Dans la nuit noire, nul n'échappe à mon regard (Jameson)

09.02
Les traits tirés et le visage un peu grave, j’apparaissais devant la Tête de Sanglier. A cette heure matinale, le bar était désert et j’avais choisi l’horaire exprès. Ôtant mon chapeau Havre-sac de ma tête, je l’époussetais un peu dans un geste nerveux, tout en plaçant le nouveau numéro de la Gazette du Sorcier sous mon bras. Sans rien dire, j’embrasais la salle vide, à l’exception du barman qui me dévisagea la mine sinistre.

« Comme d’hab. » dit-il simplement en me désignant une salle du pouce.

« Merci Marvin. »

Je posais les gallions sur la table, et je me saisis de la bouteille de whisky écossais et des deux verres qu’il m’avait fourni. Pas très bien lavé, mais cela ferait largement l’affaire. Attendant mon homme donc, je me dirigeais vers la petite salle, qui n’était en réalité que composé de deux tables et de quelques chaises branlantes. Une unique fenêtre donnait accès à l’extérieur. Un léger sourire, mélancolique et presque triste passa sur mon visage.
Nous étions venus ici bien que trop souvent.
Gardant mes petites habitudes, je posais les deux verres sur la table et je nous servais copieusement en attendant l’arrivée de Jameson. Déroulant ensuite la Gazette du Sorcier, et tendant mes jambes sur la table, je commençais ma lecture avec intérêt. Percer le vrai du faux dans ce genre de canard était toujours d’une difficulté extrême.
Après plusieurs longues minutes, sans savoir réellement le nombre qui s’était écoulé, j’entendis la porte s’ouvrir. Fermant la gazette, je jetais cette dernière sur la table et… je me levais vers Jameson pour lui faire la bise.

« T’as l’air d’avoir la même mine que moi. C’est bien, tu bosses. T’as l’air en forme ! » dis-je de manière sarcastique en lui tapotant l’épaule.

Avec un grand sourire, je désignais la chaise en face de moi ainsi que son verre avant de retourner à la mienne. Les yeux dans les yeux donc, je continuais.

« Si tu veux me voir, c’est pas bon signe. Personne de blessé de ton coté ? » dis-je cette fois-ci avec une réelle inquiétude en pensant à Fergus et Lucy.

Lucy avait toujours été ma chouchoutte. Mon étudiante préférée. D’ailleurs, je sortis de min chapeau, une cravate aux couleurs de Serdaigle.

« Tiens, tu rendras ça à Lucy. Je l’ai ramassé quand elle l’a jeté au sol le soir de son départ de Poudlard. C’est à elle. » dis-je la voix un peu cassée.

« Maeve va bien ? »

09.02 Cela faisait un moment que Jameson n'était pas venu au Pré-au-Lard. Depuis la disparition si soudaine de Nero, c'était devenu un endroit qu'il préférait éviter. Il savait que son état de tristesse ne durerait pas mais il avait besoin de faire une espèce de deuil, comme s'il venait de perdre un frère qui avait tant compté pour lui. Mais il n'était pas seul à en souffrir. @Iris Faux-Orpin avait beau gardé cette image si noble qu'elle arborait quotidiennement, la malienne ne pouvait réellement cacher sa douleur quant au départ du fils MacGregor comme si cette dernière en savait beaucoup plus sur les raisons de cette disparition qu'elle ne voulait bien le dire.

Préférant d'éviter des souffrances inutiles en cherchant le pourquoi de ce départ si soudain, Jameson préféra tourner la page. Il y avait des combats à mener et d'autres qu'il valait mieux laisser tomber pour éviter. Le Clearwater avait cette intime conviction qu'il ne reverrait plus jamais le MacGregor après avoir l'étrange regard qu'Iris, fidèle jusqu'au bout, lui opposa lorsqu'il lui demanda si elle savait où il était.

Mais la situation que traversait le monde sorcier britannique ne laissait plus de places aux états d'âme. Jameson l'avait très bien compris à la minute même où il eut vent de ce qu'il s'était passé au Magenmagot. Si le doute quant à la direction prise par le gouvernement était encore permis avant ce tragique évènement, aujourd'hui, ça ne l'était plus. Conscient de faire parti des méchants, Jameson comptait bien prouver qu'il serait toujours le même qu'il avait toujours été.

Foulant le pavé du Pré-au-Lard dans une longue cape hivernale d'un bleu délavé par les différents intempéries qu'il s'était pris sur la gueule au cours de ses diverses périples dans le Nord de l'Europe, Jameson avançait sans faire attention à ce qui se passait autour de lui.

