If it doesn't hurt

05.11. (www) Quelques semaines déjà que Saúl avait prévu de retrouver Siobhán sur la Tour d'Astronomie. Un endroit à l'abri des regards sur lequel ils pouvaient tous deux se laisser aller à exprimer des émotions qu'ils ne pouvaient pas laisser libres court à la vue de tous. De plus, Saúl n'était pas forcément le bienvenu en ces lieux. N'étant plus auror, les justifications quant à sa présence dans les locaux de Poudlard pouvaient être réduites à néant s'il se faisait prendre à arpenter les couloirs du château comme si ce dernier lui appartenait.

Aussi, Saúl préférait jouer la carte de la discrétion. Ses nouvelles occupations pouvaient causer bien des problèmes à quiconque était vu en sa présence.

Puis la tour d'Astronomie avait son petit côté attrayant pour l'Hispanique. Le demi-vélane, incapable de voler pourtant, se sentait comme un poisson dans l'eau face aux forces d'un vent qu'il aimait chevaucher lorsqu'il était équipé d'un balai volant.

C'était ainsi qu'il était venu ce soir-là. Attendant que la nuit s'installe, il avait profité des ténèbres comme d'un manteau pour voler au-dessus des tours du château pour venir se poser sur la plus grande tour de l'école. Ce n'était pas la première fois qu'il donnait ce lieu comme rendez-vous pour Siobhán dont il avait hâte d'avoir de véritables nouvelles.

Après ce qui s'était passé à la mi-octobre, Saúl n'avait fait que nourrir une inquiétude angoissante pour sa petite protégée mariée à son petit cousin. Edel ne lui avait toujours pas répondu d'ailleurs, laissant alors se creuser une peur terrible d'avoir été découvert. Il lui faudrait donc s'armer de courage et d'assurance si le Witan avait intercepté l'échange pour savoir à qui il s'adressait. Peut-être par suspicion de quelque chose ou toute simple pour s'assurer que la destinataire était une personne de confiance. Dans le doute, Saúl préférait s'inquiéter plutôt que d'agir avec assurance.

Une assurance qu'il n'avait plus vraiment. Tout du moins, elle était bien loin d'être aussi normale et sincère qu'elle l'était habituellement chez cet hispanique qui s'aimait peut-être un petit peu trop, laissant ses charmes de vélane se faire tant il était fier de sa condition. Aujourd'hui, son assurance n'était qu'un subterfuge dont il se drapait comme bouclier pour s'assurer que l'on continue de le prendre au sérieux.


(...)

La nuit était fraîche. Le sommet de la Tour approchait du 0. À peine eut-il posé son pied sur le sol que Saúl se lançait déjà un enchantement de chaleur pour s'éviter une grippe malencontreuse malgré sa lourde veste. Un rapide tour du propriétaire lui indiqua que ni Siobhán, ni Edel, n'étaient encore arrivées. Il avait espéré que Siobhán en ait parlé à son petit cousin pour s'assurer également de sa bonne santé. Baguette magique en main, il ne comptait pas la lâcher un seul instant. Prompt à l'agiter dans le besoin, peut-être par une paranoïa croissante, Saúl finit par tirer une chaise pour s'asseoir près du rebord de la tour.

La fumée de son souffle s'échappait doucement de ses lèvres alors qu'il contemplait la beauté de cette école où un millier de souvenirs fourmillait sous ses pieds. C'était toujours avec un certain plaisir qu'il revenait à Poudlard. Il y avait une magie, ici, qui l'avait toujours fait se sentir chez lui. On pouvait entendre son mouvement de jambe contre le bois de la chaise, qui trahissait son impatience ou son inquiétude.

05.11. (www) Le bruit des pas dans l'escalier attira son attention. Saúl serra un peu plus fermement sa baguette magique, prêt à en découdre si quiconque osait n’était-ce qu'émettre l'idée qu'il n'avait rien à faire là. Mais lorsqu'il vit, la silhouette de Siobhán se dessinait dans l'embrasure de la porte, il se détendit aussitôt. Un presque-sourire se dessina sur son visage bronzé. Ce dernier se dissipa très vite lorsqu'il vit la lumière de la lune sublimer la beauté de ce demi-vélane pour qui il donnerait presque tout. Son sourire laissa place à une profonde inquiétude avant d'écarquiller les yeux, sous la surprise, alors qu'elle tombait à genou à ses côtés.

