présent, dénommé Sem, Jade eut un léger sourire avant de poursuivre son écriture dans le parchemin d’adoption. Elle ne pouvait que se sentir flatté de voir que le tzigane lui faisait du charme, à sa manière, bien qu’elle ne doutait pas qu’il fût doté d’une éloquence pour pouvoir amadouer n’importe quel sorcier ou moldu croisant son chemin. Pourtant, Jade, conforme et toujours très professionnelle comme à son habitude, ne rentra pas dans son jeu, sachant pertinemment qu’il serait le premier perdant de l’histoire.

Pourtant, ce fut sans surprise qu’elle vit ses réserves, concernant sa question sur sa réelle identité, ressurgir sous ses yeux, Sem lui montrant à quel point il lui était bien plus facile d’attirer la confiance des autres, mais pas de la donner en retour. Elle eut un sourire face à un Sam Weimer aussi éphémère que l’existence humaine qu’elle avait dans ce monde et sans terminer sa rédaction concernant les termes du contrat légal, elle croisa les bras en s’appuyant légèrement sur la table. Si Sem reculait, elle avançait, comprenant totalement le bien-fondé de la confiance qu’elle n’aurait jamais. Même sous son statut de juge au Magenmagot, elle ne faisait pas l’unanimité pour s'être rangée vindicativement sous les idéaux du président Soninké, restant ainsi pendant plus de dix ans une des membres représentant l’opposition aux Dunns. En s’alliant sous les ailes d’un des départements du Ministère à présent, c'était lui demander ses éternelles justifications qu’elle devait apporter, comme un porte-parole vitrine d’un gouvernement ne cherchant qu'à voir en elle, l’exemple typique de l’hybride à qui on ne ferait rien.

”Pourquoi commencez-vous à vous en faire pour ma position?”

Elle en eut un sourire avant de profiter du soleil levant pour s’adosser de nouveau sur le siège de fortune. Loin du Ministère, en plein milieu d’une plaine désertée, elle était seule face à Sem, un inconnu qu’elle n’avait peut-être pas envie d’oublier. Parmi de nombreux souvenirs qui s'émietteront dans quelques années, elle avait envie de les acter en bonne et due forme.

”Vous savez très bien que le Ministre Dunn a bien plus à faire que de se préoccuper d’un Niffleur disparu depuis quelques mois. ” Après tout, il avait bien trop à faire que de rassembler les chasseurs pour traquer les premiers hybrides qui ne s’y pointaient pas ce mois-ci.”C’est à titre personnel que je vous le demande.” Sous-entendait-elle qu’elle garderait cette information confidentielle parce qu’elle se garderait volontairement de divulguer l’identité d’un homme qui a privilégié le bien-être d’une créature magique et de lui avoir donner une chance directe d'être adopté sans passer par plusieurs environnements avant une adoption? Oui. Même si dans la forme, rien n'était correcte, le fond était bon à ses yeux et c'était suffisant.

De toute sa carrière, elle avait pris l’habitude de ne pas baser sa confiance sur les mots, mais sur les actes. Bien des inculpés ont tenté de faire culpabiliser les jurys du Magenmagot avec les célèbres “je ne recommencerais plus.” et les “je regrette tellement” afin d'écouter des peines capitales. C'était probablement ainsi que son sens de la justice pouvait être sévère, comme bien d’autres, ne se basant que sur les faits et passant l’honnêteté avant tout.

”Vous n’avez pas idée des sacrifices qu’on peut faire.” commença-t-elle doucement. ”Et qu’on sera toujours amené faire pour protéger les autres.” Si elle était passée du Magenmagot au département des Créatures magiques, c'était parce qu’elle pouvait avoir un œil et un contrôle bien plus direct sur les tenants et les aboutissants. Si Dunn préférait mettre tous le budget dans le service de régulation des hybrides en créant de nouveaux bureaux pour mieux appréhender la diversité, Jade concentrait tous ses efforts dans les autres départements, lésés jusque-là. Mais laisser une trace dans le monde professionnel passait également par le sacrifice d’une vie personnelle, plus éphémère, moins portée sur l’attachement. S’il avait été simple d’appréhender cet aspect dans sa jeunesse, la fougue posée entièrement sur les codes civils et pénaux, plus elle prenait des rides, et plus elle voyait tous ces petits détails qu’elle n’aurait le temps de découvrir.

