Priorité à celui qui monte. (Maeve)

« Mais où est passé Korrigan ! » entendais-je derrière ma tapisserie.

« Mais… Neil, il était là il y a quelques instants. Je venais justement de le quitter pour discuter de la sécurité avec lui quand... »

« Il recommence ! Il est insupportable ! » beugla la Conseillère d’Administration. « S’il continue il va finir par... »

Mais, mon fidèle John Veredrim prit alors ma défense.

« Il va finir par quoi ? Neil… Franchement. Poudlard a besoin de stabilité, et il est fort occupé avec les récents évènements. Etait-ce si important que cela ? »

On entendit un bruit sourd. Comme si on avait frapper au sol de rage. Puis un grognement.

« Non. Mais demain, j’exigerai une audience et il ne pourra pas se défiler. J’irai à la Grande Salle au moment du petit déjeuner. »

On entendit alors des bruits de pas furieux. Puis, du coin de l’oeil je vis que John lui aussi commença à s’en aller. Mais avant, il était resté à regarder le vide, cherchant certainement par quel moyen j’avais pu disparaître aussi rapidement.
Dans un soupire, je poussais la porte dissimulait derrière la tapisserie, et je la passais avec la plus grande discrétion possible. A partir de là, un escalier remontait, en colimaçon pour aller vers la Tour d’Astronomie. J’avais découvert ce passage il y a longtemps, qui permettait d’accéder aux Tours du château plus rapidement que par l’artère principale. Certainement les vestiges de quand Poudlard était encore une forteresse…
Soudain, alors que je commençais à arriver certainement au 5ème étage, au niveau de l’aile Est pour rejoindre la Tour en question, des bruits de pas se firent entendre plus haut. Et s’arrêtèrent. Je n’avais qu’à tourner d’une rotation, pour savoir qui était la personne qui connaissait un des passages secrets de l’école… Si c’était un étudiant…

« Si un étudiant se cache dans le prochain virage, il faut qu’il sache que Monsieur le Directeur le punira de chou à la crème pour le prochain repas français qui aura lieu le premier vendredi de Mars ! »

Et, sans prévenir, et à peine avais-je fini ma phrase, que je terminais de gravir les marches en courant pour manquer de percuter… ma belle sœur. Dans mon élan et ma surprise de tomber face à elle, j’avais glissé sur le côté et je m’étais vautré à ses pieds, mon bras blessé en guise de protection sur mon flanc. Je me mis alors à gémir comme un animal blessé.

« ...puni… de chou… à la crème… Professeur… Cynfeirdd... »

Son accession au poste de Pr de Défense Contre les Forces du Mal était loin de s'être passée comme prévu. D'abord parce que si les choses s'étaient passées comme prévues, elle s'en serait tenue à la lettre de Luke qu'elle avait soigneusement confié à son tiroir à oubliettes avec ses refus les plus catégoriques. Mais le Ministère l'avait parachutée là, sous-tendant la menace d'un Jayce Crowley au manoeuvre, autant dire un fou doublé d'un sociopathe et Maeve Cynfeirdd avait cédé. Pour le bien des étudiants avant tout. Elle n'avait bien évidemment eu aucune espèce de doute sur la manière dont  @Luke Korrigan prendrait la chose. Ils ne s'adressaient déjà plus la parole depuis ce fameux soir dans la Forêt d'Ysbryd. Notons bien que ça n'était pas de son fait à elle. Plus adulte que son frère de coeur, elle aurait été disposée à une conversation au moins cordiale et d'ailleurs, maintenant que les évaluations de niveau étaient terminées, il allait falloir que ladite conversation ait lieu.

