Like a moth to a flame — ft. Sheraz Mahal

ft.  @Sheraz Mahal

Les journées passaient les unes après les autres et se ressemblaient si fort qu'elles en finissaient par se confondre parfois. Ces derniers temps, le visage de demie-vélane de Siobhán ne s'ouvrait qu'en de rares occasions et c'était à croire qu'elle se déplaçait plus par instinct que par réelle conviction.

Son esprit pourtant fourmillait de pensées furieuses et brûlantes, si nombreuses qu'elles finissaient par s'étouffer les unes les autres comme un feu qui aurait du mal à partir sans un peu d'aide.

Mais une fois qu'il serait lancé, tout portait à croire qu'il ravagerait tout sur son passage.

En attendant, sur son passage, les autres la croisaient sans qu'elle ne les voit vraiment. Disons qu'elle réservait son attention à ceux qui la méritaient réellement. Comme avant, finalement. Elle avait bien avancé ces derniers mois, mais dès qu'elle avait buté sur le sentier, elle avait reculé d'au moins autant de pas comme s'il était vain de continuer à marcher. Heureusement, les amitiés qu'elle avait construites au fil de sa route étaient toujours là, un peu plus loin, pour la ramener dans le droit chemin dès qu'elle s'apprêterait à dévier. Restait à savoir si elle se laisserait faire, d'ici là.

Elle prêtait si peu attention au monde qui tournait autour d'elle qu'elle heurta quelqu'un. Des excuses rapidement formulées mais à peine pensées suffisaient à temporiser la colère naissante d'Anemone Frost qui semblait avoir été interrompue dans un récit de la plus haute importance. Cette rencontre inattendue de son épaule contre la sienne avait au moins eu le mérite de ramener Siobhán au monde réel et, alors qu'Anemone s'éloignait, elle ne put que tendre l'oreille vers la reprise de son monologue dont on venait de la priver d'une chute tant attendue.  

« - ... Quelle plaie cette fille là. C'est fou de pas savoir regarder devant soi quand même. C'est l'amour qui est censé rendre aveugle, pas le divorce hé, hé. Bon, bref. Et donc je disais, là, y parait qu'elle l'a giflé le gars. Une vraie gifle ! Soit disant qu'il est tombé.
- Mais what ? Mais il n'a rien dit ? Je savais que Sheraz Mahal était un peu mou mais à ce point-là ? »

Sortie de sa torpeur, la cadence de ses pas avait subitement ralenti jusqu'à s'arrêter, et prendre le chemin inverse pour suivre les deux élèves de Serdaigle.

« - Non, j'te jure. Rien. Apparemment, il a juste bégayé un truc du style "recommence pas" mais c'est tout.
- Ouais, puis la Alejandra, c'est pas ça qui va l'arrêter quoi.
- C'est une Montero, hein. De toute façon les deux sœurs elles me foutent les chocottes depuis qu'elles sont arrivées. Avec leurs airs de vampires là. Quand elles sont là, je resserre toujours mon écharpe au cas-où. »

Elle aurait pu suivre comme ça encore un moment juste par plaisir d'entendre la pensée de certains élèves de Poudlard au sujet des sœurs jumelles, mais Siobhán était loin d'être aussi mauvaise. Aussi, elle se contenta de changer à nouveau de route, direction les cachots de Poudlard où elle entendait bien retrouver son meilleur ami pour démêler le vrai du faux de ce qu'elle venait d'entendre.


Une fois devant les tonneaux de vinaigre, la préfète des vert-et-argent se retrouva bien embêtée. Elle bouillonnait de l'intérieur, son sang battant fort dans ses tempes, mais elle ne pouvait accéder d'elle-même à la salle commune des blaireaux. Ça la rendait dingue de ne pas savoir sur quel tonneau frapper, ni avec quel rythme, au point qu'elle s'apprêtait à appeler Flinky pour qu'il lui trouve la solution à son problème quand bien même elle ne l'appelait jamais. Mais c'était toujours mieux que d'appeler son père à l'aide. Au moins, elle savait que l'elfe de maison ne ferait aucune remarque. Il fallait qu'elle parle à Sheraz tout de suite ou bien...

