Sois digne et tais toi. (Urielle)

Salle des Archives, Ministère de la Magie. 2 Mars.

Les sourcils froncés par la concentration, je continuais de fouiller dans les dossiers Ministériels. Un petit carton dans les mains, on pouvait lire sur ce dernier « Agent Karma. ». Sans un mot, et sans cérémonie non plus, j’étais en train de compiler toutes les affaires courantes que Noma était alors en train de gérer avant de mourir. Concentré, et la mine sombre, je triais les informations qui étaient utiles pour ma quête personnelle.
Avant d’être retransférer aux autres agents de la Brigade, les dossiers passaient tous au archive pour être suivi par la direction. L’annonce brutale de son décès, couplée au fait que le Royaume Uni magique était rentré dans une crise diplomatique majeur, faisait que les dossiers étaient resté ici un peu plus longtemps que prévu. J’en avais alors profité, pour, un soir et en pleine nuit, faire une descente afin de vérifier deux ou trois éléments.
D’ailleurs, ce qui était le plus étonnant, ce n’était justement pas les dossiers qu’il avait laissé. C’était, ceux qui manquaient. Et il en manquait pas mal.
Soudain, la porte des Archives s’ouvrit et cela me tira de mes rêveries. Qui cela pouvait bien t-il être à une aussi tardive. La mine toujours aussi sombre, des valises sous les yeux, je tirais ma baguette de ma manche droite, et je me redressais, prêt à ouvrir le feu d’un Stupéfix bien placé.

« Ah. C’est que toi. »

Je baissais immédiatement ma baguette magique. Mon regard se porta sur le carton avec le nom de notre collègue disparu. Il ne fallait pas sortir de Serdaigle pour deviner ce que j’étais en train de faire, et de toute manière je n’avais rien à cacher à Urielle. C’était ma binôme et je pouvais me permettre de tout dire. Enfin, presque tout.
D’un air un peu gêné, je tournais le carton un peu tard pour que son nom ne soit pas visible, mais cela ne du qu’empirer les choses, car au vu du regard qu’elle me lança, je relevais la tête un peu abattue.

« Je faisais un peu de tri avant que les dossiers ne soient redistribués. Je fais le ménage on va dire. Et… je lui dois bien ça. »

Ma gorge se serra. On était habitué à perdre des collègues, mais il était encore trop tôt pour avoir fait son deuil. Les mains serrées contre le carton, je relevais la tête vers Urielle, un peu impuissant pour dire d’une voix rauque.

« C’est toujours les meilleurs qui partent en premier hein. Pourquoi ils ont pas flingué Crowley. Ce trou d’balle ne fait que se pavaner depuis qu’il a l’ordre de Merlin, il se prend pour le Ministre. C’est un manque de respect pour la mémoire de Noma. »

Je fis claquer le carton devant moi, serrant ce dernier jusqu’à ce que l’on voit mes jointures blanchirent. Je défaillais un peu, depuis quelques jours. J'étais devenu distant avec tout le monde, et je passais beaucoup de temps seul. On ne m'avait pas beaucoup vu au travail, sinon à m'appliquer à la tâche dans un silence sinistre.

02.03

Ces derniers temps les heures de travail s'alignaient sans fin et lui pesaient plus que jamais. La perte de  @Noma Karma l'avait éprouvé plus que d'autres. La cérémonie de remise des Ordres de Merlin avait laissé comme un arrière-goût de faux-cul. Ce soir-là, elle était remontée du neuvième plus que tardivement. Les langues de plomb avaient besoin de faire avancer les choses. Il y avait au Ministère comme un vent de couteau dans le dos. Des dossiers stratégiques avaient été bouclés en un claquement de doigts et elle, se retrouvait à enquêter sur LongShadow en cachette, avant que cinq mois de boulot soient sucrés sous son nez.

Les archives étaient sans doute le meilleur endroit pour ça. Enfin, elle l'avait cru jusqu'à ce que son oeil accroche la silhouette de rat de Fergus, affairée à fouiner dans... les archives de Noma. Elle cala son épaule contre le mur, attendant qu'il la remarque pour voir à quel point il avait prévu d'enjoliver les choses.

