Cours de Poterie Magique (Rhys)

Le mois de mars avait bien débuté. Cela faisait quelques mois que Rhys n'avait pas eu de travail d'intérêt général. Était-il devenu sage ? Non, il avait juste appris à ne pas se faire prendre. Le club des cinq qui avait malmené le jeune homme à la rentrée avait subi sa vengeance. Désormais, la dette était payée et il n'y avait plus de raison pour le gryffondor de se lancer dans des rixes. Chose d'autant plus vraie avec le retour d'Apolline. S'il avait bien cru comprendre son hibou, elle reviendrait le lendemain. Hibou qui n'avait eu aucune réponse à transmettre en retour comme toutes les lettres de son ancienne préfète. Maintenant, qu'elle avait fondé sa vie de famille au détriment de ses études, le gallois ne savait plus vraiment sur quel pied danser. De ce fait, dès le lendemain, il devrait sans doute fuir sans relâche pour éviter de croiser celle qui était une de ses plus proches amies. Bien conscient de ses défaillances en tant qu'ami, il avait surtout conscience que c'était sans doute son dernier jour de liberté.

Pour en profiter pleinement, il avait prévu de se faire des petits duels avec ses camarades gryffondor. Se sentant léger à l'idée de pouvoir se défouler, il déambulait dans les couloirs avec une joie de vie rayonnante. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas pu s'exercer correctement. Depuis hier en somme, ce qui, pour le garçon, était une éternité. Cependant, comme si le Ciel n'aimait pas le bonheur du gallois, il avait face à lui, un directeur assez mécontent. La joie de vivre de Rhys s'envola aussitôt ne pouvant s'empêcher de déglutir. La plupart des élèves se demanderaient ce qu'ils avaient fait pour mériter une telle expression. Le problème pour le Ddraig n'était pas de ce savoir ce qu'il avait fait, mais quelle partie de ses méfaits allaient lui retomber sur le coin de la figure.

« Directeur ! C'est que... Euh... En fait avec les amis... On devait faire des du... Bon d'accord... »

Un cours particulier ? Cela ne faisait pas écho dans la mémoire du jeune homme. Ceci étant dit, il n'était pas vraiment en position de contredire le directeur. Au contraire, il valait mieux baisser la tête et le suivre sans trop répondre. Moins il en dirait, mieux il se porterait. Et voilà que son futur bourreau l’amené avec lui dans une salle de classe, seul... Plusieurs gouttes de sueur froide descendaient dans le dos de Rhys. Lui qui aimait tant l'action, il était toujours différent face à son ancien professeur de métamorphose. À l'image d'un pupille face à son mentor, il avait toujours peur de le décevoir. Malgré ça, le gryffondor avait aussi l'impression que chaque fois qu'il en avait l'occasion, il faisait le choix qui décevrait le professeur. Tout cela lui semblait désormais puéril. Pourquoi avait-il ressenti le besoin de faire sa petite vendetta ? Même si pour lui, ce n'était pas grand-chose, si le directeur en avait entendu parler...

« Je vais bien monsieur le directeur... Mais à vrai dire la poterie magique... »

À moins que ça ne finisse dans un combat de lancée d'argile avec un sang pur qu'il pourrait recouvrir de la tête au pied, ce n'était pas très attrayant.

« J'ai fait quelque chose pour mériter ça ? »

Parce que clairement de la poterie... C'était pire que le travail d'intérêt général.

« Si c'est à propos de Cromwell... Je n'ai pas donné le premier coup ! Certes, il a fini avec le nez cassé, mais il s'est jeté sur moi... Pour une fois, que ce n'était pas moi... »

Ceci étant dit, il ne se serait sans doute pas jeté sur Rhys si ce dernier n'avait pas insulté sa sœur... Et il ne l'aurait pas insulté si elle n'avait pas cherché des noises à un de ses camarades.

« Et Lestat c'était une juste rétribution ! Je ne pouvais pas savoir qu'il serait allergique à la pastille à gerbe ! Au moins, ça l'a aidé pour son régime vu tout ce qu'il a vomi... Erk... Quant à Barclay, il a dégainé sa baguette en premier ! Je n'ai fait que me défendre ! Ce n'est pas ma faute si je suis meilleur duelliste que lui ! »

Après, pouvait-on parler de légitime défense quand il finissait pétrifié avec sa baguette dans le nez ? Cette dernière touche fut ajoutée par le gryffondor qui trouvait à ce moment-là que ça permettait de souligner en subtilité tout le charme et la grâce du serpentard. Maintenant, qu'il était face au directeur, le mot subtilité ne serait pas celui qu'il choisirait.

« Ce n'est quand même pas Murik qui s'est plaint ? Il harcelait des premières années... Un levicorpus, c'était gentil venant de ma part ! »

En revanche, baisser son froc l'était moins. Enfin... Dans le contexte, c'était plus remonter son froc vu qu'il avait les jambes pointées vers le plafond.

« Bon... Ça ne doit pas être Cloven... Il a gagné le duel, ce qui m'a fait dormir une bonne journée... »

Se grattant le menton, le gallois cherchait à savoir s'il avait fait d'autres choses de répréhensible ces cinq derniers mois. Bien sûr, il y en avait, mais comparé à son dossier rien de bien marquant. Surtout, rien qui n’obscurcissait l'excellence de ses résultats. Réfléchissant, il remarqua une chose. Comment ça : le temps qu'ils lâchent l'affaire ? Se figeant quelques instants sur place, Rhys tourna mécaniquement sa tête vers le directeur en croisant les bras sur sa poitrine, confiant.

