Tel père... (Jameson)

Le café s’était déversé sur ma tête et j’avais mon père se lever et commencer à prendre le visage qu’il prenait quand le démon et la rage l’attrapait. Par réflexe, je me relevais immédiatement et quand il me menaça de me tordre le cou, je fis comme d’habitude depuis 33 années d’existence. Je pris une chaise, qui en l’occurrence ici était une chaise de camping (bien moins solide que celle du Manoir Clearwater), et je tenais ainsi mon père à distance.

« Mais j’peux tout t’expliquer ! Ca fait des mois que je veux lui faire ma demande ! Toi même tu dis que quand on est amoureux, on doit se battre et foncer tête baisser sans se soucier du reste ! C’est ce que je fais ! »

Je posais finalement la chaise car il se décida à faire les cents pas. Comme un gosse qui avait souvent été poursuivi dans le Manoir par son père, je le gardais toujours en visuel, ainsi que la sorti. L’idée c’était qu’il ne se retrouve surtout pas entre la sortie et moi. Glissant un peu sur le côté comme si de rien n’était pour me rapprocher de l’extérieur, je commençais à râler et à me rebeller. Certes moins que Lucy mais bon…

« J’avance à la vitesse que j’veux. C’est ma vie p’pa. »

Et c’était parti. C’était en train de s’inverser. Parce qu’au final… On avait le même sang et on se ressemblait beaucoup. La façon dont il m’avait parlé m’avait finalement mis hors de moi et après la peur c’était toujours la rebellion qui arrivait. Moins vite que Lucy certes, mais ça venait toujours.

« Et tu voulais que je fasse quoi ! Que je reste à faire le deuil de ma relation, que je me noie dans l’boulot pour combler mon malheur ! Ca a failli être le cas et on a frôlé la catastrophe. J’aime Perséphone, comme j’aimais Solvi. Et si je suis capable d’aimer quelqu’un comme ça, à chaque fois que je croise son putain de regard et que j’ai qu’une envie c’est d’y rester pour toujours c’est que c’est la bonne ! Et si c’est la bonne, je me marie avec ! Parce que ça veut dire que je l’aimerai jusqu’à en crever! »

C’était monté un peu vite et fort. Mais en même temps, le café m’avait refroidi et j’avais commencé à m’agacer. Surtout que je l’avais vu venir à dix milles avec Maeve. Au moins avec mon père, l’avantage c’était que je ne pouvais pas faire semblant.

« On a vraiment besoin d’une période d’essai pour savoir si on s’aime dans ce monde de merde qui part en couille ? »

20.12 « - Alors, c'est peut-être ta vie, mais jusqu'à preuve du contraire, je suis ton père et si j'ai envie de te dire que ce que tu fais c'est de la merde, je le fais et c'est tout. » Tonna Jameson, le regard courroucé.

Qu'est-ce qu'il pouvait détester cette excuse... Que ce fût Fergus ou Lucy, c'était le genre de phrase qui le mettait hors de lui. Cela donnait à Jameson une curieuse sensation d'être mis de côté, d'être exclu de leur vie, d'être dépossédé de son rôle de père qu'il chérissait tant. Il fixa son fils du regard un long moment comme s'il s'attendait à ce que ce dernier ne moufte au cas où il ait besoin de se faire corriger.

« - Je me fiche bien de savoir que tu l'aimes comme tu aimais Solvi ou peu importe le nom de tes copines. Moi, tout ce que je veux, c'est que tu sois serein dans ce que tu construis pour éviter de finir comme Braxton. » Au moins, la messe était dite. « Que tu le veuilles ou non, c'est une crainte que j'aurais toujours. Spécialement pour toi parce que tu es mon fils et que depuis que ta mère est morte, ton bonheur fait encore plus partie de mes priorités. Alors oui, j'aimerais que tu fasses les choses bien, Ferguson. »

Jameson prit une profonde inspiration avant de finalement se rasseoir. Levant les yeux au ciel devant la question de son fils, Jameson répondit avec agacement :

« - Une relation est toujours en période d'essai, Fergus. Une relation se construit à chaque instant de ta vie. Encore plus si tu veux qu'elle dure dans le temps. Ce n'est pas parce que le monde part en couilles qu'il faut agir dans la précipitation et faire des conneries.

