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Good Omens (Elffin)
INFOS
FICHE DE PERSO
Cela faisait des jours qu’elle regardait cette arbalète et les pointes de cette flèche, le regard presque dans le vide. Moins d’un mois s'était écoulé depuis l’escapade près de l’Enchanteresse où @Noma Karma et @Saúl Ochoa avaient réussi à sauver des hybrides de l’attaque de braconniers isolés. Mais comprendre que le refuge vers lequel les femmes et enfants attaqués, était en réalité tenue par une Velane qui usait de mauvais moyen pour tenter de sauver son espèce avait été éreintant en tout point.
Pour elle, qui se battait corps et âme depuis des années, à trouver toutes les solutions possibles, de jour comme de nuit afin de rétablir un droit équitable pour toutes les colonies existantes et préserver toutes ses différences, il avait été difficile de supporter les épaules voutés de Saul ce jour là, acculé par une autre trahison. En plus d’une quête dans le château à la recherche d’un indice qui pourrait relier l’Enchanteresse à Poudlard mais qui s'était avéré une impasse de son coté, il ne lui restait plus que cette petite clé et surtout, ces outils de braconnage qui avait réussi à l’atteindre. A la vue de la pointe qui l’avait fait saigné non pas une, ni deux mais à trois reprises, elle s'était sentie vulnérable au point de libérer son dragon en plein milieu d’un interrogatoire qui avait mal tourné.
Levant le menton de ses bras sur lesquels elle s'était posée depuis quelques minutes, elle pris le bois de la flèche en main, plissant les yeux devant la qualité du bâton avant de jauger la pointe. On ne sait pas d’où ça provient … on pense savoir où mais.. Ainsi, passant d’une hypothèse à une autre, les spécialistes en objets moldus détournés ne purent lui dire la provenance, ni même lui dire avec quels types de matériaux l’alliage avait été construit. Et d’un dossier sensible où seul deux personnes étaient officiellement au courant, Jade se leva de son bureau, quittant son poste de directrice du département des créatures magiques en y laissant ses insignes avant de transplaner devant le pont de Londres.
Marchant doucement, elle avait détaché plusieurs boutons de son chemisier, laissant entrevoir des écailles écarlates qu’elle avait laissé fleurir spontanément sans chercher à se restreindre, sous les conseils de @Luke Korrigan . Luisant sous le soleil de la capitale, elle arriva néanmoins très vite devant le passeur qui avait gardé son regard rivé sur de précieuses écailles qui pouvaient valoir cher selon l’espèce. Pourtant, c’est un fourrant une bourse rempli de gallon personnel qu’elle put rentrer, préférant se dire que le passage s’ouvrer seulement parce qu’elle était une hybride et non par ce décolleté qu’elle ferma aussitôt.
Elle savait que Saul habitait là, mais muée par un instinct qui lui disait que son ami avait bien d’autres fléreurs à fouetter et elle avait préféré s’aventurer seule ici, dans un lieu qui lui était pratiquement inconnu. Pourtant, au premier regard qu’un demi-vélane lui adressa, elle se débarrassa de son chignon strict et s’occupa rapidement de réajuster totalement ses vêtements au premier virage, éloignant la silhouette guidée et presque un peu raffinée qu’elle pouvait en se débarrassant de son tailleur pour mettre un jean troué qu’elle trouva sur un étendoir. Elle était certaine que @Samuel More se serait moqué d’elle, parce qu’elle n'était pas encore cette femme de terrain qu’elle voulait devenir en quittant le Magenmagot. Et c'était il y a presque un an déjà …
S’enfonçant dans une petite ruelle commerçante, elle évita formellement de regarder quiconque dans les yeux, longeant les murs en égratignant ses vêtements, ses sens totalement aux aguets alors qu’elle sentait le dragon trépigné d’impatience au milieu d’autres hybrides. S'écoutant bien plus, elle avait apprit à reconnaître ses battements du sien, tentant de les mêler au moment où il fallait le calmer. Mais cette harmonie était encore à travailler au jour le jour et alors qu’elle entendait des cris d’hommes hélant qu’un sorcier du Ministère était présent dans un bar miteux du coin, elle s’engouffra soudainement dans la première boutique qu’elle vit, écarquillant les yeux pour refermer la porte de tout son poids.
L’obscurité environnante la fit plisser les yeux, passant d’un lieu bien ensoleillé à une pénombre dont elle devait s’habituer un instant. Mais était-ce une boutique ou une habitation? Un subtile parfum métallique lui venait au nez et elle ne fit qu'un pas en avant pour s'arrêter tout juste en sentant les prémices d'un piège s'enclencher sous son pied. Mais où était-elle tombée ? Alors que des bruits de pas se rapprochaient, Jade se figea, tiraillée d'avoir probablement fait le mauvais choix en suivant une piste et leva sa baguette tout en s'armant de la flèche pour laquelle elle était venue jusqu'ici, prête à parer et à tirer si besoin.
Mais lorsqu'elle reconnut son visage familier, elle ne put s'empêcher de se crisper davantage, doutant presque de voir un vieil ami dans les parages sans qu'il ne soit lui-même venu pour la mettre dehors, à la merci de ceux qui voudraient voir d'autres têtes du ministère tomber sur les pavés de la ruelle.
"Elffin …?”
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L'atelier d'Elffin, niché au cœur du Marché aux Trolls, était un lieu à part, un sanctuaire où la magie se mêlait à la mécanique en une harmonie singulière. Dès l'entrée, les visiteurs étaient immergés dans un univers foisonnant de créations énigmatiques. Les murs, tapissés de parchemins aux schémas griffonnés, semblaient respirer la connaissance et la curiosité. Les étagères, surchargées d'objets insolites et de curiosités enchantées, exhibaient un éclectisme captivant. Des sculptures d'engrenages d'argent tournoyaient, reflétant la lumière tamisée des chandelles suspendues aux plafonds voûtés, semblant presque prêtes à s'animer d'une vie propre.
L'air était empreint de l'odeur enivrante des huiles et des potions qui alimentaient certaines machines de l'atelier et du parfum pénétrant du métal en fusion qui les composait. Les cliquetis rythmés des engrenages et les bourdonnements magiques remplissaient chaque recoin de l'espace exigu. Des cadrans complexes parsemaient les murs, leurs aiguilles tournant avec une précision infinie. Des planches en bois rongées par le temps supportaient des créatures mécaniques aux mouvements gracieux dont les clients avaient l’interdiction et la fâcheuse manie de manipuler. Tout contribuait à créer une atmosphère envoûtante, chargée d'une énergie créatrice, d'une magie en ébullition.
Un chaos apparent régnait, les créations du mécamage entremêlées dans une apparente confusion. Mais derrière cette apparence désordonnée, se cachait une logique parfaite, une symphonie secrète orchestrée par l'esprit singulier d'Elffin. Pour un visiteur, tout cela pouvait sembler farfelu, mais pour Elffin, chaque objet avait sa place, chaque désordre était un ordre caché.
Pourtant, au milieu de ce tableau envoûtant, la dispute entre Elffin et Kavanagh éclatait telle une étincelle dans un brasier :
- Mes consignes étaient claires ! Si tes pilotes ne les suivent pas, ce n’est plus mon problème !
- Je t’ai commandé des moteurs plus rapides, Cynfeirdd, pas qui explosent en plein vol !
Les yeux d'Elffin lançaient des éclairs de colère, sa mâchoire se serrait tandis que ses doigts se crispaient sur sa baguette. Les mots de Kavanagh résonnaient dans l'atelier, remettant en cause le travail de l’artisan. Elffin leva un regard incandescent vers Kavanagh, laissant échapper un rire sarcastique.
- Je suis mécamage, pas coach pour chauffards attardés ! Ne t’avais-je pas prévenu que tes vieux Fluxeon étaient des bombes à retardement ? Montez dans les tours progressivement, t’avais-je dit ! Prenez garde au surrégime !
Avant que Kavanagh ne puisse répliquer, Elffin leva la main pour le faire taire :
- Devine ce qu’il se passe lorsque des amateurs écrasent l’accélérateur sans mesure ?
Soudain, un perroquet mécanique, aux plumes d'un bleu éclatant, se dressa sur son perchoir métallique. Son bec en acier scintillait à la lumière des lanternes suspendues dans l'atelier. Son perchoir était un assemblage complexe de rouages et de tiges d'acier forgé, donnant l'impression qu'il flottait dans les airs. Le perroquet, à la voix métallique, répéta d'un ton malicieux : "BOUM". Les yeux d'Elffin s'illuminèrent d'un éclat espiègle, tandis qu'un sourire narquois se dessinait sur son visage. Il lança un regard significatif à Kavanagh, démontrant ainsi l'ironie de la situation et ajouta d'un ton moqueur :
- Même les perroquets mécaniques le savent, c’est dire l’incompétence de tes gars. Il n’y aura pas de remboursement, Kavanagh, conclut Elffin d’un ton sans appel. Je réparerai tes moteurs au tarif habituel et tes pilotes apprendront à respecter les consignes ou ils feront leurs prochaines courses à dos de sombral.