Il lui fallait parler avec Korrigan. S'il y avait bien quelqu'un qui méritait de tout savoir sur l'instant, c'était bien le directeur de Poudlard. C'était aussi ce qui se rapprochait le plus d'un vieil ami désormais et il lui en devait une après sa violente dispute avec @Maeve Cynfeirdd. En effet, si Jameson avait quelques arguments pour pousser le directeur à accepter un de ces agents dans son école, il n'avait pas oublié l'état dans lequel celle qui partageait ses nuits depuis maintenant un an était rentré au domaine Cynfeirdd.

Poussant la porte de la Tête du Sanglier, l'ancien chef de la maison Gryffondor se dirigea directement vers la table où se trouvait Luke, comme s'il savait déjà où ce dernier se trouvait, laissant sous-entendre à quelques vieilles habitudes que les deux sorciers partageaient.

Un léger sourire orna sa figure alors qu'il défaisait quelques boutons de sa vieille cape pour prendre place en face du directeur de Poudlard.

« - Personne, non. Lucy est folle de rage. Elle est dans un tel état de frustration que je suis bien content de plus l'avoir dans les pattes, celle-là. » Fit Jameson, rigolant.

Il tendit machinalement la main vers l'écharpe aux couleurs de Serdaigle que sortait Luke de sa poche. Un fin sourire nostalgique prit finalement place alors qu'il refermait sa poigne sur le tissu.

« - Merci... »

Jameson s'assit en jetant un bref regard vers le barman. Il leva sa main en montrant uniquement son index et son majeur avant de reporter son attention sur Luke qui lui demandait des nouvelles de Maeve.

Un petit rire sans joie s'échappa de ses lèvres avant que son visage ne s'assombrisse.

« - Plutôt couillu de me demander ça. » Répondit d'abord Jameson en fixant Luke du regard sans en ajouter plus. Pas besoin de remettre le sujet de la dispute tout de suite sur la table bien que Jameson préféra tout de même lui faire comprendre ce qu'il en pensait.

« - C'est pour elle que je suis là. » Une vive étincelle jaillit dans son regard orageux. « Mais pas que. »

Le barman à la bouche édenté ne tarda pas à leur portée deux bières médiocres. Mais Jameson s'en fichait. Il lui fila trois mornilles, histoire de ne pas le voir revenir avant qu'il ne le rappelle. Jameson reporta son attention sur Luke.

« - Le ministère va te la mettre dans les pattes. C'est officiel, tu en as probablement déjà entendu parler. » Il se passa une main dans sa barbe grisonnante. « Après ce qui s'est passé avant-hier, j'vais avoir besoin de la surveiller un peu. »

On aurait dit un gamin qui préparait un mauvais coup avec son air espiègle.

« - Je ne peux pas le faire moi-même vu que tu m'as remplacé par celle avec qui tu couches. »

Il leva sa pinte avec un sourire mutin.

« - Tu comptes attendre combien de temps d'ailleurs pour nous la présenter ? »

Un petit rire l'agita.

« - Bref. On en parlera plus tard. Mon agent ne devrait pas tarder à se pointer. » Fit Jameson en plongeant ses lèvres dans sa bière.

Malgré une brève grimace, il reposa sa pinte et reprit :

« - Mais pour le moment, j'aimerais parler d'un autre truc. » À nouveau, cette étrange lueur métallique dans le regard. « - As-tu contacté les autres ? »

Par autres, il voulait dire l'ordre du Phénix.

Faisant tourner mon verre dans mes mains, sans rien dire, je regardais Jameson avec une certaine nostalgie. Autrefois, nous aurions été plusieurs, entouré d’amis et d’alliés, sur qui l’on pouvait compter. Des membres de son clan, du mien, et beaucoup d’autres encore. Aujourd’hui, ils n’étaient plus que des visages du passé, ayant laissé un vide derrière eux, pour ne laisser que nous deux.
Encore et toujours.
Un léger sourire en coin passa sur mon visage, honteux. Je détournais les yeux quand il me parla de Maeve. S’il y avait bien un sujet sur lequel je ne voulais pas m’épancher avec lui, c’était la dispute avec celle que je considérais comme ma sœur.

« Le Ministère va effectivement restreindre mes pouvoirs et mon influence. Ca en prend la forme, mais je ne compte pas me laisser abattre. »

Je lui fis un léger clin d’oeil derrière la bière mauvaise, qui n’était même pas froide. Faisant une grimace, j’éludais encore volontairement ce qu’il venait de me demander. Tenir à l’oeil Maeve. Mais pourquoi ? Il fallait dire qu’il piquait quand même ma curiosité.

