The flying leaf || Ambroise

Voilà ce qui me trouble le plus. L’une de mes réflexions est mal reçue mais l’instant d’après c’est lui qui vient me réconforter de la façon la plus simple et la plus efficace qui soit. Mes yeux fixent ce petit sourire avant de remonter aux siens et de s’y perdre alors que le reste de mon esprit se focalise sur le contact de sa main chaude sur la mienne, qui semble si petite en comparaison.

« Ne t’avise même pas de t’excuser pour ton sale caractère, c’est l’une des choses que j’aime le plus chez toi. J’ai juste... perdu l’habitude. »

Que je lui réponds le plus sérieusement du monde avant que le sujet de l’oncle soit évoqué. J’ai à peine le temps de poser mon verre que je me laisse entraîner dans la visite de la demeure. Et quelle demeure ! Je porte une main à ma bouche quand je découvre le salon et que mon regard se perd vers le haut plafond de verre. Ces plantes ne font que mettre en valeur la beauté de la pièce, se mariant habillement avec le bois sombre, rappelant clairement une forêt, la lumière perçant les carreaux comme elle y traverserait les feuillages… La tête toujours relevée, je tourne sur moi-même, réellement impressionnée.

« În numele lui Dumnezeu !* Je suis presque sûre que je peux tenir dans cette pièce sous ma forme de dragon ! » J’éclate de rire alors que je le rejoins à la baie vitrée qu’il dévoile encore davantage. « Je ne vais pas prendre le risque d’essayer, rassure-toi ! »

J’ose à peine fouler le sol avec mes chaussures par peur de le salir, alors déployer mes ailes... Les mains plaquées sur le verre, j’admire l’extérieur. Si je suis plus habituée à une nature brute, je n’en reste pas moins sous le charme de celle contrôlée des lieux. On y sent la magie et c’est quelque chose qui me parle bien qu’on y sente clairement la touche humaine. De la magie pour nourrir la nature. De la belle magie ! Seul un imbécile resterait de marbre face à tant de beauté ou ne pourrait la déceler.

« Il y a vraiment de quoi avoir envie de rester chez soi... Je ne suis pas près de te faire visiter ma roulotte après ça ! Elle ressemble vaguement à un placard à balais pour ton palace ! »

Je m’éloigne des fenêtres pour continuer la visite en suivant de près Ambroise et ressens une certaine nervosité quand il évoque l’étage. Mais cette fois cela n’a rien de désagréable, c’est même plaisant après la gêne ressentie plus tôt. Une certaine appréhension qui réchauffe le corps et le cœur, qui réveille ce corps fatigué mais toujours alerte. Je viens me planter devant lui et tente une nouvelle taquinerie maintenant que la situation est apaisée.

« Ta chambre, hein… N’allons pas si vite en besogne, monsieur le dresseur. Tu me montreras l’étage plus tard. Tu m’as promis un repas et une soirée avant de me mettre dans ton lit. »

Il ne cacha pas sa satisfaction en entendant la réflexion sur son mauvais caractère. Il n'en était pas peu fière de son côté français. Amaranth disait qu'il ne se plierait jamais complétement à la société anglaise. Il aurait toujours un pieds dedans et dehors. Et c'était en ça qu'il était unique.

Il ne se gêna pas pour éclater de rire.
- C'est vrai que tu serais à ton aise sous ta forme écaillée, déclara t il. En tentant d'imaginer la tête de sa cousine. " Ambroise, les animaux c'est dehors ". Il finirait en engrais pour ses filets du diable si ses plantes souffraient d'une quelconque manière.

- Voyons ne dis pas n'importe quoi ! Les roulottes ont une autre forme de beauté. Ama m'a raconté qu'elle avait un ami.. Il s'interrompit, sa maladresse venait de frapper encore? La roulotte en question appartenait à un autre Romanez, il n'avait jamais trop fait le lien avant. Mais c'était le seul et unique  @Aram Romanez dont il était question. Le " frère " de Nairi, et le prince de sa cousine était la même personne. Décidément, Mapleleaf et Romanez c'est une histoire de Quiproquo, marmonna t il dans sa barbe de quelques jours.

