[Septembre 2023] Le stagiaire

Devant la porte du bureau des aurors se trouvait un jeune garçon. Âgé de vingt-deux ans, il semblait avoir passé une soirée de débauche tant, les cernes gravés sous ses yeux semblaient eux-mêmes posséder des cernes. Pourtant, il n'en était rien. Au contraire, il était allé se coucher de bonne heure espérant trouver le sommeil avant ce jour important. Néanmoins, le sommeil infidèle préféra la couche d'un autre, car il ne le trouva qu'au petit matin, à une heure avant l'heure de son levé. Au lieu de partager sa nuit avec Morphée, ce fut Némésis, la colère, qui l'accompagna. Pourquoi ? Car il n'arrivait tout simplement pas à accepter sa situation. Au nom de quoi devait-il accepter une affectation au bureau des aurors ? Il avait fait des pieds et des mains pour être pris en stage par un juge ou un politicien. Pourtant, rien à faire, il n'avait pas réussi. La plupart avaient été polis dans leur refus, mais il avait bien compris ce qui posait problème. Il n'était qu'un né-moldu.

Or un né-moldu n'accédait que très rarement à ce genre de fonction. Peu importait à quel point ses résultats étaient excellents, peu importait à quel point il était ponctuel et sérieux. Finalement, le sang et le carnet d'adresses étaient les seuls mérites d'une vie. De fait, il n'avait alors aucun mérite si ce n'était celui d'exister. Et ça encore, on arrivait parfois à le lui reprocher. Ressassant encore et encore cette injustice, on pouvait dire qu'il s'était levé du pied gauche avec la fâcheuse impression qu'un sombral lui était passé sur le corps. Quoi qu'avec ses compagnons de droit, ça aurait pu être assez littéral comme expression vu les phénomènes qui l'accompagnaient. À croire que c'était le concours de celui qui enverrait le plus vite son préfet en dépression. À ce jeu, Rhys avait une bonne longueur d'avance.

Le pire était que même dans ce destin arbitraire, le Ciel avait décidé d'appuyer un peu plus son mécontentement. Sa tutrice de stage ne serait personne d'autre qu'une femme au nom de famille Grimm. Or, s'il ne se trompait pas, Grimm, c'était un nom de sang-pur. Pourquoi fallait-il toujours que ce soit des sangs purs ? Sa plus proche amie et ancienne amante ? Sang pur. Le directeur de Poudlard ? Sang pur. La directrice de sa maison ? Sang pur. Sa principale copine de beuverie ? Sang pur. Les gens avec qui il se battait toujours ? Sang pur ! À croire que quand il pleuvait, cent nouveaux sangs purs poussaient avec les champignons. Cela devenait lassant... Heureusement, dans son dortoir, il n'y en avait pas un seul. Et c'était le plus gros repaire de cas sociaux de la maison... Mais cela devait être une pure coïncidence.

Finalement, résigné, le garçon poussa la porte du bureau encore un peu endormi en raison de l'heure bien matinale à laquelle il arrivait. On lui avait dit de venir avant midi, il était déjà là à sept heure cinquante. Même si c'était un stage qui n'était pas à la hauteur de ce qu'il aurait voulu, il ferait son travail du mieux que possible. D'ailleurs, chaque fois qu'il crachait sur cette opportunité, Rhys culpabilisait un peu. Après tout, certains auraient tué pour être à sa place. Sans oublier que les aurors avaient un rôle déterminant dans la sécurité du pays. Enfin, ça, c'était la version qu'il se disait pour se donner bonne conscience. La vérité, c'était qu'il était aussi curieux de voir s'il allait trouver de quoi agiter un peu sa baguette, car les élèves de Poudlard commençaient à montrer leur limite. Normal quand cela faisait six ans que l'on se battait régulièrement. Peut-être qu'ici aussi, il y aurait un club de duel ou du moins un stand de tir à la baguette. Mieux, il aurait, avec de la chance, l'opportunité d'apprendre de nouveaux sortilèges de défense ! Finalement, à bien y repenser, ce n'était si mal. Mieux qu'un emploi dans l’administratif bas de gamme.