« Si tu veux que j’accepte tes requêtes, il va falloir jouer carte sur table avec moi mon brave. Il va falloir que tu me dises pourquoi tu veux placer un de tes agents à Poudlard, et pourquoi est ce que tu veux que je surveille Maeve. Je le fais déjà, mais si tu m’en demandes plus, c’est que la situation est assez grave pour elle. »

Je me tournais vers lui, le regardant dans les yeux. Etait-il au courant pour la Banshee, et est ce que c’était la raison pour laquelle il voulait que je garde un œil sur elle ? Il y avait quelque chose qui ne me plaisaient pas dans ces requêtes, surtout celle concernant son agent. Quel était son objectif derrière tout ca ?

« Car déjà, la situation m’échappe et Poudlard n’est plus tellement mon domaine réservé. Cela sera difficile de me faire entendre mais... »

Je décalais mon verre, et dans un tique nerveux comme j’en avais souvent l’habitude, je fis bouger mes mains sous le nez de Jameson, pour finalement dire :

« On va dire que j’accepte. Uniquement parce que je te fais confiance et que j’espère que tu sais ce que tu fais. Sans poser de question. C’est l’avantage qu’on soit amis. »

J’insistais sur le mot, puis au final, dans une grimace je reportais mon verre à mes lèvres et je répondais rapidement :

« Oui. Ton gallion n’a pas brûlé il y a deux jours ? »

Il y avait.. de la rancoeur. Parce qu’il n’était pas venu. J’avais appris par la suite qu’il n’était pas disponible, mais en intervention. Même si je savais que Jameson avait des obligations, ne pas l’avoir vu présent ce soir là m’avait contrarié. Aussi, je ne m’en cachais pas.

« Scott, Cillian et Hérope m’ont aidé à sauver Aphrodite Longerbane. Je l’ai placé en lieu sûr, et j’ai fais taire la famille Carnage à jamais. »

Je posais mon verre, d’une main tremblante et un peu brusquement sur la table. Ca recommençait. Tout recommençait encore et encore, comme la dernière fois.

« Pourquoi cette question ? » demandais-je alors sans ménagement.

09.02 Un sourire amusé effleura les lèvres du Clearwater lorsque le Korrigan lui demandait de jouer cartes sur table avec lui. S'il y avait bien quelque chose qu'il avait appris à aimer avec sa nouvelle profession au sein du ministère, c'était ce jeu de mystères. Un jeu auquel il lui était désormais vital de jouer, aussi bien pour l'intérêt de la nation comme de ses propres intérêts. Le tout coïncidait divinement bien comme si ce poste était fait pour lui. Jamais il n'aurait imaginé prendre autant de plaisir quoiqu'il puisse souvent se montrer critique sur l'ensemble de la structure à la tête du pouvoir sorcier. Pour autant, Jameson se devait de jouer double-jeu afin de poser son propre jeu. Etrangement, cela lui permettait ainsi de toujours lui laissait le temps d'avoir un coup d'avance.

Au mot ami, Jameson lui fit un clin d'œil avant de lever sa pinte pour tremper ses lèvres dans cette bière désastreuse. Si le liquide ambré (ou s'y rapprochant) était de bien piètre qualité, il n'en était rien de son geste qui signifiait beaucoup.

« - Il a bien chauffé, oui. Mais comme tu dois le deviner, j'avais à gérer cinq attentats un peu partout dans le pays. » Répondit Jameson, sans détour, en posant sa bière sur le comptoir.

C'était quelque chose qu'il n'avait plus vu depuis la dernière guerre, époque où il n'était qu'un jeune sorcier plein de rêves dans une organisation qui le façonnerait à tout jamais.

« - Ayodele, aussi. Mais... Il s'est passé pas mal de choses. »

Jameson sembla se détendre tout à coup lorsque Luke lui avoua avoir retrouvé Aphrodite afin de la mettre en sécurité.

« - Bon. C'est une bonne chose. »

Il ne put s'empêcher de souffler du nez, soulagé.

« - Je ne veux pas savoir où elle est. » Ajouta Jameson, avant de poser son regard dans la pinte.

Depuis qu'il avait été béni par les fées, le Clearwater se sentait étrangement connecté à ces derniers. C'était une sensation qu'il ne pouvait expliquer et qu'il conservait jalousement dans le secret de son cœur. L'idée de leur faire du mal lui briser le coeur. Aussi, il était compliqué pour lui de ne pas s'y mêler personnellement pour ne pas attirer le regard de ses supérieurs sur ce qui semblait être la dernière héritière des Longerbane.

Cette pensée lui serra le cœur.

