Until you read the fine print

Les trois acquiescèrent d'un même geste à la réponse de Jameson Clearwater. Ce fut la vieille gwyllion qui prit la parole cette fois.

« Maeve la Chasseresse a trop de sang fae sur les mains. Il ne serait pas justice que de la laissait quitter ainsi le Tir Na NOg. Cette assemblée est ici pour juger de son sort. Sois rassuré, ici dans le Tir Na NÓg, nul être ne saurait mourir. », expliqua-t-elle.

Ca n'avait rien de rassurant pour Maeve qui délia nerveusement ses doigts sans quitter le bébé. Elle ne pouvait qu'imaginer ce que pourrait être une vie ici, entretenue par ses ennemis naturels sans espoir de s'échapper dans la mort. Elle était trop loin d'être dupe des douces paroles de la fée.

La vieille leva sa crosse chenue au-dessus de sa tête, faisant taire les murmures.

« Maeve Cynfeirdd, tu seras ici jugée pour le sang que ta lignée porte sur ses mains. »
« Aurais-je la parole pour me défendre. »
« Il ne te sera prêté nulle parole car ton crime nous le connaissons. De Deryn le barde au dernier de ta lignée, tous avez trempé vos mains dans le sang des nôtres. Que trois voix s'élèvent pour prendre ta défense, et tu seras libre de t'en retourner sur les chemins du Tir Na NÓg, et si les Nornes veulent bien te prêter chance, tu trouveras le chemin des terres de tes ancêtres. »

Là dessus, la foule muette commença à bruisser mais nul ne semblait vouloir s'exprimer en faveur de la chasseresse. A la nuit tombante, le sol trembla un peu et l'arbre fée s'anima, s'éventrant lui-même pour laisser pousser des lianes vivantes et des branches mues d'une souplesse inhabituelle. Bientôt, une silhouette vaguement humaine mais qui tenait plus de l'arbre se courba pour entrer par l'ouverture qui s'était formée dans le tronc de l'arbre fée.

Maeve tressaillit, reconnaissant le Lechi gardien de la Forêt d'Ysbryd. Celui-là même à qui elle avait confié la garde de l'ours dans l'espoir qu'un jour, elle y réintégrerait l'âme d'Eochaid. La créature avait depuis des siècles conclu un pacte avec les Cynfeirdd, c'était au nom de ce pacte qu'il venait parler en défense de Maeve Cynfeirdd.

« Ainsi parla Alawn : ma fille est tienne si tu peux lui arracher un oui sans toucher un cheveu de sa tête, et toutes mes filles après la belle Blodeuwedd. »

Un pan de l'histoire que Maeve n'était pas sans ignorer, comme toutes les femmes Cynfeirdd et a fortiori les filles des chefs de famille. Jusqu'alors, aucune des ruses du Lechi ne les avait convaincu de prononcer ce oui et cela tenait au fait qu'il se satisfaisait de l'autre contrepartie de ce pacte, à savoir la promesse que la forêt d'Ysbryd serait garder de l'avidité des hommes tant que vivraient le sang des premiers bardes.

Cela ne faisait tout de même qu'une voix.

Un peu plus loin dans la nuit, l'arbre fée éructa cette fois-ci un homme à l'allure étrange. Ses cheveux noirs ruisselait sur ses épaules, entremêlés de varech mais à son regard, Maeve reconnut tout de suite l'inconnu. Il ne prononça pas un mot mais vint simplement poser son front longuement contre le sien. Ils fermèrent les yeux un instant. Sa peau était désagréablement roide. Puis il s'effaça dans la foule.

Cela faisait deux.

Après quoi, plus personne ne semblait devoir se présenter et l'aube ne tarderait pas à étirer ses ors sur l'assemblée des fées. Alors, tous des fées de l'aube à celle des heures les plus noires de la nuit aurait eu leur occasion de parler et le sort de Maeve Cynfeirdd serait scellé...

feat. @Maeve Cynfeirdd

22.11. Jameson connaissait déjà cette réponse. Son regard se posa machinalement sur Maeve avec, dans son regard, une certaine appréhension. Bien sûr, il gardait toujours sous la manche sa baguette magique avec lequel il serait capable de faire des miracles - du moins le pensait-il - mais il n'était pas sûr que cela règlerait toutes les peurs problèmes. Si les vivants n'avaient pas la faculté de traverser les plans comme ils l'entendaient, les fées, elles, le pouvaient. C'était une de leurs facultés que les sorciers enviaient probablement le plus au monde, car elle permettait aux fées de cacher des trésors d'histoires et de magies. La réaction de Jameson à son entrée dans le Tir NA NOg parlait pour tous les sorciers du monde (bien que Jameson ne fut point animé d'une quelconque cupidité propre à certains de ses frères).

Aussi, il resta donc silencieux lorsque les fées établirent les principaux chefs d'accusation qui retiendraient Maeve à jamais dans le monde de la jeunesse éternelle.

