A Cabin on the cliff - Sean @ Braxton

Au milieu de la beauté sauvage des îles Hébrides, Sean s'engageait sur un sentier accidenté, accompagné par une symphonie de vents et de vagues à présent lointaines. Derrière lui, il avait quitté les falaises imposantes afin de se tourner vers les landes couvertes de bruyère. Pour le jeune Clearwater, chacun de ses pas le rapprochant de son père résonnait d'un mélange d'anticipation et d'inquiétude, et il passa distraitement une main sur son cœur, véritable toile éclaboussée d'émotions aussi vives que contradictoires.

Devant l’immensité du paysage, le jeune écossais marqua une pause. Il avait beau connaître ces reliefs escarpés depuis son enfance, chaque retour sur ces terres lui coupait le souffle comme au premier jour. Reprenant malgré tout sa marche, il laissa le bruissement des herbes qu’il foulait l’apaiser en tentant de ne pas chercher à anticiper ce qu’il désirait dire à son père. De toute manière, aucune rencontre avec Braxton ne se passait jamais comme il l’avait imaginé. Sean préféra perdre son regard à l’horizon tandis que les souvenirs se bousculaient dans son esprit comme des vagues s'écrasant sur le rivage rocheux, des instantanés d'occasions manquées et de mots non prononcés.

On aurait pu penser que suite au rituel qui avait permis de se débarrasser de Reinfield, le père et le fils se seraient enfin rapprochés, libérés de toutes les chaines qui les avaient maintenus éloignés l’un de l’autre. Il n’en avait rien été cependant. Sean s’était réfugié dans sa relation avec Yeleen, quitte à s’oublier dans un déni qui visait à effacer tout ce qui s’était produit cette dernière année. Cette période lui avait sans doute été nécessaire, mais le jeune sorcier se devait à présent de reprendre sa vie en main bien qu’il ne sache précisément comment s’y prendre.

La brume fraîche embrassait ses joues, rafraichissement naturel fort apprécié apportant avec lui l’odeur de cette terre à la fois réconfortante et stimulante. Le toit de la petite cabane pointait à l’horizon et Sean pressa le pas dans un mélange d'espoir et de doute, de vulnérabilité et de détermination. Devant lui ne s’étendait pas qu’un simple chemin menant à la nouvelle demeure de son père. Un fossé aurait tout aussi bien pu les séparer, avec en son fond tous les sentiments enfouis qu’ils n’avaient su exprimer l’un envers l’autre.

Les vieilles pierres qui roulaient à ses côtés l’incitaient à prendre garde en empruntant ce chemin, car s’il ne regardait pas où il mettait les pieds, il ne saurait jusqu’où cela pouvait le mener… Le vent sifflant à ses oreilles lui rapportait pour sa part le clapotis régulier des vagues sur le rivage, lui rappelant qu’il y avait toujours une chance de réparer et de recommencer.

Enfin, il parvint au petit cottage réhabilité pour trouver son père assis, de dos, contemplant son œuvre pour l’heure envahie de moutons et de chèvres. Un sourire vint habiller le regard pensif de Sean alors qu’étrangement, cette image lui semblait aller de soi ; comme si le Langue-de-Plomb avait toujours été destiné à devenir ce berger solitaire des Hébrides.

- Salut papa, lança-t-il faiblement en s’approchant de lui, frayant son passage parmi les moutons qui bêlaient sans vraiment se préoccuper de sa présence. Le jeune homme leva le regard sur la bâtisse qui ne payait pas franchement de mine vue de l’extérieur avant de tourner son attention vers son père.

- Je suis venu seul. Yeleen n’est pas là. Elle a décidé… de faire un an d’échange à Ilvermorny et elle est partie pour s’occuper des démarches avant la rentrée…

La mine défaite, Sean baissa le nez sans évoquer que sa décision était intervenue après que Sean lui ait demandé du temps pour se retrouver. Après tout, si cette situation lui était douloureuse, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même…

Un doux sourire arquant sa moustache, Braxton frottait avec affection le chanfrein d’une brebis ravie d’avoir trouvé un buisson capable de bouger tout seul pour satisfaire ses démangeaisons.  Relevant la tête pour observer le troupeau, il distingua une tête brune s’avançant à pas lent. Braxton reconnu sans mal son fils Sean, avançant d’un pas lourd vers lui. Le petit venait des collines et Braxton eut le réflexe de se retourner pour constater que la maison était bien du bon côté. Le langue de plomb s’étonna de pas avoir constaté que son fils était sorti, et se demanda à quel point son sommeil devenait lourd. Un défaut dangereux dans son métier.

Braxton sans cacher sa surprise, essaya de saluer avec entrain son fils aîné.

“Sean ?” marqua-t-il la présence de son fils. “Je pensais que tu dormais encore…” essaya-t-il de sourire alors qu’il caressait la tête d’un mouton insatiable.  Sans perdre son sourire, il chercha du regard @Yeleen Sô et ne la voyant pas, pencha la tête comme si elle était cachée derrière Sean. Mais il n’y avait que ce nuage de mouton autour d’eux.

Braxton s’arrêta net, comprenant qu’en effet, cette matinée n’avait rien de normal pour son fils.

"À Ilvermorny ?" intégra-t-il, plus que surpris.

Ce n'était pas la porte à côté. Marquant un air surpris, il ne fallait pas être sorcier pour comprendre que Sean n'avait besoin de personne pour enfoncer le clou. Braxton ravala son expression et se décala du mur où il était assis pour inviter son fils à le rejoindre. Il du pour cela pousser un mouton qui rechignait à laisser sa place, en faisant attention à toutefois ne pas quitter son fils des yeux. "Nom d'une vouivre, c'est pas rien."

Le père n’avalait pas un an d'échange, ces deux-là avaient du rompre ou quelque chose… Ils se comportaient trop comme l’ombre de l’autre, un peu trop au goût du père, qui gardait bien son avis pour lui. Braxton hocha la tête, essayant de recevoir la nouvelle aussi neutremment que possible mais ne pouvant dissimuler un froncement de sourcil étonné.

“Ça fait beaucoup de préparation. J’espère qu’elle n’hésitera pas à nous demander de l’aide au besoin.” dit-il, cherchant quoi dire à son fils, mais sincère dans ses mots. La moindre de leur discussion avaient dérapé par le passé et Braxton désespérait de trouver un terrain neutre avec ses enfants.