Au ton de sa voix, elle ne se sentit plus tant l'envie de l'asticoter. Elle baissa les yeux sur ses chaussures, les mains dans les poches. Elle n'était prête à parler de Noma tout de suite mais peut-être qu'elle ne le serait jamais en fin de compte. La mort de Choo et Popplewell ne lui faisaient pas le même effet malgré tout le respect qu'elle leur portait.

« Je sais pas quoi te dire Fergus. Crowley est qu'un sale con imbu de lui-même. », jouant des doigts sur le plateau de la table, elle cherchait quelque chose de mieux à dire, quelque chose qui aurait pu faire sens, « Si t'avais vu sa tête quand il a fini par comprendre pour le speed dating... »

Elle eut un petit rire étouffé malgré elle. C'était peut-être ça, la seule chose qui faisait sens. Se rappeler des bons moments (partagés ou non). De ce qu'on avait fait ensemble. Avant que tout ne tourne au vinaigre. Comment avait-on pu en arriver là ?

Je me mis à ricaner quand elle évoqua le souvenir du speed dating. C’était une de mes nombreuses vengeances pour m’avoir caché pendant tant d’années sa particularité magique d’être un Shapeshifter. Ne disant rien, et gardant cette information pour moi, je me contentais de ranger les dossiers et de les replacer avec soin à l’endroit où je les avais trouvé. Avec un petit rire, je répliquais :

« C’est bien fais pour sa gueule. J’voulais le détendre un p’tit peu. Il ne pensait que boulot. »

Je m’appliquais à ne pas regarder Urielle dans les yeux trop longtemps. Puis, je me tournais vers elle et je l’observais d’un œil un peu critique. Elle aussi semblait secouée. Et… elle aussi semblait avoir eu la même idée que moi. C’est à dire bosser et venir ici alors que tout le gratin était occupé là haut à s’autoféliciter des échecs consécutifs.

« Et j’peux savoir ce que tu faisais ici ? Hm ? T’as des envies soudaine d’odeur d’archive ? »

Je me tournais vers elle, le regard farouche et amusé. Parce que je me doutais bien qu’elle était là pour gratter elle aussi. Et… Comme je n’avais pas été mis au courant, c’était drôle de voir mon binôme me cacher autant de chose que je lui cachais visiblement.

« On est un super binôme, à se trahir et se mentir en douce pour enquêter chacun de notre côté. Le début d’une légende moi j’dis. »

Je m’avançais vers elle et je l’observais d’un peu plus prêt. Fronçant les sourcils, je regardais sa crinière rousse et quelque chose tiqua. J’avais oublié une petite information qui s’était glissé dans le tas de la tristesse de l’évènement. Elle avait parlé du speed dating non ?

« Attends… Mais si t’as vu la gueule de Karma ce jour là… Ca veut dire que t’y étais toi aussi ! »

Un visage de gamin venait alors d’apparaître et je me mis à reculer pour éviter d’en prendre une et être bien hors d’atteinte. Le regard espiègle et trop fier de l’information que je venais de deviner, je m’assis sur la table et je croisais les bras d’un air plein de sous-entendu.

« Miss Grimm cherche donc l’amour ! Waw ! J’adore. Et alors, t’as trouvé ? » dis-je soudain le ton plein d’excitation d’une éventuelle confidence de mon amie et binôme. « J’espère que tu t’es pas endormi après avoir mis le grappin dessus… Remarque ça doit être pratique pour des histoires sans lendemain, et moins pratique quand on veut construire une relation. »

Je tapais des mains pour continuer un peu à la taquiner et me foutre de sa tronche. Mais en même temps, même si Karma n’était plus là on n’allait pas arrêter de vivre et de déconner.

« Tu passes une nuit torride et plein de promesse… l’élu de ton coeur se retourne pour te chercher… et PAF ! Direction la Criée aux Folles ! »

02.03

Des envies soudaines d'odeur d'archive. Il était pas con celui-là ? Et dire que c'était elle qui picolait de bon matin...

