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Galore

ft @Yara Morães De Carvalho
Jeudi 10 Août - Début de matinée

De la colère qui tonnait dans chacun de ses gestes, jusqu'à la provocation avec laquelle elle lui répondait, la tête relevée par la fierté qui se voulait méprisante, Yara s’insurgeait contre Glenn qui commençait à sentir les premiers éclat de sa patience à l'épreuve de celle qui ne le voyait que comme un lycan.

L’observant monter les marches de l’escalier en se posant devant sa porte d’entrée, prête à rentrer sous une seule condition, la jeune femme ne cherchait qu’une seule réponse, occultant alors la première raison de sa présence ici, sans la moindre inquiétude pour  @Braxton Clearwater  ni même  @Eugène Fogg . Pourtant, elle refusait sa présence, enlevant son bras de sa main, prenant ses distances alors que sa voix chevrotante prenait le relai sur l’inquiétude qu’elle ressentait.

Il en resta interdit, calmant cette ardeur où elle le poussait à vouloir se défaire fil par fil de cette image qu’elle s'était construite de lui. Et si pendant un seul instant, Glenn avait pensé à la remettre dehors, il lui avait suffit de voir cette flamme dans son regard, vaciller comme si un des seuls repères qu’elle venait peut-être de retrouver était en danger, pour qu’une infime parti de lui ne se rappelle de sa promesse, dont il en glissa les conséquences dans un murmure.

"Elle va bien."

Cet étrange besoin de proximité se fit sentir, incontrôlable par la nature qui l’habitait depuis la naissance et qui le poussait à se rassembler en meute. Ce besoin d’appartenance, de protection, de confort qui permettait à chacun de faire les premiers pas de vaillants loups. Son regard s'était décroché du sien, mais sa main avait amorcé un seul mouvement vers la sienne, ses pas la guidant vers elle. Son parfum s’amplifiait, comme le soir où il s'était introduit chez elle, parlant sur le bord du lit comme si tout était naturel.

"Tu sais qu’elle va bien, sinon tu serais déjà partie."

Et si seuls quelques centimètres la séparaient d’elle, Glenn la dépassa aisément, ouvrant la porte en rentrant dans la pièce principale de la maison, la grande salle à manger ouverte sur le salon rustique et bien plus grands que ce qu’on pouvait deviner de l’intérieur. L’invitation ne pouvait pas être plus explicite pour celui qui tentait de trouver une trêve, malgré les extrêmes qui s’arrachaient entre eux.

"Je ne te sers pas de l’eau à ce stade."

Serrant les dents malgré lui devant une situation inattendue, il eut les mêmes gestes rapides et efficace qu’il avait eu lorsque  @Sigrid Haukland  et lui s'étaient pris le bac quelques mois auparavant, ouvrant une liqueur pour leur servir deux verres. Début de matinée ou pas, Glenn avait sérieusement besoin de noyer ce moment où il aurait pu s'énerver contre celle qui leur ressemblait tant.

"Mais je suis pas celui qui te dira ce qui a été dit. Tu n’auras qu'à lui demander et avant, tu vas me dire ce que tu fichais devant mon domaine." Par ce “mon” qu’il ne disait jamais ouvertement sans raison, Glenn garda ses distances avec la jeune femme, s’adossant contre un des meubles de la pièce à vitre. "Et ne me dis pas que tu veux me faire parler, soit tu le fais, soit tu finis ton verre avant que je te sorte d’ici. J’ai pas de temps à perdre, surtout pas avec toi alors tu en viens aux faits." Plissant les yeux, il refusait de sentir de nouveau sa chaleur aussi vivement que cette nuit où il avait découvert sa cicatrice. "Tu veux quoi?" Il le tonna une première fois, reposant bruyamment son verre qu’il avait fini d’une traite. Il n’avait pas besoin de lui faire un debrief de ce qui se passerait s’il commençait à en venir aux mains, ils savaient tous deux comment réagirait l’autre depuis des années. "Tu veux quoi, Yara?"

•••

Quelques jours plus tôt...

"Je suis celui qui a comprit que sa cicatrice ne s’effacera pas avec le temps."

Comme cette haine et cette vengeance qu’elle continuait à vouloir assouvir sans le moindre répit, délaissant une santé et probablement un sommeil loin d'être réparateur au fil des années. Mais la sirène avait raison, il ne faisait que présumer sans comprendre, l’instinct défiant sa logique à vouloir aller plus loin que les limites de ses champs depuis des mois.

Et avec cette humilité qu’il tenait de son père et qui revenait à chaque fois que les arguments lui manquaient, Glenn baissa le menton, reconnaissant aisément qu’il devait respect à la cheffe mais également à toute la famille qu’elle défendait sous les eaux.

"Mais il me reste encore beaucoup à apprendre de celle sur qui j’ai choisi de veiller."

Avec le temps, cette promesse d’avoir un œil sur Yara s'était muée en d’autres mots, tout aussi incompréhensible les uns que les autres. Mais il semblait évident que Yara rendait certains actes bien plus complexes qu’il n’y paraissait.

Yara Morães De Carvalho
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Vous êtes un ancien Haut Représentant de l'État
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Yara Morães De Carvalho
   
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Profession : Sentinelle au Conseil International Sorcier. Anciennement chasseuse de lycans au Ministère de la Magie (département du contrôle et régulation des créatures magiques)
Côté Cœur : Il n'a toujours pas été prouvé scientifiquement qu'elle en avait un.
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— ft. @Glenn Yard

10 08 2023

Ils ne s’étaient jamais compris, et pourtant, tous deux se ressemblaient bien plus que leurs différences et leurs différends ne le laissaient penser. À tel point qu’une sorte d’équilibre inattendu émanait des réponses de Glenn, apportant à Yara une sérénité étrange et involontaire maintenant qu’elle avait la certitude que Iemanja était en sécurité. Pourquoi ne ressentait-elle pas le besoin d’aller vérifier par elle-même s'il disait la vérité, était un autre mystère à élucider. Elle n’avait aucune confiance en lui et pourtant, elle n’ajouta rien. Comme pour éviter de trahir son inquiétude, comme pour ne pas lui montrer l’importance de Iemanja, alors qu’il la connaissait sûrement déjà. Sa fierté maladive la poussait à préférer qu’il l’ait appris d’une autre bouche que la sienne.

Pour le moment, son envie de lui sauter à la gorge s’apaisait suffisamment pour lui laisser le loisir de croire qu’il la connaissait, puisque tout le monde se plaisait à dire que l’espoir faisait vivre et qu’après tout, elle avait besoin de Glenn vivant pour accomplir un projet beaucoup plus grand.

Ça ne l’empêchait pas de rester elle-même, envers et contre tout.