Une autre possibilité lui trottait en tête, déformation professionnelle contre laquelle il ne luttait plus, devenu une second nature, d'établir des hypothèses annexes comme l'on faisait des brochettes. À moins que Yeleen soit parvenue à une telle extrémités à cause de sa famille. Si c'était le cas… Braxton repensa au dossier… Intérieurement, il l'espérait ailleurs et loin. La petite avait besoin de vivre par elle-même, non plus derrière l’ombre de sa famille, puis de son fils. L’histoire du dossier revint, le rongeant de l’intérieur. Était-ce de sa faute ? Encore ? Une vague de doute et de panique le prit, alors qu’il avait mise en garde la petite à Noël. Si elle avait été dans le moindre pétrin, il espérait qu’elle aurait la jugeote de l’en informer d’une manière ou d’une autre.

“Ça va aller toi… ?” demanda-t-il doucement. Il prit le chemin de la prudence et se fit violence à ne formuler aucune supposition, aucune question débutant par "tu comptes... ?" ou "alors vous avez prévu...?". Et encore moins poser la question fatidique et brulante : la bague que Yeleen avait au doigt.

S'il ne pouvait rien pour Yeleen, sa priorité numéro une était de s'enquérir de l'état de Sean. Son fils n'en avait aucune idée, mais il venait de catapulter une vingtaine d'année en arrière son père, qui avait perdu sa première petite amie de la même manière. Son garçon ne s'imaginait pas à quel point son père le comprenait à cet instant précis.

Les quelques mots du jeune homme avaient provoqué plus de réaction sur le visage de son père qu’il ne s’y serait attendu. Par moments, Sean avait tendance à penser que le vétéran avait tout vu, tout entendu, tout expérimenté. Il s’était ainsi presque attendu à le voir agiter la main avec une grimace, l’enjoignant à ne pas s’en faire et à se préparer à ce que la vie soit de plus en plus violente avec lui. « Un balai de perdu, dix de retrouvés ! »

Quelque part, cette réaction lui aurait été plus agréable. Le fils aurait ainsi pu s’insurger contre son père, arguant qu’il n’y comprenait rien, et le fuir une fois encore. Mais voir Braxton mesurer toute l’ampleur de ce départ qui émiettait douloureusement son bien-être et perturbait l’équilibre précaire dans lequel il avait conservé sa vie, fut plus bouleversant encore. L’étudiant l’observa déloger un mouton de l’entrée pour lui laisser la place de passer. Le cœur battant, il se demanda un instant s’il devait effectivement entrer dans la bicoque de son père et laisser son ancienne vie définitivement derrière lui.

Mais après s’être balancé gauchement sur ses pieds, il suivit le sorcier qui répétait la destination de Yeleen en imitant ainsi les bêtes avec lesquelles il cohabitait sans doute depuis un peu trop de temps. Sean se contenta de hausser les épaules avec un froncement de sourcil. Ce n’était pas rien, ça c’était sûr. Mais qu’est-ce que c’était exactement ? Il avait lui-même du mal à le définir. D’instinct, il aurait aimé clamer haut et fort à son père qu’il ne s’agissait pas d’une rupture et qu’il pouvait remballer son inquiétude et la réserver à son visage hagard et mal rasé. Néanmoins Yeleen était partie si vite quand il lui avait annoncé avoir besoin de temps. Avec si peu d’explications, et pour si longtemps… Cette situation, ce n'était vraiment pas rien...

Braxton proposait son aide, montrant enfin un intérêt vif pour la jeune fille et son déménagement, que Sean ne lui avait encore jamais connu. Un peu plus et on aurait pu le croire ravi de son départ. Mais un simple coup d’œil à sa mine déconfite suffit à Sean pour comprendre qu’il n’en était rien. C’était au contraire comme si Braxton était doublement impliqué dans cette si soudaine disparition.

- Je ne crois pas qu’elle ait besoin de notre aide, marmonna-t-il en haussant de nouveau les épaules, laissant glisser le sac qu’il portait sur l’une d’elle jusqu’au sol.

Yeleen avait beau sembler par moment maladroite, mettant les pieds dans le plat chaque fois que l’occasion se présentait, elle était en réalité d’une indépendance totale. Elle n’avait jamais eu besoin de personne, et le prouvait de nouveau, laissant sans un regard en arrière Sean se démener avec ses démons intérieurs ainsi qu’il le lui avait demandé. Le jeune homme aurait difficilement eu la même détermination à sa place.

Il suffit d’ailleurs de quelques mots de son père pour risquer de craqueler le masque sévère de son visage. Comment allait-il ? Il se laissa tomber sur une chaise, tandis que la maison craquait autour de lui, comme si elle réagissait à son désespoir.

- J’ai déjà connu mieux, soupira-t-il en hochant doucement la tête, montrant ainsi le flegme tout britannique qu’il avait hérité du coup de sa mère. Finalement, le fait que sa vie ait été dernièrement un véritable calvaire lui faisait voir chaque nouvelle épreuve avec un certain recul. Yeleen ne pas m’abandonnée, crut-il cependant bon de préciser. C’est moi qui lui ai demandé un peu de temps pour… me retrouver… Je crois…

Il n’était plus vraiment sûr de grand-chose et se massa la tempe avant de relever les yeux vers la petite kitchenette tordue qui avait trouvé place dans un coin de la cabane. Est-ce que tout ne s’arrangerait pas avec une bonne tasse de thé ?

Bonus:

Braxton prêta une oreille attentive aux marmonnements de son fils tout en le suivant du regard jusqu'à se tordre le dos. Son fils semblait tellement dans la lune qu’il prit le chemin de la maison le nez sur ses chaussures, ignorant l’attroupement de moutons autour d’eux. Braxton soupira, et quitta son muret, espérant que son fils se fut installé au milieu de cette quiétude. Le manque de lumière de l'étroite cuisine semblait mieux seyir à ses humeurs.
Braxton récupéra son assiette de petit déjeuner, la subtilisant à trois moutons s’entêtant à lécher goulûment la céramique à fleurs bleues. Braxton garda pour lui son désaccord. Yeleen avait besoin de leur aide. Son fils devait oublier dans sa mortification la famille qu’elle cherchait à fuir. Le père prit place à côté de son fils à la table en bois massif qui portait la trace de chope et de cendre de tabac de quelques-uns de leurs ancêtres.

