Hierba Mala (2)

Un sourire vint effleurer ses lèvres de canaille lorsque Siobhán comprit que lui aussi avait été un fier Serpentard. Saúl ne lui répondit pas sinon par un clin d'œil amusé. Pas besoin de s'y attarder pendant des heures. Sa présence au château n'était pas forcément bienvenue malgré la levée des surveillances à l'égard des hybrides. Le mexicain se retourna vers le tableau, continuant de pousser la réflexion autant chez lui que chez elle.

À sa proposition, il avait répondu avec enthousiasme, lui proposant d'aller à la rencontre de Wenlock. Ce à quoi Siobhán répondit positivement avant de disparaître dans le couloir.


Saúl resta quelques instants sans bouger sous son sortilège de Désillusion. Les yeux rivés sur la peinture, il tentait de trouver dans le cadre des différences avec celui qu'il avait croisé dans le bureau de l'Enchanteresse. L'ouvrage était le même. Il n'y avait rien qui avait été laissé au hasard. Lui qui n'était pas spécialement attentif à l'art sous toutes ses formes (sinon la musique), il se surprit à la trouver magnifique. Le souci du détail faisait tout. Les cimes des arbres caressant paisiblement la voûte céleste, inlassablement, comme s'il s'agissait de leur raison de vivre.

Siobhán finit par revenir. Elle n'attendit pas qu'il murmure le contre-sort du desillusio pour tout lui raconter avec enthousiasme. Saúl réapparut doucement, le visage tendu par la concentration comme s'il essayait de ne pas perdre une miette de ce qu'elle lui racontait.

Les propos de @Jade Weimer lui revinrent en tête alors que Siobhán lui expliquait que seul un des élèves de Gryffondor était repassé quelques instants plus tard. La théorie de Jade était donc plus que plausible à moins ce qu'ils ne prirent un autre chemin...

Non, Siobhán avait raison. Il n'y avait rien par ce côté-ci de l'étage. Jade avait vu juste. Mais alors... Comment l'ouvrir ? Est-ce que les deux tableaux menaient au même endroit ? Fonctionnaient-ils comme les Armoires à disparaître ? Existait-il d'autres tableaux du genre ?

Se grattouillant la barbe de quelques jours qu'il arborait avec classe, Saúl n'arrivait pas à se détacher de cette peinture. Aussi, il tenta quelques instants de la déloger du mur, mais contrairement au bureau de l'Enchanteresse, celle-ci ne bougea pas d'un pouce.

« - Tu as parlé d'une aura lumineuse, hein ? »

Saúl jeta un bref regard vers les torches pour le moment éteint avant de jeter un bref coup d'œil par la fenêtre. La lune peut-être ? Après tout, dans ce qu'elle venait de lui dire, c'était en pleine nuit que Wenlock les avait vu passer.

« - Je... Elle t'a dit si ça lui semblait magique ? Si elle a entendu une incantation ? Ou peut-être une lueur semblable à quelque chose de plus commun ? Une lampe à huile ? »

Le mexicain sortit sa baguette magique. Il fallait bien commencer quelque part et...

Saúl se tourna vers Siobhán, puis il recula pour lui laisser la place devant le tableau.

« - Après vous, mademoiselle. » Fit-il, d'un air espiègle, dans un français qu'un Français aurait eu probablement du mal à comprendre au vu de son accent à couper au couteau.

La lumière émanant de la baguette magique de Siobhán activa aussitôt quelque chose sur le tableau. Ce dernier s'anima, approchant sa vue du sentier qui se dessinait devant eux pour leur permettre alors de le prendre à leur tour. Saúl sentait la fraîcheur de la nuit émaner du tableau ainsi que les bruits nocturnes d'une forêt endormie. Médusé par cette magique qu'il captiva son attention, il hocha vivement de la tête à la question muette de la jolie Serpentard. Bien sûr qu'ils allaient voir tous les deux ce qui se cachait dans ce tableau.

C'était en posant son pied dans la terre de la forêt que le mexicain sut qu'il n'était pas dans un plan magique que le tableau aurait pu générer, mais bien dans quelque chose de réel. Fronçant les sourcils alors qu'il observait l'endroit dans lequel ils venaient de surgir, il remarqua l'arche qui conserva le chemin vers le sixième étage de Poudlard quelques instants. Au centre de la clairière, il y avait une espèce de plateforme qui attira très rapidement son regard.

Siobhán semblait être la providence même. Elle était la pièce qu'il leur manquait. Écoutant attentivement ce qu'elle lui disait pour ne rien omettre lorsqu'il contacterait @Jade Weimer et @Noma Karma, le mexicain sembla abasourdi par ces révélations. Bouche entrouverte, regard perdu quelque part sur l'anatomie de la Serpentard qu'il ne voyait pas, ses pensées semblaient être la seule chose à laquelle Saúl semblait interagir. Et encore, il avait plutôt cette impression d'être emporté par un flux étrange et nébuleux ne lui donnant que peu de prise sur la réalité qui l'entourait.