« Pourquoi t’as été la voir ? Qu’est-ce qui te fait croire que tu en avais le droit ? Pour qui tu te prends, Glenn, au juste ? », grogna-t-elle sans chercher à cacher sa colère, tout en limitant le nombre d’indices qui risquaient de la dévoiler autant que son attachement aux êtres de l’eau.

Têtue comme à son habitude, Yara avait suivi du regard chacun de ses pas vers une maison dans laquelle elle ne serait jamais la bienvenue. Elle l’avait observé comme un chasseur guetterait le moindre mouvement de sa proie pour mieux la comprendre et anticiper ses prochaines actions.

Et tout ça, depuis le seuil de la porte.

« Je t’ai dit que je voulais rien de toi. Ça n’a pas changé depuis 2 minutes. »

Les bras croisés sur la poitrine, ses jambes restaient solidement accrochées au sol, immobiles et déterminées autant que sa motivation à ne pas rentrer. Depuis le perron, elle pouvait entendre le bruit d’un liquide s’écouler dans un contenant, et, quelques secondes plus tard, l’odeur d’un breuvage sucré et fort parvenir à ses narines. Ses traits se tordirent en une sorte de grimace désabusée. La cachaça n’avait visiblement toujours pas franchi les frontières ni traversé l’océan, à son grand désespoir. C’était bien la seule chose qu’elle aurait pu avaler en cet instant.

Ils pouvaient très bien se parler de là, inutile d’en faire trop. Glenn verrait tout de suite à quel drôle jeu elle jouait tout à coup, si du loup sauvage, elle passait sans prévenir à l’attitude plus délicate d’un agneau. Déjà, il était convaincu que sa venue n’était pas désintéressée et il était impossible de le nier au risque de passer pour une imbécile.

Yara avait une trop haute estime d’elle-même pour s’abaisser à ça. Restait à savoir si son mensonge le rassasierait dans sa soif de vérité.

« Lâche-moi avec tes questions, Glenn. »

Son ton était toujours aussi cassant, froid et distant, à l’instar de cette attitude dont elle ne se départirait jamais. Et pourtant, on pouvait sentir qu’elle s’apprêtait à lui donner la réponse qu’il attendait.

« Je voulais juste te rendre ça et te dire qu'il est très laid, ton pull », rétorqua-t-elle avec un mélange de dédain et d’une autre sensation impossible à décrire. Chaque mot était douloureux, mais il fallait bien commencer quelque part. Elle attrapa son sac à dos, puis, d’un simple mouvement de baguette, attira à elle le fameux pull dont elle n’avait plus rien à tirer désormais, pas un seul fil à démêler. Car Glenn le premier lui avait donné les réponses qu’elle avait toujours voulues en tuant ce loup devant ses yeux, la dernière fois. Un de moins. « Mais tu sais quoi ? », ajouta-t-elle en balançant le-dit vêtement au sol, sans se préoccuper de savoir s’il le récupérerait ou non. « C’est fait maintenant. T’as qu’à boire ma part. Et puisque ton temps est si précieux, et si ma présence est aussi indésirée et indésirable dans ton putain de domaine, t’as qu’à commencer par arrêter de fouiller dans ma vie et remuer le passé, Glenn, ça sera plus cohérent et ça te donnera de la crédibilité. » Une pause, un silence pour signifier qu’elle n’insisterait pas. Elle tournait déjà le dos à la porte d’entrée. « Je m’en fous de ce que Iemanja t’a dit. Ça change rien. »

Je m’en fous de tout, même de mourir. Voilà pourquoi je flirte avec tes limites et avec les miennes.

Parce que j’ai pas peur de toi, ni de personne, et parce que rien de ce que tu pourras dire ou faire n’y changera quoi que ce soit.


•••

Quelques jours plus tôt...

Son regard aussi profond que l’océan toisait l’homme qui avait eu l’affront de se rendre sur leurs terres sans s’annoncer. Il était doué d’un certain culot, loin de lui déplaire, mais il allait falloir qu’il apprenne à se soumettre s’il voulait obtenir des réponses.

« Tu fais partie de ceux qui la réouvrent par leur simple existence, pourtant. Même si vous vous ressemblez plus qu’elle ne le pense, en effet. »

Elle fit une pause, ses yeux soutenant toujours les siens avec persistance. La plus grande menace de son peuple avait toujours été l’ego des sorciers. Mais les lycans avaient récemment changé la donne. Il n’obtiendrait pas ce qu’il voulait aussi facilement.

« Je veux savoir qui tu es vraiment. Et ce que tu veux à Yara. Si ta réponse me satisfait, je te dirai ce que tu veux savoir. » Les siens gardaient leurs armes pointées vers la nouvelle menace, mais Iemanja s’approchait pour faciliter le dialogue leur intimant d'un seul geste de ne pas bouger. « Tu sais que ta venue ne lui donnera qu’une deuxième raison de vouloir te tuer. Et pourtant, tu es venu. Tu es la première personne à venir me parler de Yara. Pourquoi tiens-tu tant à veiller sur elle quand elle a su faire le nécessaire seule toutes ces années ? Qu’est ce qui me dit que tu ne cherches pas tout simplement des réponses pour l’atteindre ? »

La haine n’avait aucune limite dans le monde du dessus, comme ses semblables l’appelaient souvent. Mais détestait-il Yara au point de risquer sa vie auprès d’une famille d’êtres de l’eau tout juste installée, à l’affût du moindre risque qu’ils pourraient courir ?

Ou bien se pouvait-il qu'il ait réellement de bonnes intentions ?





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Jeudi 10 Août - Début de matinée

Aussi vindicative que le premier jour où il l’avait vu arrivé à Poudlard, Yara ne se semblait se contenter d’aucune de ses réponses pour lui en reposer d’autres, presque aussi semblables que celle qu’Iemanja lui avait posé, l’intérêt porté par un lycan sur une autre étant la principale source de toutes les questions. Pourquoi.

Observant le pull bleu qu’elle avait jeté par terre, lui offrant une raison de rendre son vêtement comme on se séparerait du bien d’un ex, Glenn fronça les sourcils, sentant sa gorge se serrer à la vue de sa colère. Il avait fait un pas dans une direction qu’elle n’avait souhaité que son pire ennemie prenne, refusant de comprendre à quel point des sentiments aussi forts pouvaient naître sans en ressentir leur contraire.

Et à cette constatation, il fut soudainement sourd à tous ce qui l’entourait à cet instant là, observant un instant le verre qu’il avait bu d’une traite en se demandant ce que sa mère avait pu y mettre pour se sentir aussi étourdi. Il entendait Yara, il la voyait à l’entrée de sa maison, de sa cuisine il n’en ressentait que cette chaleur qui parcourait ses veines, grondant comme une liqueur qu’il n’expirait plus, mais qu’il ingérait en ne souhaitant que noyer cette pénible impression.

•••

Quelques jours plus tôt...