« - Je veux surveiller Maeve pour plusieurs raisons. D'abord, le ministère la mandate personnellement pour venir enseigner aux élèves comment chasser les êtres féériques. Sachant cela, il faut que tu saches que ta belle-sœur (@Aethelia G. Sanderson) l'a sauvé du conseil féerique du Tir NA NOg. J'imagine donc qu'elle lui ait redevable. »

Les liens que tissaient les êtres féeriques étaient toujours plus profonds que ce qu'ils n'y paraissaient. Pire encore, et ça, Jameson le savait d'expérience, lorsqu'il y avait une dette de sang, les choses pouvaient très vite prendre des proportions démesurés.

« - Sans compter le fait que ta nièce soit devenue l'acolyte de McLachlan... »

Jameson secoua la tête, dépité.

« - Enfin bref. Si je te demandais si tu les avais contacté, c'était peut-être pour réfléchir à le dépoussiérer un peu histoire qu'on soit prêt, cette fois. Les choses sont en train de dégénérés vitesse grand V et j'ai pas forcément envie que mes petits vivent que j'ai vécu si tu vois ce que je veux dire. »

Fergus et Lucy avaient beau être majeur et vacciné en plus d'avoir fini leurs études depuis quelques années maintenant, aux yeux du Clearwater, ça serait toujours ces petits gosses qu'il se devait de préserver du mal que pouvait causer les ténèbres lorsqu'elles étaient déchaînées.

Sans bouger d’un pouce, j’écoutais Jameson. Silencieux, les bras croisés devant ce qui me restait de pinte, je le regardais et je l’écoutais. Plusieurs fois, mes sourcils se levèrent, mais je gardais un silence infini. Il m’apportait l’ensemble des pièces du puzzle manquantes. Aethelia, ce qui s’était passé là bas le jour où Maeve avait disparu. Et cerise sur le gâteau, ce que Freya avait fait. Un long silence s’installa, pendant lequel ma gorge se serra et où je multipliais les tiques de visage, comme si je n’allais bien.
D’ailleurs, je n’allais pas bien.
Souffler, vider son esprit, respirer.
J’attrapais mon verre, je le levais vers mes lèvres et je le buvais à l’irlandaise, c’était dire d’une traite. Levant ma main, le barman le remplit aussitôt par magie de là où il était, sans interrompre la conversation.

« Tu ne sauras pas où elle se trouve, sauf s’il m’arrive quelque chose. Ca sera à toi de prendre le relai. » dis-je simplement la voix brisée.

Je regardais mon verre, et je fis tournoyer le liquide ambré sans un mot. Finalement, un léger sourire se décocha sur mon visage. Triste à souhait, mes épaules s’abattirent.

« J’étais déjà au courant pour Maeve, mais pas dans les détails. Je comprends mieux certaines choses, et certaines craintes de sa part. Quand à Freya... »

Là, je détournais le regard. Parce que la boule dans ma gorge était montée au niveau de mes yeux, mais j’avais beaucoup trop pleurer dans ma vie pour faire ce plaisir là à Jameson. Mon égo envers lui était encore au dessus de ma tristesse, mais c’est avec une voix brisée que je répondis :

« Si sa mère est au courant, alors elle fera les bons choix pour elle. Et je ne doute pas que Freya aussi, trouvera la lumière au milieu de toute cette obscurité. Elle n’est plus seule désormais, et c’est tout ce qui compte. »

Je portais encore ma bière à mes lèvres, et un nouveau silence s’installa. Mes épaules s’affaissèrent à nouveau et je repoussais la pinte, comme si elle me dégoutait. Car l’envie d’en prendre une autre et encore une autre me brûlaient les doigts, jusqu’à ce que mon esprit de Chercheur en Métamorphose cesse de tourner en accélérer. Car, maintenant que le puzzle était entier, toutes les possibilités et les plans d’actions s’ouvraient à moi mais…

« J’arrête les frais. » dis-je simplement.

Je relevais les yeux vers lui, plus peiné que jamais. La dernière fois qu’il avait du voir autant de tristesse dans mes yeux, c’était certainement à l’enterrement de Liam O’Connor, et des autres.

« Je n’ai plus d’emprise sur rien, et quoi que je fasse, rien ne fonctionne. J’ai échoué avec Eochaid, j’ai échoué avec Siobhàn, je ne vais pas tarder à le faire avec Finn. Maeve estime que c’est à elle seule de gérer tout ça, la confiance n’est plus là… Et Freya. Freya m’a tourné le dos. »

Mon regard se détourna, et se mit à fixer le mur du fond sans le voir. Je n’avais qu’une envie, c’était rentrer à Poudlard, reprendre mes recherches en Métamorphose et tout oublier, autour d’une bonne bouteille.

« Je vais rentrer. » dis-je en me levant

Je fis un geste de la main, comme pour désigner la table et tout ce qu’il y avait dessus. Comme si c’était les verres et le reste les responsables de tout ça. D’ailleurs, dans mon excès de colère envers les objets, je balançais mon gallion de l’Ordre du Phénix sur la table.

