Pleasure Piked With Pain

02.02.24

Il lui en avait fallu du temps pour se décider à suivre le conseil de  @Saúl Ochoa-Reyes . A force, elle s'était habituée à porter une mitaine à la main gauche en quasi permanence, de peur de refiler son truc à quelqu'un d'autre. Pire qu'une maladie vénérienne, puisqu'elle n'était pas exactement sûre de ce que c'était, elle ne préférait prendre aucun risque. Ça ne lui avait coûté qu'un tout petit mensonge, quand sa soeur  @Azrael Grimm lui avait demandé ce que c'était que cette nouvelle mode. Peu cher payé pour avoir la paix en somme.

Elle ne savait rien de ce fameux cousin dont Saúl lui avait parlé. Pour être honnête, le simple fait qu'il vive ici à demeure, en disait déjà suffisamment long mais pas forcément en mal. Avec le temps, Urielle commençait à changer de regard sur les gens d'en bas. Elle ne sursautait même plus à l'apparence monstrueuse de certains, sachant presque au premier coup d'oeil faire le tri entre les pourritures et les autres, tout en gardant à l'esprit qu'elle ne pouvait de toute manière faire confiance à personne.

Depuis la fin novembre, elle avait frôlé de trop prêt le pire avec la sbire de LongShadow. Elle s'était laissé prendre au piège de Risha, avant de comprendre qu'elle n'était autre que la fille du Vert Galant. Cela lui avait laissé une belle marque sur la gorge pendant quelques temps. Il n'en subsistait pourtant plus un fil aussi fin qu'un cheveu, mais le souvenir, lui, était resté très à vif.

Suivant les conseils de Saúl donc, elle s'était littéralement laissé guidée par ses pieds, maintenant que les Verts Galants lui laissaient un brin de répit, quoi qu'elle n'osait pas croire qu'ils ne lui réservaient pas un autre traquenard au détour du prochain coupe gorge qu'elle emprunterait. L'ancien auror lui avait fait comprendre à demi mot que le seul moyen d'arriver au camp des Roms n'était pas de le chercher mais de le vouloir, profondément. Elle avait donc pris cette décision, juste après avoir cassé la graine avec le démon qui logeait dans le poêle de son appartement et le faisait tenir debout. Et effectivement, ses pieds semblaient savoir où aller et l'y menaient d'un pas sûr...

Aram se tenait dans son atelier encombré, la douce lueur des bougies projetant des ombres sur les artefacts anciens et les parchemins épars qui jonchaient son établi. L'air était chargé de l'odeur de la sauge brûlée et du faible bourdonnement des enchantements en cours. Un masque grossissant posé sur le nez, le Romanez se montrait particulièrement absorbé, gravant des runes sur une amulette de cuivre avec une précision méticuleuse. Chaque trait lui demandait un travail soigné, alors qu’il mêlait précautionneusement sa magie à son œuvre.  

Mais cette concentration fut brisée par un coup bref à la porte de sa roulotte. Aram fronça les sourcils, posant soigneusement ses outils. Il souleva ses lunettes de cuir pour les placer sur le haut de son crâne et se hâta pour quitter la pièce afin de rejoindre la porte d’entrée. Sa caravane paraissait minuscule de l’extérieur – mais en son sein – on pouvait facilement se perdre dans le labyrinthe de pièces secrètes et cachées si l’on n’en connaissait pas bien le plan.

Marmonnant un mot pour libérer les protections de la porte, le tzigane l’ouvrit et tomba nez à nez sur une jeune sorcière rousse dont la frimousse lui rappelait étrangement @Ebenezer Grimm, en beaucoup – beaucoup – plus jolie. Son visage pâle se montrait sérieux et déterminé, et il reconnaissait sans mal l’étincelle de défi Grimm dans son regard levé vers lui.

- Vous avez trouvé mon patronus, redbreast, lui grimaça-t-il dans un sourire qui laissait étinceler ses dents en or.