Kavanagh, courroucé, redoubla de protestations, mais la décision d'Elffin ne laissait nulle place à la négociation. Finalement, l'homme quitta la boutique d'un pas furieux, laissant Elffin bouillonnant de colère. D'un geste rageur de sa baguette magique, il activa le système de sécurité de l'atelier, veillant ainsi à la protection de ses précieuses créations. Il n’avait plus qu’une pensée en tête : se réfugier devant son atelier, l'antre de sa création, où il pourrait s'immerger dans le travail et la magie des rouages, pour faire ainsi redescendre la pression de cette altercation. La perspective de se plonger dans son art, de façonner le métal et de donner vie à des créatures mécaniques, apaisait les tumultes de son esprit. Dans son agitation, il oublia de verrouiller la porte principale, laissant l'accès ouvert à d'éventuels visiteurs, mais cela ne lui effleura pas l’esprit, qui était déjà absorbé par les travaux qui l'attendaient à l'arrière-boutique.
L'atelier d'Elffin s'ouvrait tel un sanctuaire de la mécanique. À l'intérieur, une myriade d'outils de précision scintillait à la lueur de l’éclat de lumière qui traversait l’unique fenêtre. Des engrenages délicats et des pièces métalliques attendaient patiemment leur destinée, disposés avec une rigueur presque obsessionnelle. Chaque instrument avait sa place déterminée, finement orchestrée dans ce monde de rouages et de créations.
Mais en cet instant, la quiétude de l'atelier était troublée par la frustration d'Elffin. Les plans du moteur Fluxeon gisaient devant lui, attirant son regard agacé. Il passa sa main dans sa chevelure ébouriffée, marmonnant des jurons à l'encontre de cette machine récalcitrante. Il savait qu'il n'y avait rien de plus à faire. D'un geste vif empreint de frustration, il froissa le parchemin en une boule rageuse qu'il lança à l'autre extrémité de la pièce, déchaînant une pluie de métal contre les murs.
Elffin revint vers son projet du jour : l'amélioration de son télescope magique. Sur son établi trônait fièrement cet instrument sophistiqué, capable de suivre les astres par lui-même et d'ajuster sa lunette à leur course. Les rouages précis s'animaient doucement, accompagnant les mouvements célestes avec une précision sans faille. Elffin y consacrait son attention, réglant les engrenages et peaufinant les enchantements qui permettaient à ce télescope de dévoiler les secrets des étoiles lorsqu’un cliquetis familier interrompit son travail.
Son instinct d'artisan-mécamagicien s'aiguisa immédiatement, car il reconnut le signal : quelqu'un avait pénétré dans sa boutique et déclenché ses mesures de sécurité. Son cœur s'emballa légèrement alors qu'il s’insurgeait de son étourderie.
Armé de sa baguette magique, il retourna d'un pas vif dans la boutique, où la lumière tamisée mettait en valeur les trésors mécamagiques qui l'entouraient. C'est là, sous cette ambiance mystérieuse, prêt à en découdre si Kavanagh revenait l’importuner, qu'il découvrit la silhouette familière de Jade, son amie de longue date et directrice du département du contrôle et de la régulation des créatures magiques. Un mélange de surprise et d'interrogation se lut sur le visage d'Elffin, le laissant momentanément interdit.
Pourtant, il ne tarda pas à réagir, désamorçant ses défenses d'un moulinet gracieux de sa baguette. Il connaissait Jade depuis suffisamment longtemps pour lui faire confiance, même si cette visite impromptue l’avait pris de court. Son expression se détendit, laissant transparaître un sourire amical mêlé de curiosité, bien que les rouages de son esprit tournaient à plein régime. Jade... Le Marché aux Trolls... Son atelier... Un puzzle complexe s'y formait.
- Jade ? s’exclama-t-il, presque pour s’en assurer. Qu’est-ce que tu fais là ?
Une certaine agitation semblait animer la rue qui bordait son atelier, rien d’exceptionnel en soit dans le quotidien du Marché aux Trolls mais le jeune mécamage ne put s’empêcher de se demander si son amie y était pour quelque chose…
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Tout deux interdits l’un devant l’autre, Jade sentait sa fébrilité jusqu’au bout de ses doigts qui tremblaient légèrement sur sa baguette encore tendue devant elle. Sans s’attendre à voir un visage aussi familier et tandis que son regard s’acclimatait à la lumière de l’entrée, elle avait furtivement laissé parcourir son regard les différents objets qui s’animaient sous ses yeux, parfois seuls avec une autonomie presque fascinante. Les défenses qui protégeaient la boutique avait été baissé, lui permettant de bouger mais encore totalement rigide, la Maledictus eut du mal à contrôler son rythme cardiaque revu à la hausser à la vue d’un ancien ami. Retenant son souffle, elle n'était clairement pas dans son élément, bien trop à l’aise dans des parchemins qu’elle sentait pourtant omniprésents dans la pièce.
"C'était ouvert.“ Parlant ouvertement sur la défensive, elle eut un regard par la petite fenêtre qui donnait dans la rue et elle s’en éloigna rapidement de quelques pas, baissant subitement sa baguette et son arme improvisé. Elle voyait déjà dans le regard de l’ancien Serdaigle qu’il savait pertinemment qu’elle n’avait rien à faire dans un tel recoin de Londres et que sa présence officielle ne serait que très mal vu. Se retournant vers le perroquet mécanique qui battait des ailes sous son regard, Jade s’arrêta dans sa progression, basculant son visage de coté pour observer l'étrange créature mécanique qui semblait réagir avec autant de grâce qu’un vrai perroquet. Par respect pour ceux qu’elle défendait, malgré la différence notable que l’objet était animé par pur magie, elle ne fit que l’observer avec un léger sourire, notant les nuances de son ancienne maison. "Je savais que tu étais doué mais à ce point …“ S’inspirer de l’univers animal pour recréer d’autres objets plus moderne était fascinant, elle était même certaine que ce progrès pourrait un jour remplacer l’esclavage que subissait encore certaines espèces comme les elfes de maison. Et si elle avait fait enlevé les dragons qui protégeaient Gringotts dans cette même optique, elle se demanda si un jour, la communauté des sorcières pourrait croire à l'évolution qui les liait intimement avec la mécamagie. Un cri retenti de l’autre coté de la porte, la sauvant de sa contemplation alors qu’elle n’avait répondu à sa question mais un regard vers Elffin et il semblait évident qu’elle aurait besoin d’une couverture.
La silhouette d’un demi-géant s’approchait dangereusement de la porte et Jade eut un instinct de recul évident, sachant pertinemment qu’un suspect devait être coincé. Si elle avait réussi à rentrer au Marché aux trolls en montrant ses écailles, elle ne voulait de nouveau user de ce stratagème de bas étage, surtout devant lui, qui semblait déjà bien trop tendu avant même son arrivée. Elle le dérangeait, elle en était bien consciente mais elle ne pouvait pas repartir d'ici sans une preuve.
"J’ai suivi une piste et j’ai besoin d’en savoir plus sur ça“ Parlant très vite, elle lui montrait la flèche taillée de manière si particulière qu’il était évident qu’elle ne faisait pas que fendre le vent et la peau humaine. C'était une flèche d’un braconnier qui avait assez d’argents pour se payer un outil bien plus haut de gamme. "J’ai de quoi payer le temps que tu m’accorderas si tu me couvres. Maintenant.“
La poignée de la porte basculant déjà comme pour s’ouvrir, Jade leva les yeux vers Elffin. En souvenir du bon vieux temps, il était peut-être probable qu’il lui accorde cette faveur. Laissant la flèche rouler sur le comptoir jusqu'à échouer près d'une vitrine, elle avait déjà plissé les lèvres avant de prendre la parole comme une habituée, peut-être d'ailleurs légèrement sur-jouée, sans avoir l'habitude de tenir un autre rôle que le sien. Le demi géant était déjà entré et même de dos, Jade sentait son ombre sur elle.
"Mr Cynfeirdd, c'est une amie qui m'envoie, il parait que vous dispensez de très bons services..."
Inconsciente de la double perception de sa phrase, elle entendait la créature s'esclaffer derrière elle et leva le regard vers Elffin, un peu surprise.