Evidemment, l'énergumène était toujours aux abonnés absents quand elle passait le voir à son bureau, quand à l'approcher à la Grande Salle - notons bien qu'elle occupait tout de même une place de choix à sa droite - il prétextait toujours commencer son discours au moment où elle amorçait quelque chose ou se trouver dans l'incapacité d'entendre ce qu'elle lui disait. Une fois à cause de l'excellente "croustillance" du pain, l'autre parce que les étudiants étaient trop bruyants ce jour-là, une fois même parce que les flatulences du Pr  @Dilshad Zaman l'incommodaient au point de lui obscurcir les sens. De quoi lui faire monter la moutarde au nez mais, la Chasseresse n'en était pas à son galop d'essai avec Luke Korrigan. Tôt ou tard, il finirait bien par cesser ces bouderies ridicules, de gré ou de force.

Il se trouve que ce fut plutôt de force.

En entendant les menaces gentillettes proférées à l'autre angle du couloir, Maeve eut un fin sourire de renarde. Ce sourire malin et un peu vicieux qui se frottait les mains à l'abri des regards. Elle se planta stratégiquement contre l'angle opposé, les mains dans le dos, raide comme la Justice Magique.

Elle se contenta de balancer un élégant arresto momentum, parfaitement dosé, pour qu'il ne s'amoche pas plus qu'elle ne l'avait déjà amoché.

« Je ne sais pas si je me remettrais d'une énième punition Pr Korrigan. », fit-elle en lui tendant la main sans vraiment se baisser.

Il l'avait fait courir, elle n'allait pas maintenant se jeter à genoux pour le chouchouter.

« Mais tu tombes bien, il faut que je te parle des évaluations de niveau... »

Couché sur le sol, mon cerveau fonctionna à deux milles à l’heure. J’étais piégé, avec la seule personne avec laquelle je ne voulais pas l’être. J’aurais effectué le plus beau sort de Transfert pour la remplacer par Lilith Grey sans la moindre hésitation ce soir là. Le nez toujours contre le sol, exagérant un peu ma lenteur, j’étais en train de réfléchir… A comment j’allais me sortir d’une pareille situation. Quelques jours plus tôt, Jameson avait confirmé plusieurs théories, et m’avait également appris pour Freya. Relevant enfin ma carcasse et mon regard bleu cyan, je fronçais les sourcils dans une mimique propre à moi.

« Les évaluations de niveau donc ? Hm ? Ca ne peut pas attendre demain ? On est dans un des endroits les plus petits du Château. Ah ! Sacré Eochaid. C’est lui qui t’as montré le passage. Il venait souvent emballé les filles ici. Enfin d’après lui. » dis-je d’un air mélancolique.

Touché le sujet, mais sans le nommer. Ainsi, la personne allait forcément repartir sur l’anecdote, ou changer de sujet. Mais rien ne l’amènerait à gratter c’était certains. Tournant à 180°, je déplaçais une tâpisserie pour fuir, bien évidemment et avoir un  peu d’air. Au vu des tableaux, je nous identifiais comme… au 5ème étage.

« Là, on aura plus de place pour parler et bien… Comme la dernière Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, faisait parti des forces du mal, et… a couché avec moi quand j’étais prof de Métamorphose, on va considérer que c’est une ex. Et tu sais à quel point les ex font du mauvais travail. Donc laisse moi deviner. C’est pas glorieux, faut redorer tout ça. Entraînement dans la Forêt Interdite à l’aube, p’tit chasse au Veracrasse aux aurores… Je connais la ritournelle. Tu as carte blanche, de toute façon... »

Je m’appuyais contre un des murs du couloir, les torches me donnaient un air un peu fou à la lueur de leur flambée. A vrai dire, je l’étais un peu. Et s’il y avait bien une discussion que je voulais éviter, c’était celle qui allait se profiler si je n’inondais pas la discussion d’informations multiples et variées, et qui n’avaient aucun rapport entre elle, Freya ou Eochaid.