”Ne vous en faites pas pour moi, je suis une grande fille.” Elle eut un sourire, déportant l’inquiétude qu’il avait pour elle qui était tout à fait inutile. ”Mais soit, laissons ce beau Sem Weimer rester dans une autre vie.”

Semblant presque toucher la corde sensible alors qu’elle le prenait de court avec une seule question, elle sentit son regard briller vers elle, ce qui la fit légèrement sourire. Il n'était pas rare qu’on la regarde autrement à partir du moment où les rumeurs courant sur sa véritable nature parvenait aux oreilles des autres mais chez ce sorcier, il y avait de l’amusement. Un petit quelque chose qu’elle n’avait pas réellement prévu de rencontrer en s’envolant depuis le village voisin.

Et son lancé de dé lui prouva à quel point le destin pouvait être malléable de temps en temps, même si la fin était la même, il y avait toujours mieux de laisser échapper un rire sur le chemin. Hochant la tête devant la fierté non dissimulée du Tzigane qui lui révéla en grande forme qu’il appartenait à la famille Romanez, Jade ne put s’empêcher de le saluer avec bien plus de respect. Pourtant, elle fut surprise par le geste qu’il eut à son encontre, un baise main bien trop pompeux à son goût et qu’elle trouvait particulièrement décalé devant cette roulotte et une bière à la main. Mais que pouvait-on attendre d’un Romanez, héritier de la branche Arménienne du Congré Tzigane. Il aurait été indécent de ne pas savoir que leur famille cherchait à établir plus de démocratie et représenté au mieux, un peuple nomade et sans frontière.

Alors qu’Aram poussait le vice en se jouant encore de la pièce, Talhâr sembla saisir sa chance et garder pour lui les réponses que Jade aurait peut-être pu donner.

”Aram de Sevan, fils de Mihaela et héritier de l’endaja Romanez, vous savez parfaitement qu’on ne provoque pas la chance deux fois.”

Loin de penser ou de croire qu’il aurait pu la duper par un facteur chance pour autant, elle reposa sa bière à table, croisant les bras avant de laisser échapper quelques indices.

”Jade Weimer, fille de Mei Yì, troisième petite fille du chef des villages des dragons.”

Un titre qui n’avait pas le prestige d’arriver jusqu’en Occident. Mais le souffre avait déjà du la suivre lorsqu’elle s'était posée, il était bien inutile également de cacher ses petites écailles qui parcouraient sa nuque de temps à autre. Et si elle était capable de lui avouer à demi-mot sa forme naturelle, elle se joua d’Aram sur tout le reste.

”Ca ne serait pas drôle si je comptais le temps.” Elle eut un sourire bien plus malicieux avant d’enchainer le plus humblement possible. On lui demandait bien trop souvent ces dernières volontés comme si la mort l’attendait de l’autre coté et pourtant, elle avait vivre une tout autre vie. ”Mais s’il vous restait que quelques jours, que feriez-vous Monsieur Romanez?”

Surprise de ne pas voir débarquer le petit nifleur au moment même où elle lui donna un indice sur la forme naturelle qu'elle dissimulait derrière sa peau humaine, elle vit le regard d'Aram briller soudainement d'un éclat perceptible sans trop en connaître une autre véritable raison qu'une curiosité satisfaite. Répétant son nom comme pour s'en souvenir à son tour, Jade échangea un sourire aux allures intemporelles, loin d'une convenance qu'on attendrait d'une directrice qui s'était déployé hors du ministère pour s'occuper personnellement d'un dossier d'adoption dans les règles.

Mais la capsule de la bière tournait encore entre ses doigts sur cette table, rendant cette rencontre inattendue comme attendue également. Elle n'avait demandé qu'un instant à elle pour s'échapper de l'administration pour s'oublier un instant et profiter de l'air britannique, loin des villes et citoyens lambda. Non, elle avait fini par se retrouver à cette table, presque un peu éloignée d'une civilisation et discutant des journées comme des dernières. Avec elle présentement, il pouvait se contenter d'être heureux d'avoir exister et vécu ce qu'il avait à vivre sans regret, ni remord.

Notant le changement de proximité qu'il lui accordait en l'appelant par son prénom et lui posant une question qui aurait été indiscrète en d'autres circonstances, Aram lui confia être pris d'une destinée dépassant son propre entendement, résonnant comme un étrange écho dans la quête qu'elle menait sur terre avant que le vent ne l'emporte. Aram n'avait aucune terre, Jade n'avait aucun ciel. Elle l'observa longuement, sans répondre immédiatement, quelques mots s'imprimant dans une mémoire qui était légèrement défaillante par moment. Mais encore sous forme humaine, elle conservait son intégrité et sa logique.