Il disparut sous sa gêne, et ses joues pivoines. Avant de reprendre un peu de contenance.
- Et je tiens toujours mes promesses ! Allons voir ce qu'on peut faire dans la cuisine, invita le sorcier avec un grand sourire.

[...]

D'un geste expert et non sans un air victorieux il retourna le grilled cheese dans sa poele. Ambroise avait cuisiné son repas préféré, un grilled cheese aux trois cheddars et au lard paysan. Simple mais divin, avec une salade de crudités venant du potager et une soupe de potimarron. Pas un repas cinq étoiles comme l'aurait fait sa cousine mais un repas généreux et réconfortant.

Il remplit l'assiette avec son trésor de gastronomie, et servit un verre généreux d'un lambrusco doux. Un vin italien et mousseux serait parfait avec le repas qu'il avait préparé.

- Tadaaaam, ma spécialité ! Grilled cheese à la Mapleleaf ! Déclara t il avec fierté. Il prit place en face de la sorcière, lui tendant le verre pour porter un toast à leur retrouvaille.

- Après toutes ses années, presque rien n'a changé ! Peut être les lieux, mais nous sommes toujours restés les mêmes.. Toi et moi.

Souriante, je hume les parfums du repas qui chatouillent délicieusement mes narines et je viens entrechoquer délicatement nos verres avant de porter le mien à mes lèvres. Les bulles viennent surprendre ma langue alors que j’ouvre les yeux plus grands. J’observe intriguée le contenu de mon verre, faisant pour la première fois connaissance avec un tel vin ! Mais mon étonnement est plus grand à la réflexion d’Ambroise.

« Tu le penses vraiment ? Que nous sommes restés les mêmes ? Ça fait quoi, près de dix ans qu’on se connait ? »

Armée de mes couverts, je m’attaque au contenu de mon assiette et enfourne une bouchée dont les saveurs m’extirpent un grognement de satisfaction !

« Je ne sais pas, j’aime à croire qu’on est comme… le bon vin ! » Je montre mon verre avant de boire une nouvelle gorgée de cette délicieuse découverte. « Qu’on se bonifie avec le temps. Qu’on devient riches de nos expériences… Et surtout qu’on devient plus savoureux ! » Presque autant du festin servi et dont je me régale de manières certainement trop expressives que ce qu’autorise la bienséance. « Mais tu as sans doute raison, on n’a peut-être pas changé dans le fond. Dans la forme, en revanche… Regarde-toi ! »

Cette carrure qui me semble encore plus impressionnante qu’à la réserve, ces quelques poils blancs qui ressortent dans la blondeur de sa barbe, ces petites pattes d’oie quand il sourit… Le charme opère plus que jamais. Mes lèvres s’étirent, appréciatrices, à cette constatation.

« Ces années t’ont réussi, tu es encore plus séduisant que dans mes souvenirs. »

De mon côté, le temps laisse surtout sa trace sur mon mollet gauche sous cette apparence de tatouage écaillé, qui s’étend chaque année davantage, signe que le dragon grignote ce corps… Oh ! J’écarquille les yeux, quitte mon siège pour me précipiter jusqu’à mon sac duquel je sors un bloc à croquis. Je reviens rapidement à ma place, me penche sur la table alors que je lui tends le bloc ouvert sur la dernière page utilisée. Ambroise peut y voir trois majestueuses filles de Zagros voltiger au-dessus des montages, la magie insufflée au dessin les mettant en mouvement dans les airs. Les pages précédentes se focalisant surtout sur leur… notre anatomie, que j’ai pu étudier en profondeur durant mon séjour au village. Leur cou, les cornes propres à chacune, la forme des écailles, le gable de leurs pattes, de leurs ailes déployées…

« Je les ai trouvées. » Je lâche ces mots dans un souffle d’émotions tandis que je me prépare une nouvelle bouchée des mets préparés. « Je t’en aurais bien parlé plus tôt mais… tu ne donnais plus de nouvelles. »

Il l'observa déguster son plat avec un enthousiasme non feint, et il savoura son verre. Ses divagations sur les années passées, et le bon vin lui dessina un léger sourire. C'était une métaphore qui lui semblait correcte. Le temps passé lui avait mis du plomb dans la tête. Ambroise jeune, avait donné des sueurs froides à sa mère, et à la Directrice de la Réserve.  Spontané et imprudent, deux adjectifs permettant de qualifier le jeune sorcier qu'il avait été.