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Alors que la surprise initiale se dissipait peu à peu, Elffin restait plongé dans un état de perplexité. L'arrivée opportune de Jade dans son atelier ne pouvait être considérée comme une simple coïncidence. Les rouages de son esprit s'emballèrent alors qu'il tentait de déchiffrer les motivations derrière la visite de Jade. En sa qualité de haut placée au ministère, il était évident que sa présence au Marché des Trolls n'était pas le fruit du hasard ou d'une simple promenade de santé. De plus, il était peu probable qu'elle se retrouve dans sa boutique par pur hasard ; Elffin ne croyait pas au hasard.
Les deux anciens amis se méfiaient l'un de l'autre, une méfiance palpable dans l'attitude de la directrice du département du contrôle et de la régulation des créatures magiques ; il n’y avait qu’à voir sa garde défensive, armée de sa baguette et d’une… flèche. Malgré cela, lorsque Jade répondit succinctement que la porte était ouverte, Elffin ne put s'empêcher de laisser échapper un sourire amusé. Elle avait raison, après tout.
L’artisan laissa Jade découvrir les recoins de sa boutique, ressentant un brin de fierté devant l'émerveillement qui se lisait sur son visage. Les objets animés captaient son attention, mais son regard fut inévitablement attiré par Jacob, le perroquet mécanique. Ce dernier, d'un air espiègle, déploie ses ailes et bat des mécaniques pour attirer l'attention sur lui. Les yeux d'Elffin se fixèrent alors sur l'oiseau de métal, lançant un regard cinglant. Malgré les ajustements et améliorations qu'il avait apportés à Jacob au fil des années, tempérer ses remarques impertinentes n'en faisait pas partie. Son regard silencieux semblait dire : "Un mot de travers et tu finis à la cocote minute."
Il était fier de sa création, mais il n'était pas dupe pour autant. Il savait pertinemment que le perroquet mécanique était capable de provocation, n’en déplaise au dénommé Kavanagh, d’un vocabulaire limité mais suffisamment clair pour gratifier de toute son insolence… n’en déplaise au dénommé Kavanagh.
Le compliment sincère de Jade fit relâcher un peu plus les épaules d'Elffin. Il lui répondit d'un ton empreint d'excitation et d'une passion débordante pour son travail et ses créations :
- Tu n'as encore rien vu…
Dans sa voix, il n'y avait nulle prétention, seulement l'enthousiasme d'un esprit passionné. Elffin aurait pu parler pendant des heures et des heures de ses inventions et de leurs mécanismes complexes. Cette réputation ne l'avait jamais quitté depuis leurs années à Poudlard, où il était toujours prêt à partager ses connaissances de mécamagie avec ses camarades.
Dans cette boutique, chaque objet avait une histoire, chaque rouage était soigneusement ajusté pour fonctionner en harmonie. Il avait consacré sa vie à l'exploration de la mécamagie. Pendant leur temps à l’université magique, Jade avait été témoin de sa passion inébranlable. Aujourd'hui, alors qu'ils se retrouvaient face à face dans cette boutique animée, Elffin fut épris d’un élan et de quelques pensées nostalgiques.
Un bruit soudain à l'extérieur de la boutique interrompit le cours de leurs pensées. Elffin se figea, tandis que Jade laissait transparaître une panique évidente sur son visage. Un demi-géant, menaçant de par sa stature imposante, s'approchait dangereusement de la boutique. L'instant d'après, Jade se tourna vers Elffin, lui expliquant la raison de sa venue d’une voix emplie d'urgence et de détermination. Elle lui demanda de la couvrir, lui montrant ladite raison : la flèche. Elffin retint son souffle, son regard se faisant impénétrable. Que faisait-elle en possession d'une telle flèche ? Avait-elle seulement conscience des dangers auxquels elle s'exposait en venant au Marché aux Trolls avec cette arme ? À en juger par son comportement, il semblait qu'elle en avait une vague idée…
Dans un geste vif et précis, Elffin attrapa la flèche qui roulait sur le comptoir jusqu’à l’une des vitrines. Du coin des yeux, il s'assura que l'objet était dissimulé sur son bureau, à l'abri des regards indiscrets tandis que la porte s’ouvrit sur l’inconnu qui fit irruption dans l’établissement.
Jade devait désormais lui faire confiance. Elle n'avait pas d'autre choix. Elffin pouvait lire le doute dans son regard, les années écoulées avaient créé des fissures dans leur relation autrefois solide. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir, pas après tout ce temps. Ces retrouvailles, si inattendues et empreintes de tension, n'étaient en rien des plus banales. Un soupir s'échappa de ses lèvres ; comme s’il allait faire payer une vieille amie qui avait besoin de lui. A croire que le ministère écourtait la mémoire de ses employés.
Elffin garda les bras croisés sur sa poitrine, scrutant attentivement Jade tandis qu'elle se glissait dans le rôle de la cliente. Son talent d'actrice lui arracha un sourire en coin, mais ce qui le prit au dépourvu, ce fut sa remarque inattendue, prononcée lui semblait-il sans la moindre arrière-pensée. Elffin, incapable de réprimer un éclat de rire, se trouva en parfaite synchronisation avec le demi-géant, dont l’esclaffe résonnait puissamment dans la pièce. Le sien, à l'inverse de celui de l’inconnu, était léger et pétillant.
- Je crains que votre amie ne vous ait donné la mauvaise adresse. La maison de Mme Carmilla est plus loin dans la rue, répondit-il sans se démunir de son sourire. Mais il est vrai que mes services donnent toujours satisfaction.
Une fierté évidente émanait du visage d'Elffin, mêlée à un amusement non dissimulé. Il était incapable de retenir sa nature, peu importe la situation. Son sourire s'étendait largement, illuminant son regard malicieux.
- Je suis navré mais l’atelier ferme plus tôt aujourd’hui. J’ai reçu une commande qui ne se refuse pas, ajouta le mécamage à l'adresse du nouveau venu sans se défaire de son insolence mêlée d’une touche de malice. Il semble que des heures de travail m’attendent.
Elffin ne connaissait ni gêne, ni honte, à croire qu’il en avait oublié la définition. Son excentricité et sa capacité à s’adapter à son interlocuteur lui avaient permis de survivre et de s’implanter solidement dans ce milieu éclectique. Tel un mécamage avisé, il connaissait les rouages du Marché aux Trolls, sachant comment graisser les bonnes pattes et se faire respecter. Être considéré comme un roc, une tour, et non un pion faisait parti des premières règles – Bien que les circonstances le feraient volontiers passer pour un fou d'un matin à l'autre. Mais surtout, il savait parfaitement contre qui ne pas fléchir, résistant avec détermination à la menace et à l’intimidation. Elffin n’était pas un homme que l’on pliait à renfort d’épaules larges et d’une voix rauque.
- Mr Cynfeirdd, mes clients…
- Auront leur commande à la date prévue, acheva-t-il en lui coupant la parole. Je respecte toujours mes contrats. Vous direz à votre employeur qu’il réceptionnera sa commande le jour que nous avions convenu. Maintenant si vous le permettez…
Elffin indiqua d'un geste la sortie au démi-géant dont le visage bourru se teinta d'agacement. Les phalanges de l'homme gargantuesque roulèrent, laissant présager la suite des événements. Elffin connaissait trop bien ce genre d'énergumène, envoyé en première ligne pour régler les situations délicates et imprévisibles.
- Je ne partirai pas sans…
- Au risque de me répéter, la boutique est fermée.
Un pas en avant du géant, et Elffin prit aussitôt les mesures qui s'imposaient. D'un moulinet habile de sa baguette, il enchanta les machines de son atelier, et l'atmosphère changea en un instant. Les créatures mécaniques, jadis immobiles, s'animaient avec une agressivité surprenante. Une armure d'acier, qui bordait une vitrine et était plus haute que le demi-géant lui-même, se fit menaçante. Elle tambourinait du poing dans la paume de sa main, produisant un fracas métallique retentissant et un geste équivoque. L'air s'électrifiait, chargé d'une tension palpable qui pesait sur la pièce.
- Menacer un mécamage dans son atelier est une piètre idée. Vous fermerez la porte en sortant et adresserez mes respects à votre employeur, qui qu’il soit.
Le regard d'Elffin resta fixé sur le demi-géant alors que ce dernier quittait l'atelier, exhalant sa fureur et déversant des menaces qui ne trouvaient aucun écho en lui. La porte se referma avec un claquement retentissant, miraculeusement conservée malgré le fracas détonnant. Levant les yeux au ciel, Elffin poussa un soupir empreint de lassitude. Voilà d'où il tenait son autre réputation, celle d'aimants à emmerdes ; même s'il était trop élégant pour qualifier son invitée comme tel.
