La Chose la Plus Incroyable

« Non mais... c'est pas exactement ça. En fait, les personnages représentent les heures. Ça t- », il se figea devant le nom de la boutique. Quand Charly ( @Luke Korrigan ) lui avait parlé d'une horlogerie, il n'avait pas donné de nom. Peut-être parce qu'il n'avait pas la réf, ou peut-être que si justement... « ... tourne. » acheva-t-il sans plus être vraiment à ce qu'il disait.

Il entendit presque en arrière plan la remarque de Selma et, comme elle s'apprêtait à entrer, il la retint par la main presque par réflexe. Il lui fallut quelques secondes du doux contact de sa peau pour se rendre compte que c'était complètement déplacé. Lâchant immédiatement sa main, chassant la parano et les récents souvenirs de caverne à dragon grouillant de gobelins du mieux qu'il pouvait, il déglutit péniblement avant de feindre un semblant de contenance.

« Pardon. J'te suis. », s'excusa-t-il, le verbe court, encore un peu soucieux de ce qu'elle allait se dire. Il ne s'en apercevrait que plus tard mais la couleur de ses cheveux et celle de ses yeux n'avait pas bougé. C'était qu'il était rarement mal à l'aise à ce point en présence de la jeune femme et généralement ça ne venait pas d'elle mais des autres. Comme cette fois où la gamine du professeur Herrera avait sous entendu qu'il collectionnait les femmes. Il pouvait tout dire à Selma, aussi rien n'était vraiment compliqué.

Il ne voulait pas qu'elle le prenne pour une poule mouillée, alors, un peu rétif sans oser le montrer, il finit par la suivre dans la boutique. Et là ce fut un émerveillement. L'endroit croulait de petits méca-artefacts. Des engrenages, des jouets, des animaux dont la fonction ne sautait pas aux yeux, des plantes, des grimoires se côtoyaient comme dans un monde idéal dessiné spécialement à son attention. Un sourire gamin avait remplacé son air méfiant. Le gérant de l'établissement arriva sur ces entrefaites, écartant une feuille géante que Sheraz aurait été incapable de nommer. Il n'aurait rien trouvé à redire si celui-ci ne s'était pas mis à le fixer bizarrement. Sheraz coula un regard perplexe à Selma. Pourquoi l'avait-il suivie là-dedans ? Ah oui, c'était lui qui avait voulu venir. Les vis...

« Je le sens pas ce type. Dans trois secondes, je jette un lumos maxima et on se barre en courant. », souffla-t-il entre ses dents du ton le plus bas qu'il pouvait.

Mais l'horloger changea d'attitude tout d'un coup - était-ce bien pour rassurer Sheraz ? le jeune homme ne se laisserait jamais convaincre tout à fait... - et retrouva sa petite phrase d'accueil sans doute habituelle.

« Waow, cinq cents gallions, c'est pas rien... Je pourrais m'acheter un petit moteur à combustion arcanique avec ça ! », laissa-t-il échappé comme son regard s'était laissé captivé un instant par le casse tête et la coquette somme qui semblait accompagner le défi de le résoudre. « Pourquoi une récompense aussi élevée, vous avez perdu quelque chose à l'intérieur ? », s'enquit-il, presque déjà enthousiaste à l'idée de savoir.

Il se rappellerait toujours le casse tête d'Irvin Vorpe et son involontaire excursion avec Amy Jordan qui s'était fini en eau de boudin... Il s'était d'ailleurs beaucoup entraîné depuis, se jurant qu'on ne l'y reprendrait plus.

Le petit cliquetis caractéristique de l'enclenchement d'un mécanisme lui donna malgré lui un petit sourire triomphant. C'était que c'était facule. Rudement facile même. A tel point qu'il en déduisit que ce ne devait pas être tout. Alors quand un rai de lumière orangé vint dessiner un Z au-dessus de la boîte, Sheraz fronça les sourcils.

Ce n'est qu'en jetant un oeil à la mine déconfite de l'horloger et à celle triomphante de Selma, qu'il en déduisit qu'il n'y avait pas de mode avancé à cette énigme. Il s'attarda un instant, flatté de voir que, quelque part, son amie était fière de lui. Ça lui faisait toujours un petit quelque chose. En tout cas ça lui faisait toujours moins bizarre que la réaction du commerçant. A croire qu'il s'était imaginé que jamais personne ne craquerait son rubik's cube magique. Bon, c'était probablement le cas vu le gain... et d'ailleurs en parlant de gain, il y en avait une qui ne perdait pas le nord.

« Oui 'fin... je pourrais comprendre que vous n'ayez pas vraiment prévu le coup. C'est pas très grave en soi, je voulais surtout le tenter pour faire plaisir à mon amie. »

Etait-ce bien vrai ? Ça l'était au moins partiellement mais il avait de la peine pour ce pauvre diable qui n'avait pas l'air prêt de se remettre de ses émotions pécuniaires. Après tout, lui, Sheraz, n'avait pas vraiment besoin de ces 500 gallions... enfin, il aurait eu quand même deux trois idées de ce qu'il aurait pu faire avec mais tant pis.

« J'ai dû mal à résister à un défi de ce genre, c'était vraiment pas pour vous mettre dans l'embarras. », voilà qui était plus honnête même si ça n'était qu'une vaine tentative de se sortir d'une situation gênante.

Sheraz adressa une petite moue empruntée à Selma qui avait tout l'air de dire on lève le camp ?

Si Sheraz n'était pas un as pour maîtriser ses propres émotions, il échouait de façon encore plus lamentable à faire avec celles des autres, surtout quand les autres étaient des inconnus. Il fallait dire que l'éducation que lui avait donnée ses parents, ne prévoyait rien au chapitre effusions et autres débordements impromptus. Mr et Mrs Mahal étaient un charmant petit couple de septuagénaires aux manières exquises mais un peu poussiéreuse.

C'est justement au moment où Sheraz se disait qu'il fallait trouver un pirouette pour couper court, que le commerçant lui posa la question de ses origines pakistanaises.

« On vient de Cuba ! », répondit-il spontanément comme s'il avait flairé anguille sous roche.

Il fallait juste espérer que le type ne se mette pas à lui parler en español parce que ses vagues notions de year 8 ne feraient clairement pas illusion...