Elle faisait les cent pas devant la salle commune de Poufsouffle quand l'idée pourtant si évidente d'envoyer une note à son meilleur ami lui vint à l'esprit. Sa main plongea dans son havre-sac à la recherche de sa plume et d'un morceau de parchemin qu'elle griffonna à la va-vite avant de le laisser s'envoler.

À nouveau, ses jambes reprirent leur tempo effréné.

À ce rythme-là, mieux valait qu'aucun élève de Poufsouffle ne se trouve sur sa route, sans quoi elle ne remarquerait même pas si elle venait à l'écraser.

ft.  @Sheraz Mahal


L’arrivée de Sheraz devant la salle commune des Poufsouffle eut le même effet qu’un philtre de paix, excepté que ça ne durerait pas.

De ses propres yeux, Siobhán voyait pourtant qu’il allait bien, que sa joue n’était pas rouge, et que le monde continuait de tourner normalement pour lui. Tellement normalement qu’il se croyait responsable de son courroux quand ce dernier portait en vérité un tout autre nom.

Aussi, la demie-vélane tacha de faire taire la furie qui grimpait en elle, car il serait probablement malvenu de se transformer pour la première fois devant son meilleur ami qu’elle avait tant à cœur de préserver.

« Bien sûr que non, Sheraz, tu n’as rien fait », le rassura-t-elle avec toute la douceur dont elle était capable en cet instant précis.

Si sa marche folle avait enfin cessé, la cadence de son cœur ne ralentissait pas aussi rapidement qu’elle l’aurait voulu. Pas plus que son souffle rapide qui semblait chercher à faire monter les larmes jusqu’à ses cils. Elle entendait encore le rire d’Anemone Frost résonner dans sa tête et quelque part, il faisait écho au plaisir qu’avait dû ressentir @Alejandra Montero lorsqu’elle avait giflé son meilleur ami.

Ça la rendait folle à nouveau rien que d’y penser.

« Est-ce que c’est vrai ce qu’Anemone Frost raconte à gorge déployée dans les couloirs de Poudlard ? » Elle fit une pause, comme si elle était en droit d’attendre une réponse en lui donnant si peu d’éléments. Sa tête se secoua en même temps que ses paupières se fermaient, comme si elle cherchait sa propre raison à l’intérieur d’elle. « Est-ce que c’est vrai que… » Voilà qu’elle avait repris sa marche, pensant certainement que ça pourrait l’aider à aligner deux pensées dans son esprit fulminant quand ça ne faisait rien que d’y rajouter du chaos. « Est-ce que c’est vrai qu’Alejandra Montero t’a giflé ? »

Ses pupilles bleutées s’efforçaient de rester concentrées sur quelque chose de suffisamment stable pour ne pas se laisser aller à des émotions trop brûlantes. Mais elle avait toujours eu horreur de la violence, et depuis qu’elle avait entendu Anemone Frost raconter cette histoire, Siobhán ne pouvait plus s’enlever ces images de la tête. Comme si ça ne lui paraissait finalement pas si invraisemblable qu’une telle scène ait pu se produire. Son regard finit par s’arrêter au niveau des iris sombres de son meilleur ami, qui avaient réchauffé son cœur froid tant de fois ces dernières semaines. « Est-ce que c’est vrai… et que tu ne m’as rien dit ? »

Dans ces derniers mots, la colère cédait brutalement sa place à une tristesse si proche de l’incompréhension, si forte qu’elle commençait à transparaître dans sa voix.

«  Dis-moi que c’est faux... »

ft.  @Sheraz Mahal

Ses derniers mots devaient avoir résonné dans les couloirs du cachot comme une supplication. Mais la vérité était bien plus profonde que les apparences ne le laissaient à penser.