« Si je ne suis pas capable de protéger ma famille, alors ça ne sert à rien d’essayer de protéger la Grande Bretagne. »

09.02 Jouer cartes sur table n'était peut-être pas la meilleure chose à faire, reconsidéra Jameson en observant la réaction de Luke qui se tendait à vue d'œil avant de finalement s'avouer vaincu, prêt à décamper avant même qu'ils n'aient eut le temps de finir cette pisse insipide qu'on leur avait servi en guise de bière. Jameson souffla du nez. Pour la première fois de sa vie, il sentit qu'il devait se montrer gentil et compréhensif avec le Korrigan. Mais ce qu'il y avait de plus étrange, peut-être, ou plutôt d'inédit, c'était que Jameson en avait envie.

Si le Clearwater avait toujours aimé saccager Luke pour le simple plaisir de le mettre en boule, Jameson ne pouvait s'empêcher de se sentir très proche de ce qui devait être son seul et véritable meilleur ami. Peut-être parce qu'ils vivaient tous les deux des situations complexes, aujourd'hui, Jameson s'en rendait compte. Le cœur de l'Ecossais faisait l'écho de celui du Korrigan et avant que ce dernier n'ait le temps de quitter la taverne, Jameson rattrapa la pièce de l'ordre du Phénix que le directeur de Poudlard balançait sur la table, l'air abattu.

« - Luke. » Fit Jameson, le ton quoiqu'un peu dur, histoire d'être sûr de capter toute son attention. « C'est une très bonne chose ce qui se passe. Tu sais pourquoi ? » Demanda le vieil écossais, en se levant à son tour, pour l'accompagner dehors. « C'est que tu te rends enfin compte que tu ne peux pas avoir de prises sur tout et n'importe quoi... Mais surtout que tu n'as aucun contrôle sur le choix de vie des autres. »

Jameson l'avait bien appris à ses dépends. Le visage de Braxton effleura rapidement ses pensées avant qu'il ne le chasse d'une secousse de la tête. Il invita Luke à le suivre au dehors. L'air bien frais des Highlands lui ferait le plus grand bien. Puis ça sentait un petit peu trop la transpiration et le rance dans cette taverne que Jameson ferait bien pêter s'il n'en avait pas tant besoin pour écouter certaines rumeurs qui couraient au nez et à la barbe du Ministère de la magie.

« - Ça a toujours été ton plus gros problème. Tu as un bon coeur et tu cherches à façonner le monde comme tu penses qu'il doit être. Sauf que... » Il eut un sourire las. « Sauf que c'est impossible. C'est un gros problème et en même temps... » Il lui fourra son coude dans les côtes avec un air moqueur.
« - La connerie des autres nous permet de briller et de ne rater aucune belle bataille. »

Il s'esclaffa de sa connerie. Il restait un Gryffondor après tout. Jameson avait toujours aimé se battre. S'il n'était pas devenu Auror, c'était uniquement pour son amour pour l'Histoire. Enfin, plus sobrement, alors que son visage s'assombrissait quelque peu, Jameson reprit :

« - Fais confiance à Maeve... Et moi. J'ai mandaté quelques agents sur le Floi. Des gens de confiance. Je compte bien me le faire cette liche de merde. Si tu veux en être, faut que tu me fasses confiance. »

Jameson se mit alors face à Luke, prenant ses épaules avec ses deux pattes d'ours.

« - Continue de veiller sur Freya comme tu le fais. Mais laisse-là faire ses choix. Elle a besoin de... Elle a besoin de faire quelque chose. On a tous eut cette phase. Et... Nous... On est toujours dedans. » Ajouta Jameson avec un air amusé.

De là, il saisit l'une des mains de Luke dans laquelle il fourra le gallion de l'ordre du Phénix que ce dernier avait jeté sur la table précédemment. Gardant sa main sur celle de Luke, Jameson ne put s'empêcher de lui sourire, avec son éternel air espiègle sur la gueule.

« - Luke Korrigan, veux-tu rejoindre l'Ordre du Phénix avec moi ? » Demanda Jameson, l'air pompeux avant d'éclater de rire. « Je te lâche, maintenant, ça fait un peu pédé. » Rajouta le Clearwater qui sortait le grand jeu pour apaiser les tourments du Korrigan.

J’enfilais mon manteau, je mis mon chapeau et je sortis. Tout en écoutant Jameson, bien évidemment… Je l’aimais beaucoup trop pour le laisser planter là. Une fois dehors, les mains dans les poches de mon grand manteau et mon chapeau presque sur les yeux, je bougeais dans tous les sens. Regardant les lumières des commerces encore ouverts, ainsi que les réverbères qui diffusaient une lumière étrange ce soir. Ce qu’il venait de me dire m’avait complètement vidé, et ne m’avait donné qu’une envie, c’était abandonné. Parce qu’au final, j’avais l’impression de tous les avoir précipiter dans leurs destinées plutôt que de les avoir sauver.