Demandant son chemin pour trouver sa tutrice, il arriva finalement à son bureau. La mine du gryffondor était affreuse, entre ses yeux cernés, sa coiffure approximative et son manque d'effort vestimentaire. Sans oublier ses sourcils froncés qui finiraient par le rider avant ses trente ans. Il acheva son portrait avec le son de sa voix qui visiblement ne s'était pas encore réveillée préférant restée terrée dans les territoires du grave.

« Bonjour. »

Toussotant un peu après ce mot pour s'éclaircir la voix, Rhys ne se démonta pas. Une volonté de bien se faire voir malgré les apparences ? Non, juste de l'indifférence.

« Est-ce vous la sang pu... Madame Grimm ? Auror étant chargé de mon stage ? »

Corrigeant le faux pas avant de le finir, le manque de sommeil du garçon avait failli laisser transparaître son hostilité vis-à-vis de la pureté de cette personne qui ne lui avait rien fait. En même temps, c'était un peu de sa faute. Peut-être aurait-il pu se concentrer si sa chevelure de feu ne faisait pas effet réverbère avec le soleil éblouissant le gryffondor. De la mauvaise foi ? Totalement. Cependant, il restait poli dans son vouvoiement et dans le timbre de voix sur lequel il essayait de faire un effort.

« Rhys Ddraig, élève de sixième année à Poudlard... On m'a dit qu'il était malpoli de venir les mains vides face à son tuteur... Alors je vous ai pris un petit quelque chose à mon travail à Honeydukes. »

Sortant de son sac un petit paquet qui renfermait un assortiment de friandises, il le posa sur le bureau, comme s'il ne voulait surtout n'avoir aucun contact physique avec la femme de sang pur. La politesse était une chose, le contact en était une autre. Surtout qu'à tout moment elle-même ne voudrait pas être en compagnie d'un "sang de bourbe" trop longtemps.

« Même si maintenant, je suis en train de me demander si ça ne s'apparente pas à un pot-de-vin. Meh, si c'est le cas, ça en fera plus pour moi ! »

La mauvaise humeur du garçon ne l'empêchait pas de tout prendre à la dérision. C'était une forme de bouclier qui permettait de défléchir tous les dégâts qu'avaient fait des années de commentaires désobligeants.

Visiblement, l'animosité n'était pas que du côté du né-moldu. Rhys, persuadé de connaître la vie, mettait ça sur le compte de son origine. Et oui... Quelle sang-pur serait heureuse de l'avoir comme stagiaire ? En réalité, il connaissait assez de sang-pur avec qui il s'entendait pour avoir besoin de plus de deux mains pour les compter. Ceci étant dit, en raison du manque de sommeil, de sa mauvaise foi et de son racisme latent, il préférait cette option au simple fait qu'il n'avait pas vraiment fait d'effort non plus pour se présenter. Comme ça, de loin, on aurait dit un gosse des quartiers, il ne manquait plus que quelques expressions du terroir et il aurait fait un parfait petit cancre. Heureusement que son dossier n'indiquait que des résultats exemplaires, mais là encore pour quelqu'un du terrain, un trop grand talent sur papier était suspect. En somme, le garçon n'avait rien pour lui dans cette première impression.

En face non plus, loin de désamorcer la méfiante, l'auror répondit fièrement que c'était elle la sang-pur, ce qui eut le mérite de réveiller un peu le Gallois qui fronça les sourcils à s'en faire des rides. Faisant son petit discours, il n'eut le droit à aucune réaction au départ. Il ne pouvait qu'observer son regard noir et sa chevelure de feu... Elle avait dû être belle, quand elle était jeune. C'était du moins la pensée qui avait traversé l'esprit du garçon. Finalement, elle accepta les bonbons et demanda à ce qu'il soit prêt à partir dans cinq minutes. Soit, cela lui laissait le temps de reposer un peu ses yeux et de se revigorer. Cependant, alors qu'il trouvait un endroit où s'asseoir, elle se leva, l'invitant à se presser. Agacé, Rhys se leva et lança comme dans un rugissement la première réplique qui lui vint en tête.