À l’entendre trouver des excuses au départ de Yeleen, Braxton se composa une visage pour ne pas vexer son fils, le petit air de Sean sonnant de loin comme un masculin “Elle m’a pas quitté c’est moi qui l'ai envoyé au loin." Que ne faisait pas dire l’ego pour se rassurer. Son cœur se pinça, la situation qu’ils allaient traverser n’avait rien d’ordinaire, dans ses proportions. Il considéra son fils avec un regard compatissant et se décida à lui répondre, se voulant conciliant : "Et elle en a besoin aussi certainement que toi." se contentant ainsi de répondre au flegme anglais de son fils avec sa plate franchisse écossaise qui donnait cet air involontaire de trancher la situation pour les autres.

Cette petite avait été broyée depuis son plus jeune âge par la poigne d’un homme immonde. Nul doute que ses problèmes à elle n’avaient pas eu beaucoup leur place ces derniers mois. Braxton observant la mine défaite de son fils, songea qu’il ignorait même leur place entre eux, son fils ne lui en avait jamais touché mots. Il souffla, se trouvant d’un coup bien stupide et amnésique. Que lui avait confié son fils depuis des années ?
Sean, bien inconsciemment c’était mis les pieds sous la table, et le père connaissait la suite. Une théière vola sur la table alors que la bouilloire sautait sur le feu. Un pot de lait en céramique à l’aspect très vieillot, un des rares petits objets qui avait été sauvé du feu… deux fois.

“Tu as l’air d’aller déjà un peu mieux depuis mars. Tu reprends des couleurs.” lui assura-t-il d’une petite voix.

Braxton fit tourner sa tasse entre ses doigts, très pensif, et la figure reflétant les pensées maladroites avec lesquelles il s’essayait intérieurement au périlleux exercice de former des phrases avec.

"T’as l’air de… tenir le coup...” Il se leva pour aller chercher la bouilloire. C'était aussi un moyen de tourner le dos avec pudeur et sans trop d’impolitesse. "Quand ma…. première petite amie m’a largué en partant pour Ilvermony, j’ai pleuré pendant des semaines... je voulais pas rentrer à Poudlard..." Il versa l’eau dans la théière à l’aise d’un torchon et secoua la repensant à ces mélodrames d’adolescent où sa vie lui avait apparu fichue sans Blair MacGillFaholin. "Ha….Blair…” soupira-t-il. Sean connaissait bien la MacGillFaholin. Un peu moins certainement que son père et elle s'étaient connus de leur tendre enfance à la fin de leur adolescence. Première était un bien grand mot, étant donné qu’il y avait Blair, puis Betty.

Braxton détacha son regard du breuvage de sa tasse pour regarder son fils. La maturité de ses traits le surprirent. Leur fatigue aussi. Comme s’il pouvait constater sur son visage les changements qui s’opéraient depuis des mois en lui. Sean avait quelque chose de l’alpiniste au campement de mi-route, effondré mais résolu à poursuivre son ascension. Il devinait plutôt à présent.

Cette inspection lui creva le cœur plus qu’il ne l’imaginait. Il n’avait pas prévu que Sean viendrait seul. Cela faisait longtemps qu’eux deux ne s'étaient pas retrouvés à une table. Rien que tous les deux, dans la seule présence de l’autre. Braxton s’en sentit ému et pourtant déchiré. Le moment était si banal et pourtant si précieux.

Devait-il le pousser à lui parler de ses interrogations et jouer le père sage et à l'écoute, ou tout lui déballer, sur Yeleen, son père, son marché avec l’oncle, et jouer le père présenté au parloir du procès de sa relation avec son fils ?

Cette oeillade était trop longue pour que Sean, trop intelligent, mais aussi pudique que son père, ne remarque pas qu’il se tramait quelque chose chez son étrange paternel.
Crever la distance. Ne plus rien laisser les séparer. Être simplement là pour lui.

“Tu m’as manqué.” déclara-t-il en essayant de retenir son émotion.

Il faisait là référence à ces longs mois de lutte, autant entre Sean et son alter ego maléfique, qu’entre le fils et son père.

Braxton prit son courage à deux mains.

“Si tu n’as rien de prévu Sean, y a deux trois choses dont je voudrais te parler.”
Des deux parents, Braxton n’avait jamais été trop celui de “il faut qu’on parle” parce que jamais il n’arrivait à avoir ses enfants par la suite. Aussitôt il se prit la tête dans les mains, comme sous une incroyable pression.

“Notamment de toutes les choses dont tu voudras me parler.” précisa-t-il en lui adressant un regard du coin de l’oeil. “Mais… D’abord…” Les phrases qui commençaient par des mais n’avait ni un début ni une fin généralement heureuse dans ses discussions. “Y a des choses que j’ai pas pu te dire avant, et il me semble qu’on s'était plus de mensonge alors… “ Il ferma les yeux, l’impression de s’enfoncer.

“Mais, s’il te plaît, tu sais à quel point je suis mauvais alors… quand se sera le moment j’aimerai que tu me laisses finir avant de demander ou de dire quoi que ce soit…?” Il soutint d’un regard suppliant le regard de son fils, comptant sur son accord. “Quand se sera le moment bien sûr…” Il se sentait mal de sauter sur son fils alors que lui même n'était réveillé que depuis dix minutes à peine.

Braxton fronça les sourcils et se leva soudain, l’air d’un chien de chasse à l’aboi, sentant simplement l’odeur des œufs chauds. “Je sais que tu préfères le sucré le matin...” s’excusa-t-il avec une grimace en présentant illico une assiette d’oeufs brouillés et de poitrine fumée à son fils aîné, dressé dans une assiette des plus ridicules ornés d’oie et de moutons animés façon sorcier. Un thème redondant dans cette maison... “Ça va, t’as pas eu trop froid, trop chaud au grenier ?” demanda-t-il affublé d’un torchon sur l’épaule et toisant son fils d’un air concerné comme si ce dernier allait rentrer en maternelle. C’était une peine de coeur, c’était tout aussi grave. Et l'état de la maison lui venait soudainement en mémoire, pourtant très loin de vouloir passer du boursouf à la coquatrix.