Il avait en effet été averti de l’arrivée de la jeune sorcière de bien des manières. @Saúl Ochoa-Reyes déjà, lui avait parlé de sa petite rouquine, faisant comprendre à Aram par ses œillades menaçantes qu'elle pourrait avoir besoin de son aide, mais qu’il n’avait aucune envie de voir ses sales pattes de séducteur se poser sur elle. Ensuite, un agent du Ministère ne pouvait décemment croire qu’il pouvait entrer dans le campement gitan sans que les plus avertis de ses habitants ne soient pleinement au courant. Aussi, le Romanez avait fini par lui envoyer son petit hérisson totem pour permettre à la sorcière de trouver sa route jusqu’à chez lui.

Avec un mouvement de tête, Aram s'écarta pour la laisser entrer - remarquant en un coup d’œil la manière dont elle serrait instinctivement son poignet recouvert d’une mitaine. Il lui fit signe de s’asseoir à une table en bois près d’une fenêtre qui recréait un paysage de lande arménienne soufflée par le vent. Pour sa part, le sorcier préféra rester debout, croisant les bras en s’adossant contre l’encadrement d’une porte qui menait vers sa kitchenette – du moins pour l’instant.

- Alors, dites-moi tout… Qu’est-ce qu'un bel endroit comme ça fait dans une fille pareille ?

Aram avait beau parler plusieurs langues, la sienne fourchait cependant encore quelques fois. A moins qu’il ne s’agisse de son humour bien particulier – considéré comme douteux et médiocre par bien des sorciers de son entourage.

02.02.24
Au bout d'un petit moment, le paysage urbain décadent du Marché aux Trolls avait commencé à muer sans qu'elle s'en aperçoive vraiment et elle se retrouvait dans des allées désordonnées de roulottes colorées qui, somme toute, faisait un environnement bien plus agréable à visiter que le quartier pourri où elle créchait malgré elle. En dépit de la vision pittoresque, Urielle ne se faisait pas d'illusion : elle n'était pas plus en sécurité ici que dans les allées à la boue douteuse de Rogue's Cut. Il ne lui fallut pas longtemps pour sentir les regards l'épier et de fait, elle commença à avoir du mal à ne pas penser et ses chaussures finirent par l'abandonner à un croisement où une gamine, dont les étonnants yeux verts contrastaient avec son teint cuivré, essayait visiblement d'apprendre à une famille de crapauds bulleurs à faire une petite mélodie. L'auror la regarda un instant, interdite, mais la petite famille de batraciens se dispersa à grands bonds paniqués quand un hérisson argenté leur fonça dessus sans ménagement.

La petite boule - un patronus - vint s'arrêter devant Urielle qui en déduisit qu'on venait la cherchait. Prudente, elle évita de tirer sa baguette mais elle l'aurait eu en main en moins d'une seconde si quelque chose l'avait justifié. Finalement, le hérisson la conduisit devant une roulotte bien particulière. Urielle frappa, avec une petite hésitation. Elle entendit le cliquetis laborieux des enchantements de déverrouillage puis la porte s'ouvrit sur un type qui avait tout à fait l'air d'un gitan sorti d'une roulotte. Comme s'il avait cherché à coller en tout point au personnage, dents en or comprise. Un petit pli amusé passa sur les lèvres de la jeune femme brièvement avant qu'elle ne hausse un sourcil sceptique à ce drôle de surnom : redbreast. Mieux valait ne pas le contrarier tout de suite.

Quelque chose d'autre la fit tiquer mais elle tint sa langue, se contentant de demander :

« Vous êtes le cousin dont Saúl m'a parlé ? »

La question était vaine. Après tout, il aurait pu être le cousin de n'importe qui et lui répondre n'importe quoi pour peu que ce soit ce qu'elle veuille entendre. Déformation professionnelle ou réflexe appris en quatrième vitesse sur le Marché aux Trolls, Urielle avait tendance à se méfier de tout. Elle entra malgré tout sur son invite, observant tout ce qui l'entourait d'un oeil intéressé. Toujours prudente, elle s'assit là où on lui indiquait, remarquant l'étonnant paysage à la fenêtre avant que l'homme ne reprenne la parole.