« Vous aviez dit cinq minutes ! Ça ne fait que quinze secondes ! Normalement, c'est un truc de mec de faire passer les secondes pour des minutes ! »

C'était peut-être pour cette raison qu'elle ne voulait pas qu'il l'appelle madame. Peut-être que sous ces traits efféminés se cachait un homme. Définitivement, cette remarque, il allait la garder pour lui. Il en avait assez en réserve pour ne pas utiliser celles qui signeraient son arrêt de mort. D'ailleurs, il ne savait pas vraiment comment s'adresser à elle si elle ne voulait pas qu'il l'appelle Madame.

« D'ailleurs, comment je dois vous appeler ? Non, car vous avez plus une tête de Madame que de Mademoiselle... Et définitivement, je ne vais pas vous appeler La Rousse... Ce ne serait pas très respectueux... »

Comme si cela l'intéressait. La plupart des camarades de son âge faisaient preuve d'une grande déférence et chassaient toute forme d'humour. Cependant, dans le cas du Gallois, son sarcasme était sa meilleure défense après celle de ses poings et de sa baguette. Arrivant à son niveau pour aller jusqu'à l'ascenseur, il ne put s'empêcher de soupirer comme pour se lamenter.

« Et, vous êtes sûre pour les bonbons ? Non, car je m'en voudrai de vous faire grossir... Ok, j'arrête. »

Même si c'était lui le gryffondor, Rhys avait l'impression de jouer un peu trop avec la queue du lion. Or, n'ayant pas envie d'être croqué, même si elle se révélait un jour être un cougar, il préféra laisser de côté ses plaisanteries pour en revenir au sujet qui l'intéressait le plus et qui ferait peut-être de ce stage autre chose qu'une perte de temps.

« Du coup... Que faisons-nous ? »

Une petite lueur dans son regard indiquait qu'il espérait sincèrement qu'il y avait de l'action. Après tout, à quoi bon être cloîtré chez les brutes s'il ne pouvait pas se défouler un peu sur le premier criminel qui passerait ? Au moins, là, on arrêterait de le punir parce qu'il avait eu le malheur de casser le nez de son adversaire...

Mouché par la réplique cinglante de sa tutrice, Rhys se figea un instant. Un instant avait suffi pour qu'elle passe de potentielle aristocrate raciste remplie de préjugés à supérieure hiérarchique digne d'être suivie. Le Gallois ne put s'empêcher d'avoir un petit sourire en coin. Il en fallait peu pour le conquérir, juste de la simplicité et un brin de provocation. Le brin était un peu épais, mais toujours agréable. Pourtant, il dut rapidement chasser sa petite rêverie, car elle ne l'attendrait pas. La suivant comme son ombre, il laissait juste une distance suffisante pour pouvoir esquiver toute tape derrière la tête, voire baffe, qui pourrait survenir suite à un commentaire déplacé. Bizarrement, plus les secondes passaient, plus il se sentait à l'aise avec la rousse. Certes, ce n'était pas assez pour l'appeler par son prénom, mais tout de même, il allait peut-être éviter de l'appeler Mademoiselle ou Madame.

