“The universe is full of intentions. Everything happens for a purpose.”

 «Life is what happens to us while we are making other plans.»
Allen Saunders 

La vie n'avait eu de cesse de se compliquer, depuis que Nathanael avait appris le départ du clan Yard. Il ne pourrait jamais blâmer Glenn pour la décision qui devait être prise, conscient que la vie pouvait souvent pousser à des choix impossible, conscient que Glenn avait la responsabilité du bien-être de tout un clan sur ses seules épaules. En réalité, une partie du jeune homme s'en voulait de ne pas avoir pris contact avec Ellie avant car, il devait bien l'avouer, il s'était un peu coupé du reste depuis son rapprochement soudain avec Amaranth. C'était bien le problème du Pierce malheureusement : il était doué pour soutenir ses proches, mais assez tête en l'air, quand il s'agissait de prendre des nouvelles des autres.

Le Pierce avait été surpris de la décision de la dernière des Yard, ici, de rester dans la région malgré le départ des siens. Il saluait cette détermination, bien sûr, mais il savait qu'il serait incapable de faire un tel choix. S'éloigner de sa famille ? De ses frères et sœur, pour une durée indéterminée ? Il n'était pas prêt à prendre une telle décision, mais il savait aussi que, tôt ou tard, Ellie viendrait frapper à la porte pour obtenir asile, car elle ne devait plus avoir nulle part où aller. Il n'était pas prêt à accueillir toute la misère du monde, évidemment, mais Nathanael n'était pas un monstre sans cœur et pouvait au moins accueillir Ellie, chez lui, pour deux jours, si la demande lui était lancée.
Durant cette période, Amaranth décida de retourner sur le domaine familial, en avançant qu'une urgence demandait toute son attention. Curieux, Nathan retint ses questions et en profita, de son côté, pour rattraper la paperasse accumulée, à l'hôpital, durant la période où il était dans sa...bulle, pour ainsi dire. Une période de deux jours assez exténuante, où les heures de sommeil se comptèrent sur les doigts d'une main, mais cette absence de Morphée n'était pas uniquement du fait du travail.

Depuis quelques mois, maintenant, Nathan avait voulu changer. Changer de décor, changer de maison et, si l'idée trottait dans sa tête, il n'y avait jamais donné corps, toujours trop absorbé par le travail pour entamer un tel projet. Mais l'absence de Amaranth, le vide que cela laissait derrière lui, et la perspective moins sombre qu'il avait sur le monde poussèrent le médicomage à mettre le pied à  l'étrier. Un crayon à la main, il commença à coucher sur papier les plans qui trottaient dans sa tête depuis des semaines, voire des mois et, minute après minute, le projet qu'il souhaitait commençait déjà à prendre forme, son esprit lui permettant de visualiser le résultat final, avec une excitation silencieuse. Il voulait se retenir et faire preuve de prudence, mais n'avait-il pas qu'une seule vie, au bout du compte ? Pourquoi devrait-il être le seul à ralentir le rythme ? N'avait-il pas gagné le droit d'aller de l'avant et de se reconstruire, après que le pire soit arrivé ?
Il ne voulait plus s'excuser d'être là, s'excuser d'exister. Il passa alors les deux jours suivants à alterner entre travail et projet, négligeant l'entretien de sa barbe qui commençait déjà à pousser, lui donnant un côté plus sauvage, plus nature que ce à quoi tout le monde était habitué. Après une longue journée de travail le médicomage – vêtu d'un t-shirt noir et d'une veste en cuir noir, tenue dans sa main – se posa un instant, en se demandant que faire. Devait-il continuer  à donner son espace à Amaranth, ou devait-il écouter cette inquiétude grandissante ? Il n'avait pas envie de faire une erreur, pas une de plus, aussi resta t-il hésita pendant quelques secondes, avant d'écouter son cœur plutôt que sa tête.

Passant une main dans sa barbe courte, il décida de se transplaner jusqu'au domaine Mapleleaf, avant de se diriger sans attendre vers la porte d'entrée. Devant la porte il leva une main, hésitant un court instant, avant de prendre une profonde respiration et de taper trois coups secs, pour faire connaître sa présence en ces lieux. S'écartant légèrement de la porte, il s'adossa au muret sur la droite, repliant sa jambe gauche contre lui, avant de fouiller dans ses poches pour sortir un paquet de cigarettes à moitié entamé. Avait-il raison d'être ainsi ? Raison de s'inquiéter pour elle ? Peut-être que tout ceci n'avait rien à voir avec lui, peut-être qu'il ne ferait qu'empirer les choses par sa présence mais...son absence avait déjà engendré une tragédie, une fois, et il n'était pas prêt de laisser l'histoire se répéter. Portant une cigarette à ses lèvres, il enfonça sa main libre dans sa poche, pour chercher de quoi allumer ce tube ce bâton, avant que la porte ne s'ouvre finalement.