Il soupira avant de se passer la main dans la barbe d'un air las.

« - Je sais que tu feras le bon choix, tu l'as toujours fait. Je veux juste que tu fasses les choses bien. »

Je baissais alors la tête quand il parla de maman. C’était comme si toute mon énergie m’avait quitté immédiatement. Le poids de la tristesse m’abattit complètement et mes bras tombèrent comme si j’avais ramassé une gifle. Encore quelque chose qui me mettait hors de moi. Je me contentais de regarder le sol et je répondais simplement.

« Je suis pas tonton. » lâchais-je à mes chaussures

J’avais envie de rajouter « Et t’es pas maman ! » en lui hurlant dessus. Mais je n’étais Lucy. Je me contentais de garder la tête baissée, gardant pour moi ce que je pensais comme toujours. Je l’écoutais me faire la morale, mais comme à chaque fois je gardais le silence face à lui. Parce que j’avais toujours réagi comme ça, et encore plus depuis le départ de maman de nos vies.

« Je vais y aller, j’ai du travail. » dis-je simplement un peu perdu.

Parce que j’étais paumé. J’avais toujours cru que suivre mon coeur et mon instinct était la démarche à suivre. Et j’étais aussi sur et certains qu’il aurait approuvé ce mariage. Mais visiblement j’allais trop vite, trop tôt… Trop rapidement. Comme si je cherchais en permanence à combler un vide affectif. Et, au vu du sujet qu’il avait amené sur la table, je commençais à comprendre d’où venait mon problème à absolument vouloir fonder une famille vite et rapidement.

« Je suis désolé, p’pa. Je… je ferai les choses bien. »

Je trébuchais un peu en sortant comme déboussolé. Je restais là à le regarder. Debout. J’avais envie de le serrer dans mes bras, de tout dire. Tout ce que j’avais sur le coeur et que je me tuais à dire à ma psy plutôt qu’à lui. Les moments de doute, de faiblesse. Le travail ; qui m’empêchait d’avoir une vie normale et de penser correctement… Mais j’étais un Clearwater. Je ne m’abaissais pas à dire ce que je ressentais aux autres, et surtout pas à mon père.

« Je te le promets. »

Et, le coeur gros, je tournais les talons et je sortis le plus vite possible de cette tente. Mettant un maximum de distance entre mon père et moi avant que l’envie de le serrer dans mes bras soit trop forte.

20.12 Jameson se contenta de soupirer en regardant son fils prendre la poudre d'escampette. Parler à coeur ouvert n'avait jamais été son fort et il semblerait que c'était quelque chose qui se transmettait de père en fils quand il voyait Fergus réagir de cette même manière que lui même réagissait à l'époque lorsqu'il était confronté à son père, Ewan. Observant l'espace vide laissé par le départ de Fergus un long moment, Jameson finit par sourire avant de secouer la tête.

Rassuré de voir que son fils arrivait encore à penser avec sa tête bien qu'il écoutait un petit peu trop son cœur comme n'importe lequel des Clearwater, Jameson se passa machinalement la main sur le visage dans un geste trahissant sa fatigue. Il se releva de cette chaise sur laquelle il s'était rassis après le départ de Fergus pour finalement rejoindre les autres sorciers du ministère pour leur partager ses maigres découvertes.

Il y avait fort à parier que Caerfyrddin avait encore beaucoup de secrets mais que pour une raison que Jameson ignorait, il ne serait pas au bout de ses surprises. Que ce fut sur la façon de les découvrir que des informations que Merlin aurait caché aux yeux de tous, peu importait la raison qui animer le vieil enchanteur millénaire.