« C’est pas comme si j’avais mon mot à dire sur ta façon d’enseigner. Puisque j’ai pas choisi de te faire venir. Enfin, correction, tu as refusé. Puis, le Ministère t’as demandé. Et là t’as dis oui. Donc, toujours s’adresser à celui en qui tu as le plus confiance pour ce genre de chose, surtout quand il n’est pas concerné ! Donc vois avec le Ministère pour l’évaluation. Ou avec Zion Webb. Il est très compétent comme garçon. Tiens, prends Grimm cadet, Webb, Mahal, Montero1 et 2, Dagoniat, Sanderson, Abercombi, Anderson et… euh… bah ta fille et ta nièce. »

Je levais mes mains, un peu comme un fou, et je commençais à partir.

« Et faites une balade en forêt demain matin, pour aller chasser les Crâne Rouges. Y’en a trop. Et tu verras le niveau ! »

Voilà, avec cette quantité d'information, je devrais avoir la paix, ou la guerre. Mais en tout cas, on ne parlerait pas de ce qui fache.

« Non ça ne peut pas attendre demain quand tu seras je-ne-sais-où à faire le mort Luke ! », coupa-t-elle en haussant un de ses sourcils autoritaires qu'il connaissait par cœur. Mais sa hargne fut douchée par l'allusion à Eochaid et ses conquêtes, « J'ai pas envie de parler d'Eochaid. », grommela la Chasseresse d'un ton un peu jaloux, un peu rancunier.

Il n'avait pas passé assez d'eaux sous les ponts pour qu'elle ait déjà oublié leur petite altercation dans la forêt d'Ysbryd. Sans plus insister, elle le suivait quand bien même elle ignorait où.

« C'est pire que pas glorieux Luke. 5% de crétins congénitaux, 65% d'imbéciles heureux et si tu as de la chance sur les 30% qui restent moins de la moitié de héros auto-proclamés qui n'ont déjà plus rien à apprendre. », lui avoua-t-elle avec un regard entendu. Elle était sérieusement inquiète, mais le pire, c'était qu'elle ne l'était pas autant qu'à la vue de Luke qui avait littéralement l'air d'un maniaque à la lueur vacillante des torches, « Mais qu'est-ce qui t'arrives Luke ? »

Mais il n'écoutait pas, trop embarqué qu'il était dans son accusatoire passif agressif. Maeve le regardait les lèvres pincées d'agacement, bras croisés sur sa poitrine.

« Non mais tu n'es pas sérieux j'espère ? Tu ne m'a proposé ce poste que pour mieux me cantonner à un rôle de bobonne où tu pouvais me tenir à l'oeil : à quoi tu t'attendais ? Evidemment que j'ai accepté la proposition du Ministère. C'était ça où laisser une espèce de fou maniaque combler les cases vides. Qu'est-ce que tu voulais que je fasse d'autre au juste ? Non ! Non Luke ! Je t'interdis de me planter là ! », le ton de sa voix s'était malgré elle échauffé à mesure qu'elle répondait entre ses phrases à lui.

Comme si cela pouvait suffire à le retenir. En vérité, Maeve savait très bien tout ce qu'elle aurait pu dire ou faire pour retenir Luke mais elle rechignait à se servir de ce sac à malice-là, d'autant plus que leur relation ne lui avait jamais paru aussi fragile que depuis ce fameux point de rupture dans la forêt d'Ysbryd.

« Très bien. Tu veux bouder : bouder. Tu veux m'ignorer : ignore moi autant que tu voudras mais ne viens pas dire que c'est moi qui refuse la conversation. Et ne me fais pas cette tête là, c'est exactement ce que tu vas faire et tu le sais très bien. Je m'en lave les mains ! »

Autrement dit, deux gamins...

Et je m’arrêtais. Et je me mis à croiser les bras. On allait y revenir. Crever l’abcès que je m’évertuais à tenir hors de moi le plus longtemps possible. Mais en même temps, vu mon comportement, c’était instinctivement que j’y étais arrivé. Parce que je ne supportais pas, ne plus m’entendre avec 90 % de mes proches, dont l’une à laquelle je tenais le plus au monde et qui était en face de moi.