Braxton semblait se retenir de dire ce qu’il avait sur le cœur, et c’était assez rare de voir l’imposante silhouette du Langue-de-Plombs autant dans la retenue ; choisissant précautionneusement où il mettait les pieds comme si le sol de la baraque risquait à tout moment de s’effondrer sous lui. Il finit par émettre son avis sur l’aide qu’ils auraient dû apporter à Yeleen et il n’en fallut pas beaucoup plus à Sean pour se renfrogner. Le jeune sorcier n’aurait rien demandé d’autre que de l’aider à déménager ! En fait, il avait même cherché le moindre signe émanant de la jeune fille, la moindre faille qui lui aurait permis de s’imposer dans son organisation de départ. Qui sait, peut-être qu’il aurait même pu la faire changer d’avis… Mais dans cette détermination de fer qu’elle avait montré, il ne s’était pas senti à la hauteur. Quelque part au fond de lui, il avait même craint d’empirer encore les choses en se montrant aussi obstiné qu’elle. En la laissant partir sans rien dire, il s’était lâchement conservé une possible bien qu'incertaine issue.

Une théière apparue devant le jeune écossais sans qu’il ne la voie vraiment, ce qui ne l’empêcha pas de rapprocher distraitement sa chaise de cette dernière. Son père se montrait toujours aussi bourru, gêné, tentant d’évoquer en quelques mots maladroits à quel point son fils semblait aller bien. S’il jouait un étrange rôle dans cette pièce, c’était aussi le cas de Sean qui aquiesça, le nez penché sur ses doigts entrecroisés.

- Oui oui je vais bien… ça va…

Rien dans son attitude ne semblait moins vrai pourtant; entre ses cernes, ses tics agités et son teint qui n’avait jamais été si blême. Sa simple attitude, ici même, assis dans cette petite pièce sombre, prouvait que rien n’allait vraiment. Mais quand son père poursuivit son discours avec une petite histoire personnelle de son cru, Sean sursauta.

- Mais Yeleen ne m’a pas largué, se récria-t-il avec plus de force qu’il n’aurait voulu. Soudain, il se vit, attablé dans cette cuisine, noyé dans un mélange de chagrin et de déni. Était-il bien sûr de ce qu’il avançait ? Yeleen avait-elle en réalité rompu avec lui ? Cette idée lui était si insupportable qu’il la balaya de la tête. Mieux valait encore vivre dans le déni…

- Mais tu as raison sur un point, je ne veux pas rentrer à Poudlard… Même si… Je ne sais pas bien quoi faire à la place…

Le jeune homme se montrait hésitant, manquant de certitude sur tous les points qu’il avançait. Mais devant son père si étrangement muet, il ne put s’empêcher de détourner son attention de sa propre indécision pour relever un visage interrogateur vers lui. Que souhaitait-il lui révéler ? Ou plutôt, que lui taisait-il désespérément ? Débutant par une déclaration qui toucha son fils droit au cœur, Braxton enchaîna avec un incompréhensible baragouinage. Il souhaitait visiblement parler de quelque chose à Sean, avant de sous-entendre que c’était à son fils de lui dire des choses. Et finalement, il lui demanda de rester muet le jour où il aurait finalement pris la décision de lui parler. Enfin, fidèle à lui-même, Braxton ne donna pas plus d’explication avant de poursuivre sur ses préférences en termes de petit-déjeuner et l’humidité de son grenier.

- Je ne suis pas sûr de comprendre, commença lentement Sean en fronçant les sourcils. Ne réagissant délibérément pas aux deux dernières phrases de son paternel, il s’attachait à tenter de comprendre ce qu’avait souhaité lui dire son père. D’un naturel habituellement doux et impassible, Sean avait tendance à se montrer terriblement impatient face à Braxton.

- Tu veux me parler de quelque chose, insista-t-il sans le lâcher du regard. On avait dit plus de mensonge c’est vrai. Alors je veux savoir… Maintenant que tu as commencé, je préfère que tu me dises tout maintenant. Je ne t’interromprai pas, je te le promets.

Vues les pincettes à sucre que prenait Braxton devant lui, Sean s’attendait à tout. Allait-il annoncer à son fils qu’il allait voir se refermer un certain nombre de portes professionnelles en raison de son expérience… handicapante ? Le jeune homme s’y attendait. Ou bien avait-il reçu des nouvelles de Nora qui prolongerait encore d’un an son retour sur l’ile natale ? Cette nouvelle ébranlerait le grand frère, mais il se savait en capacité de l’entendre. Ou bien l'inquiétude de son père concernait-elle Betty ? A cette idée, Sean se sentit gagné de nervosité et sa jambe se mit à s’agiter sous la table.

Braxton comprit de mieux en mieux que cette journée n'était pas la bonne. Sean le toisa dans un silence lourd avant de le presser de le cracher le morceau. Comme si c'était sa faute d’en avoir parlé.

Braxton soutint silencieusement le regard de son fils et ne s’aventura même pas à lui demander doublement s’il en avait envie. Sean avait cette habitude désagréable a vouloir se sentir en contrôle de tout en sa présence. Braxton faisait le dos rond, pensant que cela devait rassurer le jeune homme.

Braxton hocha la tête et vint s’asseoir en face de Sean. Il croisa les mains  et prit une profonde inspiration.

“À Dublin, tu as entendu Thesus De Clare parler d’un marché… avec moi.”

Il soutient le regard de Sean, se présentant à lui sans fard ni mensonge, et… plus que jamais vulnérable aux coups de son fils.

Un revelio habile aurait révélé ce maudit sceau tatoué sur sa langue, et tout autant sur sa vie, et, chose qu’il n’avait pas considéré à l'époque, sa famille.

“J’ai monté le dossier d’enquête qui a envoyé Henry De Clare, le père de Yeleen, à Azkaban.” déclara-t-il. “Je suis allé chez eux. J’ai participé aux perquisitions et… j’ai même vu Yeleen petite, de loin. J’avais ça sur le coeur depuis un moment…”

Braxton ne quittait pas Sean des yeux, décidé à lui présenter à nu sa vérité.

