Three Nights before the Disaster

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Servile était l’esclave, mais docile était l’amant. James suivait, son regard scrutant la moindre de ses réactions sans que jamais sa bouche ne puisse se fermer, tantôt parce qu’il s’arrêtait à baiser chaque parcelle de ce corps succulent, tantôt parce qu’il rêvait en l’observant, perdu dans des pensées friponnes mais libératoires.

Et elle le menait du bout des doigts, qu’ils fussent de chair ou de porcelaine, chauds ou froids, lui ne faisait que réclamer sans parler, d’un regard qui supplie sans oser prendre. Par chance, Ana offrait tout ce soir, de sa caresse charnelle à ses chants sensuels. Cruelle sirène est la femme trop belle, alors que la main se refermait sur sa virilité rendue douloureuse.

Ses doigts s’agrippèrent aux touches du piano qui fut du spectacle : il s’esclaffa en vibrations graves. L’autre main se contenta de glisser sur la hanche de la jeune femme, ne cherchant pas à repousser l’assaut.

Le plaisir inconnu le submergea. Ses pieds remuaient, se tordant, alors qu’il feulait tout bas, mordant fermement sa lèvre quand le murmure était sur le point de devenir un gémissement.

Sa bouche trouva le chemin de celle d’Ana, pour faire taire un instant sa propre voix qu’il trouvait irritante, trop grave, trop rauque.

« S’il te plaît, s’il te plaît » miaula James, sa main serra doucement sa hanche alors qu’il avançait un moment vers elle, mais il aurait été bien incapable de renverser la jolie Karénine sur le banc.

Au lieu de ça, il la laissa venir à lui. Le frottement des cuisses nues de la jeune femme sur les siennes, la caresse de son sexe contre le sien, fit pleurer une nouvelle fois le piano quelques notes, alors que le bras de James s’accrochait à un Do ou à un La – il ne savait pas, il ne savait plus.

Ana souveraine, James releva le visage seulement pour voir la silhouette gracile descendre sur lui, tentatrice et impérieuse à la fois. Il baissa le visage, s’offrant le luxe de venir étouffer un râle grave contre sa poitrine offerte alors qu’elle le faisait disparaître en elle, accaparant virginité en même temps qu’elle offrait la sienne.

Les dents de James s’enfoncèrent dans le rond du sein alors qu’elle ne lui laissait aucun répit, roulant en houle ardente ses hanches contre les siennes, ne laissant aucun pouvoir au langue-de-plomb. Cette fois, dans un élan violent, le bras de James frappa volontairement les touches alors que son autre main enfonçait ses ongles dans la hanche cruelle et dominatrice, comme elle lui tirait un plaisir incommensurable et coupable.

Ana dût le sentir mais elle ne s’arrêta pas pour autant, et James l’aurait supplié de continuer jusqu’à que mort s’en suive, car juste après, il trouvait un plaisir différent mais appréciable, comme s’il s’enfonçait dans le moelleux du coton. Son corps donné à servir à la Déesse, instrument volontaire, sa bouche reprit amoureusement baisers et caresses sur la peau blanche d’Ana, gémissant quand elle enfonçait ses mains, de chair et de porcelaine, dans sa tignasse.

La nuit continuait ainsi, en petits fracas de piano, en grande passion suffocante.


La bouilloire émit un petit sifflement, indiquant à quiconque voulait bien l’entendre que l’eau était chaude. James, l’air absent et encore endormi, la retira du feu l’air ailleurs. Il cligna plusieurs fois des yeux. Il avait prévu un tas de choses pour aujourd’hui, mais le corps rompu et le dos strié de griffures diverses et variés, il n’avait même pas pris le temps de vraiment s’habiller ou de se coiffer.

La nuit avait été longue, et trop courte à la fois, c’est tout ce qu’il se disait.

Restait la culpabilité, qui ruisselait sur lui comme il servait calmement le thé. Mais tout comme l’amertume de certaines fleurs, il finirait par s’y habituer – c’était sa conclusion.