Gardant sa position contre le muret, la boule au ventre de Nathan se fit moins imposante, moins oppressante, alors que la silhouette de l'écarlate se dessinait devant lui. Portant sa main à ses lèvres, pour en reprendre la cigarette toujours éteinte, le médicomage posa son regard sur la belle, avant de s'enquérir d'un :


Il ne voulait pas en dire plus pour le moment car, après tout, peut-être avait-elle juste besoin d'être seule, pour quelque raison que ce soit. Il ne voulait pas s'imposer, mais juste de s'assurer qu'elle allait bien, compte tenu des derniers événements.

 «Life is what happens to us while we are making other plans.»
Allen Saunders 

Jadis Nathanael avait été doué pour prendre soin des autres mais, depuis qu'il était médicomage, c'était comme s'il avait fait passer ses patients avant tous les autres, proches y compris. C'était l'impression qu'il avait en tout cas, parfois, quand quelqu'un remarquait le temps qui s'était écoulé depuis leur dernière rencontre. Il était vrai que son  métier était très chronophage mais, d'une certaine façon, Nathanael avait eu besoin qu'il le soit, pour se noyer dans ce travail et oublier tout le reste. Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui ce métier était devenu sa vie et, d'une certaine façon, il avait un peu de mal à en sortir, compte tenu de ses responsabilités de chef des urgences.
Tout ceci n'était qu'une excuse, qu'un prétexte pour ne pas chercher à se réinviter, à aller de l'avant, sans doute par crainte d'un nouvel échec. Il ne se sentait pas aussi fort et déterminé que ce que l'on pouvait bien penser de lui, mais il n'allait pas crier son doute sur tous les toits, non plus. Bourré de défauts, le manque d'empathie ne faisait heureusement pas partie de la liste et, si Nathan savait quand il était de trop, il savait aussi qu'ensevelir ses propres émotions n'était pas la bonne solution.

Alors oui il prenait un risque en venant ici, mais il s'en serait voulu de ne pas vocaliser son inquiétude, à celle qui monopolisait ses pensées, depuis quelques temps. Il en avait assez de se mentir à lui-même, de prendre des gants avec tout le monde alors, pour une fois, il suivrait son envie. C'était la raison de sa présence ici et, s'il ne pouvait nier son anxiété, celle-ci fut rapidement dissipée en se voyant confirmer que sa présence ici n'était pas une gêne. Se sentant revivre à nouveau, lorsque ses lèvres se mêlèrent à celles de l'écarlate, Nathanael put enfin respirer, profitant de ce contact momentané, avant que la belle ne le mène à l'intérieur.

Laissant son regard se perdre çà et là, s'arrêtant un instant sur le plafond en verre au-dessus de sa tête, Nathanael laissa sa curiosité guider ses pas, pendant quelques secondes, avant que les questions successives de la Maplepleaf ne l'extirpent de sa torpeur contemplative. Si tout allait bien ? Oh il aurait beaucoup à dire sur le sujet, surtout avec les articles récemment publiés et le projet qui occupait son esprit mais...il se portait plutôt bien, compte tenu des circonstances. Mais ce n'était pas pour cela qu'il était ici, raison pour laquelle il répondit sur un ton à demi-absent :


Est-ce que son frère allait bien ? Probablement. Le travail ? Toujours, il était trop doué pour que cela se passe mal. Sa collègue ? Ellie, probablement ? C'était la grande question. Pas de nouvelle, bonne nouvelle, comme disaient les moldus, non ? Soupirant face au ridicule de cette situation, de son amie qui restait toute seule sans chercher à le contacter, Nathanael posa sa veste sur le dossier de la première chaise à sa portée, avant d'utiliser sa main libre pour attraper son paquet de cigarette. Rangeant à l'intérieur ce poison en tube, Nathan s'adossa au mur le plus proche, le paquet dansant entre ses doigts, admettant sans détour :