« C’est comme ça ! Qu’est ce que tu veux que je te dise ! Bercés trop prêt du mur, abruti à la feuillerêve ! Ca passe plus de temps à fumer des pétards en pensant aux nombres de manifs qu’ils pourront faire pour protéger les hybrides qu’à réviser. C’est la paix, c’est comme ça. On est sur de tout, et on a peur de rien. Mais ça va changer, et leur niveau changera avec le monde. » dis-je avec amusement et sagesse. « Et… peut être que c’est le baromètre qui est mal réglé. »

Sous-entendu, tu étais trop strict. De toute manière, perdu pour perdu, et vu qu’on y allait en plein dedans, autant ne plus se faire de cadeau. Je fis d’ailleurs une grimace et un geste de la main comme si je chassais une mouche qui me gênait.

« Et tu es là désormais ! »

Je la pointais du doigt. Comme si j’avais gagné, en réalité, bien qu’elle ne soit venu que par demande ministérielle, au finale c’était moi qui avait gagné. Elle était là, avec moi, pour qu’on bosse et qu’on avance main dans la main comme autrefois. Sauf que cela ne se passait pas comme prévu. Finalement, je passais ma main sur mon visage, et comme si j’avais quinze ans, et que tous les sujets de conversations remontaient un par un avec l’ensemble des personnes concernés, j’éclatais.

« J’ai la trouille. » dis-je d’une voix roque et dont l’animosité avait faibli grandement. « J’ai peur pour Siobhan, j’ai peur pour Freya, j’ai surtout peur pour toi. Je me casse le cul à vous extraire des ténèbres et vous y foncez deux fois plus vite quand je veux arranger les choses, alors tu sais quoi, moi, j’arrête les frais ! »

De colère, j’avais mis une gifle à une torche, qui commença à enflammer une partie de la moquette. D’instinct et sans magie, je commençais à l’éteindre avec ma jambe sans utiliser la magie. Le feu monta sur mon pantalon et je dus lancer un Aguamenti sous les cris de frayeur des tableaux de Poudlard.

« Je suis un mauvais père ! Je suis un mauvais Directeur ! Je suis un mauvais parrain, je suis un mauvais ami, et, comble du comble, je suis un mauvais frère pour toi ! »

C’était parti plus vite que je ne l’avais dit en réalité. Je n’avais jamais verbalisé ça devant elle ou quoi que ce soit. Finalement, je préférais me concentrer sur mon pantalon qui était trempé et dont il manquait une bonne partie. On voyait presque mon genou et j’avais l’air un peu ridicule.

« Je sers à rien. » dis-je cette fois-ci d’une manière étrange.

J’avais baissé les yeux sur mon pantalon et je m’étais mis à croupi comme un môme. Contrairement à tout ce que je venais de dire, il n’y avait que cette phrase qui sonnait comme une vérité sans éclat, que je pensais totalement. Derrière le masque du grand professeur de Métamorphose, s’était toujours caché quelqu’un qui avait la trouille de l’échec, et de l’abandon.
Et là, tout se compilait et me renvoyait à ma propre condition minable.

« Et il va me falloir un nouveau pantalon. » dis-je cartésien.

Maeve fronça les sourcils sévèrement : avait-il abusé de l'hydromel ce soir ? Venait-il de lui envoyer dans la gueule qu'elle était un baromètre mal réglé ? Geraint ne se serait pas gêné pour le traiter de chiffe molle mais Maeve avait plus de finesse que cela... jusqu'à un certain point.

« Mais quel petit con ! » siffla la vipère entre ses dents alors qu'il soulignait avec dérision qu'elle était là pour relever le niveau. Mais le tout retomba comme un ballon de baudruche (ou une chiffe molle selon Geraint Cynfeirdd) et Maeve ravala son envie de lui en dire de toutes les couleurs. Elle avait beau ne plus exercer, elle savait reconnaître ce qu'elle avait sous les yeux. Et ça n'était pas un simple excès de maladresse.