Mais les choses avaient mûries, avec les expériences et les voyages. Comme une plante au soleil, Ambroise avait appris de ses erreurs, et arrivait à un âge où il voulait prendre son temps, cultiver quelque chose d'autre et transmettre à la prochaine génération. Qui, semblait être en bonne voie. Un courrier était arrivé il y a quelques jours. Amaranth l'avait mit dans la confidence. Un neveu ou une nièce viendrait au monde dans quelques mois.

« Ces années t’ont réussi, tu es encore plus séduisant que dans mes souvenirs. »

Le compliment non déguisé de la Tsigane, le surprit avant de laisser apparaitre un sourire presque vantard.

- J'étais un gringalet à l'époque, les dragons et les mésaventures m'ont fait grandir ! Argumenta t il. Puis, je dois garder la forme, maintenant que je vais être tonton... Il s'interrompit un instant. La nouvelle ne devait pas s'ébruiter.

D'un geste brouillon, il balaya ses mots précédents.
- Oublie ça hein ! Il jeta un coup d'oeil à la bouteille qui s'était vidée pendant le repas. Je ne sais si je dois blâmer la boisson, ou ta langue flatteuse ! Pourtant, Amaranth m'avait prévenue, offre du temps à un Romanez et tu perdras ton coeur, déclara t il d'un demi rire.

La sorcière s'interrompit pour aller trouver un carnet dans sa besace et présenter un dessin unique de trois créatures volantes. Emerveillé - comme dans le passé - par ses talents, il effleura avec une délicatesse presque religieuse, les dragons élégants.

- Elles sont magnifiques, souffla t il. La dernière phrase de l'égyptienne lui serra le coeur. La vérité pouvait être blessante. Doucement, il posa sa main la sienne.

- Pardonne mon silence, Nairi. Il ne t'était pas destiné.. J'étais juste perdu entre mes voyages, et mon retour précipité en Angleterre, et puis tout s'est enchainé. Une année pour ne pas dire une Vie s'est écoulée. Il quitta la table, le visage plus triste que fermé.

- On ne peut pas refaire le passé.. Il y aurait tant de choses que je changerai.. On ne peut que vivre l'instant présent, et ne pas craindre le futur.. Et au détour d'une journée ordinaire, Merlin relance les dès, et offre des deuxièmes chances.. Je compte bien la saisir. Conclut il en allumant une cigarette. Les mauvaises habitudes ont la vie dure.

Le repas chaud et le vin achèvent de me réchauffer alors que la lueur du jour nous a quitté. Mon lourd pull en laine repose maintenant avec l’écharpe sur le dossier de mon siège, libérant les colliers et bracelets aux éclats dorés qui captent à présent la lumière de la pièce et tintent doucement à chacun de mes mouvements. Les enfants ont une place particulière dans le cœur des tsiganes qui se font un devoir de les protéger, de préserver ces êtres sacrés. L’annonce d’une naissance à venir est toujours source de joie aussi c’est avec un énorme sourire que j’accueille la nouvelle qu’il lâche par mégarde.

« Mais c’est fantastique ! Il va me falloir bien plus que ton vin si je dois oublier une telle nouvelle, tonton Ambroise ! »

Offre du temps à un Romanez et tu perdras ton cœur. Cette réflexion me contrarie pour plusieurs raisons et provoque un claquement de langue désapprobateur. La relation de sa cousine avec Aram – car cet ami à la roulotte que connait Amaranth, le Romanez dont il est question, il ne peut s’agir que de celui qui m’a indiqué cette boutique – ne regarde qu’eux et je n’aime pas l’idée que cela s’immisce dans celle que je tente de rétablir et de développer ce soir. Ensuite, cela ne sonne pas en notre faveur. D’habitude les gens ont surtout peur qu’on leur fasse les poches…

« S’attacher à des nomades n’est jamais une bonne idée. » Que je marmonne avant de me concentrer sur les dragons que je veux lui partager. J’ajoute avec un enthousiasme grandissant : « Et les plus anciennes sont titanesques ! »

Sauf qu’en cherchant à m’excuser de ne pas lui avoir annoncé la nouvelle plus tôt, je ne m’attendais pas à ce qu’il le prenne pour lui. Ses excuses non attendues me touchent mais pas autant que la tristesse de son visage. Il se lève avant que je ne puisse emprisonner sa main puissante dans les miennes. Je termine rapidement mon assiette, ne voulant pas laisser la moindre miette et le rejoins. Ses paroles font écho à mon mode de vie.