« Une minute ! Ce n'est pas pour ça que vous m'imposez un cours de poterie magique. Vous voulez juste échapper à vos nounous ! Ce n'est pas bien ça Directeur ! Je ne vous pensez pas du genre à faire le mur ! »

Un peu plus et le gryffondor aurait lâché un petit ricanement. Néanmoins, une chose le retint et lui fit même perdre sa pose confiante : si au départ son ancien professeur n'avait aucune raison de le retenir ici, Rhys venait de lui en donner cinq, de lui-même.

« Euh... Du coup cour de poterie magique ? Ça me semble pas mal finalement. Erm... Pas besoin de s'attarder sur ce que j'ai dit ! »

Le directeur semblait plus occupé à admirer le mur qu'à écouter le gryffondor. Aurait-il pu espérer que l'ancien professeur de métamorphose n'ait pas écouté sa confession malgré lui ? Non, Rhys ne misait pas sur une telle chance, il savait son interlocuteur assez intelligent pour faire deux choses à la fois. Il le savait aussi assez malin pour répondre quand le moment se ferait sentir. Bingo. Aussitôt, avait-il fini sa petite tentative de détournement de sujet, le sarcasme du directeur frappa l'audace du lionceau de plein fouet. Lui exemplaire ? Si seulement. Une partie de lui aurait aimé l'être, mais c'était impossible sans servir de serpillière aux sangs purs. Pour être exemplaire, il fallait n'avoir aucun amour-propre et surtout aucune compassion pour ceux qui se faisaient malmener.

Comment garder son sang-froid quand on voyait un cracmol se faire "taquiner" par des utilisateurs de baguette ? Comment garder son calme quand on comparait son sang à de la bourbe ? S'il y avait une façon de le faire, alors le gallois ne l'avait jamais trouvé. L'avait-il seulement cherché ? Au fond, il se demandait parfois si son numéro de justicier n'était pas qu'une excuse pour se sentir exister. Néanmoins, comme une lueur dans la gravité de ses pensées, la dernière remarque allégea la mine basse du gryffondor. Lui préfet ? L'idée le fit rire. Certes, il avait de la fierté, de l'orgueil, mais ce n'était pas de l'arrogance. Et il fallait avouer que son ancien professeur avait toujours le don pour réussir à faire mouche et à sortir Rhys de sa posture défensive. Il avait toujours désiré ce poste, mais il savait aussi qu'il ne l'avait jamais mérité. Alors qu'il obéit au professeur pour entrer dans le passage secret sans poser de question, il inclina la tête face à la patience dont il faisait preuve.

« Merci Directeur... De ne pas... Enfin... Vous savez... Me juger trop durement... »

Rarement, le garçon était aussi calme avec un membre du professorat. Sans doute parce que le personnel de Poudlard avait tendance à changer si souvent qu'on retenait davantage les professeurs par leur matière que par leur nom. Certes, c'était exagéré, mais le garçon n'était pas reconnu pour sa mesure. D'ailleurs, le professeur Korrigan avait fait toute la scolarité, ou presque, du Ddraig.

C'était un excellent professeur, sauf quand ce dernier commençait à parler de magie étrangère... Là, Rhys avait tendance à piquer un somme, totalement désintéressé du sujet. Comment s'intéresser à l'étranger quand il n'arrivait déjà pas à se faire accepter par les siens ? Alors qu'il s'enfonçait dans le passage secret, il finit par briser le silence en répondant à la demande de celui qu'il aurait aimé un jour considérer comme un mentor, mais dont il était sans doute juste une gêne... Et puis ça restait un sang pur...

« Le problème ? Les sangs purs. »

C'était instinctif chez le garçon. Véritable miroir de ce qu'il méprisait, quand il y avait un problème dans la société cela venait forcément de cette caste. Sa haine allait si loin qu'il en venait presque à trouver les actions du Witan parfois louables. Si ça pouvait faire souffrir les aristocrates, ils pouvaient ne pas être si mauvais. Heureusement, il y avait des gens comme le directeur ou Apoline, des sangs-purs qui forçaient Rhys à nuancer.

« Du moins certains... Ils ont besoin d'écraser les autres pour être supérieur... Et je n'ai pas envie d'être écrasé. »

De ce fait, il se battait. Et pour chaque victoire, il subissait deux défaites. Pour chaque défaite, il recherchait deux victoires. Accumulant les combats, il entretenait ce mépris qu'il dénonçait. Cependant, comment lui en vouloir ? Il n'avait pas d'autre solution à ses yeux. Rien ne pouvait changer le racisme et la xénophobie. Depuis combien de siècle ce fléau s'abattait dans l'école ? Une des maisons en faisait même son cheval de bataille. Une fois qu'on avait commencé à marcher sur le chemin de la violence et la rancœur, il était difficile d'en sortir.