Le surnom "La rousse" avait son mérite, mais ça faisait soit surnom de dictionnaire soit de femme gagnant sa vie en échange de faveurs un peu trop rapprochées. Définitivement, il allait éviter ce surnom... La teigne ? L'incendio sur patte ? La naine ? Le chat maigre ? Non, tout ça était peut-être un peu trop taquin... Même si elle ne semblait pas se vexer outre mesure de la petite blague sur le poids. Enfin, pour être vexante, une blague devait avoir un fond de vérité. Dans le cas d'Urielle, le surpoids n'était pas un problème. Après tout, vu sa carrure, il aurait presque dit qu'elle n'avait pas besoin de balais pour voler, le vent suffirait. Cependant, considérant en avoir dit assez, il se contenta de hocher la tête. Vu tout ce qu'ils allaient dépenser ? L'idée était séduisante au point de lui faire oublier peu à peu la fatigue. Si les traits étaient toujours tirés, la posture du garçon était meilleure que lors de leur présentation montrant plus d’entrain. Peut-être que ce serait mieux que servir le café au Magenmagot ?

Cela ne changeait rien au problème du racisme qui l'avait empêché d'avoir le poste qu'il désirait tant, mais il n'allait pas bouder son plaisir pour l'action pour si peu. Enfin, visiblement l'action ce n'était pas pour tout de suite vu qu'elle annonçait leur destination, le département des mystères. Ce département n'avait jamais attiré le Gallois pour une carrière au Ministère. Cela lui semblait juste être un endroit paumé pour les gens étranges. C'était sans doute passionnant, mais aucune avancée n'était sortie de ce département. À ce titre, les aurors étaient plus impactant... Or quand même des armes vivantes avaient plus d'impact, on pouvait alors se demander de manière légitime à quoi servait tout ce pan du pouvoir politique.

Cependant, il ne posa pas de question se contentant dans un premier temps de la suivre, regardant autour de lui. Rien dans cet endroit ne lui inspirait confiance. Finalement, ils arrivèrent à ce qui ressemblait à une salle de pause avec un tapis et une cafetière... Puis vint la saillie, la petite vengeance de la rouquine de tous les commentaires déplacés du Gallois. Fronçant les sourcils et ouvrant la bouche, consterné, il fut stoppé net dans son élan par l'aveu de sa supérieure. Elle s'était jouée de lui. L'indignation laissa place à l'amusement de s'être fait avoir. Après tout, il n'était pas amusant d'être le seul à faire de l'humour.

« Oui... C'était de bonne guerre. Et avec plaisir le café ! »

Ce qui était moins un plaisir, c'était de voir une tasse sortir avec vingt-sept sucres... Pour Rhys dont le café était le principal carburant, la boisson qu'il avait appris à apprécier le plus dans sa vie d'étudiant, surtout en période d'examen, voir une telle monstruosité l'insultait presque autant que s'il avait été Italien. Alors qu'il s’assit face à Urielle qui admirait son feuillet, il lui suffit de renifler un peu les tasses pour savoir lequel était le café empoisonné. Prenant la tasse qui n'était pas contaminée, il eut pour réflexe de l'attirer vers lui avant de regarder sa tutrice.

De bonne guerre ? Elle avait été assez gentille pour lui pardonner sa petite bavure et n'avait pas fait référence une seule fois à son sang. Elle était assez magnanime pour le prendre son aile et ne pas se contenter de l'envoyer faire de l'administratif, pour le moment. Et voilà qu'il voulait prendre la meilleure des tasses ? Ce n'était ni courtois, ni fair play. Finissant de reposer la tasse pour la pousser délicatement vers la rousse, il prit la deuxième.

« J'aime mon café sucré... »

C'était un mensonge, l'air de dégoût qu'il affichait sur son visage le prouvait. Cependant, c'était à ses manières que l'on reconnaissait un homme. C'était ce que sa mère n'arrêtait pas de lui répéter. Même si ses manières laissaient souvent à désirer, parfois, il se surprenait à être des plus agréables à vivre... Enfin, surtout quand il dormait. Prenant un gorgé du sucre au café, il lui fallut quelques secondes pour s'en remettre. En buvant ce "nectar" d'une traite, il pouvait dire bonjour au diabète.

