Fully alive (Zoey)

L’irritation se sentait autant dans sa voix que dans ses gestes, comme à chaque fois qu’elle obtenait un conseil qu’elle n’avait nullement demandé. Ca avait presque toujours été ainsi, même avec son père lorsqu’il la prévenait à sa manière et Glenn serra les dents au retour de sa remarque. Des années avaient passés et pourtant, il semblait suffire de quelques mots pour réveiller de vieilles rancœurs.

"Décidément, tu n’as pas changé."

La constatation avait presque un ton amer, lui rappelant le rejet qui avait souligné la fin d’une époque avec elle. Il secoua la tête, détournant son attention en ne manquant cependant pas de comprendre qu’elle avait trouvé un compromis avec @Léandre Hamilton et pour ça, il était néanmoins heureux pour elle. Qu’elle soit prête ou pas pour s’engager dans un lien solide et durable, l’ancien Poufsouffle semblait avoir acquis sa confiance depuis déjà de nombreuses années, assez pour faire de son lieu de travail son propre refuge. Bien que ce mode de vie n'était pas le sien, si Zoey y trouvait une satisfaction, il n'avait aucun intérêt à l'en déloger.

Laissant Banshee japper alors qu'elle acceptait de se dégourdir les jambes, le lycan eut un léger sourire alors qu'elle lui demandait de ne pas faire la course, bien que c'était tous ce qui le démangeait à cet instant.

"J'ai jamais dit sur j'allais courir avec toi." Montrant le chien loup du menton, bien que la jeune femme s'était déjà caché derrière le premier buisson, Glenn lui avait seulement proposé de se transformer à sa guise, si la liberté du domaine pouvait lui permettre d'échapper à la cage de l'Ensorcelleur. "Par contre elle, elle aime courir et elle commence doucement à me rattraper."

Il ne fut que silencieux qu'au moment où il l'a vit revenir, la lune éclairant son pelage doré où seuls ses yeux bleus éclataient d'une nature indomptable. Il l'avait toujours préféré ainsi et alors que le chien loup se dirigeait vers la louve, Glenn les observa de loin. Son père s'était toujours tenu à l'écart de toute les transformations, ne revêtant que son panache de loup qu'en cas de nécessité absolue, lui permettant ainsi d'assoir un certain pouvoir et une affluence sur les autres membres de la famille. Glenn avait ainsi apprit à tenir cette distance sans le vouloir et à cet instant là, malgré le fait qu'il était sur le point de laisser le loup prendre la place de l'homme, sa place véritable, il n'avait pas envie de se montrer ainsi. Pas ce soir.

Il siffla doucement Banshee, lui indiquant d'un simple regard le terrain que les loups pouvaient arpenter sans marcher sur les terres agricoles, ni même effrayé le bétail dans les différents abris. Faisant ainsi quelques pas en arrière, il laissa libre court à celle qui avait préféré fuir pour se diriger vers la maison familiale. Sa décision était probablement sans appel, certainement refroidit par l'attitude de Zoey, mesurant alors l'égo de deux loups que de nombreux choix de vie opposaient.


Il ne sut combien de temps il passa par dessus l'évier, lavant les derniers couverts de ses propres mains. Il avait profité du fait que la plupart des Yards s'était couché pour faire cesser les enchantements que sa mère mettait en place pour nettoyer les pièces principales, ne laissant que la tasse de son père sur le plan de travail, comme s'il reviendrait boire son verre d'alcool en rentrant des champs.

Jettant un coup d'œil à la fenêtre, Glenn s'assurait de temps à autre que tout allait bien dans les champs, les alarmes sécurisant les lieux pour éviter les intrusions comme des fuites. La venue de Zoey en provenance du marché des trolls n'allait pas passer inaperçue et il allait probablement devoir s'assurer lui même que le danger n'allait pas, à son tour, se présenter aux portes du domaine. C'était un bas fond de Londres qu'il n'aimait pas pour bon nombre de raison.