« - Merlin. » Répéta Saúl, quelques secondes après que Siobhán ait prononcé son nom.

« - Tu... C'était vous alors ? Dans la Gazette du sorcier ? La découverte du tombeau ? »

Peu à peu, il réintégrait la réalité, se défaisant de ses pensées pour réintégrer son propre corps dans cet environnement ésotérique ô possible.

« - Y avait qui ? Edel ? Les autres, c'était qui ? »

Saúl s'approcha machinalement de la plateforme vers laquelle il s'agenouilla presque. Mains jointes à quelques centimètres de la pierre, il l'observait en détail, cherchant une signification à tout ceci, comme s'il trouverait probablement la réponse à toutes ses questions.

« - De la mauve ? »

Il détaillait tout ce qu'elle venait de lui dire comme les informations lui revenaient, trahissant le chaos de ses pensées. D'abord le sceptre de Morgane, maintenant le tombeau de Merlin et ses plateformes étranges situés aux abords de Poudlard, Saúl avait l'esprit qui tournait à deux milles. Il avait cette curieuse impression d'être au centre d'une tempête qui allait secouer plus de gens qu'il ne le pensait.

Saúl observa autour d'eux. Pas de mauve, pas de corbeau. Rien, sinon des bois, cette plateforme et cette arche étrange.

« - Attends... On est dans la forêt interdite si je ne dis pas de conneries ? »

Il reconnaissait les bois qui ornaient la partie est de Poudlard. Fronçant les sourcils, il ajouta :

« - Ça ne peut pas être une coïncidence... C'est impossible. »

Plus pour lui-même que pour Siobhán, il avait prononcé ces mots dans un murmure parfaitement audible.

Saúl fronça légèrement les sourcils, la bouche légèrement entrouverte. Surpris et/ou agacé à l'idée de savoir que le bureau des Aurors prenait visiblement du bon temps au lieu de faire ce pour quoi ils étaient payés (@Fergus Clearwater et  @Nott Tyrfing), il finit par détourner son regard de Siobhán comme s'il réfléchissait à quelque chose. Fergus allait probablement pouvoir l'aider. Il n'avait pas de taupe au bureau des Aurors. Et même s'il pouvait demander un coup de main à Sunny, il n'osait le faire pour éviter de mettre sa famille dans de beaux draps. Fergus n'avait personne. Tout du moins, il n'avait plus @Solvi Nibelungen. Il n'avait donc plus rien à perdre, et il était quasiment sûr qu'il l'aiderait. Il avait beau être un bon gros débile, Fergus était un homme droit avec un grand cœur pour qui il se prendrait bien un sort ou deux (sauf si cela touchait son visage).

Pour Nott, Saúl ne savait pas encore trop sur quel pied danser. Il se souvenait encore de cette réunion et des adieux de @Gabriel Standford. Et vu l'état émotionnel dans lequel il était à ce moment-là, c'était compliqué pour lui de ne pas avoir une pointe de ressentiment à l'égard de la sorcière. Fallait bien un coupable, hein.

Quant aux autres, mis à part @Edel Almadovar, il ne voyait pas qui c'était et pour tout avouer, il s'en fichait un peu.


Elle lui confirma pour la mauve, lui expliquant alors que cela produisait quelque chose sur cette plateforme devant laquelle il se tenait, agenouillé. Saúl se demanda alors s'il ne devait pas envoyer un patronu pour demander à son cousin de rappliquer avec un bouquet de mauve même s'il devrait l'arracher des serres d' @Amaranth Mapleleaf. L'idée des centaures restait quand même la plus intelligente, et probablement la plus perspicace. Créature magique tout comme nos deux sorciers, il y avait peut-être une carte à jouer... Si Saúl n'avait pas une peur incroyable pour ces êtres-là. Pour tout vous dire, tout ce qui touchait de près ou de loin à de la divination l'effrayait plus que de mesure. Et les centaures étaient des maîtres en la matière (que ce fut dans la lecture des étoiles ou des flammes). Ce n'était pas pour rien qu'il esquivait toujours cette petite vieille dans le camp tsigane sur le marché aux Trolls pour qu'elle ne lui dévoile pas ce qui l'attend.


Siobhán vint le rejoindre à ses côtés. Posant son regard sur sa longue chevelure dorée, Saúl se demanda l'espace d'un instant ce qu'elle comptait faire. Puis elle posa sa main sur la plateforme.