« Sérieusement, je crois que vous êtes la première personne à me donner du vous depuis que j'ai mis les pieds ici. », releva-t-elle sur un ton plus amusé qu'incrédule, « Je ne sais pas si c'est l'endroit qui est dans la fille ou le contraire pour tout dire mais je vais prendre ça comme un compliment. Saúl m'a dit que vous sauriez m'aider. »

Avec moult précaution, elle retira sa mitaine, laissant apercevoir l'étrange tâche noire qui tournoyait dans sa paume bien à plat. Elle porta son regard sur l'homme, jaugeant de sa réaction...

Le sourire du gredin s’élargissait alors qu’il détaillait avec une attention sans doute un peu dérangeante la nouvelle venue qui venait de débarquer chez lui. Elle avait tout de la sorcière britannique typique, telle qu’il se les représentait : une peau qui voyait rarement le soleil, une chevelure rousse, un port de tête droit, un menton décidé… Un peu de sang écossais, évidemment. Et… Qu’est-ce qu’il décelait ici ? On aurait presque deviné un ancêtre gobelin…

- Oh vous savez, ici, on est tous le cousin de quelqu’un... marmonna-t-il en riant intérieurement de sa plaisanterie, tout en reconnaissant qu’à ses yeux, il ne devait pas avoir grand-chose à voir avec cette belle plante de @Saúl Ochoa-Reyes.

L’agente paraissait pour sa part plus étonnée par son vouvoiement que par tout le reste. Aram aurait pu rétorquer que ce n’était pas parce qu’il vivait dans un campement, les pieds dans la boue et la tête dans les étoiles qu’il n’avait pas un minimum de savoir-vivre. Il n’y avait bien qu’avec les duchesses dérangées par leur propre odeur comme l’amie de Lucy – Ana – qu’il s’amusait à manquer de politesse pour le simple plaisir de voir son visage froid comme la mort se froisser.

Mais ces délicieux souvenirs s’évaporèrent plus vite que le parfum persistant de l’autre princesse quand la Grimm retira son gant afin de présenter sa paume à l’arménien. Ce dernier perdit tout rictus, se contentant de froncer les sourcils et de reposer sur le nez ses lunettes de protection avant de se pencher vers elle. Il avait également pris soin d’enfiler des épais gants en cuir de dragon gravé de runes protectrices qui trainaient sur sa table. Alors seulement, le tzigane s’était permis d’attraper délicatement le poignet de la rouquine pour y voir un peu plus clair.

- Ben alors ça ! Où c’est qu’vous avez chopé ce truc ? C’est du beau boulot ça ! Un travail de pro !

Soulevant un sourcil, il en profita pour lui jeter un regard en biais toujours aussi curieux. A quel point Saúl s’était approché d’elle ? C’était qu’il était attiré par le danger comme une mouche par le fumier celui-là !

- Dites-moi, vous avez pas trop touché de gens avec c’te main-là ? C’est que, c’est pas votre petit gant délicat qui va les protéger de grand-chose…

Se penchant vers la main, il na renifla avant de se détourner avec une grimace un poil exagérée.

- Pouah ! Ça pue le pacte démoniaque ça ! On vous a jamais dit de lire les petites lignes avant de prendre un engagement ? Enfin, je dis ça…

Le Romanez ne sachant guère lire, il lui était difficile de juger. Mais se sentant sans doute un peu trop engoncé dans son rôle de moralisateur, il choisit de continuer sur un ton plus léger.

- Bon ben plus qu’une solution, vous couper la main !

S’esclaffant de rire le Romanez relâcha sa petite victime avant de se détourner pour s'approcher d'une étagère suspendue au plafond de la roulotte tout en jetant au sol ses gants de cuir qui réapparurent comme par miracle sur la table.

- Je plaisante, je plaisante… Mais dans cette situation, y’a pour l’instant qu’une seule chose à faire…

Attrapant par son anse un petit pot de terre, il versa son liquide écarlate dans deux verres d’apparence crasseuse. L’un des deux verres s’éleva dans les airs pour se poser devant Urielle, tandis qu’Aram aggripait l’autre pour se le vider dans le gosier. S'en suivit un long soupir de soulagement avant qu'il ne se tourne de nouveau vers la sorcière.

- Voilà, ça va mieux… Alors redbreast, dites-moi… Y’a pas quelqu’un que vous détestez particulièrement sur cette terre par hasard ?