Ce n'était pas la première fois qu’on lui demandait de se justifier sur ses actes, sa meute entière étant sous sa responsabilité à chaque pas qu’il faisait, mais lorsqu’elle venait d’une inconnue si proche de Yara, Glenn avait cette sensation de devoir se justifier, ce qui ne faisait pas parti de ses principes.

Dans la famille Yard, chaque décision était murement réfléchie en famille, chaque achat, chaque lycan qu’ils accueillaient avait l’approbation de la famille entière. Chaque membre de la famille était une fondation et une voix à part entière, bien que la décision finale était tranché par l’Alpha. Mais lorsqu’il s’agissait de Yara, Glenn avançait autrement. Il était toujours ce loup, construisant le foyer le plus stable pour sa famille, il était toujours l’homme qui avait appris à être en société, mais il avait ce “devenir” qui le poussait à agir seul. Yara réveillait un instinct primaire, un de ceux qui le faisait sortir de ses gonds lorsqu’on s’en approchait, lorsqu’on l’effleurait.

Ce n'était pourtant pas un sentiment d’appartenance, ni de possessivité abrupte. C'était un lien basé sur une seule promesse qui n’avait eu cesse d'évoluer sans qu’aucune critique ne le dévie de ce chemin. Il avait l’impression de courir dans une forêt, frôlant chaque bois dans une course effrénée, sans savoir si la lune ou le soleil était présent dans le ciel, hurlant tout en riant derrière tout en laissant le temps s'écouler, sans rien pour l’arrêter.

"Je suis le loup blanc de la famille Yard." Observant les eaux troublés par sa présence, il en était resté immobile devant celle qui protégeait autant les intérêts de Yara. Elle devait très largement savoir pourquoi Glenn appuyait fermement sur la couleur pure de son pelage qui n’avait changé, malgré ses actes qui l’avaient poussé à tuer un des siens, sans le moindre regret. "Et je suis là parce que je tiens à elle."

Parce qu’il le referait de la même manière si c'était à recommencer.

•••

Il s'était baissé pour prendre son pull, par respect pour @Aena Nightingale qui lui avait offert, enlevant un brin de poussière qu’elle avait soulevé en le lui jetant sans en avoir rien à faire. Par des mots qu’elle lui répétait, elle était néanmoins là, cachant une vérité qu’il n’avait probablement pas envie de savoir ni de voir à cet instant.

"Va-t-en." Il en avait haussé légèrement les épaules. "Si y’a rien qui te retiens, tu peux partir. On a pas à se revoir si on a rien à se dire." Ferme et presque décisif, il se mit à aller dans son sens, le dédain qu’elle eut à son égard le poussant à aller dans son extrême.

Elle oscillait entre sa curiosité féroce à vouloir savoir ce qui avait été dit à Iemanja et sa fierté de vouloir avancer avec toute l’indépendance qui l’habitait. Se construisant une force indestructible avec le temps, Glenn s'échauffait rien qu’en la voyant devant lui, laissant des résonnances lui vriller la raison. Se décrochant du meuble de la cuisine, il y avait laissé le pull en s’avançant vers celle qui refusait de poser un seul pied dans l’antre du loup. La dépassant d’une bonne tête, il était libre à elle de reculer ou de franchir cette limite qu’elle semblait craindre en venant lui déposer un pull jusqu’ici.

"T’es pas venue pour ça. T’es pas venue que pour ça, tu aurais pu le brûler et le jeter." Laissant ses yeux bleus parcourir celle qui frisait avec le soleil, Glenn laissait échapper par vague une chaleur qu’il ne contenait pas lorsqu’elle était là. Parce qu’elle le faisait avancer sur un chemin qu’il avait envie de prendre en dépit de toutes les grondements qu’il pouvait entendre. "T’es venue pour les mêmes raisons qui m’ont poussé à aller la voir."

Si ni l’un ni l’autre n'était prêt à reconnaître ce fait à haute voix, il s’assurait au moins de savoir s’ils n’avaient pas besoin de se l’avouer pour en savoir plus, malgré tous ce qui plaçait cet instant dans une incertitude précaire. Et ni l’un ni l’autre n'était prêt à en vouloir plus alors qu’il s’affranchissait de la frontière du palier pour frôler ses limites comme les siennes.

"Tu veux m’entendre dire quoi Yara?" Posant sa main sur l’encadrement de la porte, il laissa son regard longer les traits de son visage, la réalité lui échappant doucement. "Si tu veux vraiment partir, laisse moi te faciliter les choses, j’irais très bien."

Yara Morães De Carvalho
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— ft. @Glenn Yard

10 08 2023

Le dos toujours tourné à la porte, la silhouette de la chasseresse s’apprêtait à descendre les marches du perron et disparaître dans la lumière crue d’un nouveau jour qui se levait. Et si Yara avait un instant pensé que Glenn se saisirait de la première occasion pour la voir partir, sans chercher à la rattraper, ce furent bien ses pas qui la stoppèrent brutalement dans son élan. Sans comprendre ce qui la retenait vraiment de quitter les lieux, c’était déjà la deuxième fois que son envie de partir fut tuée dans l’œuf.

Jamais deux sans trois, disait-on parfois.

La voix de Glenn, qui la sommait de partir, la fit bondir à l’intérieur. La raison était toute simple : le fait qu’il l’ait ordonné aussi directement et fermement l’empêchait désormais de s’en aller, sous peine de devoir lui donner raison. Et ça, c’était tout bonnement inenvisageable pour Yara. Sa raison n'était guidée que par ce besoin irrémédiable d’avoir le dernier mot et de ne jamais faire ce qu’on attendait d’elle.

S’il croyait l’impressionner en se dressant ainsi de toute sa hauteur devant elle, il se trompait. Avec une audace effrontée, Yara maintenait son regard, sans prendre la peine d’effacer toute la hargne et la haine qui y évoluaient depuis presque toujours.

« Justement. Tu n’aurais jamais dû aller la voir », trancha-t-elle, pointant du doigt cet affront contre lequel Iemanja avait déjà tenté de le mettre en garde.

Les yeux bleus de Glenn rappelaient avec véhémence toutes les nuances d'un océan qui  manquait tant à la Brésilienne. Mais Yara savait encore trop bien nager pour s’y noyer. Combien de fois avait-elle retrouvé Iemanja depuis son arrivée, sans annoncer sa venue, par pur plaisir de la retrouver sous l’eau ?

Il ne l’aurait pas à ce jeu là.

Admettre les vraies raisons pour lesquelles elle était venue était impensable en l’état actuel des choses. Autant balancer dès à présent tout ce qui la troublait sur ce même pallier, et donner, par la même occasion, les clés de son appartement ou de ce cœur en miettes dont il avait fait de la poussière en volant sa photo.

Non, définitivement, Glenn Yard n’était pas digne de sa confiance.