« Je suis totalement d’accord. Laisser le passé où il est pour vivre le moment présent. Sans compter qu’attendre… C’est pour ceux qui peuvent se le permettre. »

Je lui prends sa cigarette du bout des doigts et tire une longue taffe dessus avant de la lui rendre avec la légère empreinte de mes lèvres d’un rouge carmin, relâchant doucement la fumée. Un dragon avec un cancer du poumon, les spécialistes adoreraient l’ironie. Je viens poser mes mains sur son ventre dont la chaleur me fait frissonner à moins que ce ne soit cette proximité que je m’étais longtemps refusée, m’imposant de garder mes distances par crainte de succomber à des envies enfouies qui remontent doucement à la surface.

« Et ce n’était pas un reproche. Vraiment pas ! C’est juste que… évidemment tu as été dans mes pensées, quand je les ai enfin trouvées. Des dragons mystérieux, cachés des hommes depuis des siècles ! Tu aurais adoré ! »

J’observe la braise ardente de la cigarette quand il tire dessus, suis hypnotisée par sa lueur avant de laisser mon regard couler vers sa bouche. J’envie ses lèvres au mégot, ces dernières réveillant un appétit charnel qui accélère les battements dans ma poitrine.

« Trouver les dragonnes, voir où je vais inexorablement finir… Je ne peux pas rester chouiner comme l’autre chien perdu ! C’est pour ça qu’elle m’énerve, qu’elle me file des insomnies. J’ai besoin de vivre. De prendre ce que la vie a de bon et de plaisant à m’offrir ! Je deviens une sale gamine qui ne pense qu’à savourer les moments agréables tant qu’elle le peut encore. »

Je sais que je ne pourrais pas et que je ne veux pas attendre encore dix longues années. Je glisse ma main dans la sienne. Ce contact qu’il a initié plusieurs fois, ce contact que je recherche désormais. Mes prunelles sombres s’attachent à l’océan des siennes, étendue d'eau dans laquelle je pourrais me noyer.

« Il est peut-être temps que tu me fasses visiter l’étage. »

Il sourit en entendant l'appelation familière. Tonton, Oncle. Dans quelques mois, il tiendra un petit être dans ses bras, peut être que ses yeux seraient aussi bleus que la mer du Nord, ou aussi sombre que ceux de son père.. Pierce ? Romanez ? Qu'importe, seule sa cousine était essentielle à ses yeux. Ambroise était un homme élévée par une femme, avec des principes presque matriarchales. Et il n'accordait aucune importance de qui était l'enfant, et les femmes étaient libres de posséder tous les amants du monde. S'il avait la chance d'être aimé par une, cela lui suffisait.

Il respectait Mère nature, ses animaux et toutes ses créatures féminines. On lui avait enseigné le féminin sacré. L'amour devait toujours être honorée, et respectée. Et il savait que les Tsiganes partageait ces valeurs.

- Ca semble merveilleux à voir, à vivre, répondit il avec un sourire flatteur. Elle savait comment le faire rêver, dragons et femmes réunis en une merveilleuse créature. Il n'était pas d'accord sur le fait qu'elle soit condamnée à finir sa vie là bas. Mais, il comprenait que cette société n'était pas prête pour acceuillir ce genre de créatures et leur assurer le respecte nécessaire et mérité.

- Tu n'as jamais été ce genre de personne, à se morfondre sur ton sort, remarqua t il un sourire en coin. Ton peuple tisse le destin, et le modifie presque à sa guise, souffla le sorcier.