Incapable de lui dire quoique ce soit, ne comprenant pas ce qu'il voyait, Saúl resta interdit. Aucun mot, aucun son ne sortit de ses lèvres sombres alors qu'un millier de questions ne cherchaient qu'une chose, c'était d'être formulé. Son cœur s'était accéléré dans sa poitrine, cognant douloureusement sa cage thoracique. Qu'avait-elle ? Pourquoi était-elle aussi abattue ?

Saúl rangea aussitôt sa baguette magique dans le mécanisme qu'il portait à son avant-bras, sous la manche de sa veste.

S'il n'avait pas vu ses yeux humides à la clarté de la lune, Saúl se serait permis de lui faire une blague. Mais il n'en fit rien. Il prit une profonde inspiration avant de glisser délicatement sa main sous le menton de Siobhán pour croiser son regard. Quand ce fut fait, il plongea ses yeux noirs dans les yeux clairs de la demi-vélane, comme s'il sondait son âme. Puis il fit glisser sa main pour attraper l'une des siennes afin de l'aider à se relever. Enfin, il l'enlaça avec force, la serrant de toute sa présence, pour qu'elle sache qu'il était là pour elle.

Saúl la garda contre lui quelques instants. Incapable de lui demander quoique ce soit de peur qu'elle ne lui annonce une horreur dont il ne se remettrait pas. Il y avait des choses qu'il n'était pas prêt à entendre en ce moment. Le Witan lui demandait beaucoup plus qu'il n'était capable de fournir... Pourtant, il sentait que c'était la chose à faire. Que c'était la seule chose à faire. Il lui avait juré qu'il serait là, à ses côtés, quoiqu'il puisse lui arriver. C'était un de ces moments. Un de ces moments où la peur lui serrait le cœur et où il devrait lui demander ce qui n'allait pas.

Il ne se serait jamais attendu à la voir dans un tel état. La dernière fois qu'il l'avait vu, Siobhán se mariait avec son petit cousin. Que s'était-il passé alors pour qu'elle soit aussi désemparée ?

Craignant le pire, le demi-vélane leva machinalement la tête, cherchant Edel du regard. Mais ce dernier n'était pas là. Alors, Saúl la relâcha doucement, restant malgré tout à proximité d'elle, à quelques centimètres, pour éviter peut-être d'avoir à parler trop fort, comme s'il cherchait à la fois à minimiser sa question qui lui apporterait des réponses qu'il angoissait déjà sans en connaître la teneur.

« - Qu'est-ce qui se passe ? » Avait-il murmuré en prenant avec douceur son visage de ses deux mains.

Cela n'avait beau qu'être un murmure, Saúl sentit son corps se tendre malgré lui, comme s'il redoutait la réponse.

05.11. (www) L'incompréhension pouvait se lire sur le visage de Saúl. Il ne savait pas trop comment prendre cette information qu'elle lui donnait sans rien ajouter de plus. Tout est de ma faute. Que voulait-elle dire par là ? Pourquoi lui montrait sa ma- ? Machinalement, il reprit la main gauche de Siobhán pour observer cette dernière avec plus d'attention. L'anneau, l'alliance, le symbole d'un amour éternel avait disparu. L'Hispanique ne comprit pas tout de suite, comme si son corps tout entier refusait de voir l'évidence. C'était impossible... Il y a quatre mois à peine, il était présent à leur mariage où une fête mémorable avait eu lieu. Les cérémonies, les vœux, l'amour...

Cela ne pouvait être ça. Mais lorsqu'elle précisa ses mots, le cœur de Saúl sembla chuter dans sa poitrine pour venir écraser ses entrailles. Le souffle de nouveau coupé, il ne sut comment réagir. Seul son air interdit traduisait ce qu'il pouvait penser sans savoir quoi faire. Siobhán semblait être la fautive. Elle était à l'origine de cette rupture avec Edel. Qu'avait-elle fait ? Était-ce pour cela qu'Edel ne répondait pas à la lettre que Saúl lui avait envoyée ? Si c'était cela, il ne put s'empêcher de se dire que c'était toujours mieux qu'une interception de courrier. Mais en même temps... Pourquoi le ghostait ? N'était-il pas de sa propre famille ?

À moins ce que... À moins ce que ce ne soit de sa faute à lui ? Était-ce possible que sa relation avec Siobhán puisse ajouter une ombre à ce tableau si idyllique qu'Edel avait dressé pour la jolie Korrigan ?

C'était beaucoup de questions. Mais il ne bougea pas. Saúl en était incapable. D'une part, parce que Siobhán était abattue. D'autre part, parce qu'il ne savait pas quoi faire pour arranger les choses. Il avait été à l'origine de nombreuses ruptures. Mais jamais il n'avait tenté de sauver les meubles d'une relation amoureuse comme celle qu'entretenaient les deux jeunes sorciers.