« Regardez... Même pour les stages... Il m'a été impossible d'avoir un stage auprès d'un juge ou d'un politicien... C'est trop pour un né-moldu, peu importe mes résultats. »

L'amertume commençait à se ressentir dans sa voix. Pourtant, il commençait à apprécier son stage chez les aurors. D'ailleurs, là aussi, il y aurait à redire. Réussir à être en MULOT à Poudlard avec un stage chez les aurors, c'était un parcours d'excellence, mais l'ambition du gallois alliée à sa rancœur empêchaient de voir ce qu'il avait, uniquement ce qu'il lui manquait.

« Je n'ai plus de chez moi dans le monde moldu... Pour eux je ne suis qu'un... »

Monstre. Ce mot ne voulut pas sortir. Il n'en parlait jamais. Pourquoi le faire ici ? Sans doute, car le directeur voulait comprendre l'origine du mal. Or, quand ses propres parents le considéraient comme un monstre, comment pouvait-il envisager l'amour et l'harmonie comme une solution à sa vie ? Bien sûr, il n'avait toujours pas compris que ses parents n'avaient voulu pour lui que le meilleur, l'éloignant de la pauvreté et de la précarité... Ils n'avaient même plus souvenir de cette discussion grâce à son tuteur. Sans le savoir, il portait le poids de ce secret sur le cœur.

« Enfin... Je suis un étranger pour les moldu et un... Moins-que-rien pour le monde sorcier. Ce que je veux, je dois le prendre, car il ne me sera pas donné... »

La solitude était rarement une fatalité, mais résultait le plus souvent de différents choix de vie. La vie offrait souvent des mains tendues. Certes, dans certains cas, elles étaient moins nombreuses que celles qu'elles mettaient dans la figure, mais dans le cas de Rhys, il avait de la chance. De nombreuses personnes lui tendaient la main et le directeur en faisait partie en cet instant. Une sensation de chaleur l'envahit alors que ce dernier lui parler de soutenir son projet. Certes, il était un peu tiraillé, ayant l'impression d'insulter sa tutrice, Urielle Grimm, d'être aussi soulagé. Cependant, ce serait très malpoli de refuser une aide après s'être plaint de sa situation. Ne pouvant s'empêcher de sourire à cette annonce et suivant le directeur, baguette à la main pour l’imiter, il écoutait attentivement ce qu'il lui disait. Il eut envie de protester quand le directeur annonça la perte de points, mais il plaça sa main devant sa bouche. Non, il ne devait pas attirer l'attention, mais c'était injuste ! S'il avait parlé de moins-que-rien, c'était simplement parce qu'il était vu comme ça par les sangs purs... Enfin certains sangs purs !

Moins-que-rien ce n'était qu'une autre façon de dire sang de bourbe, une insulte qui l'avait poursuivie de tout temps. Cette même insulte qui avait causé tant de rixes et valu la réputation du Gallois. Cependant, aussi injuste que fut la décision, il ne dit rien, pour le moment un peu rassuré à l'idée que Poudlard resterait sa maison. Pour combien de temps ? Il ne le savait pas, mais au moins, il ne se retrouverait pas sans rien... Cela faisait une inquiétude en moins. En revanche, une inquiétude qui s'ajoutait, c'étaient les maladies qu'il allait attraper dans ce couloir humide et ainsi que le tournis qu'il commençait à ressentir avec les escaliers... Sérieusement, on pouvait comprendre ce genre de pièce chez les moldu qui avaient un souci de place et de technologie, mais dans un château magique, cela devrait être un crime... Le dédain du garçon pour le passage secret ne fit que s'accroître en réalisant qu'il avait un lien avec Serpentard comme l'indiquaient les serpents et les runes.

L'humeur du garçon se dégrada en voyant la maison rivale. Cette même maison avec laquelle il se battait bien plus que les trois autres réunies. Certes, il y avait des gens bien qui étaient habillés de vert et d'argent, mais ils n'étaient pas nombreux. Finn était un bon compagnon de soirée pour le gryffondor, difficile de faire meilleur séducteur que ce dernier... Et Lheina... Difficile de faire plus charmante, fêtarde et poissarde que cette dernière. Non, vraiment, il y avait des gens bien, mais ils étaient rares. Partir du principe que celui d'en face était un consanguin dégénéré aussi doué avec sa baguette que ses parents avec la biologie était souvent un gage de gain de temps. Rhys essaya de se concentrer sur les jeux de regard qui se jouaient avec les élèves qui se passaient. Pourquoi de toutes les salles communes, il avait fallu qu'il l’amène près de cette maison ?

Cependant, c'était un détail sans importance comparé à la valeur de ce que lui racontait le directeur. Un paria ? Lui ? C'était difficile à croire, mais il était bien placé pour savoir que les apparences étaient souvent trompeuses. Il ne put s'empêcher de penser que lui au moins avait eu le droit à l'indifférence de sa famille et non pas un rejet, mais c'était puéril. Chacun vivait comme il le pouvait sa vie, si le directeur n'avait pas été rejeté par ses parents, peut-être avait-il eu d'autres événements bien plus traumatisants. Il était parfois difficile de ne pas se dire que le monde tournait autour de soi, surtout quand on avait tendance à tout garder pour soi. Réfléchissant à son discours, j'attendais que le passage se dégage pour continuer de le suivre regardant chaque fois s'il n'y avait pas des brigadiers qui le pourchassaient. Une fois qu'il put parler sans être écouté, le garçon répondit enfin au directeur.