« Je veux avancer sur mon affaire classer. Je trouve que les choses prennent une tournure bizarre au bureau. J'ai peur qu'on mette l'affaire sous scellé avant que j'ai pu en venir à bout. Pour tout te dire, j'ai dupliqué une bonne partie de ce dont j'avais besoin. Tout est dans le bouquin que j'ai filé à  @Rhys Ddraig . Je lui ai dit qu'il avait une liste de lecture recommandée pour devenir auror. Tu aurais vu sa gueule... »

Elle aimait bien ce gosse, même si c'était une vraie teigne. En tout cas, elle était à peu près certaine qu'il n'avait pas lu son roman à l'eau de rose en guise de lecture complémentaire. Comment ça s'appelait déjà ? Passagère clandestine. S'il l'avait ne serait-ce qu'ouvert, il serait déjà venu se récrier ou se moquer des passes temps douteux de sa tutrice. Pour Urielle, l'essentiel était de savoir qu'une copie de tout ce qu'elle avait sur LongShadow était bien planquée. Elle avait laissé, au cas où, les indices nécessaires à Rhys pour décrypter le vrai texte derrière la romance à l'eau de rose. Mais elle doutait qu'il s'y penche à moins qu'il ne lui arrive quelque chose à elle. Et elle n'avait pas prévu de finir comme Noma.

La mine de petit con de Fergus s'illumina. Deux neurones venaient de se toucher là-dedans.

« Tu l'as toujours mauvaise après moi pour la planque ? Oichtr ! T'as la rancune tenace. J'y suis pour rien si tu fais aucun effort. La Pêche aux Moules c'est pour les initiés, c'tout. Et puis, on a pas tous la chance de froisser les draps avec une superstar du Quidditch je te signale. Elle doit s'emmerder ta belle pendant que tu passes tes nuits aux archives là... D'ailleurs, tu veux que je t'en dise une bonne. Tu te souviens de  @Serena Ronsmal ? »

Je croisais les bras et je commençais à me balancer sur ma chaise en la regardant les sourcils froncés. Enlevant mes lunettes calmement, car elles m’aidaient à casser les codes magiques pour décrypter certaines archives et m’empêchaient de voir correctement, je fixais Urielle et je répondis calmement mais avec une pointe de jalousie étrange :

« Donc on en est là ? Le binôme de l’année a chacun des affaires dans le dos de l’autre, et pire, ça se partage le gâteau avec un stagiaire. Hé bien… On avance toi et moi ! » dis-je d’un air plus que sarcastique.

Mais au final, je me mis à sourire normalement. J’étais un peu dur avec elle, mais la mort de Noma m’affectait plus que je ne voulais l’avouer et les dossiers qu’il avait laissé étaient plus que complexes. Mais, je lui devais bien ça à ce brave bougre.

« Les initiés ? Attends tu me cherches ou quoi ? » dis-je en ricanant de plus belle.

Depuis quand elle me prenait de haut comme ça. Je savais très bien ce qu’était le Marché aux Trolls, pour y être aller malheureusement plusieurs fois lorsque j’étais sous couverture pour le compte du Ministère afin d’espionner Thanatos. Mais ça, elle n’en savait absolument rien et tout ça appartenait maintenant au passé. Arrêtant de me balancer, je la regardais depuis le bas et je pris mon air d’étudiant amusé et curieux.

« Serena ? Là Serena qui était avec nous à Poudlard ? C’est sur elle que tu enquêtes ? Sans déconner si c’est ça ton projet secret avec le stagiaire alors tout est ok. Elle a rien d’une Mage Noire. »

Je redressais la tête, me rappelant brusquement des paroles qu’elle avait utilisé pour parler de Perséphone. Je fronçais les sourcils et je déclarais piqué au vif :

« Persy… je veux dire Perséphone, c’est plus qu’une bombe athlétique ok ? Elle est super intelligente et brillante. Et super sympa. Vous devriez aller boire un verre ensemble, elle t’apprendra peut être des trucs… Non mais sans déconner, Urielle Grimm à un Speed Dating. Meuf, fais toi plus conf... »

Mais, m’étant à nouveau balancé en arrière, une fois de trop, je basculais par accident en arrière. Me relevant maladroitement, je la fixais d’un air plus que suspicieux.