D'un côté, il y avait encore l'espoir que tout ceci ne soit qu'un gros malentendu. Dans cette hypothèse-là, Anemone n'était rien d'autre qu'une grosse menteuse frustrée qui se plaisait à raconter des énormités partout où elle se rendait dans le seul but de se faire remarquer. Plausible, quand on connaissait un peu le personnage.

De l'autre côté - un vrai cauchemar - @Alejandra Montero avait réellement jugé bon de violenter Sheraz, comme s'il existait au monde quelconque raison irréfrénable d'utiliser la violence avec un être aussi doux et gentil que celui que Siobhán avait juste en face d'elle. Sous ses airs obscurs, il y avait donc vraiment un monstre.

Un instant, le Poufsouffle sembla soulagé de n'avoir rien à voir dans cette colère sourde qui la submergeait peu à peu. Mais le réconfort de cette nouvelle laissa rapidement sa place à l'incompréhension - légitime au vu du manque d'informations qu'il avait à sa disposition.

Quand la question fut posée, Siobhán vit immédiatement dans les yeux de son meilleur ami que quelque chose de terrible s'était passé. Le silence qui s'installa ensuite entre eux n'annonçait rien de bon pour la suite. Certains regards ne trompaient pas et Sheraz n'était pas du genre à prendre la peine de faire semblant, surtout quand les autres parties de son corps s'alliaient contre lui. La couleur de ses cheveux, bien avant sa mine déconfite, suffisait à confirmer le pire des scénarios.

Aussitôt, le feu lui monta à ses joues de porcelaine. La demie-vélane dû mettre à profit ce temps sans parole qui lui était offert pour tenter de réapprendre à respirer convenablement.

C'était sans compter sur cette nouvelle donnée qui lui fit l'effet d'une gifle, à elle aussi. Écrasante, douloureuse et chaude.

Les faits s'étaient produits il y avait trois mois de ça et l'information ne lui serait toujours pas remontée si Anemone Frost ne s'était pas décidée à ouvrir bien grand son caquet en plein milieu du couloir.

Pas trois jours, pas trois semaines. Trois mois.

Un petit son aigu pareil à un rire particulièrement bref, sans aucune suite ni sans aucune joie, sortit de sa bouche. Mais la situation n'avait rien pour la faire rire et si on pouvait donner une couleur à ce bruit, ce serait certainement le jaune qui serait choisi.

Elle répéta, abasourdie :

« Trois mois. »

Et si cette durée suffisait à son désarroi, il y avait bien une autre interrogation qui tombait tout à coup au bord de ses lèvres.

« Et dans la situation inverse, tu aurais réagi comment toi, hm ? Si elle avait levé la main sur moi et que tu l'avais appris par le plus grand des hasards, trois mois plus tard ? » Une pause s'imposait, alors que d'autres questions tout aussi légitimes suivaient. « Et je peux savoir en quel honneur Alejandra Montero a levé la main sur toi, Sheraz ? Qu'as-tu pu dire ou faire de si terrible pour qu'elle en arrive à se dire qu'une gifle était méritée ? De quel droit, Sheraz ? Depuis quand la violence permet de résoudre un conflit ?»

Et plus largement, pourquoi les gens autour d'elle s'obstinaient-ils donc à garder le silence ? La croyaient-ils trop faible pour encaisser les vérités de la vie ? Avait-elle eu l'habitude de prendre des décisions suffisamment irréfléchies pour qu'ils craignent à ce point ses réactions ? Elle avait l'impression de poser cette même question à tous ceux qui comptaient autour d'elle. Luke, Maeve, Morana. Et à ce moment-là, elle était loin de se douter que @Xris Andērson aussi avait quelque chose à lui cacher.