Préférant ranger le paquet dans sa poche, craignait d'être tenté d'y céder à force de jouer avec, le jeune homme redressa sa tête et, passant une main dans cette barbe dont il avait presque oublié la sensation, il posa son regard sur l'écarlate, avançant doucement :

 «Life is what happens to us while we are making other plans.»
Allen Saunders 

De son propre aveu, Nathanael n'avait jamais été le plus sociable des hommes. Il avait toujours préféré s'entourer d'un cercle restreint de proches et d'amis, se satisfaisant de ces rares interactions sans nécessairement chercher davantage. Il n'avait pas besoin d'un large groupe d'amis, ayant compris par exemple que les proches qui comptaient vraiment se comptaient sur les doigts d'une seule main. Alors oui, il n'était pas toujours un très bon ami. Oubliant souvent de prendre des nouvelles, n'ayant pas toujours l'impression d'en faire suffisamment pour rattraper ses manquements, n'arrivant pas toujours à laisser son métier de côté pour laisser un peu plus de place à sa vie personnelle.

Et puis il existait certaines personnes, certains rares individus qui, comme une évidence, poussaient le médicomage à faire d'eux leur priorité. Cela avait été le cas pour Abigail, Zacharia, Ethan, Eva à une certaine époque et, aujourd'hui, une nouvelle venue s'était vue offrir une place dans ce cercle très fermé. Qui ? L'écarlate à qui il était venu rendre visite, évidemment. Si son prétexte de départ était de venir aux nouvelles, de s'assurer que la Mapleleaf allait bien, compte tenu des récents événements, Nathan était aussi venu pour lui, même s'il ne pouvait pas l'avouer en ces termes.
Il avait besoin de la voir. Plus qu'il n'en avait l'habitude avec quiconque. Plus que ce qu'il arriverai à vocaliser et, silencieusement, il allait se contenter de cette conversation pour se délecter de la présence de l'écarlate, jusqu'à ce que sa présence ne soit plus nécessaire, ici. Car, après tout, il était tout de même assez tard et il ne désirait pas s'imposer plus que de raison.

Il rentra alors dans le vif du sujet, vocalisant son inquiétude sans détour, sans chercher à masquer ses intentions. Ne disait-on pas que l'honnêteté était la meilleure des politiques ? Mentir ne l'avait jamais mené à rien de bon, à part se détester lui-même, alors peut-être était-il temps de faire les choses autrement. Il observa alors la belle s'approcher de lui et, quand elle glissa ses bras autour de son cou, le jeune homme passa ses mains dans le dos de la belle, posant son regard sur elle, alors qu'elle mentionnait la disparition récente du clan Yard. Nathan savait qu'elle avait été proche d'eux, mais n'avait sans doute pas réalisé à quel point, avant aujourd'hui.


Comment faire pour tourner la page, quand elle aurait un constant rappel de ce clan, de cette famille disparue, juste à côté d'elle ? Une partie de lui aurait voulu que Nathan dise qu'elle était sa famille, qu'elle n'était pas toute seule, mais cela lui semblait bien trop égoïste. Pour une fois cela ne le concernait pas lui...du moins était-ce ce qu'il supposait.
Amaranth vocalisa la présence du Pierce, comme si c'était surprenant qu'il soit là. Il était vrai que leur relation était assez récente mais, quand Nathan donnait sa parole, il ne la reprenait pas. Aussi rappela t-il quelque chose qu'il avait mentionné, quelques jours plus tôt.


Un rappel qu'elle avait une autre famille, celle qui portait le nom de Pierce. Laissant le silence retomber un moment, Nathan laissa son regard s'égarer sur les traits du visage de la belle, alors qu'elle avoua à demi-mot les émotions qui la troublaient, récemment. Se sentait-elle coupable de ces jours de bonheur ? Perdue ? Ou autre chose, peut-être ? Quel que soit le mot approprié, le Pierce ne quitta pas la belle du regard, ne serait-ce qu'un instant. Son regard était trop transparent, quand il s'agissait d'elle. Trop évident, face à ce qu'il ressentait pour elle, mais il préféra tout de même demander :


Une façon de dire qu'il n'était pas juste là pour aider, mais pour la voir également. Car oui, elle lui manquait terriblement.