« Quand votre aventure a le même objectif que celle d'un autre... Alors votre vie devient une compétition... Quand c'est le pouvoir politique ou une place prestigieuse que l'on veut... Il y a forcément une compétition... »

Être le meilleur joueur de quidditch n'était pas un objectif, mais si on voulait passer professionnel, c'était nécessaire. N'était-ce pas logique ? Ou alors se cachait-il derrière cette excuse pour aller toujours plus loin dans cette compétition. Pourquoi voulait-il être meilleur que tous les sangs-purs ? Tous ne voulaient pas être ministre ou juge... Ce que disait le directeur s'appliquait donc davantage à ce que semblait bien vouloir admettre le jeune homme.

« Je suis un bon duelliste... Voire un des meilleurs des sixièmes années. Et même si une partie de moi est charmée à l'idée d'en faire ma vie... Entendre mon nom résonné et applaudit avant de me battre... Le duel n'est pas toute ma vie... C'est difficile à expliquer... Oui, je serai heureux, mais ce serait un bonheur... Personnel... Qu'on ne peut pas vraiment partager. Et un bonheur qui ne peut être partagé... Il est creux, vous ne trouvez pas ? »

Rhys était égocentrique, mais rarement égoïste. Cette différence fondamentale faisait que souvent, il était pris de remords quand il se laissait emporter par son égocentrisme blessant ainsi des personnes qui n'avaient rien à voir avec son combat du moment.

« Et les aurors ça ne change pas les choses... Je veux dire... Oui, c'est important de protéger les gens... Mais regardez... Je pense que même ces brigadiers ont mieux à faire que de protéger un directeur qui n'a visiblement pas besoin de leur protection... Sauf qu'ils ne peuvent rien faire si ce n'est obéir... C'est le politicien, le juge ou l'officier qui peut changer ça, qui peut permettre au brigadier et à l'auror d'être utiles. Donc à quoi sert un auror quand la loi est mauvaise ? À quoi sert un auror quand on commence à faire des registres et à faire comprendre à une partie des sorciers qu'ils sont moins les bienvenues que les autres ? »

Bien sûr, Rhys faisait référence sans l'assumer aux dernières décisions du ministère. Elles n'avaient fait que renforcer son mépris pour les sangs-purs qui encore une fois se pensaient supérieur au reste du monde magique. Il fallait évidemment reconnaître la tragédie et le terrorisme de certains. Mais à quoi s'attendaient-ils ? Eux qui avaient grandi et été éduqué dans un monde où on reniait le droit aux gobelins d'avoir une baguette, où on contrôlait le territoire des centaures, pour eux tout semblait naturel. Cependant Rhys, même s'il avait grandi depuis ses huit ans dans le monde magique, avait été éduqué par des parents moldu... Pour lui, il n'y avait pas de différence entre un sorcier parfaitement humain et une demi-vélane, si ce n'était que le physique de cette dernière était bien plus agréable à regarder.

« À quoi sert d'être auror alors qu'il suffira d'un né-moldu un peu trop sympathisant d'une cause pour tous les ajouter à ce précieux registre ? Combien de temps avant que l'on se dise qu'eux aussi représentent un danger pour le secret magique ? Et même si imaginons que je me trompe... Est-il juste que je puisse me demander ce que je veux faire de ma vie, alors d'autres doivent se demander ce qu'ils peuvent en faire ? C'est pour cela qu'il faut viser cette compétition. Car même si je les laissais vivre leur vie tranquille, eux ne me rendraient pas cette faveur. Dans ce monde magique, liberté et pouvoir vont de pair. Et seuls ceux qui ont le pouvoir, d'une forme ou d'une autre sont vraiment libres. Et seuls ceux qui ont une forme de pouvoir peuvent libérer les autres. »

Le doute au début laissa place peu à peu place à l'assurance et à la détermination qu'il s'était forgé dans les flammes de chaque rixe, reprenant des éléments de certains discours politiques qu'il avait étudié en Histoire de la Magie par le passé. Notamment d'un, celui de 1994, lorsqu'un membre anonyme de la ligue de défense contre la magie noire avait déclaré que toute personne fourchelang devait subir une enquête. Ce discours avait révolté Rhys, mais sa rhétorique l'avait toujours laissé admiratif. Ceci étant dit, comprenant qu'il avait peut-être dépassé les bornes, il se contenta de toussoter, comme si rien ne venait de se passer.

« Excusez-moi... Je me suis sans doute emporté sur des sujets que je maîtrise mal... Pour ce qui est de votre soutien... S'il est toujours d'actualité... Est-ce que vous pourriez m'appuyer uniquement pour l'année prochaine ? Je sais que je me plains de la situation... Mais je ne veux pas insulter Madame Grimm en sous-entendant que son stage n'est pas assez bien pour moi... J'aspire à mieux... Mais... J'aurai toute la septième année... Je ne sais pas si j'arrive à bien m'expliquer... »

La confiance du garçon avait disparut au moment où il se souvenait qu'il parlait à son directeur et non pas au mentor qu'il s'était lui même inventé dans son esprit. Son seul soulagement était d'imaginer sa tutrice l'insulte pour l'avoir qualifié de madame.