Aussitôt, une lumière verte sembla s'allumer sous les pierres avant de répandre une espèce de brumes parsemées de points lumineux couleur émeraude. Saúl eut un mouvement de recul qui le fit tomber sur ses fesses.

Devant eux, à travers la fine poussière qui s'élevait de la plateforme, il semblait qu'une espèce de portail magique apparaissait. Saúl observa Siobhán un bref instant avant de se redresser d'un bond. Saisissant la main de la Serpentard, il plongea dans la magie.


L'instant d'après, il tomba tête la première contre un sol poussiéreux. Une odeur iodée envahit aussitôt ses poumons alors qu'un bruit retentissant des vagues s'écrasant contre la roche en contrebas se faisait entendre.

Se redressant tant bien que mal, Saúl tapota rapidement ses genoux et ses habits pour retirer le plus gros de la poussière. Sur son menton écorché, un liquide vermeil imbibait son poil noir. Il ne sembla pas pour autant y faire attention.

« - Regarde ! »

Saúl pointa du doigt un édifice un peu plus loin qui semblait avoir été abandonné il y a longtemps. De là où ils étaient, il lui semblait voir des ruines d'un grand bâtiment avec, en son centre, une espèce de statue. Pas sûr pour un sou, il leva la tête autour de lui pour y voir un mur de pierre naturel (très certainement qu'ils devaient se trouver au milieu d'une falaise où un chemin avait jadis été tracé). À leurs pieds, il y avait cette même plateforme.

Mais pour Saúl, il n'y avait rien qui ne pouvait lui indiquer l'endroit où ils se trouvaient. Probablement en Écosse... Il n'était sûr de rien.

Posant son regard sur Siobhán, il la regarda d'un air plus grave tout à coup. Son attitude se fit plus protectrice tout à coup.

« - On est loin du château... Ça peut être dangereux, Siobhán. Je pense qu'on devrait revenir sur nos pas. »

Saúl avait laissé sa voix s'éteindre comme s'il lui laissait le choix de continuer ou non. On avait presque l'impression qu'il avait formulé la fin de sa phrase pour se donner bonne conscience.

Saúl ne put s'empêcher de réprimer un sourire amusé. Siobhán avait cette curiosité dans le regard qui laissait sous-entendre qu'une âme d'aventurière brillait de mille feux sous son apparence délicate. Un regard sur la statue au loin, il se mit à rire lorsqu'elle paria sur l'identité du sorcier représenté. @Edel Almadovar semblait déteindre plus qu'il ne le fallait sur elle si elle se mettait à parier pour tout et n'importe quoi. Mais pour tout avouer, ce n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire. La considérant déjà comme un membre à part entière de sa famille, elle ne ferait plus qu'officialiser son entrée en joignant le nom d'Edel au sien. Elle avait déjà la bonne attitude.

« - Je ne sais pas... » Répondit Saúl, en posant son regard sur la plateforme. « Une chose est sûre, c'est qu'elles doivent renfermer une magie qui dépasse même notre propre conception de la magie. »

Plus d'un millénaire les séparait de l'existence de Merlin. Une époque où les baguettes magiques n'existaient pas et où la magie s'avérait être une fantasque tentatrice, capable de vous mener dans des aventures tout aussi palpitantes que dangereuses. Mais l'imagination de Saúl s'arrêtait là. Cela n'avait jamais été son fort de se laisser porter par ses pensées, lui qui préféraient les taire pour ne pas trop souffrir de son propre mal être, comme s'il cherchait à ne pas donner d'autres armes à cette dépression qu'il tenait le plus loin possible de son esprit de manière inconsciente.

« - Bon, OK. Garde-bien les yeux bien ouverts. Et sors ta baguette magique. »

En d'autres circonstances, il se serait permis de faire une vanne graveleuse. Mais pas aujourd'hui, pas avec Siobhán, plus maintenant qu'elle était à son cousin. Il lui fit un clin d'œil avant de lui passer devant, empruntant le chemin qui longeait la falaise, alors que les ruines se présentaient à leur visage de l'autre côté d'un pont détruit.

La mer était calme aujourd'hui, laissant le chemin au sec. Seule une petite brise pouvait, parfois, manquer de les déstabiliser jusqu'à ce qu'ils arrivent à la hauteur du pont détruit par l'érosion ou le temps. Un regard en contrebas suffit à Saúl de se reculer légèrement pour jeter un bref regard vers Siobhán. Un sourire de petit con fier de lui s'étala sur sa face dorée avant qu'il ne lève sa baguette magique et qu'il n'incante le sortilège de réparation.