Habillé sobrement d’un pantalon de pyjama trop large, et les cheveux hirsutes comme on ne l’avait jamais vu, James posa sur le plateau la théière, deux tasses, quelques viennoiseries chaudes qu’il avait commandé la veille (et c’était d’ailleurs le service de chambre qui l’avait tiré du lit quelques minutes auparavant).

Lentement James fit le chemin jusqu’à la chambre. Ana était réveillée mais encore sous les couettes.

Il eut un sourire tendre pour elle et lui apporta sans un mot le plateau.

Il ne savait pas vraiment quoi dire après hier soir, après leur nuit, après les excès, après l’expression d’années d’amour réduites au silence.

Mais aussi coupable et angoissé était-il, il ne s’était pour autant jamais senti aussi bien, aussi reposé, malgré la fatigue physique. Il avait quelque peu sous-estimé l’effort que cela demandait de bien aimer, mais à l’avoir entendu toute la nuit, il n’avait pas été piètre pour autant, ce qui était plutôt rassurant.

Il déposa le plateau finalement sur le lit.

« Ta robe de chambre est dans le petit salon. Je reviens… » souffla-t-il, sans oser regarder les traces osées, libidineuses, indécentes même, qu’il avait osé laisser un peu partout sur le torse blanc d’Ana. Plus vite elle se couvrait, moins il aurait à bégayer ou perdre le fil de ses pensées.

En quelques mouvements, il était revenu du salon avec ladite nuisette et l’avait tendu à Ana.

« Désolé », osa-t-il, pas certain de si c’était le bon mot, ou le bon moment.

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Si Ana et James se connaissaient depuis l'enfance, plus fusionnels que le corps et l'âme, ce soir-là, ils se rencontraient pour la première fois. Du moins au-delà de leurs fantasmes les plus inavouables. Et cette rencontre, sans cesse renouvelée, rejouée, luttait contre les signes évidents de sa propre fin. La fatigue des corps, ou à présent du corps qui ne faisait qu'un et exultait dans cette union qu'ils s'étaient toujours interdits de consommer sous quelque forme que ce soit.

Elle finit par s'endormir le front posé contre son épaule, sourire aux lèvres et quand il se glissa hors du lit, elle ne quitta pas tout de suite les bras de Morphée. Ce fut l'absence entre les draps qui lui fit finalement ouvrir les yeux mais, se délassant comme un chat sous les couettes, elle n'était pas encore prête à quitter ce doux nid si ça n'était pour le chercher du regard alors qu'il disparaissait de sa vue, avec une grande pudeur. Le regard perdu sur ce décor vidé de son image, elle attendit un peu, pesant en son âme et conscience les conséquences de cette nuit-là. Finalement il revint auprès d'elle, grand seigneur, avec le petit déjeuner. Elle sourit avec tendresse, caressant du regard une espèce d'évidence qu'elle avait toujours voulu nier. Elle n'avait rien à dire de cette nuit-là. Pas un regret. Aucune crainte.

Il s'éclipsait à nouveau, soucieux de lui voir passer une tenue descente. C'était drôle qu'elle n'y ait pas songé, la chaleur des draps créant peut-être l'illusion d'une tenue correcte ou bien était-ce qu'elle n'avait jamais dormi dévêtue jusqu'alors.

« Épouse-moi James. Ici. Tant que nous sommes loin des critiques et de ceux qui pourraient émettre quelque objection que ce soit. Je n'ai pas besoin de leur approbation. Ils n'auront pas besoin de le savoir. Nous pouvons nous suffire à nous-mêmes. C'est déjà ce que nous faisons depuis des mois. Épouse-moi. Marions-nous dans l'heure, comme deux jeunes écervelés que nous ne sommes pas. », répondit-elle sur le ton de l'amour autant que de celle qui redoutait d'être contredite.

Au regard profond qu'elle lui adressait, lui, ne pouvait pas douter.

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Il s’était presque attendu à une remontrance de la part d’Ana, en lieu et place de quoi James fut plongé dans un état de sidération, qui frôlait autant la terreur que l’extase. C’était comme mourir une première fois.

Silencieux et prudent tout d’abord, l’ancien serpentard observa sa cousine aussi longtemps qu’elle le lui laissa faire. Le temps d’organiser ses pensées, de dompter ses craintes, de faire s’éteindre l’ardente culpabilité.