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Allen Saunders 

Une fois encore Nathanael avait vu juste. Amaranth cachait beaucoup de choses, beaucoup d'émotions, mais le Pierce serait bien hypocrite de la juger pour cela. Il lui faudrait du temps pour s'habituer à la présence du médicomage, dans sa vie, et au fait de partager le bon comme le mauvais. C'était quelque chose que Nathan avait oublié, lui aussi, mais qu'il savait nécessaire d'apprendre à nouveau. Il avait besoin de ce partage, de ce soutien, de cette complicité silencieux, de ces regards qui voulaient tout dire.

Mais il ne s'agissait pas juste de lui, pas juste de ce qu'il voulait. Pas ce soir-là, en tout cas. Il laissa donc la belle s'exprimer, vocaliser son trouble avant de confirmer que, malgré tout ce qui était en train de se passer, en ce moment, sa volonté n'avait pas vacillé ne serait-ce qu'un instant. Elle voulait toujours être avec lui, ce qui était un grand soulagement pour le médicomage, qui reconnaissait aisément l'intention de la belle, quant au reste de la soirée. Ce serait mentir que de dire qu'il ne le voulait pas aussi, cela pouvait aisément se lire dans son regard opaque et pourtant, étonnemment, il parvint à faire preuve d'une certaine retenue.
Alors que son visage s'avançait vers elle, sentant cette jambe contre la sienne, les lèvres du Pierce frôlèrent celles de l'écarlate, sans s'y attarder, en une provocation évidente et assumée. Un petit sourire taquin sur le visage, Nathan recula légèrement en expliquant :


Chaque chose en son temps. Il étai venu ici pour s'assurer qu'elle allait bien, ce qui était le cas, mais maintenant qu'il était rassuré, il pouvait oser vocaliser ce qui obsédait son esprit depuis...bien trop longtemps. Cette seule idée fit naître une autre boule au ventre et, essayer de gérer ce stress, Nathan se décala sur le côté, se dirigeant vers la grande table juste devant lui. Balayant la pièce du regard, il leva sa main et, d'un simple mouvement de poignet, la fenêtre devant lui s'ouvrit. Plongeant sa main libre dans sa poche, il en ressortit son paquet de poison en tube, et un briquet, avant de lever son regard vers l'écarlate, attendant son accord silencieux.

C'était risqué ce qu'il allait tenter, mais il ne pouvait pas se retenir. Et il ne pouvait pas retenir ce projet plus longtemps alors...alors il devait foncer. Portant la cigarette à ses lèvres, il l'alluma en une fraction de seconde et, sentant la fumé s'extirper du tube, il l'expulsa par ses narines, doucement, délicatement, avant de vocaliser :


Joignant le geste à la parole, il plongea sa main dans sa poche, en ressortant une simple feuille de papier, pliée en plusieurs fois. Un mouvement de poignet plus tard et la feuille se déploya dans son entièreté, bien plus grande que ce que son apparence ne laissait présager, avant de retomber doucement tout contre la table, juste devant. C'était un plan, dessiné au crayon avec certaine finesse. Mais pas n'importe quel plan : celui de la maison qu'il s'était imaginé, depuis qu'il avait décidé de quitter celle où il vivait actuellement. C'était un projet de longue date, qu'il avait laissé de côté pendant trop longtemps mais, à présent que sa vie avançait à nouveau, il pouvait oser le ressortir du placard.
Faisant signe à Amaranth de s'avancer, pour observer le plan, il continua d'un :


Cette maison était large, bien plus large que celle où il était actuellement, mais c'était voulu. En plus des quelques chambres présentes à l'étage, au moins quatre pour le moment, et de la lumineuse pièce de vie, Amaranth pourrait noter une grande cuisine ouverture et, bien sûr, de l'espace pour un grand jardin, voire un potager et une serre. Pour couronner le tout, Nathan s'était aloué un petit espace pour construire ce qui serait probablement une piscine. Une large et confortable demeure, en somme mais, au nord de la propriété, au bord du plan, l'écarlate pourrait aussi noter les esquisses de plusieurs autres bâtiments assez larges, qui ne portaient aucune mention, aucun descriptif. Une autre partie du projet, mais pas le morceau le plus important, pour le moment.