Aussitôt, ce fut comme si la mer recrachait les pierres du pont qu'elle avait précédemment englouti. Ces dernières s'animèrent avec grâce et éloquence, venant s'assembler avec précision pour reformer le pont qui reliait les deux rochers. Saúl posa son pied dessus, puis le deuxième avec une intensité toute particulière. Il y avait une excitation perceptible chez le Mexicain qui se matérialisait sur son visage. Il avait un peu cette impression de toucher au but de cette longue enquête que @Jade Weimer, @Noma Karma et lui avaient mené ces dernières semaines.

Il arriva de l'autre côté. La plateforme semblait être une ruine à elle toute seule. Quelque chose de fort se dégageait des lieux sans qu'il n'en sache quoi. Subjugué par la beauté de l'endroit, il resta quelques instants immobile avant de poser son regard vers Siobhán.

« - C'est magnifique, hein ? Alors... Tu crois toujours que c'est Merlin ? »

Saúl s'approcha de la statue qu'ils avaient repérée de l'autre côté en arrivant ici. Il n'aurait su le dire avec précision bien qu'il ait déjà vu son portrait sur les cartes Chocogrenouilles quand il était plus jeune. Le temps semblait avoir gâté la pierre. Probablement que l'air marin n'avait pas non plus aidé à sa conservation.

L'incantation de Siobhán vint remodeler le visage de pierre de la statue démontrant alors ce qu'ils soupçonnaient déjà. Le visage de Merlin se dessinait dans la roche avec une élégance d'un autre âge, laissant imaginer la qualité de la manufacture pour l'époque quand bien même la magie avait probablement aidé à façonner l'œuvre. Saúl observa l'Enchanteur avec une curiosité à peine voilée. Il fronça soudainement les sourcils, se demandant alors pourquoi l'Enchanteresse possédait un tel tableau. Avait-elle réussi à activer la plateforme ? S'était-elle contentée de se rapprocher de la forêt interdite pour y mener de sombre dessein ? Pourquoi posséder un objet capable de la rapprocher de l'héritage de Merlin lorsqu'elle s'était soumise à Morgane, le Fay ?

Saúl sortit de ses rêveries lorsque Siobhán lui fit part du Revelio. Un sourire se dessina sur les lèvres du mexicain qui se montra plus Serpentard que jamais tout à coup.

« - Rien ne t'empêche de suivre scrupuleusement les enseignements de tes profs. Surtout en magie. Va là où ta volonté te porte. Ils ne sont là que pour te donner les outils, rien de plus. »

Il avait appris ce sort peu de temps après être arrivé à Castelobruxo, lors de sa quatrième année. En quête d'un savoir perdu, d'un héritage oublié, d'un besoin de comprendre la magie et son impact sur une culture qui coulait qu'à moitié dans ses veines, Saúl s'était acoquiné d'élèves arrogants, d'élèves érudits, d'élèves débrouillards. Les sous-sols de l'université la plus connue d'Amérique latine possédaient des trésors incomparables concernant l'héritage sorcier et magique des gens de sa communauté.

Mais pour en découvrir ne serait qu'un dixième d'une centaine de milliers - probablement exagéré - il lui avait fallu se mouiller les mains et sortir des lignes imposées par l'éducation pensée par la Confédération internationale des Sorciers. La grandeur n'était pas pour les paresseux. Et si, Saúl, s'était calmé depuis un revenant sur un chemin de lumière à son retour à Poudlard, il avait pu observer ce que le pouvoir pouvait faire. Fantasque tentatrice dans le cœur aisément corruptible du demi-homme qu'il était, Saúl n'avait laissé libre court à cette partie de lui que lorsqu'il se mettait à enquêter.

Si aujourd'hui, il était affranchi des limites du Ministère, il se garda bien de se vanter de certaines choses qu'il eut faites devant la belle de son cousin.

Nul doute qu'Edel Almadovar possédait ce même goût que lui pour le pouvoir. Que ce fût par son père ou par le sang de la lignée des Almadovar, la grandeur était quelque chose d'inhérent chez les sorciers mexicains. Elle se montrait différemment pour chacun de ces individus, et c'était là seul la différence qui se voyait parmi les sorciers de cette noble et puissante famille.

Saúl, lui, l'avait hérité de son père. Malfaisant ô possible, c'était quelque chose qu'ils partageaient bien malgré lui.

« - Je vais te l'apprendre. »

Il s'approcha d'elle, se mettant sur son côté droit. Levant sa propre baguette magique, il lui montra le tracé, qu'il fit avec élégance. Puis, alors qu'il abaissait sa baguette, il lui révéla l'incantation qu'elle connaissait déjà.

« - Vas-y, essaie. Et si tu y arrives, tu pourras te la péter devant Edel. » Ajouta-t-il, avec un clin d'œil, comme s'il cherchait à allumer la flamme du défi en elle.