Il l'observa se glisser contre lui, et lier ses doigts aux siens. Ambroise se mordit la lèvre, résistant à ses propres envies. La jeune femme semblait déterminer à assouvir un désir, vieux comme le monde, et datant de leurs jeunesses.

- Je n'ai pourtant pas l'impression que tu es fatiguée, observa t il avec un sourire en coin.

[ ... ]

Ambroise lui fit visiter les nombreuses pièces de l'étage, avant de lui présenter sa chambre. Le mur qui abritait son bureau était couvert d'articles de presse, de dessins ou d'illustrations de divers animaux, mais principalement de dragons. Un revenait régulièrement, la forme dragonnique de la tsigane. Il n'avait pas pensé qu'elle ferait attention à ce genre de détails. La surprise de la recevoir, ou l'abus du vin pétillant lui faisait tomber ses barrière. Les grandes fenêtres victoriennes donnaient sur un balcon, rempli de plantes colorées.

Au dessus de son lit, pendaient de nombreux talismans de toute l'Europe et de toutes les cultures ou religions. Des croix catholiques, des bijoux bouddhistes, bien sûr des symboles tsiganes. Des attrapes rêves crees, des éclats de miroirs reflétants les lumières de la pièces. Le Mapleleaf aimait découvrir les trésors et la foi des gens qu'ils croisaient. Il était spirituel et passionné par l'histoire de toutes choses.

- Bienvenue dans mon.. antre ! Déclara t il.

Je me retiens de le contredire car j’aime l’idée qu’il me pense aussi solide. Pourtant, à l’adolescence, ce n’était pas le cas. Oh, évidemment que j’ai pleuré, que j’ai prié les dieux pour une vie sans malédiction. J’ai prié pour la totale, le grand amour, le mariage, la vie de famille jusqu’à ce qu’on me remette les pieds sur terre, douloureusement. Cette malédiction est bien trop aléatoire, imprévisible. J’ignore combien de temps il me reste dans cette peau. Me lier profondément à quelqu’un, vouloir ces choses, serait égoïste. Autant ne pas emprisonner de partenaires dans une relation sans avenir et ne leur souhaiter que de trouver une personne qui les comblerait davantage. Je me surprends encore parfois à rêve, des images fugaces me viennent pour s’évaporer quand la réalité me rattrape.

« Il est des forces plus inébranlables que le destin et que notre magie ne peut déjouer. Nager à contre-courant n’apporte rien de bon. »

Ce soir je ne veux pas y penser. Je veux oublier, le temps d’un après-midi, d’une nuit. Je ne veux plus lutter et au contraire succomber. Ma retenue s’amenuise à chaque sourire en coin qu’il m’adresse même si je ne suis pas certaine de ce que je dois y lire. Je réponds en écho aux derniers qu’il m’offre avant d’ajouter d’une voix atténuée :

« Je n’ai pas parlé d’aller dormir. »

L’étage est tout aussi impressionnant que le reste de la demeure et à chaque porte supplémentaire qu’il ouvre, ma fébrilité grandit. Quand, enfin, on arrive à sa chambre, mes yeux sont aussitôt attirés par les croquis. Ce n’est qu’à ce moment que je lui lâche la main pour m’approcher du bureau et apprécier ses œuvres. Pour avoir longuement étudié cette anatomie, je reconnais immédiatement une fille de Zagros et étant la seule dont il ait croisé le chemin… J’ignorais qu’il m’avait autant observée.

« Je ne sais pas si je dois être flattée ou terrifiée... »

Je lâche cette plaisanterie d’une voix éraillée et, émue, je reste fixer les dessins. Même dans le silence qu’il a laissé s’installer au cours de ces derniers mois, il m’a gardé une place sur son mur et donc dans sa vie. Je suis submergée par une vague d’émotions à laquelle je n’étais pas du tout préparée et j’éprouve le besoin de l’extérioriser, de l’exprimer. Je me rapproche rapidement de lui et viens poser mes lèvres sur les siennes, délicatement, tendrement, alors qu’une main épouse sa joue rugueuse, l’autre glissée derrière sa nuque. Les yeux clos, je sens mon cœur tambouriner dans ma cage thoracique et le sang pulser à mes oreilles face à cette dernière barrière que je franchis avec audace. Est-ce dû à toutes ces années à imaginer le contact de nos lèvres ? Toujours est-il que toutes mes sensations me paraissent nouvelles avec lui. Le souffle coupé, j’écarte mon visage de celui du sorcier aux cheveux d’or.