Laissant un peu plus de ce poison en fumée emplir sa gorge, l'expulsant en un filet fin et continu, Nathan garda sa cigarette coincée entre son index et son majeur. Laissant à la belle le temps de finir l'analyse du plan, il vocalisa enfin la proposition qui lui semblait, aujourd'hui, évidente :

 «Life is what happens to us while we are making other plans.»
Allen Saunders 

Nathanael avait beaucoup de défauts, mais au moins pouvait-on aisément lui reconnaître une capacité à la préparation et au contrôle. Il n'aimait pas être surpris, n'appréciait pas de laisser la moindre chose au hasard, dans n'importe quel aspect de sa vie. Il souhaitait pouvoir voir où il s'en allait, afin de s'adapter et changer de direction en cas de besoin.

La maison où il vivait actuellement était celle dans laquelle il avait emménagé avec Eva. Cette maison était celle dans laquelle ils devaient vivre ensemble, vieille ensemble avec la future famille qu'ils allaient fonder. C'était le plan de départ mais la vie en avait décidé autrement. Alors, pendant la décennie qui suivit, Nathanael vécu dans la maison qui symbolisait le rappel constant de ce qu'il n'aurait pas. Tous les jours il avait voulu déménager, aller voir ailleurs sans jamais en avoir le courage, comme s'il craignait de lâcher la dernière pièce qui le rattachait encore à cette merveilleuse femme. Alors il était resté bloqué, avait fait du sur-place pendant toutes ces années, en se rassurant dans le fait que ce n'était pas si grâce, car il n'était presque jamais à la maison, mais ce n'était qu'une excuse de plus pour refuser d'avancer.

Mais aujourd'hui il voyait les choses différemment. Son père était en train de détruire sa vie et, malgré tout ce merdier, Nathanael avait quand même réussi à accueillir cette divine écarlate dans sa tête. Comment avait-il fait, alors qu'il ne la méritait même pas ? Il se posait encore la question, alors même que le plan se dévoilait devant lui. Cette maison n'était pas celle qu'il voulait avoir avec Eva, ce n'était pas non plus une maison qu'il aurait voulu construire pour un autre. C'était la sienne, celle qu'il voulait et, si pendant longtemps il était persuadé que le bonheur lui serait refusé, aujourd'hui un surprenant constat le faisait sourire. S'il était aussi défaitiste, aussi fataliste face à la perspective d'un bonheur futur, pourquoi avoir imaginé trois ou quatre chambres, dés le départ ? Pourquoi avoir imaginé une maison pouvant accueillir une famille, s'il était persuadé qu'il n'en aurait jamais ?

Alors il décida d'aller de l'avant et, lorsqu'il vocalisa cette invitation, son cœur manqua un battement alors que Amaranth était surprise, prise de court. L'espace d'un instant il imagina le refus, l'erreur tragique, l'avenir fichu en l'air jusqu'à ce qu'enfin les mots de la belle ne lui permettent de respirer, à nouveau. C'était sans doute la meilleure nouvelle qu'il avait entendu depuis longtemps, très longtemps et, pour préciser la raison de cette proposition soudaine, il expliqua :  


Le regard perdu dans le vide, pendant quelques secondes, son esprit remonta quelques années en arrière. Reprenant pied avec la réalité en une fraction de seconde, il leva sa tête et balaya le reste de la pièce de son regard, poursuivant d'un :


Il était temps, à présent. Temps d'avancer. Temps d'ouvrir une nouvelle page. Temps de ne plus regarder en arrière. Passant une main dans sa chevelure d'ébène, Nathan sentit son cœur bondir dans sa poitrine, alors que ses lèvres touchaient celles de l'écarlate. Ce n'était plus un projet loin, mais quelque chose de bien concret à présent. Il allait pouvoir avancer. Ils allaient pouvoir avancer, ensemble et, alors que la belle attrapait sa cigarette pour retourner vers la table, Nathan s'arrêta et l'observa un instant. Souriant, il avoua avec une certaine assurance :


Il resta là, à l'observer quelques secondes de plus. Elle n'était jamais aussi rayonnante, aussi belle qu'en cet instant. Il était l'homme le plus chanceux du monde, il devait bien l'avouer et, fort de ce constat, posa sur la belle un regard qui ne souffrait d'aucune ambiguïté, demandant simplement :


C'était évident, oui, mais en cet instant il ressentait le besoin de le rappeler. Se rapprochant de la table, Nathan subtilisa la cigarette à son tour, en prenant une large bouffée, avant de laisser son regard se perdre sur le plan, devant lui. La fumée roulant sur la feuille de papier, avant de se dissiper dans l'air, le Pierce perça une nouvelle fois le silence, en avouant enfin :