Le gryffondor ne put contenir son petit ricanement moqueur face au mécontentement du directeur qui se retrouvait nez à nez face à un petit couple. Il leur avait sans doute rendu service. S'ils étaient sangs-purs, ils étaient sans doute cousins, or l'inceste n'était jamais une bonne chose pour la génétique. Il suffisait de voir la tronche de la plupart de ceux qui étaient fier de la pureté de leur sang. Enfin, il valait mieux éviter de trop s'attarder sur le sujet, car si le directeur était doué en légilimencie, il pourrait se sentir insulter par le jeune-homme. En revanche, Rhys fut offusqué quand il lui dit qu'il était trop dur avec lui-même. D'habitude, on lui disait l'inverse, qu'il se la racontait trop. Alors qu'il l'accompagnait vers les cuisines, il ne put s'empêcher de commenter.

« Directeur, vous dîtes toujours que je suis trop dur avec moi-même, mais c'est faux ! Je suis un des meilleurs duellistes du château, plutôt beau garçon, excellent à l'école... Je trouve que j'ai plutôt une bonne image de moi. Et très humble avec ça... »

La dernière remarque était assez sarcastique, il savait qu'il n'avait rien d'humble. Ne le disait-il pas souvent ? La fausse modestie ne lui allait pas au teint. Ceci étant dit, il ne voyait pas non plus que derrière son assurance se cachait ses doutes. Finalement, peut-être que cette assurance n'était rien d'autre que du maquillage derrière le monstre qu'il voyait au travers de ses parents. Cependant, il n'avait pas vraiment le temps pour l'introspection alors que le directeur lui expliquait sa vision de l'auror. Cela plongea Rhys dans une certaine réflexion. Avait-il mésestimé la profession ? Et puis qu'est-ce qui se cachait derrière la nuance du service des citoyens et du ministère ? Est-ce qu'il sous-entendait que le devoir d'un auror transcendait le ministère ? Si c'était le cas, finalement être un auror était être comme un chevalier chez les moldu... En somme, l'idée était que même si c'était le ministère qui décidait de bouger un auror, l'âme de l'auror lui appartenait, c'était à lui d'agir en son âme et conscience ? Non, peut-être qu'il allait trop loin dans ses suppositions.

Puis arriva la métaphore qui rendit le regard de Rhys suspicieux. Définitivement, il avait peut-être bien compris le message subliminal du directeur. D'un coup, l'histoire des brigadiers le surveillant devenait un peu plus compréhensible. Si le directeur était un libre-penseur, à la place du consanguin à la tête du pays, lui aussi voudrait garder en permanence un œil sur ce dernier.

« L'idée, c'est que... Peu importe les ordres, l'important, c'est de faire ce qu'on estime être juste ? Hmm... Je suppose que ça, c'est dans mes cordes, vu comme ça... »

Après tout, ce n'était pas comme s'il avait fait grand cas du règlement durant sa scolarité à Poudlard. Pourquoi ferait-il grand cas des lois ? Il serait sans doute plus simple de protéger les innocents des lois injustes en tant qu'auror qu'en tant que juge ou politicien. Peut-être qu'il serait plus simple effectivement d'être le mouton noir que de rentrer dans un enclos si sélectif. Comment souvent, il allait devoir réfléchir aux propos du directeur qui semblait motivé à rentrer dans les cuisines. Le garçon détourna le regard pour ne pas chercher à se souvenir du code des cuisines. Enfreindre le règlement de Poudlard était une chose, abuser de la confiance du directeur en était un autre. Enfin, abuse de sa confiance... Ce n'était pas comme s'il ne se servait pas de lui pour fuir les brigadiers. Voyant toute l'attention des elfes braquée sur eux, le gryffondor fit un petit signe de main.

« Bien le bonjour... On ne fait que passer... Merci pour les bons petits plats... Mais vous devriez y aller mollo parfois sur le sucre sinon Sobek pourra plus décoller de son balai ! »

La petite vengeance du Gallois pour le speeddating et le pari perdu. Il était difficile d'écouter et de naviguer dans la cuisine en esquivant les elfes. Et alors que l'ancien professeur de métamorphose s'attardait sur le panier des brigoudiers, le gryffondor prit une pomme dans un bol. Fusillé du regard par Bonk, l'elfe mécontent d'avoir presque raté sa mayonnaise, le Gallois finit de reposer la dite pomme gentiment, tel un objet fragile là où il l'avait trouvé, la tapotant comme pour la bercer. Toujours fixé par l'elfe, Rhys se contenta d'un sourire qui dévoilait ses dents blanches. Se contentant de lever les yeux au ciel, l'elfe retourna à sa cuisine et le garçon se concentra de nouveau sur ce que disait son aîné.

« Vous vous êtes passé le mot avec madame Miller pour préfet ? Elle m'en a parlé hier... »

Préférant garder les détails de la conversation pour lui, du moins pour le moment, il n'alla pas plus loin sur ce qu'il en était sorti. D'une certaine façon, il avait toujours espéré qu'une telle opportunité se propose à lui, mais au moment où on lui exposa cette possibilité, il hésita... Lui qui se pensait avide et cupide, il n'avait pas sauté sur sa première occasion d'avoir du pouvoir et se venger des sangs-purs... D'ailleurs, c'était ce désir de vengeance qui l'avait fait hésiter en premier lieu.