Un nouveau geste fluide de sa baguette et l'atelier retrouva sa quiétude habituelle, baigné par le doux cliquetis des aiguilles et les mélopées régulières des engrenages. Les loquets de la porte se verrouillèrent automatiquement, témoignant de la prudence renforcée de l'enchanteur. D'un geste presque amical, Elffin tapota l'épaule de l'armure qui, telle une créature vivante, reprit sa position initiale avant de s'évanouir aussi promptement qu'elle avait pris vie.
- Garde ça pour toi mais c’est tout ce qu’elle sait faire, confia Elffin un sourire aux lèvres en adressant un clin d’œil à sa réfugiée.
Elffin s'approcha de la porte d'entrée, scrutant la vitrine d'un regard attentif pour s'assurer de l'efficacité des enchantements qui les protégeaient des intrusions indésirables. Satisfait du résultat, il revint à pas confiants vers son comptoir, sa main tendue dans un geste de réconfort en direction du bras de Jade. Cependant, il la retint à la dernière seconde, se rappelant brusquement la raison de sa visite et le gouffre creusé par ces années à s’être perdus de vue.
- De très bons service hein…
Un sourire taquin persistant sur ses lèvres, Elffin ne pouvait s'empêcher de se moquer de Jade une dernière fois. L'air désinvolte, il reprit la flèche entre son pouce et son index, la faisant rouler et jongler avec habileté. Son attitude semblait indifférente, mais ses yeux perçants scrutaient chaque détail avec précision tandis que ses doigts évaluaient l'équilibre de l'objet de manière presque enfantine. Après quelques instants, il déposa la flèche au centre du comptoir, juste entre Jade et lui. Son regard plongea alors dans celui de son amie avec une intensité rare :
- Avant toute chose il faut que je sache, Jade. Est-ce que c’est une affaire officielle ?
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Rattrapant la flèche avec une dextérité dont elle n’en doutait nullement surtout après avoir entrevue une partie de son travail à l’avant de cette boutique, Jade écarquilla les yeux au moment où Elffin se mit à rire en écho avec le demi-géant et s’empêcha de se retourner pour tenter de comprendre pourquoi elle était soudainement risible. Mais lorsqu’elle l’entendit prononcer le nom de la maison de charmes en contre bas dans la même rue, elle ouvrit rapidement la bouche en la fermant sans savoir quoi dire. Elle fut presque projeté dans un souvenir nostalgique à Poudlard où ils riaient encore en toute innocence, avant que le temps et les ambitions ne les séparent et lâcha un léger sourire, pourtant vite rattrapé par le demi-géant cherchant visiblement à se rapprocher de l’aimabilité d’un troll des bois.
Plissant les lèvres pour ne pas interférer durant l'échange, elle voyait l’autorité de l’ancien Serdaigle transparaitre dans le ton et l’attitude qui changea rapidement du tout au tout et sans prévenir de la décadence d’un tel moment, Jade sentit le ton monter et retenu son souffle et chacun de ses battements de s’emballer au moment où elle vit tous les rouages de la boutique s’animer contre l’opportun. Si chaque objet avait eu un comportement serein jusque là, ils furent porter par un mouvement autant d’attaque que de défense à l’encontre du demi-géant qui avait tenté de faire la sourde oreille. Elle avait crispé ses mains par automatisme, sentant ses écailles pousser un peu plus à travers sa nuque et ferma les yeux, entendant le cliquetis mécanique de chaque objet qu’Elffin avait conçu, préférant s’y concentrer pour ne pas se laisser aller. Telle une étrange berceuse, elle décortiqua chaque tambourinement sans sentir la pression de la salle s’installer au-dessus d’eux, appuyant sur ses épaules et menaçant son dragon directement.
Et alors qu’elle finissait par ne plus rien entendre d’autre que cette armure qu’elle prit pour sienne un instant, le silence était revenu dans la salle, sentant à peine Elffin se rapproche du comptoir après avoir fermer les portes derrière lui, éloignant pour de bon le demi-géant. Ouvrant les yeux au moment où l’armure avait repris sa place, elle s'était tournée vers l’objet mécanique qui semblait aussi stoïque qu'à son arrivée.
"Mais il fait son effet.“
Le mécamage avait été un prodige en la matière depuis aussi longtemps qu’elle le connaissait, s’enfermant bien souvent au club dédié à Poudlard pour y concevoir des objets toujours surprenants. Par instinct, elle remercia la présence de l’armure, qui par ses pas fort d’intension, avait réussi à canaliser la jeune Maledictus mais comprenait bien que c'était Elfinn qu’elle devait remercier. Grimaçant ouvertement mais vite remplacé par le sérieux de sa question, Jade sortit une bourse de son veston qu’elle déposa entre lui et elle. Elle le fit glisser vers lui, l’ouvrant légèrement pour lui faire entrevoir quelques galions de son propre salaire. Elle lui avait dit qu’il serait rétribué pour son temps et elle tenait parole.
"Non consigné dans les dossiers du Ministère.“ Levant les yeux vers lui, elle avait posé le doigt sur le bois de la flèche qu’il avait inspecté avec minutie. Rencontrant ses yeux verts, Jade ne s’y logea pas longtemps pour passer sa main sur l’objet qui avait l’allure d’une petite lance, la plus grande qu’elle avait réussi à récupérer, était même actuellement chez elle. "Elle a été utilisé par des braconniers, susceptible de traverser des matériaux censés être résistants.“
Une douleur à l’omoplate et à l'épaule s'étaient réveillés à cette mention alors que les flèches avaient réussi à transpercer sa peau humaine pour faire apparaitre ses écailles ce matin là. Et si elle restait délibérément flou sur la nature des matériaux, c'était autant parce que les flèches arrivaient à fendre un tronc d’arbre mais à viser avec exactitude des créatures magiques et hybrides, comme si les têtes étaient attirés par un sang qui n'était pas purement sorcier.
Si Jade ne s'était jamais caché de sa malediction, les rumeurs sur sa forme originelle avaient toujours parcouru les couloirs de Poudlard, jusqu’au Ministère de la Magie avant qu’elle ne doit déclarée plus officiellement. Les écailles, visibles à quelques endroits, pointaient de plus en plus le bout de leur nez, la jeune femme ne s'était jamais transformé sous ses yeux malgré le lien qui les liait depuis leur études en commun à Poudlard.
Fronçant les sourcils, elle tapota légèrement le bout du comptoir avant d’exprimer plus clairement ce qu’elle cherchait.
"Je ne m’y connais pas mais j’ai l’impression que ce sont des têtes chercheuses et ce genre d’article de chasse n’existe pas encore au département. Je veux savoir qui les a conçu, en combien d’exemplaires ils ont pu se vendre et surtout à qui.“ Levant légèrement le menton, elle s’assurait une nouvelle fois que cette discrétion était importante. "Je ne peux pas laisser trainer ça dans la nature, ils causent des dégâts irréversibles et je n’ose imaginer ce que ça donnerait si elles commençaient à se personnaliser.“ Et alors qu’elle se souvenait de la commande du demi-géant qui était entrain l’instant d’avant, elle se rendit compte qu’Elffin pouvait travailler en sous-traitance pour d’autres sous traitant et observa un instant l’atelier. Avec prudence, sans l’acculer ni rayer cette ancienne amitié qui s'était effrité par le temps, Jade commença à avancer sur des charbons ardents, même si en réalité, c'était un jeu d’enfant pour le dragon qu’elle était.
"Qu’est-ce que tu peux m’en dire?“
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Maintenant que l'atmosphère s'était apaisée, Elffin prit quelques précieuses secondes pour contempler Jade. Les affrontements de ce genre étaient monnaie courante au Marché aux Trolls, mais il se demandait quels sentiments cette altercation avait pu laisser chez une agente du ministère ; elle qui prenait de tels risques en pénétrant ici avec une pièce à conviction aussi importante. Il peinait encore à réaliser que son amie se tenait réellement dans son atelier. Des retrouvailles qui promettaient bien des rebondissements dans le quotidien du jeune mécamage, sans aucun doute.
Jade déposa une bourse sur le comptoir et la fit glisser vers Elffin. À peine eut-il un bref aperçu des brillants gallions qui se trouvaient à l'intérieur que, tel un éclair d'acier, Jacob le perroquet mécanique s'élança de son perchoir pour tenter de s'emparer des précieuses pièces.
- Par ici la monnaiiiie, s’enthousiasma sa voix nasillarde et métallique.
Un geste de réflexe saisit Elffin alors qu'il s’interposait entre Jacob et son butin, évitant ainsi toute tentative de rapine. Un sourire bienveillant dessiné sur les lèvres, Elffin caressa doucement le bec métallique du perroquet, lui signifiant d'un geste complice que ces richesses étaient réservées à une autre cause.