« Et si elle avait recommencé ? Tu m'en aurais parlé, hein ? Même pas ? »

Un souffle teinté d'ironie s'échappa de son nez tandis que le silence reprenait ses quartiers. Elle se trompait de cible. En vérité, ce n'était pas contre son meilleur ami que sa colère devait se tourner. Lui avait beau s'en être remis, comme il le disait, il n'en avait pas moins subi.

Si elle devait s'en prendre à quelqu'un, c'était plutôt contre celle qui était à l'origine même de cette discussion.

Et en tournant les talons avec détermination, Siobhán en oubliait brièvement l'insigne de préfète qui brillait sur sa poitrine, prête à faire ce qu'il fallait pour convaincre @Alejandra Montero de ne jamais recommencer à lever la main ni sur Sheraz ni sur qui que ce soit d'autre, tant qu'on y était.

Et elle allait aussi leur donner à tous de bonnes raisons de se borner à ne pas lui dire la vérité et de la garder systématiquement à l'écart de tout.

ft.  @Sheraz Mahal

C'était son instinct qui la guidait avant toute autre chose, mené par des émotions qui débordaient après s'être trop longtemps accumulées. Il n'y avait aucune pensée rationnelle derrière tout ça, ni même aucune idée de ce qu'elle allait effectivement faire une fois devant @Alejandra Montero : si lui en mettre une à son tour lui ferait probablement le plus grand bien sur le moment, il y avait fort à parier qu'il n'y aurait rien de bon à tirer de tout ça, et surtout aucun enseignement. Demander à quelqu'un de cesser d'être violent en le devenant soi-même n'avait rien d'une bonne action.

Sheraz devait être du même avis, puisqu'il la retint alors que quelques pas seulement les séparaient. D'abord, il tenta de l'arrêter par la voix, puis voyant qu'elle n'obéissait à aucune autre que celle qui lui était propre, il l'attrapa ensuite avec sa main. D'un mouvement rapide, Siobhán fit volte face vers son meilleur ami, les yeux bleus brillant d'une nouvelle lueur qu'on ne lui connaissait pas. Un mélange sournois entre colère, confusion, tristesse, déception ; tout ça à la fois. Dans ceux du Poufsouffle, elle pouvait y lire tout le contraire. De la douceur, de la fermeté, et ce calme à toute épreuve qui semblait fait pour l'apaiser. À cette vue, le rythme de sa respiration se ralentit progressivement. La demie-vélane ne chercha pas à s'émanciper de ce contact et mieux encore, elle se contenta seulement de l'accepter en ramenant ses bras le long de son corps, comme si cette peau contre la sienne la ramenait à la raison.

« Je sais que t'es pas en sucre », commença-t-elle alors que quelques larmes venaient brouiller sa vision. « Et je sais que tu sais te défendre. Mais ça me rend malade qu'elle ait levé la main sur toi. »

Et dans un sens, comme elle retrouvait aussi progressivement l'usage de la parole, c'était le cas. Quelle mouche l'avait piquée ? Depuis quand laissait-elle ainsi libre court à ses émotions plutôt que de chercher à sans cesse les contrôler ? Un long soupir s'échappa de sa bouche tandis que Sheraz aussi semblait reprendre sa contenance. Un tas de répliques s'amassaient progressivement dans sa gorge, prêtes à sortir, mais elle opta pour le silence par peur de repartir de plus belle.

Alors qu'elle recouvrait petit à petit la maîtrise de son propre corps et de son esprit, une partie de l'explication de Sheraz l'interpella. Maintenant qu'elle y pensait et malgré son aversion pour tout ce qui était brutal et impétueux, elle aurait probablement été capable de tuer par amour pour @Finn Gavalagh-Korrigan. Quelque part et au vu de sa réaction de l'instant, elle venait de prouver qu'elle aurait pu en faire de même pour Sheraz qui était devenu au fil du temps un membre à part entière de sa famille - tout du moins, celle qu'elle avait pu choisir. Et avec cet argument, il marquait un point. Mais aussi belle était la déclaration et aussi fort venait-il de la toucher en lui montrant qu'il la considérait comme sa sœur, ce n'était pas même pas ça qui l'avait le plus marquée.