« Ouais. P’t’être bien. »

Je mis mon nez sous mon manteau. Et les mains plus profondément dans mes poches. Je n’avais plus tellement envie de parler. J’étais déjà en train de me demander comme Freya allait s’en sortir. Mais, le fait que sa mère soit au courant me réchauffait grandement le coeur et… m’inquiétait en même temps. J’avais vu le visage de la Banshee qu’elle allait devenir.

« J’aurais du tuer Eochaid. » dis-je brusquement en ignorant tout ce qu’il avait pu dire avant.
Ca me trottait trop à l’esprit pour que je n’explose pas, et que je ne me confie pas à Jameson.

« Cette malédiction ruinera notre famille. Et j’espère que tu plaisantes quand tu dis que c’est qu’une phase. McLachlan a pris mon frère. Il essaye de prendre ma filleule. Il a presque pris Maeve. »

Je passais un peu la tête hors de mon chapeau et de mon manteau. Toujours boudeur mais cette fois-ci revêche. Mes yeux n’exprimait que la colère et la destruction, chose rarissime, sauf pour Jameson qui l’avait vu un nombre incalculable de fois quand nous avions combattu côte à côte.

« Je vais l’effacer de l’histoire, et lui faire connaître un sort qui lui fera regretter tout ça. Crois moi, il trouvera la mort douce à côté. Oh, et t’inquiète pas. »

Je lui tapais dans le dos, avec un sourire un peu naïf et benet.

« T’es invité aussi à la fête. »

Puis, il prit ma main et il mit le gallion dans cette dernière. Je me déridais tout de suite. Détournant le regard, je ne pus m’empêcher de rire. Et cela me fit du bien. Je passais par toutes les émotions ce soir avec Jameson. Je pris le gallion, et pas revanchard je lui adressais un regard de profonde gratitude.

« Bien sûr que j’accepte. Depuis le temps que j’attends ça. » dis-je les yeux brillant.

« Et à partir de maintenant, toi et moi c’est à la vie à la mort. »

Je lui embrassais la joue, d’un geste vif et rapide pour qu’il n’ait pas le temps de réagir. Je venais soudain de reprendre des forces. J’allais mieux. Comme si Jameson c’était mis à rugir et que son rugissement m’avait donné un courage infini. Mes yeux repartirent, et ne regardèrent plus les lumières de manière vide comme tout à l’heure. Non, ils bougeaient au rythme de mes pensées et de mes idées. Ca revenait, c’était revenu.

« On va commencer par s’occuper de Freya avec Maeve. Tu vas t’en charger, parce que si jamais elle l’apprend que je suis au courant, elle aura honte toute sa vie. Je vais contacter les enfants, et leur expliquer la situation, ce sont de grandes personne désormais et je suis certains que ce seront de bons éléments. »

Je regardais mon gallion… Je le faisais tournoyer dans mes mains. Pourquoi pas maintenant d’ailleurs ? Cette pensée me traversa l’esprit.

« Il faut qu’on réfléchisse à un plan d’action. Je m’occupe de Poudlard, tu t’occupes du Ministère. On doit trouver de nouvelles recrus et en parler aux autres. »

Je regardais alors les étoiles, et je me tournais vers lui :

« Et que fait ton contact ? Le mariage va être consommé qu’il sera toujours pas là ! »

09.02 Compliqué, tout était compliqué. Pourquoi @Noma Karma s'était rendu sur ce putain de village lorsque des ordres clairs lui avaient été donné pour aller se reposer ? C'était ce que le boss lui avait dit non ? @Fergus Clearwater le lui avait bien confirmé et ça, ça passait difficilement. En travers de la gorge ? Ouais. Oui, c'était ça. Saúl n'arrivait pas à le digérer. C'était impensable. C'était... Pourquoi ?

Glenn s'était barré sans même lui dire un mot. Quel drôle d'amitié, hein ? Mais Noma... Le Karma était un bon pote. Peut-être le meilleur depuis... Il avait une façon de faire qui matchait parfaitement bien avec la sienne. C'était comme avoir trouvé son âme sœur dans le milieu du travail. Quelque chose de fort... Non ?

Il devait protéger sa sœur. Il le lui avait juré. Et comme Glenn, il lui faisait faux-bond. Ça le rendait dingue.