02.02.24

Curieux personnage que ce fameux cousin. Urielle eut un petit sourire intrigué, se demandant à ce qu'il y avait derrière ce regard plein de malice. Elle ne protesta en rien, et lui ne tarda pas à la saisir par le poignet. Elle nota sans rien dire qu'il prenait un certain nombre de précaution, signe qu'il était peut-être rôdé à ce genre d'exercice.

« Du beau boulot ? », répéta-t-elle, incrédule. Elle continuait de suivre avec force attention ses moindres faits et gestes, curieuse de l'homme autant que de ce qu'il allait ressortir de tout ça, « Je ne suis pas aussi inconsciente que j'en ai l'air. », répondit la rousse alors que le gitan commençait à s'inquiéter de ce qu'elle avait pu toucher avec sa marque bizarre. Elle attrapa sa mitaine entre l'index et le majeur, la secoua d'un coup sec pour la retourner. Sur l'envers du cuir, un sceau magique se dessinait. Une précaution qu'elle avait prise à défaut de savoir vraiment de quoi il retournait.

A sa grande surprise, il se mit à lui sentir la main. Urielle eut une moue étonnée mais amusée.

« Si seulement... ce coup-ci y a pas eu de petites lignes. Il a suffi que la paume de ma main touche celle du type qui me l'a filé. Dire que j'ai fait la bêtise de tendre la main pour le rattraper. », réflexe naturel du Dessus. Quelques mois plus tard, le Marché aux Trolls lui avait inculqué quelques leçons et elle n'était pas prête de tendre la main à qui que ce soit.

Son visage s'illumina comme il avançait une solution mais à son visage effaré, il était clair que la perspective de perdre sa main complètement ne l'emballait guère. Il éclata de rire, levant le doute presque aussitôt avant d'avancer une autre solution. Un peu sur la réserve, l'auror plissa le front pas très emballée à la vue du verre dégueulasse dans lequel il se proposait de lui servir sa mixture.

Allez Urielle, c'est pour la bonne cause..., se dit-elle pour se convaincre d'y aller. Elle attendit tout de même qu'il descende le contenu de son propre verre tout en se demandant pourquoi lui aussi buvait de sa mixture. A quel moment cela pouvait-il intervenir dans le traitement ? Bizarre tout de même. A demi convaincue, elle finit par l'imiter, s'attendant à trouver un de ces trucs écœurants dont raffolaient les habitants du Marché aux Trolls. Contre toute attente, le breuvage n'était pas mauvais, au contraire.

« Quoi ??? mais et le verre c'était pour quoi ? », s'étouffa-t-elle tandis qu'il lui proposait littéralement d'utiliser cette maudite tâche pour se venger de quelqu'un. En temps normal, elle se serait sans doute défendue de ce genre d'idées en rappelant qu'elle était auror mais, sur le Marché aux Trolls, même avec le "cousin" de Saul, on ne l'y prendrait pas, « Non personne... enfin si ! », se ravisa-t-elle, plus mesquine. On ne savait jamais, elle pourrait peut-être refiler sa merde au prochain Vert Galant qui chercherait à l'étrangler au détour d'un coupe gorge « Vous avez l'air de vous y connaître. C'est quoi au juste cette marque ? Qu'est-ce que ça fait ? Je veux dire, en dehors de me ramener ici sans me demander mon avis... », demanda-t-elle en se disant déjà qu'elle allait le regretter.

La sorcière parut piquée par ses insinuations. Elle n’était tout-de-même pas percée du chaudron et entendait bien le lui prouver. La rouquine attrapa son gant et le retourna d’un geste sec pour lui mettre l’envers sous le nez. Haussant les sourcils, Aram se saisit de l’accessoire afin de l’examiner.

- Une rune de protection, hein… Ingénieux cea roșie*.… On pourrait l’améliorer mais ça fait déjà bien l’affaire…

La Grimm ne se laissait pas démonter, Aram appréciait ça et le lui prouva par un sourire en coin qui traversa sa figure de vaurien. Il l’écoutait lui expliquer ses aventures avant de la voir vider son verre avec un plaisir toujours plus vif. Cependant, l’agente semblait s’être méprise sur son contenu.