- Pas cette fois chapardeur, s’amusa le mécamage en retournant la bourse à sa propriétaire. Allons Jade, comme si j’allais te faire payer quoi que ce soit, continua-t-il avec un soupir.
Jade était bien plus qu'une simple cliente aux yeux d'Elffin. Son amitié et leur histoire commune dépassaient de loin les fréquentations habituelles de sa boutique. Il lui était inconcevable de lui facturer ne serait-ce qu'une mornille pour son aide. Même si cette assistance aurait pu lui coûter cher s'il venait à être découvert en aidant une agente du ministère.
Mais Elffin n'était pas le genre d'individu à fuir au premier risque qui se présentait. Il l’évaluait, le considérait à sa juste valeur, puis son instinct protecteur et son affection pour les siens prenaient souvent le dessus. Dans ces moments, il mettait ses méninges en action, cherchant des solutions ingénieuses pour protéger ses proches. Son esprit agile fourmillait d'idées audacieuses ; l'animation de l'armure imposante en était un exemple parfait.
Jacob, le perroquet mécanique, regagna son perchoir d'un battement d'ailes agacé, grognant comme un vieux grincheux qui se serait vu refuser une douce friandise. Elffin haussa simplement les épaules, sachant qu'il ne parviendrait jamais à corriger le caractère têtu de son ami à plumes d'acier. Et, d'une certaine manière, cela lui convenait parfaitement.
L’attention du mécamage se reporta avec douceur sur la flèche, écoutant attentivement les explications de Jade. Son regard, empreint d'une profonde compréhension, s’égara entre les détails de la flèche et les pupilles de son amie, comme s'il pouvait y lire les énigmes du destin. Les pensées s'entrelaçaient dans son esprit, tissant une toile invisible de possibilités et de réponses qu'il cherchait à dévoiler.
Les explications de Jade firent sens dans les oreilles expertes d'Elffin, résonnant avec une logique qui ne pouvait être ignorée. Son observation minutieuse du projectile et les déductions qu'elle en tirait témoignaient d’une perspicacité peu commune. L'étonnement s'empara du mécamage alors qu'il peinait à concevoir qu'une simple bureaucrate puisse posséder une telle expertise. A croire que le ministère formait bien ses agents, pensa-t-il.
- Viens avec moi, invita Elffin en laissant sa curiosité prendre le dessus.
Il prit délicatement la flèche entre ses mains et amorça son chemin vers l'arrière de la boutique, vers son atelier intime où prenaient vie ses créations les plus extraordinaires. Les étagères alignées avec soin abritaient une multitude d'outils, chacun ayant sa place bien définie dans cet écosystème mécanique. Avec une douceur presque révérencieuse, il déposa la flèche sur une surface de travail désignée.
La magie de l'atelier l'entourait, vibrant dans l'air comme une symphonie enchantée. Parmi les artefacts étincelants, il attrapa une loupe monoculaire, un instrument dont les rouages complexes semblaient se mouvoir avec grâce. Avec précision, il fixa la loupe sur son œil, permettant aux rouages de s'ajuster au moindre mouvement de sa baguette. D'un geste fluide, il fit glisser sa baguette le long du bois de la flèche, accompagnant son geste d'un sortilège de révélation.
Elffin ensuite fit appel à un étau magique capable de saisir la flèche avec une fermeté inébranlable. Le bras mécanique s'enroula autour du projectile comme une poigne implacable, épousant chaque contour acéré avec une précision sans faille. La sécurité était primordiale, et il était hors de question de prendre le moindre risque. Une fois le dispositif de fixation en place, l’artisan se tourna vers une rangée de flacons rangés avec une précaution obsessionnelle, tous contenant des ingrédients aux propriétés mystérieuses. Deux flacons furent extraits de leur emplacement, puis mélangés avec une minutie méticuleuse dans une fiole vide. Chaque dosage était calculé au millimètre près.
Avec une maîtrise experte, Elffin agita la fiole, mêlant les réactifs dans une danse délicate. Les liquides se fusionnaient harmonieusement, créant une préparation capable de percer quelques secrets supplémentaires. Du bout de sa baguette, il préleva quelques gouttes de la potion, maintenant suspendues dans l'air tel un ballet liquide. D'un geste assuré, il les déposa avec précaution sur la pointe métallique de la flèche. L'étau faisait son effet, maintenant la flèche parfaitement immobile, tandis que la loupe enchantée d'Elffin pénétrait la magie qui l'entourait. Sans cette protection, l'atelier aurait été dévasté par les instincts destructeurs de l’objet. Les révélations ne laissaient aucun doute : il était bien en présence d'une flèche à tête chercheuse, et pas n’importe laquelle…
Les sombres pressentiments d'Elffin se concrétisaient peu à peu, plongeant son cœur dans un nuage de préoccupations. Chaque découverte l'approchait davantage d'une vérité troublante qu'il désespérait de démystifier, en vain.
Le mécamage fit pivoter l'étau, révélant ainsi le revers de la flèche. Il ajusta les rouages de sa loupe avec précision, permettant à ses yeux aiguisés de scruter les runes gravées sur le bois, invisibles sans assistance. Un souffle retenu s’étouffa au creux de sa gorge. Ses soupçons, nés dès le premier instant où il avait posé les yeux sur le projectile, se transformaient désormais en certitude. Cette flèche était bien plus qu'un simple outil mortel. Elle était capable de percer les armures des créatures les plus robustes et de les traquer avec une précision inflexible. Le mécamage qui l'avait conçue était un expert dans la fabrication d’armes de chasse et pour cause… car il était lui-même l'auteur des améliorations de cette création. Ces runes étaient de vulgaires mais non moins efficaces copies des siennes, et la taille de la pointe était une parfaite imitation de son travail.
Les rouages de l'esprit d'Elffin tournaient à une vitesse effrénée. Il savait pertinemment que les services qu'il offrait ne seraient pas du goût de la directrice du département du contrôle et de la régulation des créatures magiques, il ne se souciait guère de l'usage que certains de ses clients feraient de ses créations mécamagiques, car ses prestations hors du cadre de la légalité exigeaient une discrétion absolue. Ce qui était certain, cependant, c'est qu'il n'aurait jamais mis sur le marché de telles armes et connaissances.
Non seulement l'aspect meurtrier de cette arme la rendait inappropriée entre toutes les mains, mais elle faisait également partie de l'arsenal des Cynfeirdd. Elffin ne prendrait jamais le risque de dévoiler les actions de sa famille, ni d'attirer des regards indésirables sur eux.
Déterminé à résoudre cette énigme, il sentit le poids de la responsabilité peser sur ses épaules. Il devait remonter la piste de cette flèche jusqu'à son propriétaire illégitime, quel que soit le maudit imitateur qui avait osé mettre la main sur l'une de ses créations. Comment avait-il pu se procurer tant d’informations sur son travail pour armer de vulgaires braconniers ? Les questions tourbillonnaient dans son esprit, mais il savait qu'il devait agir sans tarder.
Avant de se lancer dans cette quête, il devait informer @Maeve Cynfeirdd, la responsable des siens, gardienne et protectrice des Cynfeirdd. S’il savait que cette conversation ne serait pas des plus agréables, la situation était trop préoccupante pour qu'il se dérobe à cette confrontation.
Elffin retira sa loupe et secoua la tête, l’air morne et dépassé.
- Je suis désolé j’aurais aimé t’aider, sincèrement. Tes conclusions semblent pertinentes mais il n’y a rien de plus que je puisse te dire sur cette flèche.
Il sentit un pincement de regret en tendant le projectile à Jade. Il aurait tant aimé la garder entre ses mains pour poursuivre ses analyses approfondies. Chaque détail, chaque rune gravée sur le bois recelait peut-être des indices cruciaux pour résoudre le mystère qui l'entourait.
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Levant un instant ses yeux sur le perroquet mécanique dont elle pensait avoir un copié collé du caractère très expansif de son propriétaire, Jade fut surprise de le voir repousser son offre. Ne doutant pourtant nullement que ses compétences de mécamages étaient très demandés, elle préféra réaligner la bourse entre ses mains, non sans un regard pour le familier qui se chargerait certainement de venir prendre les pièces à sa place. C'était son code d’honneur, celui de ne pas abuser du temps qui pouvait être précieux pour autrui et surtout, malgré une affaire qui avait tout pour être officieuse, elle tenait à faire ça selon ses propres règles.