« Je vais partir, ouais », annonça-t-elle sur un ton de défi, toujours sans se démonter malgré sa petite taille.

À chaque mot prononcé, elle brisait un peu plus la distance qui les séparait.  

Mais bientôt, respirer le même air que lui devint une torture. Chaque bouffée d’oxygène qui infiltrait ses poumons se faisait plus douloureuse que la précédente.

Tant pis pour la stratégie.

Tant pis pour les réponses.

Glenn rendait toutes ses tentatives de manipulation insoutenables. Il était vain de croire qu’elle pouvait faire semblant avec lui. Aussi dur que ça puisse être de l’admettre, il n’y avait aucune issue à ce petit jeu dans lequel elle l’avait imaginé si souvent devenir son pion.

Elle y aurait pourtant pris du plaisir, avec d’autres.

Mais pas avec lui.

Glenn était l’exception qu’aucune règle ne confirmait.

« J’en ai assez entendu pour une vie entière. Tu ne me reverras jamais. Ou du moins, tu feras de toi-même en sorte de ne jamais croiser ma route à nouveau, ni de te mêler de ce qui ne te regarde pas. » Son corps entier se nouait d’une tension qui la reprenait à chaque fois que son regard se perdait sur lui. Tout en lui la révulsait, et pourtant, c’était bien elle qui s’était rendue sur ses terres, et de son propre chef, ce jour-là. « Parce que c’est la dernière chance que je te laisse. La dernière, tu m’entends ? » Elle aurait dû le tuer quand les règles gouvernementales étaient moins souples. Et même là, elle ne l’avait pas fait. Pourquoi était-elle si molle quand il était question de lui ? Pourquoi se cherchait-elle toujours des excuses ? Etaient-ce les mêmes raisons qui faisaient qu’Eugène Fogg était encore en vie ? Une sorte d’attachement inadmissible, ou pire… de la pitié ?

Pourquoi fallait-il que l’existence de Yara ne soit rien d’autre qu’une succession d’illogismes en tout genre ? Pourquoi fallait-il que tout ce qui régissait sa vie soit si pénible à supporter ?

« Tu es comme les autres. » Elle n’avait qu’une envie en cet instant, alors qu’il la toisait de toute sa hauteur : lui faire du mal, quand bien même elle n’était rien pour lui. « Un putain de monstre qui se croit plus fort que tout le monde, qui pense que le monde est à ses pieds, qui croit détenir toutes les vérités. Et qui tue les siens quand le besoin s’en fait. Pourquoi, hein ? » Une pause. « Non, tu sais quoi, je m’en fous. Mais retiens bien ce que je vais te dire. Moi, je ne me soumettrai jamais. »

D’un moment à l’autre, elle pouvait transplaner.

Mais avant, il lui fallait récupérer l’air qui lui manquait. La désartibulation serait probablement la cerise sur le gâteau, à ce stade de la journée.

Yara descendit finalement ses marches, tournant une nouvelle fois ouvertement le dos à celui qui pouvait ne faire d’elle qu’une bouchée.

Signe qu’elle avait bien plus confiance en lui qu’elle ne voulait bien le croire.

•••

Quelques jours plus tôt...

Pendant quelques minutes, Iemanja n’avait pas bougé. Dans son mutisme latent, elle assimilait les mots qu’elle venait d’entendre, tentant probablement de s’assurer auprès d’elle-même qu’elle avait bien compris et qu’aucun contresens ne viendrait la tromper. Pesant le pour et le contre avec une rapidité déconcertante, elle ne dit rien de plus avant de s’effacer dans le bleu profond de la mer, sans un seul mot à l’égard de l’homme qui lui faisait face.

Il avait fallu patienter quelques longues minutes avant de la voir remonter à la surface. Sa famille n’avait pas bougé, braquant toujours avec la même volonté les armes qu’ils avaient eux-mêmes façonné, dont seules les pointes étaient visibles depuis le monde du dessus. On la vit chuchoter quelques mots à ce qui semblait être son second, dans un Mermish que personne à part les siens ne pourrait comprendre. Avec toute la grâce qu'on pouvait attendre d’une sirène, Iemanja s’était approchée de l’homme qui était venu pour Yara, laissant le vent soulever le parfum enivrant de ses cheveux de jais jusqu’à lui.

Sans rien dire, elle le toisa à nouveau, comme si elle réfléchissait encore, jugeant sa propre décision. Mais loin de ses propres fragrances, il y a avait quelque chose dans l’air qu’elle pouvait sentir, cette odeur immatérielle que seuls les hybrides pouvaient humer.

Et elle avait décidé de s’y fier.

« Prends ça. »

Sorcier et lycan, il aurait certainement le discernement qui lui permettrait de reconnaître la fiole qui s’était retrouvée dans sa main. Un souvenir du passé. Des mémoires achevées qu’on avait voulu garder en archives, comme pour ne jamais les oublier.

« Ce sont les parents adoptifs de Yara qui ont extrait ces souvenirs. Ce sont les miens. Ils t’aideront probablement à comprendre ce qu’elle ne parviendra jamais à expliquer et te donneront des clés pour l’aider à avancer. Fais en bon usage. »

Sans rien dire de plus, l’être de l’eau reprit la place qui lui appartenait dans les profondeurs bleutées.

Plus aucune trace des siens n’était visible à la surface.

Signe qu’à la différence de Yara, Iemanja savait pardonner.



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ft @Yara Morães De Carvalho
Jeudi 10 Août - Début de matinée

Quelques jours plus tôt, il avait fini par s’installer sur le bord de son lit, cette fiole en main avec la certitude que les souvenirs qu’elle renfermait était bien plus précieux que ce qu’il n’imaginait. La vérité qu’il tenait entre ses mains, avait à ses yeux une telle importance, qu’il n’avait pu se résoudre à les sonder entièrement seul, alors que Yara aurait fait bien plus que grogner à son encontre en sachant ce que Iemanja lui avait offert de plein gré, comme signe de confiance.

"Tu te fous de moi? De tous les loups que tu as tué de sang froid, je suis le monstre qui se sent plus haut que les autres ? Pour qui tu me prends ? "

Il l’avait tonné depuis le palier, descendant les escaliers avec cette même hâte alors qu’elle pensait partir après l’avoir acculer sous ses jugements infects. Le lycan avait serrer les dents et les poings par l’affront qu’elle lui jetait à la figure, osant venir jusqu'à chez lui pour lui parler ainsi. Déliant son tact, il affronta le culot de la jeune femme qui le mettait hors de lui au moindre regard ou à la moindre de ses paroles condescendantes.

"Pour qui tu te prends surtout ? A venir sur mes terres pour feindre tes menaces ? Si tu voulais vraiment me tuer, ne serait-ce qu'essayer parce que non, tu n'es pas de taille, t'aurais agit quinze ans plutôt et pourtant, tu es toujours entrain de fuir ou de chercher des excuses, mais ça prend pas avec moi."