- Ah ça, s’exclama le sorcier en désignant le contenu de la bouteille avec lequel il se remplit un nouveau verre. C’est de la liqueur de baies de Sanguinae ! C’est bon, non ? C’est moi qui l’ai préparé. Je les ai fait infuser avec des pétales de Roseraie de feu pour changer... Ce qui est important, c’est de bien laisser maturer pour que la saveur murisse parfaitement ! Là, c’est encore un peu jeune à mon goût, j’sais pas c’que vous en pensez…

Cependant, la sorcière semblait plus intéressée par la marque qui s’étendait sur sa paume plutôt que par sa liqueur. Aram eut une moue déçue en l’écoutant avant de hausser les épaules en sirotant son verre d’un air détaché.

- Boh… A première vue, ça m’a tout l’air d’un Sceau de l’Ombre Perpétuelle… Une ancienne malédiction transmise par contact direct… Cette marque risque de siphonner progressivement votre énergie magique, jusqu’à drainer toute votre force vitale dans une douleur de plus en plus paralysante. La marque commencera peu à peu à exercer un contrôle sur vos pensées, vous rendant plus sujette aux influences négatives. Vous deviendrez irritable, paranoïaque, hostile même envers vos proches, et ce sans raison apparente. Celui qui vous a transmis cette marque est encore en vie ? Si oui, il pourra ressentir vos émotions et pensées, voire peut-être tenter de vous manipuler à distance. Si non, vous êtes tranquille de ce côté-là. Par contre, vers la fin, vous risquez de commencer à entendre des voix dans votre tête, qui vous pousseront à termes à commettre un acte désespéré pour mettre fin à vos souffrances… C’est généralement comme ça que ça se termine…

L’arménien vida son verre avant de le reposer avec un nouveau soupir.

- Bref, la routine habituelle quoi ! La seule manière de s’en débarrasser, c’est de le transmettre à quelqu’un d’autre par un contact direct. Certains évoquent la possibilité d’une purification par rituel mais, entre nous, j’y crois moyen… Si c’est vrai, cela sera beaucoup plus long, douloureux et sans certitude d’un résultat convaincant…

Le Romanez s'appuya contre son étagère, croisant les bras pour plonger ses pupilles sombres dans les siennes. Un nouveau rictus de voyou l’habillait, tandis qu’au contraire, sa position le débraillait, laissant voir un bout de ventre un peu sali par ses expériences du moment.

- Après, on peut y voir du positif aussi… Le fait que ça vous ait amené ici par exemple… On pourrait dire que c’est le destin, hein preciosa ?



* la rouge

02.02.24

Elle le regardait, incrédule. Le bougre se payait sa tête. Si elle n'osait croire à son air presque naïf, elle devait convenir que le rafraîchissement valait le détour. Avec un regard suspicieux, Urielle considéra le fond du verre.

« Ben... je suis pas assez connaisseuse en la matière. Il faudrait que je puisse comparer. »

Ce n'était probablement pas la réponse que le gitan attendait. En toute transparence, Urielle commençait sérieusement à se demander si Saul n'avait pas légèrement sur estimer l'aide précieuse que son cousin était à même de lui apporter. Non pas que le personnage ne lui était pas sympathique mais ... L'agent Grimm écouta pourtant attentivement ce qu'Aram avait à lui dire. A voir ses sourcils froncés, on pouvait quand même se douter de ce qu'elle pensait de tout ça.

« Vous êtes sûr de votre coup là ? Parce que ça fait des mois que je me traîne cette marque et je suis toujours au top de ma forme. Pas de voix dans ma tête où je ne sais quoi... »

S'il fallait, @Saúl Ochoa-Reyes s'était juste bien foutu de sa gueule. Remettant les choses en perspective, c'était bien possible. Il devait être en train de se marrer quelque part en pensant à la scène ou même mieux, il s'était planqué et regardait tout ça de loin en se pissant de rire.

« Mh... je suis pas du genre à refiler mes merdes aux autres. Mais bon avant de se lancer dans je ne sais quel rituel de torture, je préférerai qu'on soit sûr de notre coup. »

La rouquine jaugea un instant le type qui se tenait une étagère aussi clean que lui. Elle ne savait toujours pas quoi penser de lui. Est-ce qu'il se payait sa tête depuis le début ou bien pouvait-on garder une partie de ce qu'il lui avait dit ?