La vie sembla revenir à lui alors que son torse s'affaissa sous son expiration. Il leva les yeux au ciel, comme déboussolé, avant de finalement prendre la main de Siobhán.

« - Qu'est-ce qui s'est passé ? » Finit-il par dire, se répétant alors, bien que cette fois-ci, il utilisa le passé.

Saúl était partagé entre son petit cousin et sa petite protégée. Il ne pouvait prendre un quelconque parti sans savoir le fin mot de l'histoire. Faisant preuve d'une maturité dont il semblait pourtant dépourvu sur un tel sujet, Saúl inclina légèrement sa tête tout en cherchant du regard celui de Siobhán pour lui rappeler l'intimité de leur relation privilégiée.

05.11. (www) Saúl n'avait pas bougé. Il s'était contenté de tendre son oreille pour mieux écouter le récit que Siobhán lui livrait sans lui voiler la vérité. À aucun moment, il ne voulut l'interrompre, préférant alors la laisser déballer son sac sans qu'il ait besoin d'insister pour qu'elle ne le fasse. Les choses semblaient être plus profondes qu'il n'y paraissait et il y avait quelque chose d'étrange dans les propos de Siobhán comme si Saúl y percevait une double écoute. Ses mots disaient une chose, son intention en disait une autre. C'était une sensation étrange qui envahit alors Saúl qui tentait de comprendre toute cette histoire.

Son silence n'était qu'illusoire. Dans sa tête, il y avait une réelle conversation. Ses pensées étaient vives, comme s'il triait, fouillait, classait, assemblait les pièces d'un puzzle à mesure que Siobhán lui expliquait leur retour des caves Gragareth avec ses propres informations. Edel avait été protecteur. Peut-être un peu trop. Peut-être l'avait-il trop couvé et que, face au danger, elle s'était rendu compte que son époux ne pouvait être partout, peu importait sa dextérité avec sa baguette magique. Elle s'en voulait. Peut-être parce qu'elle s'était entièrement reposée sur lui, après s'être longtemps forgé une carapace à cause de la mort de sa mère ?

Saúl ne faisait que des suppositions qu'il préférait garder pour lui-même. Il comprenait alors le besoin de Siobhán de s'émanciper, de tenter de faire les choses par elle-même, car elle seule pouvait se sécuriser après un tel traumatisme. Connaissant Edel, c'était quelque chose que ce dernier ne pouvait facilement tolérer. Il avait beaucoup trop de démons qui lui étaient propres pour que les choses ne se passent comme Siobhán l'aurait voulu. Edel n'avait pas connu son père. Un ancien mangemort complètement taré, violent et qui n'avait pas hésité à plusieurs reprises à fracasser ou violer sa mère quand celle-ci tentait désespérément de s'en éloigner, Neizan sous le bras. Les conditions de sa propre naissance laissaient sous-entendre bien des choses... Et bien que ce fut un secret qui ne lui fut jamais donné, Edel en avait les traces à même la chaire.

Protéger, surprotéger, veiller à ce que les gens qu'il aimait ne manquent de rien quitte à devoir se saigner pour tout leur donner... Puis d'un autre côté, ce besoin de chercher constamment l'autorité comme il le faisait, comme s'il cherchait à défier constamment son père pour le mal qu'il avait causé à sa propre famille... Edel était un garçon complexe. Mais lorsqu'il se sentait trop acculé, il préférait tout briser pour reconstruire ailleurs. Ce n'était pas de sa faute... Et bien que ce ne fut pas la faute de Siobhán, selon Saúl, il ne pouvait en être qu'ainsi.

Saúl avait les larmes aux yeux. Il avait acquiescé brièvement au nom de  @Xris Andērson dont il se rappelait être celui qui avait causé tant de troubles à Siobhán sur ses capacités de vélane lorsqu'il l'avait rencontré le soir de Yule l'an dernier. L'Hispanique ne doutait pas des mots de la jeune sorcière qui lui faisait face, comprenant alors que tout ceci n'avait été qu'un vaste quiproquo ayant suffi à souffler le peu de confiance qu'Edel avait en lui-même quoiqu'il pouvait montrer.

L'ancien auror baissa la tête lorsque la demi-vélane lui demanda pardon. Elle n'avait pas à le faire. C'était plutôt à lui de le faire.