« Délicieux... Très doux... Et... Sucré. Avec un café pareil, étonnant que le Département des mystères ne soit pas plus énergique... Enfin, ce n'est pas comme si on nous apprenait ce que c'était vraiment ce truc... »

C'était infect, dès que sa tutrice aurait le dos tourné, il balancerait ce liquide infect dans une plante, ça lui ferait des nutriments pour sa croissance... Avec ce genre de raisonnement, cela expliquait pourquoi Rhys n'avait jamais réussi à avoir un "Optimal" en botanique, mais au moins, ça l'aidait à supporter l'excès de sucre qui circulait dans son corps.

« Et sinon... Que faisons-nous ici ? Je veux dire... La vue est... Jolie. Je suppose. Mais je doute qu'on soit payé à feuilleter des magazines quand on est auror... D'ailleurs, ça consiste en quoi votre métier ? »

Finissant par se lever pour prendre à son tour un feuillet, le Gallois ne put s'empêcher de jeter un œil à celui de sa tutrice. C'était quoi ces décorations ?!

« Vous êtes célibataire pour penser à redécorer votre maison comme ça n'est-ce pas ? Non, car c'est presque de la maltraitance à ce niveau-là... Quoi que la forêt tropicale avec les plantes ça me rappelle les serres de botaniques... C'est pas mal pour une salle d'interrogatoire, je suppose... N'importe qui devient plus bavard si on lui montre un filet du diable de près... Bon, il est tout de suite moins bavard quand on le lui montre d'un peu trop près ceci dit... »

Heureusement, sa tutrice le sauva en lui permettant de prendre le vrai café. Soupirant de soulagement, il n'eut aucune pitié pour le café piégé dont il déversa le contenu discrètement sur une plante. Avec un peu de chance, elle mettrait du temps avant de faner. Lâchant un soupir de soulagement après une gorgée d'un vrai café, Rhys se plaça un peu plus confortablement sur le siège en sentant la caféine envahir son corps pour lui rendre l'énergie qu'il avait perdu la veille. Il était accro à cette drogue. Tombé dedans depuis ses débuts à Poudlard, l'or noir n'avait pas quitté sa vie, le préférant aux boissons alcoolisées dont raffolaient ses amis. Après tout, un bon café rendait énergie et bonheur, il pouvait même réchauffer l’hiver. À côté l'alcool ça faisait mal à la tête, ça faisait faire des conneries et il lui était déjà arrivé de regretter de ne pas se souvenir du nom de la personne auprès de qui il se réveillait. En somme, cette boisson était l'amie de sa scolarité et de sa réussite. Cependant, même si elle avait eu la gentillesse de lui permettre de se tenir éveillé, elle n'eut pas celle de répondre à ses questions. Il fallait dire, que le Gallois n'aurait pas été très attentif, trop absorbé par l'observation de la secrétaire. Elle avait son charme, dommage qu'elle travaille au ministère, elle était sans doute sang pur. Alors qu'il reprit son attention envers sa supérieure, il remarqua qu'elle avait corné son magazine. Haussant un sourcil, il décida qu'il avait fait assez de remarques comme ça.

« Votre travail... Euh, je dirai poursuivre les mages noirs ? Donner la patte quand le ministère le demande... Et sinon manger des donuts ? Je ne sais pas... Je ne me suis jamais vraiment intéressé au métier d'auror... Mes professeurs de Défenses contre les Forces du Mal m'ont toujours encouragé à ça... Mais j'ai toujours été attiré par la politique et le droit. »

La secrétaire repassa, alors que Rhys taquinait un peu Urielle. Encore une fois, elle corna son magazine. Une coïncidence ? Sans doute. Ce n'était sans doute pas important. Alors que se faire traiter de bavard ! Bon, pouvait-on parler d'insulte quand c'était vrai ? Finalement, baissant la tête tel un enfant qui avait perdu, le Gallois se contenta de ricaner.