“Imagine mon état quand j’ai transplané à Pré-au-lard… ” essaya-t-il de lui faire comprendre, où parmi les centaines de filles de Poudlard, il avait fallu que soit elle… “et ce jour là en plus tu…. nous sors une de martre des pins….” Il cilla, abordant le sujet avec plus de calme qu’il ne le pensait. Une lueur de fierté brilla dans ses yeux, effacé progressivement par un teint blême, comme à chaque qu’il évoquait cet épouvantard “… que je savais que tu tenais de qui, et surtout de quand….”

Il resserra ses doigts entrelacés pour étouffer les tremblements de ses mains. C'était comme évoquer un crime, le pire de tout ceux qu’il avait pu commettre.

“Je sais que tu avais très mal pris ce que j’avais pu dire ou faire … J'étais mort d’inquiétude et… j’ai surtout juste pris vingt ans de fantôme à la gueule ce jour là.”

Et c’est ce que je pensais pour Yeleen. À chaque fois que je la vois, je repense à la libération de son père, et… j’ai du mal à pas me rendre responsable des dix ans qui ont suivi pour elle. C'était un des dossiers d’auror que j’avais gardé et… ça n’a jamais été repris.  J’en ai pas parlé avec elle, mais c’est quelque chose qu’elle saura un jour ou l’autre. Et je… Je voulais d’abord que toi tu le sache, parce que je ne sais pas de tout ça, ni quoi lui dire, à cette pauvre Yeleen. Je me sens apaisé de la savoir loin de son taré de père.”

Il marqua une courte pause avant de lever index et majeur.

“Deuxièmement. J’ai retrouvé toutes photos dont je t’avais parlé. J’ai demandé à des collègues en enchantement de voir ce qu’ils pouvaient faire pour les brulées. De l’incendie de 2002 comme celui de 2006… Tout est là.” Il pointa une porte de placard d’un étrange jaune poussin. “Je vais envoyer à ta mère la totalité pour qu’elle prenne ce qu’elle veut mais en attendant elles sont là pour toi... Et tu peux rester ici aussi longtemps que tu voudras, ou chez ta grand-mère. Je pense qu’une année sans Poudlard ne te ferait pas de mal. Prends ton temps."

Il avait entendu sans réagir à la déclaration de son fils et lui témoignait de son approbation avec douceur. Il esquissa une moue se voulant rassurant.

“Troisièmement, si tu as envie de poursuivre ce que tu avais commencé avec ton oncle en entrainement, on peut essayer de faire quelque chose. J’avais refusé parce que j’avais peur qu’en étant face à toi, tu subisse à nouveau tes genres de flash et… je voulais pas te mettre d’avantage mal à l’aise. Et les mots sont faibles. Mais je me sens prêt maintenant à t’entraîner. Je ne vous ai absolument pas préparé toi et ta soeur à rentrer dans le monde magique et c'est un énorme regret en tant que père."

Il garda son regard sur son fils. "Tu es tellement plus doué que moi au même âge. Tu travailles dur, tu en redemandes." Il sourit.

Puis il regarda une enveloppe posée sur la table de la cuisine. "Ça te concerne moins mais, ça aussi ça me pèse beaucoup." Il tendit l'enveloppe à Sean et expliqua : “C’est ma lettre de démission.” précisa-t-il, alors que Sean, loin d'être analphabète avait déjà pu en lire le contenu. “Il y a un an, j’avais promis à ta mère que… quand se serait fini, quand tu serais tiré d'affaires, que je quitterais mon boulot, comme elle me l’avait demandé.” Il déglutit ravalant des souvenirs douloureux. “Alors, quand ça s'est confirmé que tu allais mieux, après la cérémonie de mars, j'ai tout préparé et je suis monté pour lui donner à elle avant et…” Il revoyait Betty, les cheveux parcouru de légère frisottis à cause de la pluie, et vêtue d’une élégante robe de travail. Et surtout de l’inconnu qui guilleret, l’abritait encore de son parapluie et était resté de longues minutes à bavarder avec elle, pourtant bien arrivée au pas de sa porte. “Ta mère était pas seule.” résuma-t-il.

Peut-être que Sean en savait bien plus que lui, ayant passé récemment des vacances chez sa mère. Braxton donnait plus l’impression d’annoncer un décès dans la famille qu’un simple contretemps de visite. “J’ai…” La simple présence de cette lettre expliquait largement que Betty ne l’avait jamais eu dans les mains, ni sous ses yeux. La vision de son ex épouse -et dieux que les mots le brûlaient- l’avait remué.

"Ta mère est dans un maison du ministère. Je me sens attaché à la patte tant qu'elle sera dedans. J'ai entendu dire qu'elle se plaisait à son nouveau travail, qu'elle se refaisait une vie."

Il marqua une pause, souffla sous la lourdeur de ces mots.

"De toute façon maintenant c'est même plus une question de quitter un travail." Il haussa les épaules. "Mais même plus marié j'avais ça à coeur. Elle ne croyait plus en ce que je pouvais promettre et, je voulais... lui tenir cette promesse là. Et je m'excuse de faire subir cette conversation, parce que t'es notre fils, et..."

Il se coupa, se prit le visage dans les mains et soupira. Le mieux était de s'arrêter là pour ne pas effectivement faire de leur aîné leur thérapeute de séparation. Humbre vint poser sa grosse truffe soir sur lui et le sorcier pour une fois poussa gentiment le chien pour n'avoir son attention que sur son fils.

“Si je tenais à te parler de Yeleen, c’est parce que, cette épisode là de ma vie n’est pas sous le sceau des départements des mystères. J’insiste sur ça, Sean. Parce qu’il y a des choses que je suis condamné à emporter avec moi dans la tombe. Et je n'avais pas réalisé à quel point ça pouvait nous impacter tous. Mais, je veux plus.”

Il était sincère. Il voulait parler avec lui. Il avait prononcé ces derniers mots avec insistances, ses yeux rivés dans les ceux de son fils. Puis il les abaissa et ses épaules s'affaissèrent un peu.

"Oui, c'était à peu près ce que je voulais te dire..."

Il se tut et ramassa ses mains sur sa tasse, signe qu'il avait fini.

Son père l’observait silencieusement et son attitude pinça douloureusement le cœur de Sean. S’il regrettait légèrement la pression qu’il venait de lui imposer, le jeune homme soutint cependant son regard sans ciller en attendant qu’il lui réponde. Braxton s’assis lentement en face de lui avant de reprendre la parole.