Elle laissa Luke s'occuper de son petit incendie comme il pouvait, replaçant la torche à sa place d'un coup de baguette. D'un autre geste nonchalant, elle sécha le pantalon de Luke et vint s'asseoir à côté de lui, comme ces étudiants qu'elle ne manquait pas de gourmander chaque fois qu'elle les trouvait assis par terre. Ça faisait mauvais genre selon elle.

Elle laissa passer un petit silence, pesant tout ce qu'il venait de dire. Siobhán : rien de nouveau sous le soleil. Freya : elle avait beau avoir juré, Luke n'était pas la moitié d'un imbécile. Pour ce qui la concernait elle... elle ne voyait guère ce qu'elle avait pu faire de plus que d'ordinaire pour l'inquiéter à ce point.

« Luke, j'ai trois frères de sang avec qui je ne me dispute pas à moitié autant qu'avec toi. Tu es le meilleur frère que je pouvais avoir. », elle posa sa tête blonde sur l'épaule affaissée de Luke, comme elle l'avait toujours fait. Et combien de fois avait-elle eu ce geste-là ? Quand il avait perdu Ether, quand elle avait perdu Eochaid. Quand les petits  leur faisaient tout remettre en question de leur endurance, de leur patience, de leur capacité à simplement être des parents. « Et tu devrais le savoir, je ne suis pas très tolérante envers les gens qui critique ma famille. Tiens regarde : un sortilège de tissemage. Je l'ai appris dans le nid d'une veuve croc-de-sang. »

Elle délia doucement ses doigts, enroulant du bout de sa baguette un fil invisible et cela suffit à redonner au pantalon de Luke une apparence plus présentable.

« Tu sais ce qu'il te faudrait : un nouveau Directeur de Serpentard. Ca t'occuperait cinq minutes à quelque chose de... normal. Et ça éviterait de se retrouver avec un autre suppôt du Ministère à un poste important. Je suis assez jalouse en plus, ça t'éviterait une énième prise de bec avec ta belle-soeur casse-couille. Tu sais, j'aurais du mal à accepter de ne plus être ton recrutement le plus détestable. »

Elle lui donna un petit coup de coude, évitant soigneusement les endroits qu'elle savait encore douloureux.

Je restais là, à regarder les torches de Poudlard que j’avais vu maintes et maintes fois brûler. Silencieux, je ne répondis rien et je me contentais de baisser la tête. J’avais la même expression qu’il y a longtemps, lorsque toute ma famille me considérer comme le paria. Celui qui n’aimait ni la chasse, ni les duels, ni le reste. Celui qui restait toujours en retrait, des heures et des heures durant à modifier la matière jusqu’à ce que cette dernière se plie à ma volonté. Piètre sorcier, je souffrais certainement du syndrome de l’imposteur. On était dans un monde où l’on attendrait certainement la rigueur et la droiture d’un directeur pour protéger la jeune génération d’un mal qui grondait. Mais je ne le voyais pas ainsi. Je ne voyais que des gens perdus, désespéré et qui étaient redoutables justement grâce à cela.

« Mouais. » dis-je simplement en regardant le sol.

Puis, mes yeux glissèrent sur mon pantalon et je dus plus qu’apprécier l’ouvrage. De mon pantalon, mes yeux glissèrent vers mes mains, et je relevais un peu la tête. J’avais envie de tout abandonner. De partir et de laisser le monde tel qu’il était car au final je faisais plus de mal qu’autre chose. Je laissais des enfants sans père, et je n’étais même pas capable d’être à la hauteur pour les légitimes. Pire, je promettais la protection du « père » à la petite Longerbane, et au final la tâche me paraissait beaucoup trop immense.

« Poudlard ne m’inquiète pas trop. J’avais senti le coup venir et je n’ai placé que des personnes dignes de confiance. Le Ministère est déjà bloqué, et ne peut pas se permettre de changer l’équipe enseignante, ou le directeur sans une rébellion d’un côté comme de l’autre. Le Ministère voudrait me voir partir, mais j’ai tisser ma toile suffisamment en profondeur pour devenir indispensable et difficilement remplaçable. Et nos étudiants sont forts, je ne suis pas inquiet. Le problème est plus profond que ça. »

Je posais ma tête contre la sienne, et je continuais de regarder les torches brûler, sans un mot pendant plusieurs longues secondes. Les silences étaient rares avec moi, mais avec Maeve, je n’avais pas besoin de jouer la comédie comme je le faisais pour l’ensemble des personnes m’entourant.