« Selma ? », demandait-elle, interloquée, essuyant les deux larmes qui s'étaient écoulées sur sa joue. « Ne me dis pas qu'elle t'a... » Il ne manquerait plus qu'elle l'ait giflé elle aussi, mais le regard de Sheraz semblait indiquer qu'elle faisait fausse route. « Mais alors qu'est-ce qu'elle vient faire là-ded... » Son visage s'illumina tout à coup, signe visible que ses neurones venaient de se connecter. « Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Selma, Sheraz ? »

L'idée qu'elle ait pu avoir raison depuis le début aurait en temps normal effacé tout le reste.

Si seulement sa colère à l'égard d'@Alejandra Montero n'avait pas été si grande.

ft.  @Sheraz Mahal

Les cachots de Poudlard étaient plongés dans un tel silence que ça en devenait curieux, à cette heure de la journée. Seule leur présence semblait donner une âme à cette partie souterraine du château éteinte en dehors des torches qui se jouaient des ombres entre les murs. Sheraz y était pour beaucoup là-dedans, car Siobhán, elle, n'avait plus cette étincelle qui animait d'ordinaire les lieux où elle passait. Pourtant, auprès de son meilleur ami qui mettait tant de cœur à son réconfort, elle se sentait un peu plus elle-même que lorsqu'elle s'était pointée de son plein gré devant sa salle commune, prête à en découdre sans même savoir comment on s'y prenait pour ça.

Sheraz avait ce don-là, en plus de sa métamorphomagie. Sa capacité d'écoute, son analyse - plus ou moins - fine, mais surtout sa présence qui ne nécessitait souvent pas grand chose de plus pour combler le vide. Avoir à ses côtés quelqu'un sur qui compter quand on en avait le plus besoin, c'était là le secret de toute bonne amitié. Et quand on les voyait tous les deux comme ça, prêts à tout pour veiller l'un sur l'autre, on ne pouvait s'empêcher de penser que la leur était partie pour durer.

Maintenant qu’il en parlait plus dans le détail, cette histoire de dispute avec Selma ne lui était pas complètement étrangère. N’avait-il pas tenté d’aborder le sujet au lendemain quelques heures après le bal de Samhain, lorsque Siobhán l’avait rejoint comme prévu pour observer les étoiles, avant de monopoliser la discussion autour des dernières frasques de son père ? Avait-elle loupé ce jour-là l'indice clé qui lui aurait permis de constater de ses propres yeux ce dont elle était persuadée depuis le début ?

Alors que Sheraz commençait à peine à aborder le sujet brûlant en mentionnant le prénom de @Selma Montero, Siobhán s'empressa de l'encourager de son regard clair. Elle n'allait rien dire qui pourrait l'interrompre, précisément parce qu'elle avait déjà une petite idée de ce qu'il s'apprêtait à lui dire. La seule inconnue dans l'équation résidait dans les mots et les termes qu'il emploierait pour décrire ce qu'il ressentait. Et quand ils furent choisis, autant dire qu'ils ne la déçurent pas - loin de là. Un instant, elle en resta bouche bée, loin de s'attendre à entendre une telle effusion de sentiments de la part de son ami. On était bien loin des propos qu'il avait tenus à la rentrée, dans les serres de botanique. L'eau avait coulé sous les ponts, comme on avait coutume de le dire, et la demie-vélane n'aurait pu se sentir plus fière à l'idée d'avoir vu si tôt ce qui était encore invisible à l'oeil nu.

Il n'y aurait pu avoir aucun meilleur subterfuge que celui-ci pour tirer la demie-vélane de sa colère sourde qui l'avait saisie un peu plus tôt. Elle éluda les raisons profondes de cette dispute, trop enjouée par la nouvelle qui lui redonnait même un semblant de sourire. Intérieurement, elle jubilait. Et ça devait se voir aussi à l'extérieur puisque Sheraz s'interrompit alors qu'elle n'avait encore rien dit.