Quand il revint sur leur passage à Dublin, Sean réprima la vague de souvenirs dérangeants que cette évocation ramenait des limbes pour se concentrer sur les mots de son père. Le marché… Il hocha lentement la tête sans oser bouger plus que ça pour ne pas interrompre le Langue-de-Plomb. Que pourrait-il lui révéler sans trahir son serment ? Le nom de Yeleen tomba et Sean se figea sous le choc de la révélation, écarquillant des yeux en fixant son père. Il sentait les battements de son cœur ralentir dangereusement alors que sa tête se mit à tourner.

Une fois la surprise passée, parmi le flot d’émotions qui le renversèrent, la peur et l’instinct de protection prirent le devant. Pourquoi son père choisissait-il de tout lui dire maintenant ? Yeleen était-elle en danger ? Le jeune homme se crispa, se forçant à ne pas interrompre Braxton pour savoir ce qu’il avait d’autre à lui annoncer. L’image de Yeleen – encore une jeune enfant quand elle avait été témoin de cette arrestation - lui enserra la gorge. Comme toute cette histoire avait dû la marquer, aussi surement qu’une brûlure de sortilège... Dire qu’elle était restée si discrète sur ses propres traumatismes... Et lui ne l’avait jamais poussée à lui en dire plus que ce qu’elle ne souhaitait. Était-ce véritablement par respect pour sa réserve ou bien par lâcheté de sa part ? N’était-il finalement qu’un Gryffondor comme les autres, bien trop centré sur sa propre personne et sa propre histoire pour s’apitoyer sur celle des autres ?

Braxton expliquait sa réaction lorsqu’il les avait trouvé tous deux à Pré-au-Lard. A l’évocation de son ancien patronus, les sourcils de Sean se courbèrent en témoignage de son immense tristesse. Depuis qu’il n’avait plus réussi à faire apparaitre la marte des pins, il se sentait comme amputé. Et malgré tout, il ne parvenait à se concentrer plus longtemps que ça sur cet épisode tant ses pensées restaient tournées vers Yeleen. La manière dont elle s’était éloignée ce jour-là, aussi silencieusement qu’une ombre, portant avec elle le poids de son passé. Peu après cet évènement, elle avait exprimé une envie d’indépendance – celle de vivre seule. Il l’avait assez mal pris à l’époque. Mais aujourd’hui, tout était plus clair. Yeleen vivait enfin son rêve, celui de pouvoir s’éloigner de ses démons… de son père.

Sean avait le sien devant lui, et il reporta son attention sur cette silhouette hirsute qui semblait ployer sous le poids des regrets. Braxton aurait aimé faire plus, remettre cet ignoble sorcier derrière les barreaux. Sean n’avait aucun doute sur l’énergie que le Langue-de-Plomb avait déployé sans pour autant parvenir à ses fins. Combien d’innocentes victimes habitaient ainsi perpétuellement les pensées de son père, l’empêchant de tourner la page et de trouver un semblant de sérénité ? Une certitude s’imposait peu à peu en Sean. Il ne serait pas de ceux qui appuieraient sur cette culpabilité pour le faire sombrer toujours plus.

Le regard du jeune écossais glissa sur la porte du placard, se redressant inconsciemment en apprenant les secrets qu’elle gardait jalousement. Des bribes entières de son passé oublié se trouvaient là, à portée de main. Il n’avait jamais rien tant souhaité que de toucher du doigt ce que sa mémoire refusait de lui céder. Et pourtant sur l'instant, aucune hâte ne l’habitait, aucune impatience.

Son père reprenait déjà la parole, lui faisant une proposition qui suprit Sean tout autant que ses récentes révélations. Alors qu’il avait tourné à moitié son buste vers le placard comme si ce dernier l’appelait doucement, ses yeux s’ancrèrent vivement dans ceux de son père. Un entrainement ? Maintenant, alors que le père comme le fils ressemblaient à deux rescapés de guerre ? Une offre que Sean avait semblait-il attendu durant toute son existence ? Le désirait-il seulement encore ?

Le jeune homme attrapa la lettre que lui tendait son père, fermant soigneusement son visage à toute émotion que la lecture de cette dernière pouvait créer en lui. Mais quand Braxton évoqua avoir vu Betty… acompagnée…, son nez se baissa encore un peu plus derrière le courrier comme si ce dernier avait le pouvoir de le faire disparaître. Il recevait en plein cœur la souffrance de son père comme celle de Betty et pour la première fois depuis ce début de ce monologue, il fut tenté de prendre lâchement la poudre du Pérou.

Finalement, Braxton étouffa ses mots entre ses mains qu’il frotta à sa barbe ébouriffée. Il revint sur l’histoire de Yeleen, insistant sur le fait qu’il pouvait à présent tout lui dire. En réalité, il le pouvait depuis le début car aucun sceau ne l'en aurait empêché. Mais il avait choisi de se taire. Sean joua d’un air absent avec la lettre qu’il tenait toujours entre ses doigts avant de déposer lentement ses poignets sur la table sans la lâcher pour autant.

Son père avait bien fait de tout garder pour lui. Qui sait ce que Reinfield aurait fait s’il avait eu accès à ces informations…

- Yeleen, commença-t-il faiblement alors que la simple évocation de son prénom lui enserrait la gorge. Il faut tout lui dire… Tu as accès à tout son dossier. Tu crois qu’elle est en danger, là-bas à Ilvermorny ? Ou est-ce qu’il vaut mieux qu’elle y reste le plus longtemps possible... pour sa propre sécurité ?

Ses doigts tremblèrent brièvement, mais il inspira profondément pour chasser l’angoisse en lâchant enfin la lettre de démission qui glissa sur la table. En la suivant des yeux, il poursuivit lentement, évitant sciemment le regard de son père.

- Je comprends pourquoi tu ne m’en as pas parlé plus tôt… Du moins… Je pense que tu as bien fait, peu importe tes motivations.

Le jeune écossais reprit soudain vie en se redressant, se raclant la gorge avant de se passer la main dans les cheveux.

- Ta démission… Je ne sais pas quoi dire… Braxton avait dit qu’il quitterait son travail le jour où il saurait son fils hors de danger. Sean l’était-il vraiment enfin ? Je pense que maman aimerait surtout que tu choisisses par toi-même… Ce qui te rendrait le plus… heureux… En tout cas, moi c’est ce que je souhaite pour toi.