Banshee s'était levée en l’entendant lever le ton à l’extérieur, repoussant de plus en plus la jeune femme à quitter les lieux alors que chacune de ses paroles l’invitaient à rester un peu plus longtemps, par pur esprit de contradiction. Il l’avait comprit que le simple mirage d’une soumission la faisait réagir vivement, jusqu'à prendre la direction opposée. Mais il avait fini par en lâcher un rire nerveux, se demandant si en jetant son coeur meurtri, elle n’en avait pas fini par perdre son âme.

"Je sais parfaitement ce que tu as fuis déjà, je t’ai touché je te signale." Outre la douceur d’une peau boursoufflée, il savait que seul un loup pouvait laisser des marques aussi puissantes. "Tu es juste en train de répéter le même schéma au lieu d'affronter la réalité. Mais tu sais quoi, je vais te laisser faire ce que tu veux pendant que je vais ouvrir le souvenir que Iemanja m'a donné sans le moindre regret. Je pensais t'attendre. Je pensais vraiment t'attendre Yara parce que ça, c'est important, mais là maintenant, tu m’emmerdes à pas savoir ce que tu veux."

Parce qu’il sentait le sang de ses veines bouillonner, Glenn secoua lentement la tête en tentant de calmer le loup qui griffait son corps, souhaitant presque sortir en plein jour. Loin d’avoir cette maitrise que les plus anciens avait, l’Alpha tenta d’apaiser cette animosité qu’elle soulevait en une fraction de seconde, juste en étant sous ses yeux. Il avait passé des années à ne pas la voir, il avait fallu qu’elle revienne sur son chemin il y a quelques mois pour que plus rien n’ait de sens.

"Je sais ce que je veux et ce que je vaux. Alors je rentre, t'es libre de faire ce que tu veux. J'en ai assez de jouer à ton jeu puéril, ça m'intéresse pas."

La laissant volontairement dans ce déni si ça l’amusait de le voir ainsi, Glenn ne put s’empêcher de se sentir ronger à l’idée que la jeune femme ne le voit que comme un monstre. Contre tout attente, il lui tourna le dos, conscient d’avoir soulever le seul point d’attache qui aurait permis à Yara et à lui de trouver un accord commun : la sécurité de Iemanja sur leur ile, non loin d’ici. Malgré la brutalité de certains gestes et de mots qu'il pouvait avoir sans le moindre tact, il s'était toujours évertué à être quelqu'un de bien.

Par des pas vifs, il ouvra la porte qui claqua contre le mur, une faible poussière émanant des poutres du perron vibrant sous le choc. Glenn n’était pas connu pour se laisser aller dans des gestes aussi brusques, ni même de perdre sa patience aussi facilement, s’assurant ainsi qu’il pouvait toujours guider les plus jeunes d’entre eux vers la meilleure voie possible. Mais entendre dire Yara qu’il n'était que le même monstre que ceux qui mordait pour le plaisir d’asservir, l’enrageait.

Et sans même se préoccuper de savoir si la jeune femme avait transplané en dehors de son domaine, il avait longé les murs de la cuisine, remontant les escaliers en bois avec hâte, se précipitant en se dirigeant comme un sourd vers son étage, délimitant ainsi celui de son frère et de ses soeurs pour ouvrir les portes de sa chambre. Il avait eu le bon sens de sortir de la Pensine au moment même où il avait entendu des voix appeler la sirène par son prénom, par respect et pudeur, mais aujourd’hui, il irait certainement jusqu’au bout.

Et avant même qu’il ne puisse prendre l’objet convoité sous son lit, il se figea devant sa fenêtre en sentant cette ivresse courir dans ses veines comme si Yara était à côté de lui. Par des gestes brusques et un corps qui s’animaient de souffles difficiles, Glenn avait tenté d’absorbé toute l'énergie qu’elle se vouait à faire sortir, abattant cette colère à chaque pas qui l’avait éloigné d’elle. Il refusait de comprendre les raisons pour lesquelles il finissait par réagir aussi vivement dès lorsqu’elle était là.

Yara Morães De Carvalho
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Yara Morães De Carvalho
   
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Profession : Sentinelle au Conseil International Sorcier. Anciennement chasseuse de lycans au Ministère de la Magie (département du contrôle et régulation des créatures magiques)
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— ft. @Glenn Yard

10 08 2023

La voix de Glenn avait tranché l’air. Cinglante, douloureuse, à l’image de ces mots qui venaient d’être énoncés avec un trop plein de véhémence évident. Sans oublier cette pointe de vérité qui était propre au lycan et que Yara prendrait grand soin de ne jamais reconnaître droit dans ses yeux, trop bleus pour être vrais. Et pour cause : certaines réalités étaient semblables à de sombres épaves délavées qu’il valait mieux laisser disparaître au fond de l’océan, avec le temps. Et si la chasseresse en était intimement persuadée depuis de nombreuses années, Glenn n’avait eu de cesse de vouloir remuer la vase et le passé, déliant le calme et le silence de toute une vie pour céder toute leur place au bruit et aux dégâts qu’il laisserait consciemment dans son sillage.

Trop fière pour admettre quoi que ce soit devant lui — ou trop lâche, selon le point de vue duquel on se plaçait — la Brésilienne avait donc poursuivit sa route pour retrouver son souffle et le semblant de dignité qu’elle avait perdu dans les tréfonds marins avant de disparaître, comme promis. Sa cadence droite, rythmée, inébranlable, se voulait le reflet d’une volonté inavouée d’avoir sans cesse le dernier mot, celui qui ne serait jamais de trop, pour ne jamais se laisser démonter par qui que ce soit. Après avoir distancé le perron des Yard de quelques mètres, elle s’apprêtait à laisser son esprit la guider partout, tant que c’était ailleurs qu’ici, non sans s’être jurée au préalable de ne plus jamais remettre les pieds dans ce domaine, peu importait la raison de sa venue.

Mais c’était sans compter sur ces mots de trop.

Une trahison supplémentaire qui irradia son corps tout entier d’un puissant courant électrique, suffisamment fort pour la faire trébucher sur un caillou qui n’aurait sans doute jamais dû se trouver là. Soulevant sur son passage la terre en provenance d’un sol qu’elle cessait subitement de fouler, Yara s’était mordu l’intérieur de la joue pour se retenir de bondir sur Glenn et s’éviter, dans le même temps, de répondre à un énième accès de rage, de ceux qui la prenaient dès lors qu’il se trouvait dans les parages et qui l’aurait certainement poussée à transplaner à la frontière entre la France et le Royaume-Uni si elle s’était écoutée. Là où même la saveur douce des embruns sur son visage n’aurait pu suffire à la calmer.