Et alors qu’il s'était saisi de la flèche en l’invitant à le suivre à l’intérieur de la boutique dans un accès privé, Jade lui emboita le pas, non sans un regard à la fenêtre. Le calme n'était pas revenu dans les abords de la ruelle et moins elle pouvait s’exposer, mieux elle pourrait tout autant repartir d’ici sans encombre. Son regard errait doucement vers le décor qui se faisait de plus en plus fourni mais avec un certain ordre qu’elle pouvait percevoir puisqu’Elffin arpentait entre en sachant parfaitement où était chaque outil et chaque objet nécessaire pour la confection ou la réparation d’un autre. Alors que la flèche était manipulée par un bras mécanique tout juste après avoir été placé dans un étau et dans un système qui permettait une parfaite observation sous toutes les coutures, par le silence qu’Elffin ordonnait autour de lui, elle sut qu’elle ne pourrait s’approcher davantage, ni même lui poser des questions.
Cette curieuse sensation d'être revenue un temps à Poudlard lui souleva le ventre, regardant rapidement ailleurs pour remettre au loin ce souvenir qu’elle avait encore de lui lorsqu’elle était rentrée une fois au club de Mecamagie. Elle y lisait cette même concentration sur ses projets d'études et qui lui avait apporté une certaine satisfaction avec le temps, celui d’avoir toujours pensé qu’Elffin deviendrait quelqu’un à part entière. Et bien que le temps les ai éloigné, elle ne regrettait pas cette distance qui les avait amené ici à présent.
Ne faisant pas plus attention à la pièce qui l’entourait, elle ne pouvait pourtant détacher son regard de cette flèche, observant un instant les traits du visage de l’ancien Serdaigle se figer sans qu’elle ne puisse savoir à quoi il pensait. Etait-ce parce qu’il butait sur une énigme? Mais au moment où il se tourna vers elle, résigné à l’idée de ne pouvoir l’aider davantage, Jade plissa immédiatement les sourcils.
"Tu me mens.“
Levant le menton, elle avait posé sa main sur la flèche, récupérant son dû avec cette sensation d'être mené par le bout de sa baguette. L’Elffin qu’elle avait connu ne se serait pas contenté de juste lui rendre la pièce sans savoir de quoi il s’agissait, il aurait fait ses recherches, aurait demandé à pouvoir faire une expertise plus longue, quitte à s’entourer d’autres personnes. Loin d’avoir la monnaie de cette pièce qu’il n’avait pas accepté, Jade avait plutôt l’impression que le jeune homme cherchait à lui cacher de ce qu’il savait plutôt que de chercher avec elle à retrouver la provenance de l’arme. Protéger les créatures magiques avait toujours été sa ligne directrice déjà à Poudlard, il savait parfaitement à quel point elle était engagée dans une cause où tout le monde se résignait à ne considérer les créatures magiques comme de simples ingrédients ou d'éléments de servitudes et non des êtres sensibles à part entière. En venant ici, Elffin savait que Jade se battait pour les siens et pourtant, il était entrain de sauvagement la repousser comme pour lui enlever une piste prometteuse.
Elle eut un regard sur le coté, observant le plan de travail sur lequel il travaillait et fit un pas en arrière, un goût amer sur les lèvres qui refusait de la quitter à cet instant. L’impression d’avoir fait une erreur en venant ici ou du moins d’en refaire une.
"Je ne sais pas ce que tu me caches exactement Elffin. Mais ne me dis pas que tu ne sais pas, quand tu es capable de te démener pour bien plus.“
Il n’avait probablement jamais eu l’intention de l’aider et Jade tourna ses talons, flèche en main, alors que la situation lui échappait de nouveau. Ils s'étaient tous les deux largement prouvé qu’ils pouvaient travailler d’arrache pied pour obtenir ce qu’ils voulaient et c'était même une des raisons qui leur avait valu leur éloignement à l'époque, évoluant dans deux mondes différents sans que le croisement ne fasse des étincelles. Les mauvaises, celles qui pouvaient bruler jusqu'à tout détruire et qui avaient été arrêté à temps, bien avant qu’elle se propage. Mais aucun d’eux ne s'étaient battu à l’encontre de ce qu’ils étaient déjà à l'époque et elle se rendait à présent compte à quel point elle était arrivée jusqu’ici en se basant sur l’idée saugrenue qu’il aurait pu l’aiguiller.
Reculant encore un peu, son bras frôla un outil au bord tranchant qu’elle n’avait remarqué avant, maudissant son inexpérience dans le terrain pour ne pas faire attention à l’environnement duquel elle cherchait à présent à s'échapper. Et comme un rappel de sa blessure à l’omoplate, l’endroit la piqua exactement avec la même intensité, l’empêchant un instant de se soigner seule alors que la coupure commençait à saigner un peu plus, menaçant le sol d'être parsemé des premières gouttes de sang. Dans ses réflexions les plus poussées, elle savait que ce métal vibrait avec le même maléfice qui cherchait à atteindre et à contrôler son sang maudit. Se tenant alors le bras et s'éloignant de l’outil, elle leva le regard vers Elffin, l’association d’idée la poussant à considérer soudainement le mécamage comme la source avec un certain effarement, s'éloignant encore d’un pas en comprenant tous les risques qu’elle prenait en étant chez lui.
"C’est de toi?“
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La perspicacité de son amie le cueillit au vif, réveillant en lui un mélange de frustration et de culpabilité. Il savait pertinemment qu'il n'avait fait preuve d'aucune finesse dans sa réponse, mais il avait également conscience que divulguer la vérité aurait pu avoir des conséquences néfastes. Elffin n'aimait pas mentir à Jade, mais le sujet dont ils parlaient était bien trop délicat pour qu'il puisse se permettre la moindre révélation. Il aurait certainement préféré qu'elle ne rentre jamais dans son atelier aujourd'hui, que leur rencontre se déroule dans un contexte plus détendu, peut-être autour d'un verre, où ils auraient pu discuter librement sans les pressions et les secrets qui pesaient sur eux.
Alors qu'elle l'accusait de lui mentir, Elffin haussa simplement les yeux au ciel, arborant son habituelle expression désinvolte qui dissimulait si bien ses émotions, caché derrière son armure protectrice, aussi solide que celle qui défendait son atelier. Il semblait presque distant face à ses accusations, hochant la tête machinalement en signe d'acquiescement lorsqu’elle l’accusa de n’avoir fait aucun effort de recherche. Pourtant, en son for intérieur, il savait que Jade avait touché juste. Elle le connaissait trop bien pour être dupe, et elle venait de lui en apporter la preuve. La situation s'avérait d’autant plus délicate. Elffin devait revoir sa stratégie. Si elle le connaissait si bien, c'était réciproque et il savait que Jade n’abandonnerait pas tant qu’elle n’aurait pas le fin mot de l’histoire ; et il craignait au fond de lui que ce point final ne soit aussi celui de leur relation.
- J’aimerais que ça soit aussi simple, confessa-t-il autant pour lui que pour son invitée.
Son comportement et son absence de coopération avaient jeté un froid. Jade avait toutes les raisons de se montrer prudente, de douter des intentions d'Elffin. Pourtant, lui aussi ressentait cette méfiance s'installer, comme une barrière infranchissable. Si c'était Jade qui se trouvait dans l'inconnu, en possession d'une arme convoitée par les mauvaises personnes, Elffin, de son côté, devait préserver les secrets précieux qui entouraient sa vie. C’est lui qui avait tout à perdre en cet instant. Quoi qu'ils aient pu vivre et partager lors de leurs années insouciantes, le temps avait chargé leurs épaules de responsabilités. Le jeune Cynfeirdd ne pouvait risquer de dévoiler les activités des siens, ni mettre en péril ce commerce auquel il avait consacré toute sa vie. Jade, en qualité de directrice du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, incarnait un engagement sans faille envers sa cause, faisant d'elle, en cet instant précis, la dernière personne à qui Elffin souhaiterait être confronté. Un voile de tristesse s'abattit sur lui, qu’il masqua derrière des bras ouverts ; comme un suspect prouvant qu’il ne porte aucune arme.
Soudain, L’improbable se produisit. Dans un mouvement maladroit de recul, Jade s’écorcha sur une lame de métal enchantée présente dans l'atelier, s'écorchant par inadvertance. L'espace d'un instant, le temps sembla suspendu, figeant Elffin dans une culpabilité immédiate. Les pensées s'entrechoquèrent dans son esprit alors qu'il maudissait son étourderie et son manque de prévoyance. Comment avait-il pu être si négligent ? Ses sourcils se froncèrent tandis qu'il se reprochait de ne pas avoir anticipé les conséquences d'un accident potentiel. Un soupir silencieux s'échappa de ses lèvres, témoin muet de sa frustration intérieure.
Cependant, alors que son regard scrutait l'expression de Jade, il ne prononça aucun mot. Il se contenta d'observer le sursaut et la réactivité avec lesquels son amie avait mis de la distance avec l’outil tranchant. Il n’en tira aucune conclusion, n’en fit aucun commentaire, mais il remarqua.