Et pour ne rien arranger de tout ça, Talia ne lui simplifiait pas les choses. Rester cacher ? C'était impensable pour elle. C'était une femme forte, une femme dure, une femme qui... Saúl avait beau le savoir, c'était dur à accepter maintenant qu'ils avaient une folle furieuse sur le dos. @Aethelia G. Sanderson voulait sa peau. Il y avait fort à parier qu'elle tenterait de l'atteindre par sa sœur et sa mère. Elle le lui avait dit à demi-mots lors de cet entrevue où tout s'était chamboulé plus qu'il ne le fallait déjà.

Saúl sursauta lorsqu'il entendit sa montre sonnait dans un coin de sa large veste. Il s'était endormi à côté de sa sœur qui mangeait un plat de tapas ou quelque chose s'y rapprochant en écoutant la radio à transmission magique. Il lui jeta un regard avant de finalement lui embrasser le front. C'était la prunelle de ses yeux. Sa beauté. Sa princesse. Elle était son tout et elle se jouait de lui. Fichue latina.

L'Hispanique lui promit de revenir dès que possible. Il lui fallait vérifier les quelques enchantements déjà apposées, mais surtout, il en avait d'autres à jeter sur l'appartement de Talia. S'il ne pouvait la contraindre à se cacher, il pouvait au moins lui assurer un endroit où se cacher. Il lui fallait juste trouver quelqu'un pour jeter un sortilège de Fidelitas.

Mais qui ?

Glenn l'avait trahi et... Et Noma était mort.

Fermant la porte derrière lui, le stress en boule au fond de son ventre, Saúl était en retard. Il avait rendez-vous avec son boss et le père de Siobhán. Quelque chose était en train de se jouer et il devait en être.

Saúl voulait être quelqu'un de bien.


(...)

Jameson eut un sourire amusé lorsque Luke lui parla de recrues.

« - Effectivement. Il va falloir la jouer fine et voir comment les choses avancent. Dans un premier temps, on devrait surtout contacter les anciens et voir ce qu'ils ont encore dans le ventre. Après, on pose le truc et ensuite, on se charge du recrutement. »

Le Clearwater observa la pièce en or dans la main du Korrigan. Ce petit gallion représentait beaucoup de choses pour l'Ecossais. Autant de bonheurs que de malheurs... Mais Jameson en tirait une sacré fierté. C'était à cet instant précis où l'agent Ochoa-Reyes apparut dans son champs de vision, au moment même où le directeur de Poudlard s'impatientait.

« - Il est là. » Répondit Jameson, en tendant la main vers Saúl comme un daron qui présente son fils. « Je fais pas les présentations, j'imagine ? » Ajouta-t-il, un sourire amusé sur le coin des lèvres.

Saúl ne put s'empêcher de sourire à son tour, tendant la main vers Luke.

« - Content de vous revoir, monsieur. »

Au moins... Lui, il n'était pas mort. Pas encore du moins.

Réajustant mon chapeau sur ma tête, je fis quelques gestes nerveux. L’une des dernières fois où j’avais aperçu l’hispanique, ma fille était suspendue à ses lèvres. Est-ce que James était au courant ? Car sa petite remarque était pleine de sous-entendue et elle ne me plaisait pas du tout. J’avais bien envie de lui balancer tous les garçons qui avaient partager le dortoir de Lucy pendant sa scolarité mais c’était une balle perdue, gratuite et déloyale. Et on en était plus là aujourd’hui.

« Ah ! Oui, effectivement. La dernière fois que j’ai vu Monsieur Ochoa, il était suspendu aux lèvres de ma fille. Ca va mieux du coup ? » dis-je mi figue mi raisin.

Je regardais Jameson, prêt à lui envoyer une bastos à la moindre réflexion. Mes yeux repassèrent ensuite sur Ochoa. Faisant tourner mon propre gallion, je me mis à sourire en coin en voyant que l’offre avait bel et bien été accepté. Les regardant tour à tour, je me permis de dire d’un air un peu coquin :

« Donc c’est avec ce Monsieur qu’on sauve la Grande Bretagne magique. Il va falloir qu’il fasse un résumé. Car si je mets bout à bout sa fonction, et les éléments que je sais déjà, je déduis que ce ptit bonhomme en sait plus qu’il ne le faudrait pour un seul homme. C’est bien. »

Je le regardais et je voyais qu’il était inquiet. Franchement, avec nous deux je ne savais pas ce qu’il pouvait risquer. Il fallait être soit con, soit s’appeler Cynfeirdd pour oser s’en prendre à Jameson et moi en pleine ruelle. Je regardais l’ancien Auror d’un regard d’aigle, le passant en revu de mon regard.