« Je vous plais en fait ... », souligna-t-elle avec un fin sourire de rusé.

C'était toujours bon pour l'égo au final.

La rouquine paraissait douter de ce qu’il lui disait, ce à quoi le Romanez se contenta de hausser les épaules avec un certain désintérêt. Après tout, qu’elle se laisse dévorer par sa marque si ça lui chantait, ça ferait toujours qu’un agent de moins de ce foutu Ministère sur terre… S’il était un tantinet vexé, le Romanez n’aurait pas pensé autrement.

L’idée du rituel ne parut pas plus plaire à la Grimm qu’à lui, mais sa dernière phrase ralluma suffisamment la lumière d’intérêt dans les prunelles de l’arménien pour faire réapparaître son sourire.

- Si vous me plaisez, répéta-t-il en se délectant de chaque syllabe tout en raccourcissant nonchalamment la distance qui le séparait d’elle. Je ne sais pas il faudrait que j’apprenne à vous connaître un peu mieux pour savoir…

Il rapprocha son visage du sien, comme pour mieux juger si ce petit rouge-gorge lui faisait effectivement de l’effet. Mais étrangement, il crut voir la sombre silhouette de @Saúl Ochoa-Reyes se détacher derrière elle et il recula prudemment en déglutissant.

- Je vois que vous éprouvez quelques réticences à transmettre votre malédiction, c’est tout à votre honneur, marmonna-t-il en retournant farfouiller dans ses étagères.

D’un petit pot en terre qu'il avait attrapé, il versa dans sa main quelques perles transparentes. Après avoir reposé prudemment son pot, il passa la main au-dessus de sa paume, reliant les perles unes à unes pour former un bracelet. Quand ce fut fait, il le lança brusquement à la rouquine, profitant ainsi pour tester ses réflexes avec un petit air narquois.

- Des larmes de sélénite, annonça-t-il en désignant du menton le bijou. Ce sont des pierres de pureté. Elles pourront absorber une partie du mal qui vous ronge jusqu’à leur dissolution. M’enfin, ça tiendra pas des plombes, ni ne fera de miracle…

S’avançant de nouveau vers elle, il se planta à quelques pieds en croisant les bras.

- Alors, vous me donnez quoi en échange ?

L’arménien préférait toujours demander un prix libre, avant de le revoir à la hausse si besoin. Dans le doute, des clients peu habitués à sa magie pouvaient donner le triple de la valeur de ses soins. Mais son œil rieur passant de nouveau sur la chevelure de feu de la sorcière, il finit par s’avancer de nouveau d’un pas en saisissant avec toujours autant de délicatesse son poignet.

- Vous savez… J’aurais bien un marché à vous proposer… Je pourrais la récupérer. Vous me la remettriez, avec mon consentement. Ce que j’en ferais après ne vous regarde pas… Cela vous libérerait de toute culpabilité. Sachez cependant qu’en aucun cas cette marque ne finirait sur une âme innocente.

Oui il pourrait ainsi faire d'une pierre de nombreux coups... Les élans de générosités du Rom ne sortaient jamais de nulle part... Il la relâcha pour planter son regard comme deux obsidiennes dans le sien.

- Cependant, ça ne serait pas gratuit. Et je ne parle pas d’or ni d’argent. Non, en échange, tout ce dont j’aurais besoin, c’est de quelques renseignements sans grand intérêt auxquels vous avez accès de par votre position au sein du Ministère… Trois fois rien vraiment… Loin de moi l'idée de vous mettre dans une position délicate...

02.02.24

Elle le regarda se rapprocher sans ciller. A la regarder de si prêt on aurait même pu se demander à quel jeu jouait Urielle Grimm. Ce petit début d'intérêt était-il réciproque ? Difficile à dire car il s'écarta brusquement et elle affichait toujours cette petite virgule de sourire, entre assurance et demi-provocation. Puis le moment semblait passé et tous deux reprirent comme si de rien.