Que Glenn n’ait pas trouvé la mort de ses mains en quinze années n’avait rien à voir avec une question de taille, bien que Yara était loin d'être l'une de ces femmes aux jambes infiniment longues et élancées. La raison de cette vie qui coulait toujours dans ses veines remplies de sang chaud restait néanmoins secrète, cachée dans des confins d'un inconscient qu’elle ne se risquerait jamais à explorer. Si Glenn n’était pas encore mort, c’est qu’il devait y avoir une partie de lui dont elle avait besoin.

Parce que Yara agissait toujours dans son propre intérêt.

Restait à savoir quelle partie, et comment ce besoin finirait par s’exprimer.

Passé le temps de la surprise et de la déception, il n’était pas possible de savoir comment Yara avait réussi à rejoindre Glenn en si peu de temps et avec autant de facilité. Elle-même n’aurait su dire quels chemins elle avait emprunté, ni comment elle avait pu trouver ce qu’elle cherchait du premier coup. L’instinct, probablement. Tout ce dont elle se souvenait, c’était de s’être plantée devant l’entrée d’une pièce où elle avait été certaine de pouvoir le trouver, incapable de dire quoi que ce soit de plus. Dans cette vie-là, Yara ne faisait pas partie des plus bavardes, mais ce silence qui pesait dans l’air n’était pas un bon signe pour qui voudrait analyser la scène. Pas plus que ces yeux ambrés qui cherchaient la confrontation des vagues d’un bleu profond, menaçant de les emporter dans un éternel va-et-vient.

Une longue inspiration vint soulever sa cage thoracique, sans jamais l’abaisser. Comme si tout l’air qui venait d’être ingéré était tenu captif à l’intérieur, comme si la solennité de ce moment justifiait qu’on puisse aller jusqu’à retenir sa respiration. Ou peut-être était-ce le parfum de Glenn qui emplissait les lieux, l’empêchant de penser correctement. Quoiqu’il en soit, cesser de faire ce qui lui était vital semblait l’aider à mieux penser et à organiser sa demande, formulée d’une voix posée qui ne lui ressemblait pas en de telles circonstances.

« Tu vas me rendre ce souvenir. Et comme tu vas me demander pourquoi, j’anticipe : je te l’interdis. C’est ma vie, et elle m’appartient. Iemanja n’avait pas le droit de décider pour moi. Pas plus que toi. »


Restons des inconnus, continue de me haïr, et épargne-moi de longs discours larmoyants, inutiles et fatigants. Parce que je sais déjà ce que tu diras. Je l’ai vécu déjà des dizaines de fois dans ma tête, et c’est précisément ce qui m’a poussée à ne jamais en parler, ni à toi, ni à personne. Tu seras désolé de ce que j’ai vécu, tu me le répéteras mille fois. Mais moi, je refuserai toujours de l’entendre. Parce que je ne veux pas de ta pitié. Parce que je ne veux rien qui puisse provenir de toi, si ce n’était pas encore suffisamment clair dans tes putains d’yeux bleus qui me ramènent chez-moi, dès que je les regarde. Et la cicatrice dans mon dos, la seule partie de mon corps que tu toucheras jamais, me rappelle tous les jours qu’on n’obtient rien dans la vie par la douceur et l’amour.

Et à la tendresse et l’amitié, c’est elle qui m’a toujours poussée à choisir la haine et la solitude.


« Rends-moi ça », furent les seules paroles qu’elle parvint à articuler, quand toutes les autres qui venaient de la traverser étaient désormais vouées au silence.

Derrière ce bras tendu, réclamant ce que la brésilienne considérait comme son dû, aucune émotion ne traversait son visage. Tout chez Yara, absolument tout en elle, s’évertuait à faire taire les quelques traces d’un passé révolu.

Enterré.



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Jeudi 10 Août - Début de matinée

Au premier souffle qu'elle livra dans sa chambre, Glenn grogna. D'un son rauque, il l'avertissait de ne pas l'approcher davantage. Il avait délibérément mis une distance qu’elle comblait, sans pouvoir se laisser le temps de reprendre la cadence normale de battements qui vrillait ses oreilles. S’il avait eu le souffle court durant toute sa progression jusqu’aux étages, loin de l’aisance des lycans à pouvoir gravir des montagnes aussi aisément qu’un petit rochet, Glenn fronçait les sourcils sans comprendre ce qui s’insinuait depuis le bout de ses mains.

Et si Yara refusait de faire ce qu’on lui disait, courant même dans la direction tête baissée, Glenn était le dernier à obéir à ses ordres. Réclamant ce souvenir en tonnant sous son propre toit, Yara le défiait tandis que le lycan sentait chaque poil de son échine se redresser sous sa voix. Elle l'échauffait, exacerbant ses sens par un parfum aussi familier qu’agaçant, sa voix irritée le faisant légèrement secoué la tête, signe qu’il n’allait nullement lui donner.

Sa présence l’agitait, le loup prêt à griffer le sol de cette chambre pour marquer son territoire, celui où il lui avait interdit de rentrer dans de telles conditions. Pourtant, alors que l’exaltation fermentait doucement, il avait relever les yeux vers elle, s’encrant dans ses iris mordorés qui eurent soudainement des émotions bien plus explosives à lui livrer.

Laisse-la venir à toi, tu aviseras ensuite. A l’instinct.

Les paroles de son père, qu’il avait pensé être désordonnées à l'époque, lui parvenaient encore à ses oreilles alors qu’il était rentré durant un des premiers week-end après leur rencontre tumultueuse à Poudlard. Sans le moindre filtre, Glenn s'était confié à Paul Yard, plantant les choux-fleurs sous les serres.

Et elle était là, tendant la main vers lui, comme un appel.

Glenn se redressa sur toute sa hauteur, soulevant le menton sans la quitter du regard. Sans émettre le moindre mot, il avait fini par la rejoindre sans se départir d’un regard qui pouvait en dire tellement plus long. Elle ne se doutait à peine de la manière dont il avait déjà aperçu toute l’expression de son regard pour d’autres, quand lui n’avait jamais eu que ses colères.

Quelque chose la poussait à le haïr. Ce quelque chose, comme un mécanisme d’auto-défense s'érigeait contre lui et il ne put que lui poser la fiole entre les mains, gardant pourtant une fine corde verte fermement dans la sienne, relié au bouchon qui contenait les souvenirs. Il savait qu’elle ne partirait pas sans prendre le risque que les souvenirs ne soient déversés à terre et perdus, bien qu’elle était libre à de tirer un trait sur son passé dont elle avait tout les droits.

Debout dans sa chambre, il sentait toutes les contradictions de ce qu'ils étaient le heurter. Ils pouvaient demeurer des inconnus, lié par la vie et la mort que l'un sauvait tandis que l'autre détruisait.

Elle n'avait pas à savoir à quel point il tenait à elle.

"Tu as raison, ça ne m’appartient pas."

Il lui concédait cette vérité, la seule dont il savait certaine.