”Je serais donc une des meilleures qui t'entourerait.”

Talhâr leva probablement le menton vers son maître, quelque peu indigné de ne pas être le centre de toute l'attention à présent et Jade ne quittait pas des yeux cet homme qui semblait la considérer autrement maintenant qu'il avait compris qu'elle pourrait brûler une grande partie de ce terrain si on l'a chatouillait.

”Que se passera t-il pour toi, une fois cette tâche terminée ?”

Détournant sa question, elle avait parfaitement conscience d'être tombée dans la curiosité qui pouvait la mener par le bout du nez. Si elle se destinait à laisser une empreinte sur terre, elle ne saurait louper l'occasion qu'elle flairait doucement, continuant de jouer de la capsule métallique entre ses doigts. C'était ainsi qu'elle occupait ses journnes et ses nuits, à aider son prochain et les créatures magiques avec toute la force qu'il lui soit donné.

”Est-ce que tu attends quelque chose de moi, afin de partir l'esprit libre?”

Haussant les sourcils devant Talhâr qui était bien faire d'être le préféré d’Aram, elle ne put se retenir de sourire avant de secouer la tête, imitant son hôte alors qu’il contait une légende traditionnelle comme elle n’en avait que rarement entendu. Nomades et défendant leur branche territoriale par des familles qui cherchaient à conquérir des terres perdues ou même des nouvelles, elle fut surprise par une prophétie qu’il était rare d’entendre. Les dragons n’amenaient souvent que destruction, souvent réduit en captivité ou à l’esclavage comme il avait été le cas à Gringotts avant qu’elle n’arrive. Mais de là à donner un nouvel espoir à un peuple autre que le sien au village des Dragons, c'était une histoire qui apportait un certaine réconfort, quelque part. Alors lorsqu’Aram lui apprit qu’il ne faisait pas parti de ce mouvement, elle n’en fut nullement surprise, le personnage semblant tracer sa propre route à travers des petits bonheurs éphémères qui construisaient son quotidien.

Pointant alors le doigt sur le fait de ne savoir ce qui se passera après le passage du dit dragon, Aram semblait évoluer dans une alternative douce et sans lendemain pour marquer un temps d’arrêt dans sa vie. Lui espérant ainsi n'être jamais celui qui allait lui gâcher un avenir construit sans qu’un prophétie ne soit un fil conducteur, Jade s’interrogea doucement sur les possibilités dont il se privait.

”Qui te dit qu’une prophétie n’en amènera pas une autre?” Basculant sa tête sur le coté, elle devinait à peine la menace qu’elle pourrait constituer un jour si elle devenait son pire cauchemar, une éventualité dont elle ne se souviendrait plus un jour. Ne sachant promettre quoi que ce soit par ces mêmes raisons, elle ne tenta pas de le rassurer sur la destinée chaleureuse et bienheureuse dont il jouissait. ”Tu es le seul à penser ainsi?” A la lumière d’une roulotte vide, avec pour compagnon unique et légendaire, Jade se demanda un instant s’il était heureux d’un état d’esprit bien très indépendant pour que quiconque n’arrive à le suivre. Elle comprenait néanmoins à présent un peu plus le train de vie, plus portée sur l’improvisation malgré des directives qui devait être clair pour l'éminent membres des Romanez.

”Je serais certaine que tu ne feras rien pour l’empêcher si ça peut permettre d'être une terre promise pour d’autres créatures légendaires …” La main sur le goulot de la bière, le regard de Jade s'était légère perdue alors qu’elle voyait dans cette prophétie une manière d’offrir un droit pour un peu digne et pour un ensemble d’autres créatures magiques. Les prophéties avaient toujours été mal vue en occident tandis que dans des pays où la transcendance de l'âme était capitale, elle était certaine que les légendes avaient une multitude de facette qu’il suffisait d’ordonner avec le temps. Était-ce une manière de voir qu’il fallait éradiquer le mal par le feu afin de poser une base sereine pour l’avenir? Levant son regard vers Aram, elle eut un léger sourire. Elle ne voyait pas un monsieur Weimer parce qu’elle avait ce même besoin d’avoir une vie colorée, sans une ombre au tableau qui l’attendrait au sol le jour où elle s’envolerait.

”Qui sait, peut-être que c’est une Madame Romanez qui t’attendra sur ses terres.”