Chaque pas qu'elle faisait pour s'éloigner de lui creusait un abîme dans leur relation déjà fragilisée. Elffin ne pouvait s'empêcher de sentir le seuil critique de la confiance entre eux s'approcher dangereusement. Chaque maladresse, chaque mot malhabile pouvait précipiter leur lien vers une rupture inévitable. Il attrapa un linge blanc immaculé, chiffon encore épargné des affres du bricolage, qu’il entreprit de tendre à la fonctionnaire pour panser sa blessure dans un premier temps mais celle-ci continua de reculer.
- Jade je ne te veux aucun mal.
« Si c’était le cas, ça serait fait depuis longtemps. » Ironique comme cette phrase tout faite dont il s’était toujours moqué faisait tout d’un coup logique et sens. Les pensées tourbillonnaient toujours. « Tu n’as rien à craindre de moi. » Mais il n’était pas sûr lui-même de la véracité de cette affirmation. Il respecta la distance de Jade et s’adossa au mur derrière le comptoir pour ne pas qu’elle ne se sente plus menacée encore. Il soupira en évitant dans un premier temps son regard avant de s’y confronter :
- Plus de mensonge alors… Non cette flèche n’est pas de moi.
Si Jade était toujours aussi habile pour lire en lui, elle saurait qu’il ne mentait pas. Il tendit le chiffon vers Jade et montra la flèche, espérant pouvoir les échanger pour faire sa démonstration.
- J’ai de sérieuses raisons de penser qu’elle a été inspirée par mes recherches. Le travail du métal et les runes dessinées ressemblent à mes créations, expliqua-t-il en désignant l’ensemble des pièces qui trônaient dans son atelier.
Il n’allait certainement pas lui parler de ses créations plus… mortelles. Pour sa défense, les runes et les sortilèges à tête chercheuse étaient des dérivées d’application bien plus banales et modestes. Des artefacts de communication et de soin avaient déjà fait l’expérience de tels pratiques, bien avant qu’Elffin ne perfectionne ces formules pour ses armes de chasse.
- Quelqu’un s’est servi de mon travail pour concevoir cette arme. Cette arme qui est en ta possession et qui t’as poussé à mener une enquête clandestine jusqu’ici. Tu comprends ma méfiance…
Toujours ce même fossé creusé par le temps et les chemins qui les ont séparés.
- Je n’en sais pas plus, cette fois c’est la vérité. Je vais mener ma propre enquête, je ne peux pas laisser un vulgaire imitateur salir mon travail et mon image, et mettre de tels objets sur le marché.
Puis il ajouta, espérant naïvement qu’en souvenir de leur amitié elle comprendrait :
- En revanche, je ne peux pas prendre le risque qu’elle soit officielle. Je ne peux pas… tout perdre. Vos méthodes ne prendront pas ici. Je connais les bonnes personnes et les combines, mais je ne peux pas coopérer avec vos agents au Marché des Trolls. J’y laisserai mon commerce… si j’ai de la chance.
Il s’épargna la peine de lui dire de lui « faire confiance ». Encore un cliché qui flirtait avec son sarcasme. S’il coopérait, son commerce serait le moindre mal. S’il devait retourner quelques sombres chroniques pour traquer ces braconniers et leur fournisseur, ce n’était pas que sa réputation qu’il mettrait en jeu. Avoir une étiquette estampillée « ministère de la magie » sur le front était ici bas le moyen le plus rapide de se foutre en l’air. Il croisa les bras sur sa poitrine. Cette fois il avait tout dit. Tout ce qui était avouable en tout cas. Force était de constater qu’il n’avait prononcé aucun mensonge ; comme promis. Un dernier soupir s’échappa de ses lèvres entrouvertes.
- Laisse-moi voir ta blessure. Il faut soigner ça. Cette lame trancherait un tronc d’arbre, c’est à ça qu’elle me sert d’ordinaire.
Ce qui, encore une fois, n’était pas un mensonge. Il passait juste sous silence les autres utilisations de ses artefacts forgés à partir de ce métal. Mais là n’était pas la question.
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Il avait toujours été aisé de contenir ses émotions et les traits de son visage impassible lorsqu’elle était juge, la distance entre les accusés et elle l’aidait considérablement à traiter les affaires sensibles de manière impartiale. C'était un domaine dans lequel elle excellait, assez pour avoir eu la réputation d'être méticuleuse, droite afin d’appliquer des lois mais lorsqu’il s’agissait de croiser un visage aussi familier, la perte des moyens était inévitable.
Elle se sentait presque gronder de l’intérieur, sentant la flèche lui piquer la peau comme si elle était encore dans la foret de Sherwood, assaillit par les braconniers qui visaient des innocents. Tentant de souffler pour évacuer ce léger picotement qui la prenait en plein coeur, la jeune femme soutenait son regard alors qu’Elffin se défilait légèrement sous ses propos. Elle avait visé juste, sans même avoir besoin de bluffer pour le prendre à revers. Était-ce parce qu’elle le connaissait depuis de nombreuses années ou était-ce par un nom de famille qui soulevait bien des interrogations quand on savait que le Ministre Dunn avait engagé officieusement certains membres de leur famille pour la chasse des loups garous? Le nez pointé sur un dossier qu’elle gardait dans ses bureaux, le nom de @Maeve Cynfeirdd n’avait jamais été la bienvenue dans son esprit et bien qu’il lui manquait bon nombre d'éléments pour la confronter directement sur d’autres activités, elle se rendait compte qu’un autre membre de la famille, celui qui avait soulevé le moins de soupçons jusque là, y en était aussi mêlé.
Mais il n’y avait rien de simple, la distance qu’ils s'étaient mis mutuellement attestait de la confiance rompue depuis des années, juste par le temps qui s'était écoulé sans rien pour les rattraper. Cette confession aurait pu être la faille dans laquelle elle pouvait s’engouffrer et lui faire avouer les quatre vérités, sans le moindre doute. Mais ce regard familier l’en empêchait, allant presque à l’encontre de son éthique parce qu’elle pouvait ainsi remettre en doute la confiance qu’elle pouvait accorder à ceux qu’elle connaissait.
Ou qu’elle croyait avoir connu.
Ravalant la trahison qui remplaçait ses premiers doutes, elle était campé dans ses positions, si bien que sa tentative de la rassurer lui fit même l’effet inverse. Mais alors qu'il déposait ses armes en proposant un compromis plus adapté à l'honnêteté qu'elle lui avait présenté au premier lieu, Jade s'encra dans son regard comme pour y déceler les vraies vérités. Prenant le chiffon tendu entre ses mains par réflexe, elle écoutait attentivement chaque intonation et amplitude de ses mains qui s'étaient déjà affairé avec la même minutie que précédemment mais d'une voix qui semblait troublé par le fait d'avoir affaire à un plagieur. Les épaules légèrement moins tendue, elle avait osé poser son regard sur la flèche alors qu'il lui montrait des runes qu'elle ne voyait pas à cette distance.
Cependant, la manière dont il s’exprimait eu raison d’elle, reconnaissant cette passion et ses questionnements qu’il se posait déjà lorsqu’ils étaient à Poudlard, absorber par ses objets et le Quidditch pour ne voir que cela. Levant les yeux vers lui alors qu’il attestait être un simple créateur dont la destinée de ses flèches avaient été détourné du but initial, Jade eut un moment de silence avant de légèrement hocher la tête, acquiesçant face à sa propre volonté de vouloir coincer l’imitateur qui se serait servi de quelques plans.
Le chiffon toujours sur son bras, elle se lançait dans des questions qui ressemblaient fortement à un interrogatoire, avec le seule envie de protéger les créatures magiques qui seraient sous le joug d’un tel braconnier.
"Tu as eu un apprenti récemment? Ou est-ce que tu as eu des clients plus véreux que le précédent et qui aurait cherché à comprendre le fonctionnement de cette flèche?“
Elle leva les yeux sur l’atelier, cherchant une porte, une issue de secours ou même un mouchard magique qui pourrait avoir été posé pour épier les œuvres du mécamage. Si Elffin s’intéressait surtout à sa réputation et à son commerce, Jade n’avait qu’un seul coeur pour tous les hybrides qui courraient un danger.