« Oui, on me le dit souvent. Heureusement, en échange, la Vie m'a accordé un beau visage. »

Continuant de plaisanter pour rendre l'attente moins longue, il se tut assez rapidement quand il vit un individu de grande taille arriver. C'était un humain ou un géant ? Devant lever la tête pour le regarder, il se contenta d'un petit « Enchanté » en réponse aux présentations faites par sa tutrice. Il s'était fait appeler "p'tit" ?! Il n'était pas petit, c'était Oisin qui avait mangé trop de soupe quand il était enfant. Une fois ce dernier parti, il se tourna vers sa tutrice, l'air faussement choqué.

« Je vous remercie pour l'avenir... Mais je ne suis pas si petit que ça ? Enfin... De toute façon, ce n'est pas la taille qui compte pour les aurors, si ? »

Finalement, la secrétaire passe de nouveau, attirant encore une fois l’œil de Rhys. Cependant, contrairement aux deux premières fois, ce n'était ni son charme, ni ses habits qu'il jugeait. Il voulait juste vérifier qu'il ne se faisait pas d'idée. Une fois passée, il reporta son attention vers Urielle qui avait de nouveau corné son magazine. Attendant d'être seul en tête à tête avec sa tutrice, regardant bien autour de lui avant de prendre la parole, il se contenta de murmure son petit numéro.

« Ce n'est pas très gentil pour les autres de corner des magasines en libre service... D'ailleurs... Je suis paranoïaque ou vous le faites chaque fois que la secrétaire passe ? J'aurai bien dit que c'était pour compter les personnes que nous croisions, mais vous ne l'avez pas décorné quand elle est repartie et vous avez attendu de la revoir avant de faire le troisième pli... Donc ce n'était pas pour le vOisin. C'est quoi ? Un code secret du département des mystères ? Ou elle vous a volé votre copain et vous la surveillait depuis ? »

La question d'Urielle était légitime. Était-ce si cruel de sa part de voir son métier comme une punition et un plafond de verre qu'il ne saurait dépasser ? Sans doute, un peu, Rhys en avait bien conscience. Mais en même temps, il avait aussi bien conscience qu'il n'était qu'un jeune homme égoïste qui ne faisait que prétendre de réellement tenir aux autres. Même s'il appréciait sa tutrice, finalement, elle n'était qu'une jolie rousse trop vieille pour lui qui avait choisi de se limiter à un poste de simple exécutante. Un caniche aux dents pointues pour le ministère. Non définitivement, il préférait ne pas trop réfléchir à ce qu'il pensait sincèrement de lui-même et de sa tutrice pour qui pourtant, il commençait à développer une certaine affection.

« Ce que je fous là... Et bien un né-moldu visiblement n'a pas sa place à la justice ou en politique... Mais comme c'est un très bon duelliste on s'est dit qu'avec une laisse et de l'entraînement, il deviendrait un bon chien de garde... Je suppose. »

Il avait un peu honte encore une fois. Cette fois-ci, ce n'était pas son mauvais côté qui le gênait, mais plus la simple pensée que bien des élèves auraient sans doute tués pour être à sa place. Auror était une vocation prestigieuse. Lheina faisait aussi son stage ici après tout. De ce fait le dénigrer comme un choix de seconde zone...

« Enfin... Si je suis totalement honnête... Je suis blessé dans mon orgueil. Mais en même temps, je commence à me dire qu'avec vous comme tutrice, ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose. Enfin j'aurai pu tombé sur pire ! »

On ne pouvait pas dire qu'ils se connaissaient beaucoup, mais l'humour et la patience dont la rousse faisait preuve rendait le garçon assez confortable avec elle. Ce même humour qui fit mouche alors qu'elle se contentait de dire que ce n'était pas à elle d'en juger. Rhys dut se mordiller la lèvre inférieure pour ne pas exploser de rire.