"Je sais que tu n’as pas peur de moi, ni d’un quelconque jugement." Il l’avait murmuré, glissant ses doigts sur cette fine corde qui pouvait tout changer. Par l’indépendance qui la caractérisait, sans en faire le moindre reproche, il lui avouait à demi-mot cette force qui la caractérisait. Loin de soulever les oppositions et les tempêtes qui les avaient toujours mis face à face l’un à l’autre, le lycan tentait de tempérer bien qu’il avait toutes les raisons de lui refuser le souvenir que Iemanja lui avait confié avec tout confiance sur les vérités criantes qu’il pourrait voir. ”Si tu as peur de ce que représente ses souvenirs, moi pas. Ceux là sont ceux d'Iemanja, ils ne sont pas à toi. Et si elle a choisi de me les confier de plein gré, il est temps de te remettre en question."

Fronçant les sourcils, il s'était rapproché de celle qui supportait à peine leur proximité quand chaque loup cherchait celles des autres. Basculant sa tête sur le coté, il observait cette main qu’elle avait toujours refusé de tendre autrement qu’aujourd’hui. Une peau qui n’avait eu cesse de remettre en question les principes des Yards et qui ne le laissait pas indifférent, quoi qu’il puisse admettre.

Pourtant, d’un coup sec, et sans prévenir, Glenn sorti sa baguette pour attirer la Pensine présente sous son lit, se posant soudainement entre eux alors qu’il tirait sur le fil du bouchon de la fiole pour la laisser déverser le liquide emprunt de souvenir dans le vasque.

Pensait-elle vraiment qu’elle l’aurait eu à l’usure? Yara avait beau le mettre à bout, Glenn n’en démordait pas.

Il ignorait s’il voulait qu’elle puisse guérir des douleurs qui brisaient les cœurs afin de la laisser vaincre ces démons. Il ne savait pas même s’il espérait qu’elle puisse gagner ce combat intérieur qu’elle menait depuis certainement sa naissance, celui dont elle ne pouvait parler à personne parce qu’elle ignorait à quel point, mais il avait bien l’intension de n'être nulle part ailleurs qu’ici, pendant qu’il le découvrirait.

"Tu viens avec moi ou tu te retires?"

Envoyant valser au loin le bouchon, il lui avait tendu la main à son tour, la défiant du regard pour savoir si elle surpasserait ses propres limites, comme il le faisait actuellement.

Yara Morães De Carvalho
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10 08 2023

Des cordes invisibles mais tenaces tiraillaient chaque parcelle de la peau de son dos, si mal cicatrisée, pour la guider vers la sortie. Pas un seul centimètre carré de cet épiderme en manque cruel de soleil n’avait envie de s’éterniser en ces lieux. Mieux encore ; ce corps entier, toujours trop blanc, jamais assez bronzé depuis qu’il avait franchi les frontières européennes des années plus tôt, réclamait de s’extirper au plus vite de ces quatre murs, pour enfin cesser de sentir ce parfum entêtant qui parsemait chaque meuble, chaque tissu de cette chambre aux allures rustiques — mais, quelque part, rassurante.

Glenn n’en démordrait pas. Comme un chien pouvait être attaché à des restes et des os sur lesquels ne subsistaient que quelques misérables morceaux de chair, le lycan s’attardait sur une coquille vide, espérant encore pouvoir trouver à l'intérieur les réponses qui permettraient de combler cet espace creux, où le néant régnait en roi depuis quelques années déjà.

Un fin sourire se dessina sur les lèvres de Yara lorsqu’il s’approcha d’elle pour déposer la fameuse fiole entre ses doigts. Non pas parce que les intentions de son ancien camarade aussi venimeux qu’elle la touchaient en plein cœur. Ni parce qu’une vague de tendresse se serait subitement emparée d’elle.

C’était un sourire mauvais, faux, teinté de sarcasme, de ceux qu’elle maîtrisait le mieux et qui lui avait valu tant de mauvais regards dans les couloirs de Poudlard. Et pour cause ; ce sourire-là était insupportable tant il pouvait être rempli de haine, de colère et de mépris. Rares étaient ceux qui avaient su y déceler la tristesse souterraine et les appels à l’aide dissimulés.

Rares étaient ceux qui avaient su saisir l’opportunité de voir au-delà d’une carapace, juste par simple curiosité.

Glenn était de ceux-là. Et cette pensée était aussi infernale que le sourire contempteur de Yara.

Alors, elle le laissa parler. Pas par plaisir de l’écouter, mais simplement parce qu’elle savait pertinemment ce qui allait suivre. Dans une réciprocité assumée, elle le détestait suffisamment pour savoir qu’il était aussi teigneux qu’elle et qu’il ne lui offrirait jamais le plaisir du dernier mot auquel elle tenait tant. L’apparition soudaine de la pensine qui vint ériger un nouveau mur entre eux ne laissa planer sur son visage aucun sursaut d’étonnement. Pas plus que le déversement des précieux souvenirs à l’intérieur de l’objet magique. Et que dire de cette question, témoignant de la force des espoirs qu’il plaçait encore dans cette cause perdue qui lui faisait face, attisant encore davantage la cruauté de ce sourire qui n’en avait aucunement l’émotion.

« Iemanja t’a donné ces souvenirs parce qu’elle pense que je dois être sauvée d’un mal terrible qui me ronge. Mais c’est faux. Je suis déjà morte. Tu dois arrêter de penser autrement, Glenn. Laisser tomber tout ça, et te concentrer sur ta famille qui t’attend là-bas. »

Parce que tu en as une, toi.


Ses longues cuissardes de cuir, qui donnaient l’illusion de jambes plus grandes qu’elles ne l’étaient vraiment, se rapprochèrent de lui dans un silence de cathédrale. Seule la pointe de son talon sur le parquet vint donner un rythme lent à leurs échanges, aussi lent que ce cœur que personne n’avait jamais senti battre dans sa poitrine. Le geste aurait pu paraître tendre s’il n’avait pas été perpétré de la main de Yara, qui venait se poser avec douceur sur la joue de Glenn, laissant à penser qu’il manquait forcément de sincérité.

Mais était-ce réellement le cas ?

« Je sais déjà ce qu’ils contiennent, ces souvenirs », chuchotait-elle dans un calme olympien qui ne l’avait jamais caractérisée en présence du lycan.

Et pourtant, dans cette chambre, entre ces murs, la colère n’avait pas sa place. Que pouvait-elle faire pour empêcher le destin ? La mort de Glenn l’avait si souvent tentée, mais à l’évidence, jamais suffisamment pour la pousser à passer à l’acte. La preuve : sa main s’attardait encore sur une peau de paysan basanée par des heures passées à l’extérieur et qui arborait, à quelque chose près, les mêmes nuances que la sienne.