« Quand je suis allé chez les Tukanak, dans le nord du Canada, pour accomplir le rituel pour devenir Animagus, ils m’ont prédit un avenir lourd et compliqué. »

Je tendis la main, là où différents tatouages, très fins mais qui avaient toujours étaient là scintillaient doucement. Je les avais gagné suite à de nombreux périples.

« Il représente la loyauté et la protection. C’est un totem difficile, qui m’a beaucoup surpris. Il est sensé guidé les personnes, et les guider spirituellement vers un monde meilleur et nouveau. »

Je relevais ma manche, comme si j’avais désormais honte.

« J’aurai du rester là bas. » dis-je la gorge sèche et la voix rauque.  « Parfois, j’ai l’impression que je suis trop petit. Pour un monde trop grand et trop brutal. »

Je jouais encore avec ma manche, comme un enfant. Parce que de toute manière, c’était ce que j’étais. Un frisson parcourut mon échine, car un souvenir de Lilith Grey m’insultant de gamin décérébré revint à la surface. Et soudain, je relevais un peu les yeux.

« Mais j’ai fait une promesse à Ether. Et j’ai promis à d’autres personnes que je les aiderai. Que je les guiderai. J’irai au bout, quelqu’en soit le prix à payer. Mais… Je ne peux plus faire ça seul. »

Je me tournais alors vers elle, et je me décalais pour enlever sa tête et la regarder automatiquement dans les yeux.

« Ma vie est un peu trop compliquée, je crois que j’ai besoin de vacances. »

La fatigue tirait mes yeux. Depuis que je savais pour Maddox, je ne dormais plus beaucoup. Je n’avais même pas eu le courage de revoir Siobhan, par peur qu’elle m’annonce avoir rejoins le Witan. Je fuyais Finn, je les fuyais tous. Je suintais la fatigue et l’incohérence la plus totale...

Elle haussa un sourcil, si Poudlard n'était pas un problème, elle sentait venir un tas de merde encore plus énorme. Surtout s'il commençait à lui parler des Tukanaks. Elle savait à quel point cette expérience avait été fondatrice pour Luke. S'il y revenait c'était que le problème était bien plus profond. Toujours le même problème d'ailleurs. Un noeud qu'elle n'avait jamais réussi à dénouer après plusieurs années. A court d'autre idée, elle le laissa parler, c'était sans doute le mieux qu'elle pouvait faire.

Elle le laissa plonger dans ses yeux avant de lui sourire.

« Luke, je t'aime tu sais. », elle le disait trop rarement. Elle le regarda encore longuement dans les yeux, « Tu n'as pas à faire ça tout seul. », ça n'était pas la première fois qu'elle le lui disait. Tout cela les ramenait à une lointaine nuit orageuse. Quand les jumeaux n'étaient encore que des nourrissons et qu'ils passaient par les incontournables pleurs de décharge et autres coliques. Ils n'avaient pas été trop de trois alors pour ramener un semblant de routine vivable dans la maison qu'avait habitée Luke et Ether à l'époque. C'était sans doute ce qui avait fait passer le cap à Eochaid et Maeve qui accueilleraient leur petite Freya un an plus tard, « Et tu n'as pas besoin non plus de porter les autres sur tes épaules. Ça n'est pas leur rendre service et ça t'épuise tu vois bien. Délègue, tu ne peux pas être le seul sorcier capable d'aider tous ces gens. »

Elle ne l'avait pas quitté des yeux, comme chaque fois qu'elle l'enjoignait à être raisonnable. Malgré leurs différents, ils avaient élevé trop d'enfants ensemble pour qu'elle lui tourne le dos. Elle ne pouvait pas se permettre de penser maintenant à Eochaid. A leurs divergences d'opinions.