"Il n’y a aucune rune, ni un de ses emplacements qui diffèrent sur cette flèche par rapport aux tiennes? Je doute qu’un imitateur n’appose pas sa propre signature, ne serait-ce que magique …“ Fronçant les sourcils alors qu’elle comprenait que son ancien camarade préférait garder l’affaire encore très officieuse, Jade plissa les lèvres en tentant un nouveau compromis. Les négociations n’allaient clairement pas être longue et reprenant la flèche entre les mains avant qu’il ne puisse l’étudier davantage, la directrice eut le besoin de conserver une petite longueur d’avance avant qu’ils ne soient mis sur un même pied d'égalité. "Ca ne sera pas une enquête que je mentionnerais, j’ai beaucoup trop en jeu pour me permettre de révéler cette affaire au grand jour et surtout, je n’y gagnerais rien.“ Des vies, bien trop précieuses , penchaient nettement sur la balance pour ne pas être mis en avant aux yeux de ses supérieurs. Consciente qu’elle lui adressait même une information qui jusque là, était resté entre @Braxton Clearwater et elle, Jade lui soumit sa seule et unique condition. "Mais je veux être là.“
Ecartant son bras alors qu’il cherchait à la soigner, elle eut un léger mouvement de recul, observant du coin de l’œil une blessure qui rougissait le chiffon et qui attestait de la dangerosité de la lame, mise entre de mauvaise main.
"C’est à prendre et à ne surtout pas laisser filer.“
Si la confiance n'était pas présente entre eux, il y avait cette fine corde qu’elle pouvait encore apercevoir et qui pourraient encore leur permettre une coopération presque professionnelle. Lui tendant la main en amorçant un premier pas vers lui, elle se fit néanmoins un peu moins sévère dans un geste qui aurait toute son importance.
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Il y avait quelque chose chez Jade, un je-ne-sais-quoi, qui empêchait Elffin de laisser libre cours à sa nature désinvolte. Son autorité conférée par son poste et toute la ferveur qu’elle y accordait, pour sûr, mais pas seulement. Les méninges du mécamage mettaient cela sur le compte de la colère latente, cette force sourde qui s’immisçait dans son esprit comme un venin insidieux. Quelqu’un avait osé copier son travail et, malgré lui, Elffin devait même admettre que l’imitateur était plutôt doué ; ce qui n’arrangeait rien à cette haine viscérale qui prenait racine et grandissait. Alors oui, Elffin ne voyait aucune autre raison à ce malaise qui l’empêchait d’être lui-même, l’éternel boutentrain qui aurait balayé les soupçons et les accusations d’un rire franc et d’une boutade acrobatique.
La voix de Jade résonna dans l'atelier, évoquant celle d'une inspectrice implacable. Ses questions étaient pointues, percutantes, et Elffin sentait qu'elle était prête à tout pour mettre la main sur les braconniers et leur fournisseur. Il y avait dans le ton de sa voix toute l'abnégation qu'elle portait à sa cause, qui tordit un peu plus les tripes d'Elffin. Ce n'était plus en terrain glissant qu'il s'aventurait, cela ressemblait davantage à une chute libre. Il savait que l’ancienne juge ne renoncerait pas avant d'avoir résolu cette affaire, et s'il partageait son avis sur le sujet, il était conscient qu'il devait agir avec prudence pour éviter d'exposer ses propres secrets. Chaque pas devait être mesuré, chaque révélation soigneusement dosée.
Les questions de Jade étaient perspicaces, suscitant une réflexion profonde chez Elffin. Cependant, elles mettaient aussi en évidence le manque d'expérience et de connaissances de la directrice en ce qui concerne le quotidien du Marché aux Trolls. C'était à la fois une bonne nouvelle et une sacrée épine dans son pied. Il secoua la tête avec vigueur, tandis qu'il fouillait ses souvenirs à la recherche d'une possible faille dans son travail ; seulement, les secrets de son armement étaient de loin ceux qu'il ne divulguait à personne, qu'importe à quel point il aimait s'étendre sur la mécamagie avec le premier intéressé.
- Des clients véreux au Marché aux Trolls ? commenta-t-il avec un sourire en coin témoin d’une pointe de sarcasme dont il avait le secret.
Il poursuivit en réfléchissant à voix haute :
- Celui qui a conçu cette flèche est loin d’être un amateur. Il a dû étudier longuement mon travail ; personne ne l’aurait fait sous ma vigilance, crois-moi.
La plupart des jeunes qui passaient par là, un éclat de curiosité dans leurs yeux, finissaient par se retrouver à bricoler des artefacts à ses côtés. Les clients peu recommandables faisaient également partie de son quotidien, qu'ils soient manipulateurs ou intimidateurs. Mais jamais, oh non jamais, personne n’aurait réussi à mettre la main sur ses flèches ou à percer les secrets de leurs plans. Deux hypothèses sombres se détachaient en vérité, et aucune d'entre elles n'était réjouissante. Soit quelqu'un l'avait volé, soit un rapace avait mis la main sur l'un de ses projectiles lors d'une de ses chasses. En conclusion, dans les deux cas, il l’avait dans l’os.
- C’est plus subtil, répondit-il à la question de Jade en analysant la flèche tant qu’il l’avait toujours entre les mains.
Il saisit un parchemin qui reposait sur le comptoir, sur lequel il griffonna quelques annotations. Les braises de sa réflexion étaient encore brûlantes, alimentant la forge de sa pensée. Avec une attention distraite, il traça quelques runes sur le parchemin, variant les tracés pour se familiariser avec le style de l'imitateur, comme s'il cherchait à en percer les secrets.
- Les runes sont les mêmes mais le tracé est différent. Il est plus traditionnel, avec un léger décrochage dans les pointes. Ça ne les rend pas moins efficaces mais reconnaissables pour un œil avisé, lui expliqua-t-il en tournant le parchemin dans sa direction.
Jade lui arracha presque la flèche des mains, redoublant d’aplomb par la même occasion. Elffin avait une vague idée de la suite des événements, connaissant assez la détermination brute de celle qui avait fait un bout de chemin auprès de lui jadis, et cela ne l’enchantait guère. Comment disaient les aurors déjà ? Il n’était jamais bon d’être trop impliqué dans une affaire. Une montagne de problèmes se dessinait devant lui, lorsque sans la moindre surprise, la sentence tomba telle un couperet.
Une évidence parmi tant d’autres.
Il poussa un soupir lorsqu'elle s'écarta à nouveau alors qu'il voulait voir sa blessure, accompagné d'un pincement au coeur. N'avait-il jamais commis la moindre maladresse à son encontre pour qu'elle se méfie autant du moindre fait et geste qu'il pouvait entreprendre ? Plutôt que de s'accabler sur son sort, le mécamage respecta cette distance, se demandant plutôt ce que l'ancienne gryffondor avait traversé pour craindre autant une trahison de sa part. Il ressentit un instant le besoin de combler ce gouffre, il avait cette fâcheuse manie de vouloir plaire à tout le monde, et Jade faisait partie des rares personnes dans sa vie à avoir vraiment comptée ; à sa manière et en son temps. Lorsqu'elle tendit son bras vers lui pour sceller un accord dont elle avait déterminé les tenants et aboutissements par elle-même, il la fixa un long moment dans les yeux, immobile, y cherchant les réponses qui lui échappaient toujours.
- Coinçons cet enfoiré, s’engagea-t-il finalement en attrapant la main tendue.
Dans cette posture où Jade était immobilisée, le bras blessé, Elffin était conscient des multiples façons de régler définitivement son problème. Pourtant, aucune d’entre elle ne lui effleura l'esprit. Malgré le chaos dans lequel il se trouvait, il était déterminé à s'en sortir à sa propre manière. Il garda la main de Jade dans la sienne pendant quelques instants, la tenant avec douceur mais conviction, cherchant à se convaincre qu'il avait pris la bonne décision.
- Je te préviens, on fera ça à ma manière. Et ça commencera par ta tenue. Je salue l’effort mais il y a écrit « ministère » là… lança-t-il en la désignant du doigt de la tête aux pieds. Tu n’aimeras ni les lieux, ni les personnes que nous rencontrerons mais il faudra que tu me fasses confiance. Je te donne ma parole que nous l’attraperons.
Il fit un aller-retour dans l’arrière-boutique et revint avec un linge propre qu’il lui tendit. Il avait compris que la blessure de Jade marquait la frontière de la maigre confiance qu’elle lui portait et il décida de ne pas la franchir pour l’instant. Cette blessure méritait d’être soignée quoi qu’elle en pensait mais qui était-il pour dire à la directrice du département du controle et de la régulation des créatures magiques ce qu'elle devait faire ? Il lui tendit le chiffon mais ne le lâcha pas tout de suite, désireux de capter son attention une dernière fois :
- Promets-moi que tout restera entre toi et moi.
Parce qu’il n’avait qu’une parole, il était déterminé à aller au bout de cette enquête ; pour elle autant que pour lui, avec elle, mais seulement à la condition de pouvoir compter sur elle.
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