« - C'est ma faute. Je... Je ne sais pas pourquoi je lui ai demandé de te protéger quand je ne pouvais pas le faire. Ton charme... Ton élégance, ta beauté, ta grâce, je comprends que cela ait suffi à le séduire. Edel a beaucoup de... On vient d'une famille qui a plus de cicatrices que ce qu'il faudrait. »

Saúl n'avait pas levé la tête. Son regard contemplait uniquement les doigts de Siobhán qu'il observait entre les siens dont il éprouva un vague amusement en remarquant à quel point sa peau était si claire par rapport à la sienne.

« - Je suppose qu'il n'a pas voulu en discuter. Je comprends pourquoi il ne m'a pas répondu alors. » Ajouta-t-il, dans un murmure.

Edel savait ô combien Saúl et Siobhán étaient proches. Pour sûr que le jeune mexicain les avait mis dans une même case. Cette pensée lui serra le cœur.

Finalement, Saúl l'attira contre lui, la serrant de nouveau avec force pour la consoler de s'être ouverte à lui. Ou peut-être pour se consoler de ce qu'il avait causé. Il n'en savait rien. Saúl se contenta de poser sa joue sur son épaule, observant sans vraiment le voir, un télescope portatif qui avait roulé au bord du balcon, prêt à tomber à la moindre bourrasque.

05.11. Saúl fronça les sourcils, surpris de la réaction d'Edel. Cela faisait sens avec ce que Siobhán lui disait, appuyant un peu plus cette certitude qu'il avait à propos d'Edel et de son manque de confiance en lui. Mais alors, pourquoi ne pas l'avoir confronté ? Saúl lui aurait expliqué les choses telles qu'elles s'étaient passées. Il aurait même expliqué ce lien qu'il partageait avec Siobhán, bien qu'il ait conscience de la complexité, mais surtout de l'ambiguïté de ce dernier. Il ne put retenir un soupir, se retrouvant alors face à ce même problème qui fragilisait de temps à autre la famille Almadovar dans son ensemble : un manque cruel de communication.

Il se contenta alors de baisser le regard quelques instants. Siobhán continuait de se lamenter de sa situation sans qu'il ne puisse rien faire pour venir arranger tout ça. Même la magie avait ses limites. Il souffla doucement du nez lorsqu'elle s'excusa presque de ne pas lui avoir demandé s'il allait bien. Ce n'était pas de l'agacement de la part de Saúl mais plutôt une espèce d'impuissance qu'il ressentait devant la situation de son cousin qui ne ferait que se fermer un peu plus.

Peut-être que Lola en savait plus ? Il irait la voir. Pour l'heure, cela ne servait à rien de retourner inlassablement le couteau dans la plaie. Saúl préférait voir Siobhán s'épanouir plutôt que de se morfondre. Cependant, il ne put s'empêcher de se dire que la jeune femme avait toutes les cartes en main... Sinon, rien de tout cela ne se serait passé. Encore un exemple d'une fierté mal placé, pensa Saúl, un mal dont il souffrait également comme tous les hommes de leur famille.

L'Hispanique leva instantanément son regard lorsque la demi-vélane lui avoua n'être rien sans son sang de vélane. Peut-être était-ce parce qu'il fréquentait un petit peu trop les siens ces derniers temps ou si c'était par fierté, mais Saúl semblait particulièrement offusqué par ses propos. Il lui serra les mains, peut-être plus fort que d'habitude, avant de se rendre compte de sa force qu'il tempéra presque aussitôt d'un mouvement de son pouce sur le dos de la main de Siobhán.

S'il sembla se détendre physiquement, son ton de voix claqua comme le fouet sur le sol, prêt à marquer de son cuir n'importe quel dos pour punir.

« - Ne laisse jamais un sorcier penser ça de toi, peu importe à quel point il est proche de toi, tu m'entends ? » Une lueur brilla dans son regard. Peut-être de la violence, peut-être autre chose... « Tu dois être fier de toi. Ton sang EST toi. Tu ne peux pas dire ce genre de choses. Tout autant que toi, ta mère n'a pas demandé à naître comme ça. Ce n'est pas une tare. Ce n'est pas... »

Son souffle s'était accéléré en même temps que sa colère embrasait son âme. Ce ne fut qu'un maigre éclat de lucidité à travers toute cette étrange situation dans laquelle ils étaient qu'il le fit se calmer alors qu'il se rendait compte de ses mots. Il ne lui en fallait pas beaucoup, déjà, pour avoir les pensées noyées par la propagande du Witan, mais l'exprimer clairement, c'était autre chose.

Il se racla la gorge doucement.

« - Je vais voir ce que je peux faire pour Ed-... Attends, quoi ? »

Saúl semblait suspicieux tout à coup.

« - Maintenant, je ne peux plus le blesser... Ça veut dire quoi ça ? »