Ambroise l'observa parcourir ses souvenirs, qu'il devina douloureux. Il la connaissait depuis plus de dix ans, et elle l'avait toujours impressionné par sa force de caractère et son indépendance. Ce qui se deviner pour des yeux aguerris, c'était qu'il avait fallut un bon nombre d'épreuves pour parvenir à cet état d'esprit.
Les brûlures font le Dresseur.

Mais il restait persuadé qu'elle pouvait changer les choses, et que le destin n'était pas fixe. Si sa cousine pouvait défaire la malédiction qui gangrèner les Mapleleafs, elle pouvait combattre le sang des Écailles.

- J'ai confiance en l'avenir. Ce qui s'opposait à toi hier, peut te faire avancer demain, répondit le sorcier d'un sourire discret.

Ambroise observa la princesse glissait dans sa grotte, et confié son effroi face à ses dessins et son envie de ne pas dormir. L'ambiance dans sa garçonnière se rechauffa dès que la brune incendiaire posa son pied délicat et nue sur les tapis persans qu'il avait ramené d'un de ses voyages avec sa mère.

Ses yeux clairs se mirent à dévorer sa silhouette délicieuse avant de se faire surprendre par le baiser de l'invité divine. Ambroise goûta pour la première fois les lèvres interdite de la Romanez. Fantasmer depuis tant d'années sur leur union lui coupa le souffle. Fébrile, il glissa ses doigts autour de sa taille. Il abandonna sa pudeur, et céda à la sirène.

Avec gourmandise, il capture à son tour ses lèvres. Sa langue frôlant la sienne, tandis que ses doigts remonterent pour capture sa mâchoire de porcelaine. Le Dresseur l'entraîna sur son lit sans l'ombre d'une hésitation. Il y avait deux choses pour lesquelles il n'avait pas d'hésitation, les dragons et l'amour. Étrangement, Nairi rassemblait les deux dans une enveloppe presque céleste.

Ses lèvres vinrent dévorer son cou tendre, ses mains de baladerent le long de sa jambe galbée avant de s'interrompre. Essoufflé, il remonta jusqu'à son visage parfait.

- Nairi... Est ce que c'est ce que tu veux... Murmura t il contre ses lèvres. Il se connaissait, et la tentation qu'elle incarnait, était bien trop grande. Goûter ses lèvres, c'était comme être au bord du précipice. Il finirait par plonger tôt ou tard. Ce soir, il ne craignait pas les profondeurs, bien au contraire.

Je ne peux retenir un sourire de soulagement qui entrouvre mes lèvres alors qu’il répond à mon baiser, moi qui avais craint d’avoir une nouvelle fois mal jaugé la situation, de m’être trop avancée... C’est encore plus fort que tout ce que j’avais pu imaginer ! Mon corps entier est parcouru de frissons alors qu’il pose ses mains sur ma peau. C’est à peine si je réalise qu’on se déplace tellement mon esprit est focalisé sur lui, sur sa langue, sur ses mains. Maintenant que nos corps se sont trouvés, je ne veux plus m’en passer. Allongée sur le dos, c’est un rire de gorge qui répond dans un premier temps à sa question. Si c’est ce que je veux ? Evidemment ! Je prends son visage dans mes mains avec le peu de contrôle qu’il me reste.

« Oui. Aussi sûre que le Soleil se lèvera demain... »

C’est un regard avec une détermination nouvelle que je lui adresse. Il peut voir le feu dans mes yeux aussi sombres que les siens sont clairs, reflet du désire qui m’anime et me consume. La chaleur qui s’empare de mon corps est telle que les tissus qui le couvrent m’insupportent. Je glisse une main entre nos corps et tire sur le lien qui maintient mon haut fermé, en écarte les pans avant de m’attaquer à la fermeture de mon jean. Je passe ensuite à sa chemise que je déboutonne, les mains tremblantes, et que je fais glisser sur ses épaules. Puis mes mains descendent et défont sa boucle de ceinture, ouvrent son pantalon.