Il n'en fallait pas plus à Jameson pour tressaillir. Il fallait qu'il trouve quelque chose. N'importe quoi. Dans leur attitude, les fées semblaient tout de même vouloir privilégier le dialogue même si leur choix était irrévocable. Alors, Jameson, récemment béni par l'une d'entre elles, choisit d'abattre cette même carte.

S'il n'était pas un bon orateur, Jameson n'en restait pas moins quelqu'un de percutant quand il le voulait. Aussi, lorsqu'il se mit à parler, on pouvait entendre le timbre d'un chef de clan écossais, fier et droit dans ses bottes, prêt à tout pour défendre sa nation. Ici, c'était de son cœur qu’il s'agissait. Et lorsqu'il s'agissait d'une histoire de cœur, un Clearwater s'en sortait toujours. Tout du moins, le croyait-il ardemment.

« - Si je peux me permettre, vous semblez oublié qu'elle est une lointaine enfant de Taliesin, le premier barde. Ce même Taliesin qui s'est allié à Myrdinn pour venir à bout des êtres malfaisants qui peuplent notre monde. »

Il se racla la gorge et ajouta :

« - J'aimerais faire appel au lechiï des Pembroke. Les Cynfeirdd ont un pacte avec lui qu'ils ont toujours honoré depuis qu'ils l'ont passé. »

Jameson jouait un peu le tout pour le tout. En faisant cela, il espérait montrer aux Fées que Maeve avait une parole et qu'elle la respectait. Que ses intentions étaient pures pour un peu qu'elles ne nuisent pas aux siens.

Les mots de Jameson lui tirèrent un doux sourire. Ce n'était généralement pas le barde que l'on honorait en chanson mais cela trouvait grâce à ses yeux, sans doute plus encore parce que la bouche qui offrait cette complainte était tant chérie. Pour autant, elle ne se fit pas la moindre illusion. La Gwyllion l'avait dit. Rien de ce qu'ils pourraient dire n'avait de poids ici.

« C'est noble de ta part poète guerrier et je comprends ta peine. Mais seule une voix fae pourrait sauver ton aimée et je crains que - »

La vieille Gwyllion s'interrompit, tournant ses pupilles carmin vers une nouvelle arrivante. La foule des fae s'écarta pour céder le passage à @Aethelia G. Sanderson. Si ici l'influence hypnotique qu'elle pouvait avoir sur les mortels n'avait pas cours, la matriarche n'avait guère besoin de cela pour imposer le respect. Nombreux étaient ceux qui la craignaient au point de baisser lâchement la tête. Si pour Maeve la situation avait déjà les allures d'une souricière, elle sentait désormais que le diable lui-même étant en train de lui forcer la main. Elle s'affermit sur sa position autant qu'elle pouvait dans cet étrange endroit où la gravité ne semblait plus si certaine de sa place. Sans vraiment s'en rendre compte, elle se plaça devant Jameson, son instinct lui intimant de protéger ce qui était celui qu'elle estimait être sien.

Le geste était vain, qu'aurait-elle pu faire face à ce genre de pouvoir ? Sa voix aurait-elle cette fois la force de le ramener vers elle, de dissiper l'aura séductrice à laquelle Aethelia était capable de la plier elle aussi ?

La matriarche parla, sans surprise en faveur de Maeve. La Chasseresse la considérait, tête haute, d'un regard ombrageux. Elle n'était pas dupe de ce soudain élan de charité. Elle avait désormais les poings liés et il lui fallait déjà se préparer à devoir rendre cette faveur au centuple.

La Gwyllion acquiesça, offrant une expression morne, presque contrariée à cette annonce. Sa crosse frappa le sol, résonnant semblait-il dans tout le Tir Na NÓg et les pendentifs qui ornaient ses cheveux noués en cornes de bouc tintèrent.

« Ainsi a parlé le peuple fae. Tu es libre de t'en retourner Chasseresse, à condition d'en trouver le moyen. »

Sur ses mots elle tourna les talons et le gros de l'assemblée se dissipa à l'exception de quelques curieux qui s'attardèrent plus que les autres.

« Tu as garde ma bénédiction poète guerrier mais je ne puis te laisser le cheval bayard... adieu pour lors. », fit la belle dame au teint minéral, « Aethelia... », salua-t-elle avec grâce avant de tourner le dos.
« Tu nous reviendras Maeve Cynfeirdd... trop de chemins te ramènent au Tir Na NÓg... », souffla la voix éthérée d'une banshee en s'en allant.

Le kelpie la dépassa pour approcher de Jameson et Maeve. Elle savait bien ce que signifiait son regard énigmatique. La créature piaffa. Il n'avait pas son filin. Rien ne l'aurait empêcher de les emporter et de les noyer dans les profondeurs de son royaume sous marin. Pourtant elle se rappelait le Conte du Kelpie qui ne rejoignit jamais le Tir Na NÓg. Le fauve souffla puissamment, achevant de la convaincre. Alors la Chasseresse enfourcha le cheval fée, tendant la même à celui qui avait son coeur en pur acte de foi.

