Je rejette ses excuses d’un geste de la main, n’en voulant surtout pas. Et pas pour ces raisons. Hors de question que mon passé écrase ses problèmes qui sont bien plus actuels et la touchent autant. Surtout que je ne demande qu’à ce qu’on m’oublie.
«
Pas du tout, ça me fait même du bien qu’on parle de tes problèmes ! Et t’avais clairement besoin de parler. Je suis aussi là pour ça, non ? »
Mais elle ne lâche pas l’affaire. Je suis d’accord avec elle et c’est bien ça le problème. Je ne souhaite pas revivre ce qui s’est passé dans cette cave. Le peu qui me revient en mémoire suffit à me donner la nausée. Les images fugaces me glacent le sang et m’hérisse le poil. Une boule d’angoisse menace de se former dans mon estomac alors qu’un festin nous attend sagement sur la table de salon. Je pioche une crêpe que je picore.
«
C’est pour ça que je ne suis pas pressée d’en parler… Mais, oui, sans cet… évènement, je n’en serais pas là. Sur ce canapé, avec toi. A l’Ensorceleur. »
Je grimace quand elle me dépeint comme forte. Bien que j’aime l’idée, je n’ai pas l’impression de l’être réellement. Il n’y a qu’à voir le malaise de la veille pour un coup de stresse… J’ai toujours fait au mieux pour être indépendante, autonome, pour ne dépendre de personne. Certainement à cause de la séparation de mes parents, me souvenant des difficultés qu’avait rencontré ma mère, pas foutue d’utiliser un tournevis et obligée de faire appel au voisin de palier dès qu’une tâche nécessitait un peu de force. Ou encore de cette façon qu’a mon père de choisir ses amis pour les utiliser… Je ne veux pas de ça, je ne veux pas avoir
besoin de quelqu’un, ne désirant être entourée que par choix, pour l’affection que je porte à mes proches et non parce qu’ils peuvent m’apporter. Des amitiés et amours sincères. Malgré cette volonté d’indépendance, je dois admettre que si j’ai réussi à me relever à chaque coup dur, c’est surtout parce qu’on m’y a aidé, que j’ai été épaulée. Mais donc, est-ce de la force ? J’ai des doutes…
J’acquiesce malgré tout, ne veux pas jouer les chouineuses qui manque d’assurance. Avancer, oui, c’est ce que je désire. Je ne les laisserais pas m’emmerder alors qu’ils sont en train de pourrir. J’éclate de rire, savoure cette légèreté, et lui donne une tape sur l’épaule quand elle parle de
@Léandre Hamilton.
«
Je suis la seule à avoir le droit de le manger ! L’écossais est chasse gardée, Yard ! » Je soupire avant de continuer. «
C’est moi qui prend mes distances pour l’instant… car, oui, j’ai peur que ce qui m’est arrivé le dérange. Qu’il me regarde différemment. Qu’il ne voit plus que la pauvre petite Zoey qui a été maltraitée et non celle que je suis maintenant. La Zoey forte. »
Je grimace à ces mots car je n’y crois toujours pas complètement. Je fronce les sourcils et décide d’en profiter pour reparler de sa situation, trouvant que ça s’y prête parfaitement.
«
Tu es plus forte que tu ne le crois, Ellie. Et ce n’est pas un homme qui changera ça, ni ce que tu as construit. Tu ne perdras pas ta vie. Au pire, elle changera mais le changement n’est pas toujours une mauvaise chose. Ta famille t’aimera quoi que tu fasses, parce que vous êtes comme ça, les Yard. La preuve, vous m’avez pardonnée de m’être barrée comme une malpropre alors que je ne le méritais pas. Et ton boulot… Ils ne pourront pas se passer de tes services. »