« Et je sais très bien que vous ne disiez pas comme ça, mais je précise tout de même... Si je devenais préfet... Ce ne serait pas pour me venger des serpentard et autres sangs-purs... Je ne dis pas que l'idée ne m'a pas traversé l'esprit... Mais ce serait trahir la confiance de Madame Miller... Et celle des gryffondor. »

Il marqua une pause. Ce n'était pas tant pour convaincre son interlocuteur qu'il s'adonnait à ce genre de confidence, mais bien parce qu'il avait lui-même besoin de parler de ça, comme pour expier ses pensées impures de son esprit.

« Préfet, c'est un poste à responsabilité... Pour moi les responsabilités, c'est porter un poids que les autres ne sauraient pas porter afin qu'ils puissent vivre leur vie... Si j'aspire à d'autres choses autant rester sans pouvoir. »

Il secoua la tête. Les mots de sa directrice l'avaient assez marqué pour qu'il y réfléchisse sérieusement. La colère l'enchaînait déjà à bien des égards... Que se passerait-il si le pouvoir au lieu de le libérer l'enchaînait à une nouvelle émotion. Les choses devaient bien se faire. Forcément, cela gâchait un peu son discours de révolutionnaire qui voulait tout raser, mais bon... C'était peut-être ça mûrir.

« Je vais réfléchir à tout ce que vous me dites... Mais vous devriez peut-être aussi vous préoccuper de la situation, non ? Je sais que ça ne me regarde pas vraiment... C'est amusant de jouer à cache-cache... Sauf qu'à leur place, si un directeur qui tenait à l'avenir des élèves venait à ne pas coopérer... Je commencerai à me venger sur les élèves... En faisant de l'excès de zèle. Ils ne peuvent pas interférer avec les cours, je suppose, mais commencer à ennuyer sous prétexte de sécurité... Cela devrait pouvoir se faire. Et quand je dis je... C'était une façon de parler ! Juste quelqu'un qui m'a dit que tous nos actes avaient des conséquences... Donc forcément... Pourquoi vous n'utilisez pas du polynectar ? Un membre du personnel volontaire ou élève même... Il se fait passer pour vous comme ça vous pourrez vaquer à vos occupations sans même qu'ils ne vous soupçonnent... Bien sûr, la personne devra les faire courir un peu histoire qu'ils ne soient pas trop soupçonneux de ce changement d'attitude, mais ça, vous ferez gagner du temps. Sauf si ça vous amuse dans le fond. »

Ce qui était possible... Ce qui était même presque certain. Sauf qu'il avait oublié un détail important. Venait-il de sermonner le directeur ? Non, ce n'était pas un sermon, juste des questions sincères appuyées par une analyse objective de la situation... Qui aboutissaient à un sermon. Détournant le regard et plissant les yeux comme s'il cherchait à observer quelque chose au loin, on pouvait presque entendre Rhys siffloter. Ce n'était pas comme ce qu'il disait sortait de sa personnalité, c'était des farces à la gryffondor dont il parlait, pas du tout une mentalité de Serpentard.

« Je dis ça comme... Je m'inquiète pour vous. Vous froncez tellement les sourcils que vous allez prendre des rides... Ce serait dommage. »

Autant un cours de poterie magique était plus ou moins hors de question. Cela demandait des qualités que le gryffondor n'avait pas. Autant l'idée de faire la cuisine avec le directeur était assez séduisante, même plaisante. Saisissant le tablier, il l'enfila sans faire attention au motif qu'il y avait. Se pliant légèrement pour le regarder, il lança un regard incrédule à son ancien professeur.

« Pour le meilleur elfe de maison ? Sérieusement ? »

Pourtant, loin de se vexer, cela avait eu le mérite de faire rire le garçon. Le ridicule ne tuait pas et si cela avait été le cas, il serait mort depuis longtemps. D'ailleurs, il allait sans doute apprendre une nouvelle recette vu que ses compétences en cuisines se limitaient à du riz avec du poulet. Et encore, cette recette était pratiquée uniquement l'été alors que l'école fermait ses portes et qu'il travaillait à plein temps chez Honeydukes. C'était d'ailleurs l'été où il s'affinait le plus tant son alimentation devenait rigide et diététique. Certains pensaient que c'était par égocentrisme... Non, c'était juste un flemmard doublé d'un radin. Du moins, quand il s'agissait de la nourriture. Le café était un peu plus son domaine et il prenait plus le temps de le préparer et de bien l'accompagner. Retroussant ses manches, il écoutait et mimait chaque action que faisait le directeur, lui passant les ingrédients dont il avait besoin. Son sérieux ne l'empêcha pas de faire une mine faussement choquée alors qu'on lui apprenait qu'il n'était pas le sujet de discussion principal entre monsieur Korrigan et madame Miller.

« Et moi qui pensais être votre élève préféré à tous les deux en plus d'être extraordinaire... »

Faisant mine de partir, il revint rapidement, un petit sourire sincère sur le visage. Prenant le rouleau à pâtisserie, le garçon essaya de mémoriser chaque geste pour pouvoir le répéter chez lui. Non pas qu'il était friand de gâteau ou de tarte, mais peut-être qu'il pourrait en faire pour ses amis. Pour peu qu'il lui en reste à force de dresser des murs entre eux et lui.