Une vague de mélancolie s'empara d'elle en repensant à ce cœur battant et cette sensation qu'il décrivait. Elle l'avait connue elle aussi, il n'y a pas si longtemps, bien que ça semblait avoir eu lieu dans une autre vie. L'effervescence et l'excitation d'un amour naissant, des pensées incontrôlées envers une seule et même personne, l'impression sournoise de ne plus agir que pour attirer son regard... Dans une fraction de seconde à peine perceptible du commun des mortels, le regard de Siobhán s'aventura dans le vide, avant de reprendre le fil de la conversation, soutenu par un sourire sincère comme il n'y en avait eu encore aucun jusqu'ici.

Pas question de laisser passer un tel aveu et de ne pas tout essayer pour le transformer en quelque chose d'encore mieux.

Alors que le préfet lui annonçait avoir tout foiré d'un air complètement désespéré, la Korrigan prit les devants sans lui laisser d'autres options que de la suivre. À son tour, elle attrapa sa main pour le guider vers un lieu un peu plus tranquille, plus retiré des cachots, tout en suivant les coursives interminables des souterrains du château. Avec @Chelsea Waldorf qui rôdait à l'affût de la moindre information croquante à se mettre sous la dent, la vert-et-argent optait désormais pour la discrétion.

Une fois qu'elle était sûre qu'ils seraient tranquilles, la jeune femme prit un ton rassurant.

« Tu n'as rien foiré du tout », commença-t-elle pour faire redescendre la pression. La leçon était la suivante : rien n'était définitif dans la vie tant qu'on avait pas à faire à un Almadovar. Quoique les Montero semblaient avoir de la rancune à revendre. « Mais à t'entendre parler, j'imagine qu'elle n'est pas au courant de tout ce que tu viens de me dire. Est-ce que j'ai raison ? »

La réponse n'était pas franchement nécessaire à ce stade de la discussion.

Siobhán connaissait suffisamment son meilleur ami pour savoir pertinemment que jamais Selma n'avait entendu ces mots sortir de sa bouche.

« C'est la première fois que je t'entends parler comme ça, Sheraz... Je devrais probablement te dissuader de t'approcher d'elle au vu de ce qu'il vient de se passer mais... »

Son visage fit une moue incertaine, alors qu'elle s'interrompait et que celui d'@Alejandra Montero s'imposait tout naturellement dans son esprit, manquant de la faire enrager de nouveau et d'agir sans plus attendre pour empêcher la jumelle maléfique d'intervenir dans une relation qui ne la concernait pas.

« L'amour est un trésor bien trop précieux pour prendre le risque de le perdre à tout jamais », murmura-t-elle avec un grand sérieux à l'intention du quatrième année.

Ses propos faisaient écho à sa propre perception, bien qu'elle aurait préféré perdre l'un de ses membres plutôt que de retomber dans ses filets à nouveau. Elle en avait désormais la certitude ; l'amour, ça n'était pas fait pour elle, et probablement aurait-elle du s'en tenir à sa première intuition avant de tomber dans ses bras la première fois.

Mais Sheraz, lui, avait tout à construire et encore une montagne de possibilités devant lui. Qui était-elle pour lui refuser de connaître le bonheur d'une vie à deux ? Qui était-elle pour remettre en cause son jugement ? La réponse était : personne. Elle n'était personne pour lui retirer des yeux ce bonheur qu'il s'apprêtait à toucher du bout des doigts.

Quand il était question d'amour, l'avis des autres importait peu de toute façon.

« Sheraz, il faut qu'elle sache. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre vous mais de toute évidence, ce n'est certainement rien de suffisamment grave pour éclipser ce que tu as à lui dire... »

Son sourire se voulait rassurant, et pourtant, une lueur dans les iris de son ami l'obligeait à pousser son raisonnement un peu plus loin que prévu.

« Si ? »