« Qu'est-ce que tu me caches Luke ? », demanda-t-elle sans voir venir le revers de bâton pour une fois.

Elle ne pouvait pas croire qu'il ne s'était rien passé depuis leur dispute. Des accrochages, ils en avaient toujours eu. Ils étaient toujours revenus l'un vers l'autre. Et si là une ligne rouge avait été franchie, elle ne pouvait pas croire que cette fois serait différente. Alors il s'était forcément passé quelque chose de plus.

Je détournais immédiatement les yeux quand elle me demanda ce que je lui cachais. La liste commençait à devenir un peu longue. Aphrodite Longerbane, l’écrasement des souvenirs et de la personnalité de son geôlier. Maddox et ma nouvelle paternité. Le fait que je savais pour Freya, et que j’étais dans une colère monstre à ce sujet, et que j’avais décidé de lâcher prise pour éviter que ma filleule ne m’en veuille à mort. Je ne voulais pas être abandonner par les miens, comme il avait été fait de si nombreuses fois auparavant.
Jadis, c’était Maeve qui m’avait extirpé des ténèbres. Je savais que je pouvais lui faire confiance. Mais… parfois le silence valait mieux que la vérité. Parfois, il fallait mieux protéger les siens. Elle m’avait assez protéger par le passé, et c’était à mon tour de prendre la relève. Elle n’avait pas besoin d’en savoir plus.

« Beaucoup de choses. C’est bien ça le soucis. » dis-je en toute honnêteté.

Il fallait quand même que je lui donne du grain à moudre. Triant les informations dans mon esprit, et la position délicate dans laquelle je me trouvais, je décidais de choisir une parmi les trois. Au moins, elle n’irait pas chercher plus loin au vu du gros poisson que j’allais lui donner. Ca serait suffisant pour justifier le fait que je sois distant avec elle, et en plus, c’était la seule chose qui me concernait sans impacter les autres.

« Tu te rappelles, quand Ether est morte. Je me suis perdu quelques temps. Je m’enfermais des jours durant sans parler à personne. C’était pas tout à fait exact. »

Serrant un peu ma mâchoire, je chassais le reste et me focalisait sur l’histoire que j’allais lui compter.

« Je suis aller plusieurs fois dans un bordel. Il y avait beaucoup d’irlandaise et j’aimais bien m’y rendre. Oh, pas pour faire ce que tu crois. Non ça j’en ai été incapable pendant longtemps. »

Je baissais le regard pour regarder un peu mon nouveau pantalon, admirant la qualité de l’ouvrage de manière impressionnée. Il existait donc tant de chose à apprendre encore en Métamorphose ancienne songeais-je.

« J’y allais pour parler. J’avais le mal du pays. Les filles de là bas étaient très contente de me voir, car je ne leur demandais pas des trucs affreux comme on peut le faire en pareil circonstance. Non, j’achetais juste un point de confession. Un endroit ou je pouvais parler de ma tristesse, de ma peine, des maux que j’avais sans être jugé et sans blesser qui que ce soit. Une oreille, qui écoutait. Sans forcément en avoir quelque chose à faire. »

Je me revoyais dans cet endroit un peu malfamé. A discuter la tête sur les genoux de cette femme, simplement pour parler. Lui raconter ma vie, mes démons, et tout ce qui n’allait pas à l’époque. Jouant avec mes mains, je restais là immobile, un peu comme un enfant prit en faute.

« Il se trouve qu’un soir, on est finalement allé plus loin. Ca devait certainement faire parti du processus du deuil. Savoir si j’étais encore un homme ou quelque chose du genre. » dis-je en faisant ma propre psychanalyse maladroitement.