Au loin, elle adressa un dernier longe regard à la Aethelia, la matriarche... elles se retrouveraient bien assez tôt, à n'en pas douter...

feat. @Maeve Cynfeirdd

22.11. Jameson craignait que la Gwyllion ne prononce ces mots. Mais l'entendre lui fit l'effet d'un coup de dague planté dans le foie. Souffle coupé, il n'osa dire quoique ce soit, se contentant alors de se tourner vers Maeve, l'air interdit. Ce n'était pas comme ça qu'il avait envisagé la fin de leur relation et pour tout avouer, une idée complètement stupide effleura rapidement ses pensées. Alors qu'il commençait à actionner le mécanisme pour attraper sa baguette magique, une aura tentatrice se fit tout à coup plus forte que tout. Jameson leva machinalement les yeux vers la communauté féerique, l'air un peu hagard, alors qu'une femme à la beauté somptueuse traversait les quelques mètres qui les séparaient.

Si Maeve ne s'était pas mise devant lui, agissant de nouveau comme un bouclier, Jameson ne serait plus rendu compte de rien, se perdant dans la contemplation de cette fée à la beauté parfaite. Il secoua sa tête lorsqu'il sentit les effluves du parfum des cheveux de Maeve comme si cette dernière était l'ancre de sa raison, peu importait le plan dans lequel ils se trouvaient tous les deux.

Puis, tout à coup, Maeve fut libérée de cette sentence complètement absurde qu'elle s'apprêtait à purger. Jameson observa cette nouvelle venue d'un autre œil, plus alerte sur les charmes de cette dernière. Elle semblait être importante et sans qu'il ne sache pourquoi, il sentit qu'au plus profond de lui, Maeve venait de se lier à cette créature pour le meilleur comme pour le pire. Jameson se mordit la joue, ne disant rien, se contentant alors de se retourner de nouveau vers la Gwyllion qui lui offrait toujours la bénédiction du peuple des fées bien qu'elle récupéra le cheval.

Aethelia était donc le nom de la fée éblouissante.

Jameson nota le nom avant de finalement voir le Kelpie de Maeve débarquait d'il ne savait où. Sans demander leur reste, Maeve grimpa dessus avant de tendre sa main pour Jameson qui se laissa guider sur le dos de ce cheval fantastique. En d'autres circonstances, il aurait pris le temps d'observer le Kelpie, d'analyser les sensations et tout ce qui allait bien avec une première expérience. Mais là, il n'avait envie que d'une chose, c'était de partir loin d'ici.


(...)

Une quinte de toux d'un autre monde attrapa Jameson qui se redressait péniblement dans le sable des côtes de Pembroke. Les vêtements trempés, l'air iodé parvint enfin à se faire une place dans ce tourbillon de pensées qui continuaient de l'assaillir. Jameson se tourna vers Maeve qu'il observa un court instant avant de venir s'enquérir de son état d'un pas mal assuré.

« - Maeve... Maeve, ça va ? »

Il la retourna doucement puis il posa ses deux paumes sur le visage de sa puissante guerrière. Du bout des lèvres, il incanta un sortilège de réchauffe pour sécher rapidement le corps de Maeve. Depuis la Lorelei, Jameson angoissait de la voir dans un état semblable à celui qu'elle fut à cette époque. Il se laissa alors tomber sur les fesses, vide de toute énergie.

« - Le gosse. Ils l'ont livré ? Faut aller le récupérer, non ? »

Jameson prit alors une profonde inspiration pour se relever à nouveau. Cette fois, ce fut sur lui qu'il lança l'enchantement.

La première chose qu'elle ressentit fut le bourdonnement de la voix de Jameson. Ensuite, le froid qui la prenait jusqu'à la moelle, la sensation sinistrement familière de l'eau qui s'insinuait de partout, jusque dans ses poumons et enfin, le sable entre ses dents qui crissaient désagréablement.

Elle se mit à tousser d'une toux rauque comme Jameson la retournait avec douceur. Ses mains posées sur elle lui réinsufflèrent un semblant d'énergie et, à son regard un peu fou, elle sut tout de suite ce à quoi il avait pensé.

« Ça va, tout va bien. », toussota-t-elle en se redressant, front contre son épaule, « Je vais bien. », il lui fallut quelques secondes pour reprendre son souffle. Le kelpie avait dû les entraîner dans des profondeurs qu'il valait mieux encore ignorer mais ils avaient survécu. Par habitude, elle détailla Jameson rapidement, à la recherche de la moindre égratignure tandis qu'il se relevait et séchait ses vêtements à lui.

« Il est dans la forêt du Wistman, à l'arbre fée. Il faut qu'on y retourne en effet sinon je ne donne pas cher de sa peau. L'arbre lui vaut sauf conduit mais ça ne l'immunise pas contre la faim et la soif. », elle était déjà prête à repartir en chasse. Son regard bleu glacé se porta sur la silhouette vertigineuse de Caer Cynfeirdd qui surplombait la langue de sable où ils avaient été jetés, « Il faut que je vois @Luke Korrigan... »

Justement, quand on parlait du loup, la silhouette argentée d'un chien ne tarda pas à bondir à leur rencontre...