Ralentissant légèrement, il écouta avec attention le stratagème du directeur pour semer les brigadiers. À quel moment avait-il cru qu'il pourrait apprendre au singe à faire la grimace ? Effectivement, il n'avait pas fait attention à ça... En même temps, le château était grand et tout ne tournait pas autour de lui.

« Je vois... Enfin, je crois... Plutôt que de se plier en quatre pour détourner l'attention et endormir les soupçons... D'abord montrer la distance et les règles à respecter pour qu'ensuite les rapports soient sains et que tout compromis soit prit à sa juste valeur une fois le rapport de force établi... »

Peut-être était-ce une mauvaise interprétation, mais c'était ce qu'il comprenait. D'abord, son ancien professeur montrait qu'il ne jouerait qu'en fonction de ses règles à lui et une fois l'endurance des brigadiers épuisés la main secourable serait accueillie comme un geste d'une grande pitié pour des gens qui ne faisaient que leur travail. Rhys en venait presque à avoir de la sympathie pour ces employés de bureau maintenant qu'il le voyait sous cet angle. Après tout, même s'il était du côté du directeur trouvant que le Ministère n'avait pas à mettre son nez dans l'école, eux ne faisaient que ce qu'on leur disait de faire pour ramener une paye à la fin du mois. Enfin, ainsi allait la vie, ils étaient toujours moins à plaindre que les hybrides. Comme demandé, il rangea la bouteille en lançant un regard suspicieux au directeur. Pour qui le prenait-il ? D'accord, il allait souvent en soirée avec son fils, Finn. D'accord, il n'avait raté aucune soirée à laquelle Lheina l'avait invité. Cependant, Rhys savait être raisonnable, préférant souvent un bon café à de l'alcool. Enfin, dans le cadre d'une soirée, il n'allait pas se priver. Mais tout de même ! Il n'allait pas faire ça dans le dos du directeur, encore moins avec les yeux de dizaines d'elfes braqués sur lui comme s'il était responsable du pire du crime. Une fois la boisson rangée, il se retrouva responsable d'une tourte dans ses deux mains, tout en écoutant le discours du directeur avec une certaine incompréhension.

Tel un enfant d'une dizaine d'année à qui son père expliquait une leçon de vie sage et profonde, le Gallois ne semblait pas avoir les clés pour déverrouiller le sens du message qu'il lui donnait. Où voulait-il en venir ? Ce n'était pas une bonne chose de vouloir faire préfet pour aider les autres à avoir une vie paisible à Poudlard ? Être brillant n'allait-il pas avec la responsabilité de se faire un nom ? Comment pouvait-il à la fois délaisser son choix de vivre pour les autres et en même temps arrêter de vouloir se faire un nom ? C'était comme si le directeur lui demandait d'arrêter de regarder vers les autres, mais aussi ne pas regarder son nombril. Alors quoi ? Il devait regarder les paysages ? Pourtant, cette sagesse n'était pas une abstraction, Rhys le sentait bien et cherchait sincèrement à comprendre ce qu'il faisait mal. Bien sûr, la partie du duelliste tombait sous le sens. Il aimait s'en vanter, mais il n'y croyait pas lui-même. Comme le disait son ancien professeur, il était bon duelliste, mais loin d'être le meilleur. Son talent particulier était de savoir s'aider de son environnement et de savoir se battre sans magie. Cependant, dans un cadre purement institutionnel, il n'était pas exceptionnel, pas dans un lieu où l'excellence était ordinaire. Après tout, s'il avait été le meilleur, Cloven ne le battrait pas à chaque fois.

Puis vint la question qui laissa perplexe le jeune homme. Comme lui avait demandé le directeur, le garçon mit la tourte au four, suivant les indications avec la plus grande précision. Cela avait pris du temps, lui qui ne cuisinait pour ainsi dire presque jamais, il n'était pas évident de manipuler un four. Combiné à une peur maladive de mal faire face à quelqu'un qu'il respectait, le garçon, c'était transformé en véritable escargot, ce qui ne l'aida pas pour autant dans sa réflexion. Une fois la tourte bien au chaud, au lieu de répondre directement, il sortit un petit bout de parchemin de sa poche et prit une plume dans un coin de la cuisine, sans doute pour noter la liste de course, afin de noter la recette avec laquelle ils avaient préparé cette tourte. Une fois chose faite, il posa la plume d'une main légèrement vacillante.

« Je ne sais plus ce que je dois vous répondre monsieur Korrigan... D'un côté, je ne dois pas chercher à me faire un nom... Ce qui aurait tendance à m'indiquer qu'être un sorcier pour soi n'est pas une bonne chose... Et de l'autre, je ne dois pas chercher à vivre au travers des yeux des autres, ce qui fait qu'être un sorcier pour les autres n'est pas bon non plus... »

C'était perturbant... Or ne pas savoir quoi répondre à un aîné qu'il estimait, dont il avait peur de perdre l'intérêt et le respect le mettait dans une situation délicate. Encore une fois, cette peur de l'abandon lui saisissait le cœur. Pour seule réponse, le garçon ne trouva rien de mieux de faire à son tour une troisième pâte feuilletée par ses propres moyens. En étant actif, c'était un moyen de garder son cœur loin des épines qui menaçaient de le transpercer.