« Je sais déjà ce qu’elle a voulu te montrer, parce qu’elle me l’a dit. »

Quand elle l’avait rejoint sous l’eau, la première fois, après des années, Iemanja lui avait parlé de ses parents.

Ils n’étaient pas deux, mais quatre.

Elle lui avait parlé de ses parents adoptifs, qui n’avaient jamais pu avoir d’enfants, et qui l’avaient élevée comme une reine pour faire d’elle une femme forte et indépendante, marchant avec fracas où bon lui semblait.

Elle lui avait parlé de ses parents biologiques absents, qui lui auraient donné un gène qu’elle voulait aujourd'hui à tout prix éradiquer de son monde à elle.

Voilà ce que Iemanja lui avait dit.

Des mensonges, des vérités trafiquées pour tenter de lui redonner une raison qu’elle n’avait jamais perdue.

Voilà ce que Yara avait tiré des aveux de Iemanja.

Voilà ce qu’elle avait refusé de croire, faute d’avoir senti quoi que ce soit auparavant.

Faute d’être en mesure d’imaginer qu’elle pouvait être l’une des leurs. De ceux qu’elle chassait.

Aucun doute n’était possible.

Et si Iemanja faisait effectivement partie intégrante de ses racines, malgré tout l’amour qui les reliait, elle n’était pas imperméable au mensonge.

Et si Glenn était assez naïf pour la croire, alors c’était son problème.

Les siens passaient en priorité. Comme depuis toujours.

Le charme fut alors rompu par cette main qui frôla la ligne de sa mâchoire pour s’échapper à une emprise qui l’avait quelque peu bouleversée. Le regard de Yara redevint soudain noir malgré ses nuances dorées évidentes.

« Je n’ai rien à apprendre du passé parce que je l’ai déjà vécu et parce que je vis encore avec tous les jours. » Tu te souviens de cette cicatrice qui a endolori le bout de tes doigts, l’autre fois ? Moi elle me fait mal tous les jours. Et puis, dis-moi, quel idiot aurait aurait envie de revivre une seconde fois le jour de sa mort ? « Regarde-les si ça te fait plaisir. » Mais ce sera sans moi. « Sache simplement que tu perds ton temps. Et si tu crois le contraire, alors c’est que tu es nettement moins intelligent que je le pensais, Glenn. » Un compliment ? Certainement pas. « Et encore plus bête que ce que j’imaginais. » Mieux. Nettement mieux. Satisfaisant, même.

Quelques pas en arrière lui permirent de regagner sa place initiale, à quelques mètres de lui, brisant définitivement cette proximité étrange qui les avait reliés, l’espace d’un court instant.

Yara n’était pas naïve et elle savait pertinemment qu’aucun de ses mots ne dévierait Glenn de ses objectifs. Alors, elle se contentait de composer avec ce qu’elle savait de lui.

Tournant le dos à son passé dans tous ses aspects, la chasseuse ne s’embarrassa pas d’un au revoir pour quitter ces lieux. Pas plus qu’elle n’adressait d’autres mots à Glenn pour lui dire adieu.

Car s’il ne l’avait pas encore compris, Yara, elle, en était persuadée.

C’était la dernière fois qu’ils se voyaient.


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Jeudi 10 Août - Début de matinée

Aussi loin qu’il s’en souvenait, il s'était voué à maintenir Yara loin de sa famille, les protégeant de sa présence comme de n’importe quelle autre menace qui avait plané sur le domaine. Par ses attaques aux abords des terres, des protections qu’il avait un peu plus consolidé, encore plus après le départ d'Eugène, par ses alliances qui se multipliaient, Glenn n’avait visé que la solidité de leur muraille pour se renforcer de l’intérieur avant d'être prêt, le jour venu, à eux même détruire ce qui les protégeait pour se défendre.

Par ce regard qu’elle lui adressa, il fut un instant perdu par cette multitude de sensations dont elle émanait sans que rien ne transparaisse des traits de son visage. Si la peur pouvait aisément se sentir chez chaque humain, Yara avait une autre chaleur qui réchauffait la pièce, sans même qu’elle ne se rende compte. Tapissant foule d’information derrière une platitude, Yara semblait baigné dans un déni concernant sa condition, malgré le fait qu’Iemanja l’avait prévenu.

Mais ce fut quelque chose qu’il n’avait prévu qui le frôla, plus que cette main sur sa joue qu’elle garda un moment, au-delà des murmures qu’elle lui avait lancé en lui demandant de la laisser tomber, de lui offrir la paix sans remuer un passé en la laissant pour morte. Elle lui laissait une porte entrouverte sur une histoire où elle ne lui interdisait plus d’y mettre un pied. De tous les éclats qu’elle avait eu, elle aurait pu détruire la Pensine, lui prendre la main pour plonger dans les méandres de ses propres souvenirs d’enfance.

Elle lui avait pourtant vite tourner le dos, le laissant presque sur sa faim, tant et si bien qu’il glissa ses doigts sur les siens alors qu’elle s'éloignait, la chaleur vindicative de la jeune femme le quittant en même temps qu’elle reprenait le contrôle sur la situation. Yara ne succomberait pas facilement au jeu du plus fort, ni même les provocations qui la mèneraient à en savoir plus sur elle pour ne pas voir cette vérité en face.

Dans le silence qu’elle lui avait laissé sans jamais regarder en arrière, Glenn l’avait suivi du regard, suivant sa présence au sein de la maison alors qu’elle quittait les lieux. Dans ce silence d’or, là où les mots n’auraient eu que peu d’impact dans cette bataille qu’elle lui laissait délibérément, le lycan prit un temps pour vouloir comprendre sa réaction soudaine. C'était comme si elle venait de baisser les bras, ce qui n'était pas anodin pour une femme qui avait toujours chercher à avoir le dernier mot, elle venait de lui laisser les derniers gestes.

Ce ne fut qu’au moment de la voir disparaitre derrière le portail du domaine qu’il se tourna vers la Pensine, s’y penchant pour plonger exactement là où elle pensait qu’il perdrait son temps. Si elle savait déjà ce que contenait les souvenirs d’Iemanja, ce ne fut qu’en passant quelques minutes qu’il se rendit compte que Yara n’avait pas seulement les gênes récessifs qu’une particularité qu’il exprimait très clairement, mais que ses parents l'étaient tout autant.

Encore vivant.

Reprenant son souffle en s’adossant contre son lit, Glenn avait mis un temps à comprendre un nom. Celui qui avait fait fuir Iemanja jusqu'à leur terre, celui qui avait poussé Yara à en faire de même un peu avant. Celui qui n’hésiterait probablement pas à finir le travail, qui avait probablement été arrêté dans sa course lorsqu’il avait compris que Yara exprimait un parfum que seul les lycans pouvaient sentir. Celui qui viendrait achevé une quête et qui trouverait probablement les Yards sur son chemin.

Leandro

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