« Ca n’a pas l’air d’aller au mieux. Faites vite, et on ira vous trouver un remontant. Je n’aime pas savoir les gens bien dans un tel état de tristesse. Si c’est Siobhan qui vous a brisé le coeur, sachez que je n’y suis pour rien. Je l’ai pas élevé comme ça. D’ailleurs... »

Je plissais les yeux et je le regardais droit dans les siens.

« J’espère qu’elle ne vous a pas suivi dans vos quêtes. C’est tout à fait le genre de chose qu’elle aimerait faire sans en avoir l’autorisation. »

Je me tournais vers Jameson, les mains sur les hanches.

« C’est dingue ça. Pourquoi on a des gamines qui font tout le contraire de ce qu’on aimerait qu’elles fassent ? Sans déconner. »

09.02 Saúl devint rouge. Une telle bouffée de chaleur le prit que l'on aurait pu faire cuir des oeufs sur ses joues. Jameson posa son regard sur l'Hispanique en levant un sourcil interrogateur avant de finalement secouer la tête d'un air las tandis que Saúl tentait de s'expliquer comme il le pouvait en bredouillant quelques phrases dont les seules choses compréhensibles furent :

« - C'est pas ce que vous croyez ! Elle et moi, c'est... Non, mais c'était pas vraiment ça... Et... On n'en a pas vraiment discuté, mais vous... Laissez tomber. »

Jameson leva les yeux au ciel. Saúl, quant à lui, ne savait plus où se mettre. C'était une situation pour le moins étrange dans laquelle Luke venait de le mettre devant son patron. Si Saúl ne s'était guère caché sur l'étendu de sa relation envers Siobhán, jamais il ne lui avait dit qu'il aurait pu se passer plus que ce que le Korrigan insinuait. Saúl se gratta l'arrière crâne tandis que Jameson se demandait réellement bien ce qu'il pouvait en être.

Mais d'après Ochoa, c'était plus profond, plus complexe que ce qu'ils croyaient. Leur lien venait avant tout de leur sang et dans un monde qui ne voulait pas d'eux, Jameson pouvait bien comprendre ce sentiment de protection que l'aîné avait envers Siobhán. D'ailleurs, Jameson, lui-même, n'avait appris pour Ether qu'il y a quelques mois, ou peut-être un ou deux ans de manière plus officielle. S'il avait pu s'en douter plus jeune, le Clearwater ne s'était jamais montré indélicat envers quiconque pouvait être différent.

Il n'y avait que Malhorne pour qui Jameson avait eut quelques pensées racistes. Mais le Loup-Garou le méritait amplement. Après tout, ce fils de chien avait finit de briser l'état mental de son frère tout en ayant manqué de tuer une bonne partie de sa famille.

« - En faites, c'est... » Commença Saúl, en jetant un bref regard vers Jameson qui le coupa finalement pour répondre à sa place.
« - Ta belle-soeur. Elle veut le tuer lui et sa famille parce qu'il s'est opposé à elle lorsque Sanderson a tenté d'approcher ta fille. »

Saúl l'observa quelques instants comme un poisson que l'on venait sortir de l'eau avant de finalement acquiescer d'un signe de tête, appréciant le ton direct de son supérieur. C'était ce genre de bonhomme qu'il fallait au Ministère de la magie. Saúl n'aimait que la franchise. Les salamalecs et les formules de bienséances n'étaient bonnes que pour les suceurs incapables de faire quoique ce soit pour mener une politique digne et égalitaire.

« - J'ai tenté de l'en convaincre, mais... »

Jameson leva un sourcil, avant de couper de nouveau son agent. Il valait mieux éviter que ce dernier ne réveille quelques démons chez le Korrigan. Luke était difficile à gérer dans ces moments-là et le Clearwater avait encore fort à faire. Comme aller gueuler sur @Maeve Cynfeirdd par exemple.

« - Parce qu'elles ont hérité de notre tempérament, Luke. Et au vu de la situation, je pense qu'il va falloir les laisser gérer au mieux en les épaulant sinon elles vont faire des conneries. »

Saúl n'osa pas acquiescer mais l'idée de rejoindre l'ordre du Phénix en compagnie de Siobhán était encore bien présente dans son esprit. D'ailleurs, il fit des efforts incommensurables pour ne pas leur demander sur l'instant. Après tout, il était devant deux des sorciers les plus suspectés d'avoir fait parti de cette ordre... Luke le lui avait déjà confirmé. Quant à Jameson... C'était comme si c'était écrit dans son patrimoine génétique.

« - Lucy va très certainement faire des conneries comme saboter les stations de radios ou brûler la Gazette du Sorcier si je l'empêche de prendre part... »

Sur son visage, il y avait un mélange de lassitude et de fierté. Saúl, qui connaissait la sorcière pour l'avoir eu en stage il y a deux ans, ne put s'empêcher de rire sous cape.