Il se détourna, légèrement embarrassé avant de se concentrer à son tour sur sa tasse.

- Je veux bien rester un peu ici si ça ne te dérange pas, oui… Son regard glissa discrètement sur le placard avant qu’il ne relève le menton vers son père. Qu’on ait le temps de discuter et… pourquoi pas de s’entraîner tous les deux… Que je te montre enfin ce que je vaux…

Un maigre sourire lui éclaira le visage bien qu’étrangement, une nostalgie lancinante lui nouait la gorge et faisait rougir son regard.

Braxton s'attenda à ce que le tonnerre tombe dans la cuisine.

- En danger ? Non…! assura-t-il. Il s'en voulu. Il avait l'impression d'avoir tellement martelé cette phrase à son fils qu'il la collait à présent sur à peu près tout. Elle est mieux loin de son connard d’abusif de père.

Braxton serra ses mains sur sa tasse chaude, voyant impuissant trembloter les mains de son fils. Sean disait comprendre... Si son fils n'avait pas l'air entièrement convaincu, le fait qu'il verbalise comprendre ne serait-ce qu'un peu soulagea le père d'un grand poids.

"...Merci... Sean…" répondit son père d’un air creux, le regard triste et brillant.
Il n’avait aucune idée de ce qu’il voulait faire. Il n’y avait que Betty dans sa tête. Tout ce qu’il avait toujours voulu c’était fonder une famille avec la femme qu’il aimait. Comme un mirage, tout partait dans le vent, une poignée sable qui s’effaçait dans le vent.
Il doutait cela de Betty. Il doutait de tout à présent. Il n’y avait jamais eu de "tu", rien que des "nous" ou des "on". Braxton se retrouvait en dehors de son travail incapable de penser avec un "je".

Braxton ému que son fils désire prolonger la conversation avec lui, se retrouva d'abord sans mot, avant de hocher de la tête vivement, décorée d'un sourire profondément reconnaissant répondit au timide rictus de son fils.

"Oui bien sûr !" la joie exultait de son visage. "Ça me ferait même très plaisir. Considère ici comme chez toi. Tu me déranges pas Sean, jamais !” insista-t-il.

C'était tellement évident pour lui que Braxton ne réalisait pas que la maison pouvait être considérée comme son foyer. Une maison pour lui tout seul, l'idée était ridicule et lui donnait le vertige. L'idée de rénovation était partie de la nécessiter de loger les deux chèvres qu'il avait récupéré. Et la maison de chasse et sa bergerie s'étaient trouvées remontées pierre par pierre durant l'été.

Sean lui aurait proposé d'aller en Grèce s'inscrire dans une compétition de pâté de sable que son père aurait accueilli la proposition avec ce même sourire.

Il porta enfin son thé à ses lèvres et rajouta :
- Si tu veux ! Au lieu de garantir à son fils qu'il n'avait rien à lui prouver, valait-il mieux peut-être le laisser exprimer son désir de l'impressionner. C'était la méthode Ewan Clearwater "Impressionne-moi, fils", avec son imposante moustache.

- Je suis curieux de voir ce que Bianca t'a appris. glissa-t-il avec un petit sourire en coin taquin, en pensant à la latine. Son affection pour Bianca était bien connu, rare collègue de travail de Brax à avoir été invité à manger à leur table, en compagnie des enfants. Que Sean soit tutoré par son ancienne apprentie lui avait procuré un étrange sentiment de filiation. Il en avait été un peu content de loin. Et bien sûr que Braxton avait demandé des nouvelles de la formation de son fils à sa vieille amie.

- Et je suis sûr que je pourrais t'apprendre un ou deux truc.

En tant que vétéran et langue de plomb de terrain, Braxton aurait eu mille choses à transmettre à son fils. Mais pour le moment, on pouvait lire comme un simple et naïf : Tu veux pas apprendre à transplaner comme papa ?  

Braxton bu une longue gorgée de son thé, l'air même plus enjoué que lorsqu'il avait découvert les moutons autour de sa maison.


Braxton éprouvait un étrange sentiment à revoir tout ses anciens clichés. Le bonhomme hirsute et taciturne était devenu un vrai moulin à parole. Assis par terre au milieu d'une mer de photographie, c'était plongé dans des souvenirs sur lesquels il avait serré un cadenas quinze ans plus tôt.

- Oh regarde ton vieux tricycle... Tu voulais pas du balais. s'attendrit le père, qui n'avait montré aucune pitié devant les photos de Sean bébé et nu comme un vers quelques minutes plus tôt.

- Oh j'avais oublié qu'on avait ça !. dit-il pour la vingtième fois en deux jours. Regarde ta mère...

Betty était rayonnante, dans leur jardin de campagne, soutenant un ventre abritant une future @Éleanora Clearwater. Braxton se gratta la tête absorbé par la photo de sa jeune fiancée, semblant débordante de bonheur. Le sorcier finit par réussir à poser la photo. Il présenta à Sean des morceaux de leur ancienne vie. Leur ancienne grande maison de campagne, son lapin, leur deux chèvre, le potage où trônait Sean avec un mini râteau, les Noëls où Sean jouait clairement avec les papiers cadeaux qu'avec les présents eux-même.

Une photo saisit l'attention du père, l'interrompant dans ses commentaires nostalgiques. Il la souleva délicatement. Elle était encadrée très officiellement. Ma promo d'auror.... si on peut dire. J'avais pas les diplômes...

Il souffla du nez et regarda avec attention chaque visage. Peu d'entre eux était encore en vie aujourd'hui. Les années 2000 avaient été meurtrières.

- Nicolas, Joan, Cliff, Hermann... indiqua-t-il à son fils en posant un doigt sous tous les visages. Ils sont tous mort avant 2007... souffla-t-il. Des visages qui avaient leur nom gravé sur un mur de mémoire à Pré-au-lard. Tout ce qu'il restait des noms. Et Liam est là, regarde. dit-il d'une voix douce. il s'approcha de son fils pour lui montrer la photo. Le plus beau tous. commenta-t-il. Il portait l'insigne du majeur de promo à son uniforme.