Je suis impatiente, fiévreuse, assoiffée de sa bouche, de son corps. Lui, le dresseur qui a déjà manqué de faire chavirer mon cœur il y a tant d’années... Je sens ce dernier battre la chamade alors que j’embrasse à nouveau le viking, ma langue cherchant la sienne, la caressant dans une danse endiablée, explorant sa bouche si délicieuse.

J’en oublie complètement la raison qui m’a menée ici. J’en oublie les traquas des derniers jours, la fatigue et ne suis plus que baisers et caresses, allongée sous son corps puissant. Je n’entends plus que nos souffles chauds, nos lèvres qui s’unissent avec avidité, le tintement de mes bracelets alors que mes mains parcourent ses épaules, son dos, en suivent le tracé sinueux, allant se glisser dans son pantalon encore trop présent, venant caresser le velouté de ses fesses. Mon bassin se lève pour se plaquer contre lui, pour ressentir son désir, pour l’appeler, l’inviter. Mes mains retournent au pantalon, le font glisser sur ses cuisses, brûlantes d’envie, pressées.

A bout de souffle, je libère ses lèvres et lui offre ma gorge, un sourire extatique sur mon visage. Il n’est rien de plus intense que lorsque le rêve rejoint la réalité. Je cligne paresseusement des paupières alors que mes prunelles se posent sur les nombreux talismans qui nous surplombent dont les éclats miroitent sur sa peau. Ambroise n’en est que plus surnaturel, tel une divinité nordique, un corps céleste près duquel je ne demande qu’à me brûler les ailes.

Sex, Nudity



La réponse de la tsigane dessina un sourire étrangement satisfait sur les lèvres du sorcier. Le temps n'était plus aux paroles, ni aux promesses. La divine s'empara de sa bouche pour entamer une danse sensuelle. La précipitation de ses gestes l'affama d'autant plus. Découvrir son corps réveilla les instincts les plus sauvages d'Ambroise.

Elle le déshabilla sans pudeur ni fausse timidité. Ils n'avaient plus l'âge des premiers émois, et la passion qu'ils se vouaient avait pris feu dès leur rencontre, il y a de cela dix ans. La brune offrit sa gorge à ses lèvres carnassières. Obéissant, l'héritier s'empara de sa poitrine délicate pour la couvrir de baiser, jusqu'à lui dévorer ses extrémités gonflées de désir. Il en perdait son souffle. Ses doigts, faisant disparaitre le dernier rempart qui couvrait son intimité. Avec engouement, il vint caresser et découvrir son mont merveilleux.

A chaque nouvelle caresse, il sentait son propre désir s'accroitre. Il ne pourrait souffrir d'avantage de résister à son corps, à son âme. Abandonnant à regret sa gorge si désirable, il abattit son souffle brûlant contre la bouche rouge de Nairi. Ses mains puissantes parcourant ses contours sans se lasser de sa peau de porcelaine.

D'une lenteur indécente, son bassin réduit les quelques centimètres entre les hanches de la sorcière, pour s'enfoncer en elle dans un grognement animal de plaisir. Le sorcier fut envahi d'une chaleur si intense qu'il avait l'impression de découvrir le brasier de l'amour pour la première fois. Son regard d'azur captura les prunelles sombres de sa belle, pour entamer des vas et viens profonds. Si, le sorcier était habitué à passer des nuits agréables en compagnie d'inconnu(e)s, il ne pouvait comparer cette union à toutes celles qui l'avaient connues.

Rien n'était semblable. Ni l'ardeur de leurs baisers, ni le goût de sa peau. La chaleur de ses hanches, l'odeur de sa chevelure, tout lui semblait irréel. Ses mains vinrent agripper les fesses de la tsigane pour maintenir son corps au plus près du sien, et maitriser ses assauts. Les ralentir pour l'entendre gémir, puis onduler des hanches pour lui offrir tout l'ampleur de sa vigueur. Il n'était pas non plus sûr d'être capable de résister à l'extase.. Et il n'en avait cure, du moment qu'elle était comblée. Le reste lui importait peu.. Il la voulait depuis plus de dix années.