Les réflexes bien aiguisés, Urielle saisit le bracelet au vol. C'était un joli artefact dont elle attendait de savoir ce qu'il pouvait bien faire pour elle. L'explication ne se fit guère attendre et bien sûr la jolie breloque n'allait pas être gratuite. En soi ça n'était pas un problème - encore qu'il restait à voir en quelle devise - mais la rouquine avait besoin de jauger cet Aram pour savoir à qui elle avait affaire. Evidemment, elle ne lui donnerait pas la réponse qu'il attendait :

« Qu'espérez vous en échange ? On doit bien pouvoir s'entendre... »

Il revint vers elle finalement, caressant du regard l'objet de la conversation tandis que dans son oeil malin, Urielle croyait voir se profiler mille fausses bonnes idées. Elle retira doucement son poignet de la main qui le convoitait juste au moment où Aram la libérait, laissant tomber un instant la façade.

« Ce serait tentant mais il faudrait que j'apprenne à vous connaître un peu mieux pour acheter une chose pareille... », paraphrasa-t-elle. Lui promettre de faire bon usage de ce sceau après ce qu'il venait de lui en dire, c'était vraiment la prendre pour une gourdasse de première. Et que dire de cette tentative même pas voilée de lui extorquer des informations ? Mais elle ne lui en voulait pas vraiment de l'avoir tenté. Pour autant, son allégeance allait encore au Ministère et il allait falloir la jouer beaucoup plus fine que cela pour lui extorquer quoi que ce soit.

La rouquine se dégagea avec une réponse en demi-teinte, utilisant ses propres mots contre lui en digne représentante du flegme anglais. Aram eut une moue de déception, et il se détourna avec un soupir bien théâtral. En temps habituel, il n’existait pas de pièces plus amusantes à regarder qu’un agent britannique au pied du mur et soumis à tentation. Cependant, le Romanez n’était pas homme à s’amuser de voir souffrir des proies, encore moins lorsqu’elles n’étaient pas les siennes…

- Gardez le bracelet ma jolie, lui lança-t-il de dos par-dessus son épaule. J’aime à penser que vous me serez redevable de cette babiole…

Il laissa son visage railleur lui faire face avec une hilarité non dissimulée.

- Ainsi vous pourrez penser à moi avec reconnaissance à chaque fois que vous poserez les yeux dessus.

Et un petit coup de main de l’intérieur du Ministère ne serait jamais de refus au cas où il se retrouvait en difficulté. La Grimm semblait la droiture incarnée – bien plus que son cousin @Ebenezer Grimm - mais en plantant quelques graines de discorde çà et là, il finirait peut-être par éventer sa loyauté.

- Il faudra faire appel à vos souvenirs pour vous rappeler ma générosité dérangeante, mon charme animal, l’éclat déstabilisant de mon sourire, il s’avançait de nouveau vers elle à pas de loup en avançant lentement la main vers les reflets cuivrés de sa chevelure de feu. Ses pupilles sombres brillèrent d’intérêt, mais il ne l’effleura pas, se contentant de faire pivoter sa main pour lui montrer une carte comme s’il l’avait fait apparaître de son oreille. Car je ne serai plus dans le coin prochainement…

La carte était une simple carte de tarot, mais elle semblait émettre une légère brillance par intermittence. Ironiquement, on y voyait un couple s’observer dans le blanc des yeux, sous les lettres dorées qui les caractérisaient « Les Amoureux ». Aram n’en était pas à sa première facétie…

- Le devoir m’appelle en-dehors de l’Angleterre, mais si la marque devient insupportable et que vous avez besoin de me contacter, voici ma carte !

La sorcière saurait-elle comment l'utiliser ? Il n’allait tout-de-même pas tout lui expliquer… L’Arménien se trouvait déjà bien serviable, même si son attitude tenait surtout au fait que c’était le prince @Saúl Ochoa-Reyes en personne qui lui avait envoyé le rouge-gorge. L’Arménien retourna se servir un verre avant de s’affaisser sur une chaise.

- Allez, je ne vous retiens pas… Envolez-vous petit oiseau sceptique…

D’un geste de la main, il lui fit comprendre que cet entretien était terminé. Ces britanniques se croyaient vraiment chez eux partout, pas moyen d’être tranquille chez soi…