Le jeune homme baissa les yeux, considérant la chose. Plus exactement, considérant tout ce que cela impliquait, pour elle comme pour lui. James n’avait jamais été quelqu’un de très prudent quand cela concernait Ana, et pourtant, diable qu’il prit son temps à réfléchir. Tout ça pour en revenir à la voie du cœur plutôt qu’à celle de la raison…

Doucement, il vint s’asseoir de son côté du lit. Sa main vint chercher la sienne, avec une tendresse infinie. Main froide, main de porcelaine, mais sa peau contre elle lui était nécessaire. James pencha la tête, les joues légèrement rougies par la demande.

Qu’il était bête de croire qu’il l’avait souillé, quand c’était elle depuis le début qui était maîtresse.

Dans les yeux, James murmura, sérieux et amoureux :

« Tout ce que tu veux, Ana. »

Il ramena vers lui la main de porcelaine, venant coller son front brûlant contre le dos de celle-ci.

« Tout ce que tu veux. Je veux juste que tu sache que je n’ai pas besoin d’une bague ou que tu portes mon nom pour t’appartenir. Les mots manquent malgré que j’ai le cœur plein de toi. Ma parole me semble bien vide pour te dire combien je t’aime. En réalité, même, je crains qu’il n’existe rien qui puisse exprimer en quelques paroles tendres ce mélange de tendresse, de respect, d’estime – d’adoration même et de dévouement que ton âme fait naître dans mon cœur. J’y renonce à l’instant. Aucune parole humaine n’est faite pour exprimer l’infini amour que j’éprouve… pour toi. »

James glissa doucement sa joue dans la paume de sa main libérée. Ses yeux glissèrent sur le visage clair de sa cousine.

« Dans l’heure », répéta-t-il, cette fois avec un sourire polisson, « c’était bien la peine de préparer un circuit complet et de faire des réservations… », et cette fois, fermant les yeux pour lui-même : « si on m’avait dit qu’un mariage serait moins long à préparer qu’une visite de musée… »

Le temps s'était figé, suspendu aux lèvres de James. Ana n'en avait jamais tant attendu de sa part et, quelque part au fond d'elle, sur cette hésitation, elle craint qu'il ne réponde non. Il aurait eu dix mille raisons de le faire après tout. Elle aurait pu les lui énumérer par ordre de poids. Même lorsqu'il s'assit sur le lit, lui prenant la main, Ana cherchait les réponses du regard, le coeur serré. Etait-elle allée trop loin. Après tout, ce qui était perdu pour elle ne l'était pas pour lui. Leur regarde s'éprirent à nouveau l'un de l'autre et, enfin, il la libéra de cette torture d'attente.

Elle ne frissonna même pas lorsqu'il vint se lover contre sa main de porcelaine. Il avait toujours interagi avec naturel face à la prothèse mécamagique conçue par Sheraz Mahal. Plus qu'elle. Mais cette fois, le geste lui vint naturellement, traçant la courbure de son menton du bout des doigts, elle sourit amoureusement.

Alors ils allaient se marier.

Dans ses mots, il l'emportait dans son univers, sombre et romantique. Ana se laissait porter, ne trouvant pas mieux les mots pour ne rien salir de la délicatesse de cette passion qu'il confiait à son attention aimante. Elle se pencha, prenant ses lèvres avec douceur, longuement. Il eut un sourire joueur devant ses demandes déraisonnables. Elle rit sincèrement.

« Voilà donc tous tes plans fauchés sur l'instant. Je n'ai pas besoin de bague, ni de porter ton nom pour être ce que je ne suis ni plus ni moins que depuis trop longtemps. Je veux juste te faire ce serment à toi. Et n'importe quel lieu de piété suffira à notre bonheur. »

A quelques kilomètres de là, dans la campagne, il y avait une minuscule église. Si minuscule qu'on peinait à croire qu'elle ait pu accueillir un village de croyants. Sans doute ne l'avait-elle jamais pu. Un hameau tout au plus. Et cela suffirait à leur bonheur le plus parfait.

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