« De toute façon, la réponse serait la même... Je veux être un sorcier pour les autres... Pas seulement être reconnu par les autres... Mais aussi pour eux... Mon tuteur m'avait dit qu'être un sorcier, c'était être extraordinaire... Sauf qu'être extraordinaire, si ce n'est pas pour aider les autres, je ne vois pas l'intérêt... Alors les autres ça peut être la famille, les amis, le plus grand nombre... Je ne sais pas... Je ne juge pas. Mais à quoi ça sert d'être bon quelque part si vous ne rendez pas la vie de quelqu'un d'autre meilleure ? Regardez votre tourte... Elle est sans doute délicieuse... Si j'étais aussi bon que vous pour la faire... Je me régalerai pendant des jours... Puis le temps passerait et le bon deviendrait habituel. Le seul moyen de valoriser ça, c'est de le partager avec quelqu'un qui n'est pas bon pour ça... Et pourquoi pas le rendre meilleur pour ça ? Car je serai habitué à ma tourte, mais sans doute pas la sienne qui deviendra meilleure que la mienne, car je ne serai pas habitué... C'est pareil pour être un sorcier... Si ce n'est pas pour les autres, je n'en vois pas l'intérêt. Autant être moldu, un centaure, un dragon... Si ce qui rend le sorcier unique n'est pas mis au service des autres, alors être sorcier ne sert à rien...»

Par exemple, chaque fois qu'il ramenait des bonbons d'Honeydukes à ses amis, ces derniers devenaient meilleurs. Non pas parce qu'ils changeaient de goût, mais juste en voyant le contentement de cette attention ou juste le plaisir de manger quelque chose qu'ils appréciaient, rendait meilleures ses propres sucreries. Sauf les dragées surprises goûts poubelle. Le pouvoir de l'amitié avait tout de même ses limites.

« Et je n'essaye pas de me faire passer pour quelqu'un de noble... C'est juste que quand j'écoute ce dont j'ai envie moi... Je me retrouve au-dessus d'un septième année de Serpentard avec qui je teste la tuyauterie des toilettes, car il a fait un mauvais coup à des premières années dans la forêt interdite... Quand j'écoute ce qui fait plaisir aux autres... Je me retrouve à des entraînements au duel passionnants, des découvertes de certaines parties du château ou juste à des sourires et des rires... C'est ce, je suis quand je vis au travers de mon propre regard un... »

Monstre. Ce mot résonnait. Chaque fois qu'on lui rappelait à son origine, c'était cette image qu'il avait en tête. Celle d'une brute qui avait fait pleurer sa mère. Même quand il avait réussi à s'améliorer, même quand il avait cru lire de la fierté dans son regard année après année alors qu'il réussissait peu à peu à se faire une place dans les deux mondes, il avait eu le droit au couperet final.

« Disons juste que ce n'est pas évident de toujours s'aimer... Même si je suis génial évidemment... Parfois, je ne peux m'empêcher de me sentir... »

Seul. La solitude rongeait le cœur du garçon malgré toutes ses bonnes relations. Beaucoup trouvaient Rhys sociable et il l'était. Il avait de nombreux amis, même si on pouvait trouver à redire sur la définition, il avait une certaine popularité, variable en fonction de la maison et du milieu... Non définitivement, jamais on aurait pu mettre le mot solitude sur la vision que se faisaient les gens de ce garçon. Pourtant, quand il parlait à des sorciers nés dans le monde magique, il se sentait différent. Il ne savait pas ce que ça faisait que d'avoir une famille sorcière. À l'inverse, quand il parlait aux nés-moldu, il ne connaissait presque plus ce monde depuis ses huit ans. Cependant, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Il le savait. Il était celui qui imposait la superficialité à ses relations. Il était celui qui, par peur de l'abandon finissait par rejeter ceux qui avaient le malheur de trop se rapprocher de lui. Apolline en était un bon exemple. Elle n'était pas encore revenue, mais il s'était déjà éloigné d'elle avant qu'elle ne parte. Elle avait été son pilier principal, elle avait réussi à le calmer en partie. Mais maintenant, il n'y avait plus de place pour lui. Du moins il en avait décidé ainsi, sûr que son jugement était universel.

« Déconcerté ? »

Ce mot était faible et fit secouer la tête à Rhys. Non, le directeur essayait de lui donner des conseils. Comment pouvait-il l'aider si chaque fois, il fuyait, s'enfonçant un peu plus dans la solitude qu'il avait érigé en armure ?

« Non... Pas déconcerté... Seul. Disons que le monde magique m'a... Pris beaucoup par mon appartenance à ce dernier... Je compte bien lui prendre aussi. Je ne veux pas juste prendre sans donner... C'est pour ça que je veux être le meilleur... Il n'y a qu'en visant la perfection qu'on atteint l'excellence. Car juste être bon... Cela conduit souvent à l'abandon. »

Le monde magique avait été la cause du rejet de sa famille, il voulait prendre la reconnaissance à ce monde et lui donner en retour la possibilité d'être plus accueillant afin que personne ne se sente comme il se sentait... Et si possible afin que personne ne puisse se sentir rejeté. Peut être que s'il avait été meilleur, le monstre serait devenu un ange, le mépris serait devenu de l'admiration, la peur de l'amour.