Son regard tomba sur la lettre que son père lui avait écrite, le poussant à couper l'arrivée d'eau en se nettoyant les mains. S'appuyant sur le plan de travail, attendant patiemment que Zoey rentre, il eut l'impression d'un léger retour en arrière, restant à l'écart de la jeune femme lorsqu'ils s'attachaient mutuellement des touffes de poils. Par décence, il n'avait rien dit sur les choix de vie qu'elle prenait, mais c'était définitivement le rejet de ses quelques années passées chez les Yards qui lui tordait le ventre.

Entendant alors la porte d'entrée s'ouvrir, Glenn bougea à peine, se contentant de lui montrer la tasse des yeux. "Ta lettre est là." Et implicitement, il lui demandait probablement de quitter les lieux, sentant qu'il pouvait à cet instant, être tout aussi nerveux qu'au moment où elle était revenue.

Oh si, j’ai changé. Juste pas comme tu le voudrais. Mais cette réponse, je l’ai gardé pour moi. Je ne veux pas repartir dans un débat sans fin, certainement pas ce soir. On avait attendu de moi à l’époque que je m’adapte, que je suive la meute. Seulement, cela allait à l’encontre de celle que j’étais. Je n’avais pas répondu pas comme il le fallait, j’avais déçu… Ne pas se sentir à la hauteur, quelle sensation désagréable et blessante ! C’est aussi ce qui m’avait fait penser que ce n’était probablement pas ma place et poussée au départ. Et aujourd’hui, on dirait bien que je ne corresponds toujours pas aux attentes. Je me suis donc tu et j’ai laissé place à la louve, étouffant ces sentiments trop humains.

Je suis déçue mais pas vraiment étonnée de voir qu’il a gardé silhouette humaine. Il souffle le chaud et le froid, me déstabilise, me désarçonne, rien de nouveau là-dedans. Mais j’avais naïvement pensé qu’il avait accepté le rameau d’olivier que je lui avais tendu. Je lâche un profond soupir de désapprobation par mes naseaux, m’étire, prenant pleinement possession de ce corps de canidé. Un dernier regard à l’homme qui nous observe et je m’élance à la suite de Banshee.

Courir au vent, sentir la terre et l’herbe sous mes pattes. Percevoir les battements de cœur d’un lièvre au loin, les battements d’ailes d’une chouette qui se pose dans les arbres. Et tous ces parfums ! Des foulées légères mais énergique, on s’élance dans le domaine, on joue, on se dépense avec cette impression que la nuit nous appartient.


Sauf que toute bonne chose a une fin. Alors que je termine de nouer mes lacets, Banshee vient me donner un léger coup de tête. Je souris et viens coller mon front contre le sien. « A moi aussi, ça m’a beaucoup plu. » Courir librement m’a aidé à me défouler et à enrayer le trop plein de souvenirs et d’émotions qui m’accable depuis que j’ai pénétré dans le domaine. C’est l’esprit plus serein que je fais mes adieux devant la stèle. Une conversation silencieuse, des remerciements sincères à cet autre père qui ne les aura jamais entendus de son vivant. Puis je me glisse dans la cuisine et retrouve Glenn.

J’attrape fébrilement la lettre que je glisse dans la poche arrière de mon pantalon. Les gestes, la parole, les excuses sincères, les larmes… Je ne vais pas insister plus longuement. Je décide de le laisser à son deuil et de reprendre le cours de ma vie de louve caractérielle dans l’ambiance sulfureuse de mon quotidien. Je dépose une carte de visite de l’Ensorceleur sur le plan de travail, sur laquelle j’ai griffonné mon adresse. « Si tu… si la meute a besoin de mon aide pour quoi que ce soit un jour, tu sais où me trouver maintenant. » Alors que je fais demi-tour et que je vais pour passer la porte, je m’arrête quelques secondes dans l’encadrement. « N’oublie pas ce que tu m’as dit, on n’a pas à être des étrangers. » Je m’accroche malgré tout à cette promesse bien que je reparte meurtrie par ces retrouvailles aussi libératrices que cinglantes. Je referme la porte derrière moi et m’enfonce dans l’obscurité.