- Il voulait être instituteur magique. Mais il a jamais pu à l'époque. "Né-moldu"... précisa-t-il à son fils, l'air grave avant de rouler les yeux vers Sean. T'as pas idée à quel point les temps ont changé... Mais l'armée avait besoin de bras, et il a fait la formation d'auror, et c'était le meilleur. Il contempla la photo, assis en tailleur, pensif comme s'il tenait un miroir du Rised de poche. C'est peut-être ce qu'il ferait aujourd'hui s'il était encore là. Insitit'. mhm ! Il esquissa un sourire, l'air presque rêveur. "Il était doué...! Depuis Poudlard y avait pas grand chose qui lui résistait. Il était d'une patience et d'une douceur..."

Il lui tendit à son fils une poignée d'autres photo, de repas de famille, Liam et Betty à noël, Liam et Sean. Sur tous les clichés, son défunt meilleur ami affiché ce sourire tranquille et confiant, renvoyant l'image d'une personne extrêmement calme et mesurée. La dernière arracha même un petit rire à Braxton avant de la tendre , était une photo signée de la main de Liam pour des voeux de Noël : Liam et lui, à 18 ans, l'air d'ado idiots avec leur cheveux bien trop longs, à califourchons sur le balais bien trop court pour eux deux qui ne laissait que trop bien deviner la catastrophe après le cliché.

Mais levant la tête vers Sean, il plissa soudainement le front sérieusement :

- Ça va ? Tu tiens devant ?  s'enquit-il. Ça te mettait dans un état petit...

Il se demanda si Sean se souvenait de quoi que ce soit, mais le père n'osa pas demander si des souvenirs remontaient.

Quand l’heure fut enfin venue pour le père et le fils d’ouvrir la porte du placard qui scellait tous les secrets de son passé, Sean n’en menait pas large. S’il avait pu ressentir à certains moments une furieuse indignation et une impatience dévorante à l’idée de découvrir les pans entiers de son histoire qui lui avaient été retirés, le jeune homme n’éprouvait plus aujourd’hui qu’une appréhension qui gommait tout le reste. C’était comme si son esprit n’était empli que d’un vaste brouillard dont les étranges vapeurs lui procuraient un picotement douloureux. Mais après tout, les nouveaux souvenirs qui surgiraient ne s’imprimeraient-ils pas mieux sur cette sorte de nasse vierge ? Les couleurs ne rejailliraient-elles pas d’une manière bien plus éclatante ainsi ? Plus tendu que jamais, Sean attrapa la première photo que lui tendit son père avec toute la détermination qu’il pouvait encore trouver en lui.

Mais quand son regard se posa sur cette si innocente scène de jardinage où l’on voyait un bambin tenir un râteau à l’envers, planté à même la terre à côté d’un Braxton bien plus jeune et bien trop fier, la déception envahi Sean. Il s’était attendu à tout – que la foudre s’abatte sur la maison, que les décors se changent en un véritable cauchemar, que ses souvenirs lui reviennent avec une douleur similaire à celles que lui avait infligé Reinfield… Mais ce qui se produisit fut pour lui encore bien pire : rien. Il ne se passa absolument rien. Les photos se succédèrent, montrant les goûts vestimentaires douteux de son père et l’obsession qu’avaient ses parents pour prendre en photo leur enfant nu comme un ver. Si Sean reconnaissait certains visages, aucunes de ces images n’évoquèrent le moindre souvenir en lui.

Le jeune Clearwater se sentit si dépité qu’il fut tenté de rejeter cette tentative offerte par son père de renouer avec son passé. Mais ce dernier semblait si heureux de lui présenter chaque photographie en en commentant les moindres aspects que son fils s’abstint de toute critique, se contentant d’observer tout ce qu’il pouvait, marmonnant quelques réponses discrètes, souriant devant la joie débordante de Braxton. Rapidement cependant, il se demanda à quel point les exercices menés avec son cousin Gabriel pour protéger son esprit de l’intrusion de Reinfield l’avait imperméabilisé à toute tentative d’y réimplanter de nouveaux souvenirs. Alors, il fit son possible pour se concentrer et lutter contre l’obscanrutisme de sa propre conscience. Il devait se souvenir. Il fallait qu’il se souvienne !

Une nouvelle photo montrait sa mère de profil qui rayonnait en observant quelqu’un qui se trouvait hors cadre. Mais qui ? Sean puisa dans l’énergie positive que la pause lui procurait pour repousser toujours un peu plus loin les limites de ses souvenirs. Alors, lentement, la douleur survint. Son esprit se sentait attaqué, et réagissait en conséquence pour empêcher le jeune homme de persister. Mais pour Sean, cette réaction fut comme une première victoire et il poursuivit. Sur un décor de barbecue, une goutte rouge sang s’élargit soudainement. Le jeune Clearwater crut d’abord à une illusion, avant de comprendre qu’il saignait du nez. Il s’essuya rapidement pour ne pas inquiéter son père, gagné par une nouvelle motivation malgré la douleur qui s’intensifiait.

Il n’avait pas seulement mal, mais un malaise persistant se mit à l’habiter. Il ne devait pas se souvenir, il ne pouvait pas se souvenir ; lui intimait son corps. Mais Sean n’avait que faire de ces signaux d’alerte et luttait toujours un peu plus contre lui-même. Quand il eut sous le nez une photo de Braxton et Liam tombant lamentablement de leurs balais, ce fut carrément son estomac qui protesta contre cette introspection, comme s’il se retournait complètement. Le jeune homme voulut ouvrir la bouche pour répondre à son père, mais à la place, une main instinctive se plaça sur ses lèvres et il courut à l’extérieur pour y rendre son petit déjeuner.

Dégouté devant tant de faiblesse, il nettoya rapidement la moindre trace qu’il venait de laisser avant de retrouver la cuisine pour se rincer le visage.

- Je ne me souviens de rien, se borna-t-il finalement à répondre en s’appuyant sur l’évier, le regard sombre fixé sur la tuyauterie comme si cette dernière était responsable de tous ses malheurs. Mais refusant de se laisser aller, il se redressa en se tournant de nouveau vers le placard. Il faut que je continue à essayer ! Tu as d’autres photos ? Je vais réessayer avec celles-là déjà…

Se rendant soudain compte que son attitude pouvait blesser son père, Sean se radoucit soudain en lui offrant un bien piètre sourire qui cherchait à estomper sa profonde déception.

- Même si je me souviens pas, je suis vraiment content que tu me montres tout ça, que tu m’expliques tout ça…