« En effet... Vous êtes... Trop vieille pour ça, je suppose. D'ailleurs, c'est à votre âge qu'on commence à perdre en taille, non ? »

Traiter les gens de vieux était rarement bon pour s'en faire des amis. Mais dans le cas d'Urielle, c'était un peu différent. En effet, l'écart d'âge ne devait pas être énorme. Environ une dizaine d'année. Il ne pouvait pas être pris au sérieux. Enfin ça, c'était sa logique quand il parlait à des filles approchant de la trentaine alors qu'il en avait vingt... Maintenant dire ça à une femme approchant la quarantaine n'était sans doute pas la même chose... Cependant, le côté bon enfant du Gallois le rendait totalement aveugle à ce léger détail. Continuant de la taquiner comme si de rien était il eu un sourire en coin sur le mur ayant des oreilles.

« Cela me rappelle ce que je dis sur Serpentard... Chez eux, ce ne sont pas les murs qui ont des oreilles, mais les bouches qui ont des culs... »

Ce qui expliquait la quantité de paroles défaillantes que leurs lèvres laissaient échapper ou encore leur haleine qui rappelait à Rhys que les Trolls devaient sans doute être biologiquement compatibles avec les sorciers. C'était la seule explication pour l'odeur au réveil dans la Grande Salle. Cependant, il n'eut pas vraiment le temps de développer un peu sa théorie, puisque le travail le rattrapa bien vite. Prenant la page, le Gallois se retint de froncer les sourcils. Avec un peu de chance, l'agent double en question n'était qu'un sang-pur potentiel mage noir. Avec moins de chance, c'était une chasse à l'hybride... Par contre, il n'était pas sûr de la stratégie de la tutrice... Normalement, une surveillance se faisait à l'abri des regards... Or là... Cela voulait dire qu'il n'était pas anormal de voir un auror. Soit... Donc être vu par la secrétaire ne devrait pas être un problème... Surtout qu'il ne voyait pas vraiment comment le fait de compter ses allées et venues seraient suffisant. Ce n'était pas comme s'il pouvait demander à sa tutrice des conseils... Il avait bien essayé un sortilège informulé pour à son tour modifier la page, mais visiblement, il n'était pas assez entraîné.

« Vous avez vraiment des goûts de merde... Pas sûr de pouvoir vous aider... Surtout que je suis trop jeune. Tout ce que je ferai, c'est... Un mauvais choix. Ce qui est normal quand on est un gamin qui sort à peine de l'université. »

Avec un petit sourire désolé, il reprit son attention attendant de revoir la secrétaire passer avec une pochette de document. Bien... Bon, il n'aimait pas vraiment rester assis, alors se levant, il demanda d'une voix un peu désintéressée à sa tutrice.

« Où sont les toilettes ? J'ai une envie pressante. »

Elle savait se servir de sortilèges informulés... Elle savait être discrète. Lui, non. Par contre, il y avait une chose qu'il avait pour lui. Il portait sur son visage sa bêtise et sa maladresse profonde. Du moins, c'était ce qu'il aimait faire croire. C'était aussi ce qu'il aimait croire lui-même. Or, ce qu'il allait faire était plus un coup de Serpentard que de Gryffondor. Avançant vers l'allée principale, pile au moment où la secrétaire l'arpentée, il finit par la percuter violemment tel un Londonien qui ne regardait pas devant lui. Il laissa s'écraser contre le sol la serviette de document, mais faisant mine d'être déséquilibré, il rattrapa la demoiselle au vol, avant qu'elle ne puisse porter son attention sur les documents. Un bon petit coup d'épaule innocent... Cela lui rappelait Poudlard quand il s'en prenait à sang-pur. Sauf que là, plutôt que de se montrer menaçant, il montra son visage le plus charmant avec un grand sourire désolé.

« Excusez-moi Mademoiselle... Je ne sais pas comment j'ai pu rater une si charmante femme sur mon chemin... Pourriez-vous m'indiquer les toilettes ? J'ai encore du mal à bien me repérer... »

Avec un peu de chance, Urielle arriverait à faire quelque chose de la pochette quand il reviendrait des latrines. Ou alors il allait se faire engueuler... Méchamment, mais bon... Lui, il n'était personne, juste un stagiaire. Et les élites avaient tendance à ne pas faire attention aux personnes dans son genre.