« Quoi qu’il en soit, il a suffi d’une fois. Il y a quelque temps, j’ai appris que j’avais un troisième enfant. Qui vit là bas et qui n’a pas été scolarisé. Il s’appelle Maddox. »

J’avais réussi à glaner le prénom à la sauvette. Mais je n’avais pas eu le courage de retourner voir sa mère. De toute façon, qu’avais-je à dire ? Garder un enfant était son droit. Je ne pouvais que lui en vouloir de ne jamais me l’avoir dit.

« Il me ressemble étonnement, mais je n’étais pas au courant de son existence. C’est un jeune homme à fleur de peau. Mais pleins de ressources. Bref. Quoi qu’il en soit la nouvelle m’a fait un choc. Je ne sais pas quoi faire. Il a manqué d’un père, mais en même temps il n’en a jamais eu. Est-ce qu’il en a besoin ? Est-ce que je ne devrais pas simplement continuer mon existence, sans rien faire ? Ou au contraire est ce que je devrais essayer d’apprendre à le connaître. Je suis un peu pommé. »

Je regardais droit devant. Ca allait certainement suffir. C’était quand même un gros poisson.

« Tu ferais quoi à ma place ? Je n’en ai parlé à personne à part toi. »

Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il lui avoue de but en blanc avoir tant de secrets pour elle. Accusant le coup sans rien dire, elle décida, très raisonnablement, de ne pas s'en offusquer. Après tout, elle ne faisait guère mieux de son côté et s'il estimait qu'elle n'avait pas à savoir c'était bien son droit. A sa grande surprise, il résolut tout de même de s'ouvrir un peu. Sur le moment, elle se dit que c'était peut-être une stratégique pour mieux détourner son attention mais lasse de leurs petites escarmouches, elle fit contre mauvaise fortune bon coeur, écoutant d'une oreille attentive l'étrange confession qu'il s'apprêtait à lui faire.

Elle ne s'offusqua pas le moins du monde lorsqu'il fut question de bordel. En tant que chasseresse et qui plus était aînée de trois frères, elle ne pouvait pas s'effaroucher pour si peu. Le Marché aux Trolls avait d'ailleurs d'excellente maisons de charmeresses qui pouvaient s'avérer une mine d'information à qui savait parler le langage du tenancier. Elle se demanda d'ailleurs si c'était un de ceux-là puis, sans s'attacher à ce détail, reporta son attention pleine et entière sur l'histoire de Luke. Il avait cette façon presque pudique de parler de sexe sans jamais en venir à ce mot-ci ni à aucun de ceux qui gravitaient autour de cette idée. C'était l'un de ces aspects, sa douceur, qui le différenciait à ce point des autres hommes. On était loin des histoires de grosses matraques de Bronn et Drustan. Des tord-boyaux mémorables déversés sur les mamelles généreuses d'une fille horizontale et que sais-je encore.

Elle eut un sourire, sans s'en rendre compte.

Peut-être parce que ces ellipses dans le texte était d'une délicatesse presque naïve et que ça l'attendrissait. Peut-être parce qu'elle voyait que pour une fois, il s'efforçait de s'analyser un petit peu. De prendre du recul sans être trop dans le jugement.

La mention d'un troisième enfant, qu'elle n'avait pas plus connu que lui, la sortie de ce drôle de moment de compassion. Voilà qui donnait un tout autre tour à la conversation. Plus sérieuse, elle lui prit la main, assez fermement.

« Je t'avoue que je ne sais pas ce que je ferais. Je ne suis pas naturellement conçue pour que ça puisse m'arriver... Mais... Et si tu prenais déjà le temps de poser ce dont toi tu as besoin Luke ? Tu es quelqu'un de bien et tu es un bon père. Si tu n'as pas été là ça n'est pas de ton fait. Et d'ailleurs, est-ce que tu veux l'être, un père, pour ce gamin ? », elle connaissait déjà la réponse mais il fallait qu'elle pose la question. « Si on laisse de côté la question de l'exemple, du devoir et le reste. »

D'autres questions allaient très vite se poser. A commencer par celles de  @Finn Gavalagh-Korrigan et  @Siobhán Gavalagh-Korrigan ...