02.03

« Je rêve ou t'es en train de me faire une scène ? », commenta Urielle. Si ça n'en était pas une, ça y ressemblait à s'y méprendre. Elle pouffa, peu habituée à ce qu'on lui montre des signes de jalousie, « Et moi alors, qu'est-ce que je devrais dire ? Môssieur descend en scred sans m'avertir. Moi au moins j'ai été transparente. », fit-elle, feignant de rentrer dans son jeu.

Elle éclata de rire finalement.

« J'espère que tu me trompes pas avec ton ex au moins. Enfin nôtre ex pour le coup. », ajouta-t-elle, hilare. C'était drôle de se dire qu'à des échelles différentes, ils avaient Hank en commun. Elle avait la plastique de l'armoire à glace, lui la bromance, pas de jalousie comme ça. Quand elle y songeait, elle lui manquait parfois son armoire à glace pour réchauffer le fond de son lit. Mais ça n'était pas le sujet.

En parlant d'ex, il fallait absolument qu'elle lui parle de cette soirée de speed dating. A commencer par ce qu'était devenu  @Serena Ronsmal .

« Merci Captain Obvious. T'es con Fergus : j'enquête pas sur Serena Ronsmal. Puis je te cache rien, je suis sur l'affaire LongShadow. La théorie des Verts Galants, une guilde de voleurs à la Pêche aux Moules à laquelle personne veut croire. J'ai des preuves ! J'y suis allée à la Pêche aux Moules figure toi et - », elle s'arrêta, réalisant qu'elle recommençait à lui parler de pêche aux moules, « Bref, laisse tomber. Tu savais que Serena Ronsmal avait une agence matrimoniale toi ? Ca a l'air de bien marcher son truc, elle avait mis le paquet au speed dating. »

Dans le regard de Fergus, Urielle perçut qu'ils n'en étaient pas tout à fait au même moment de la conversation. L'écossais paraissait piqué tout à coup et elle ne tarda pas à savoir pourquoi.

« Ça veut dire quoi ça ? », elle t'apprendra peut-être des trucs. Urielle arqua un sourcil critique. Décidément, Fergus était fou de sa joueuse de Quidditch. On ne pouvait plus rien dire. Elle allait lui envoyer un truc dans le pif pour sa remarque sur sa présence au speed dating quand il se cassa la gueule en arrière, la chaise ne supportant plus qu'il s'agite ainsi. Croisant les bras sur sa poitrine, Urielle pouffa, « Tiens ça t'apprendra à juger les autres. Non mais. J'ai le droit de m'amuser un peu. Tout le monde ne cherche pas absolument à se faire passer la bague au doigt. »

Elle finit tout de même par lui tendre la main, tout en repensant à ce qu'elle venait de dire. Ça n'était pas tout à fait la vérité mais elle n'avait clairement pas assez confiance en les autres pour se faire passer la bague au doigt. Et puis avec le boulot qu'il faisait, quelque part, ça n'était pas une si bonne idée que ça. Mais ça, elle se garderait bien de le dire à Fergus. Lui qui avait l'air de filer le parfait amour avec sa brunette.

Je pris sa main tout en remettant une mèche de mes cheveux, le visage un peu couvert de honte. Je prenais soin à ce qu’ils soient bien plaqués et même si ça paraissait naturel, il y avait quand même un travail de fond. Et ils ne partaient en vrille que quand il y avait de l’action.. ou quand je me cassais la gueule. Alors autant dire que la deuxième version était beaucoup moins glamour. Me redressant et lâchant sa main, je mis un peu de temps à comprendre qu’elle parlait de Hawk.

« Et moi je reprenais les affaires de Karma avant que la hierarchie ne les élimine. » dis-je simplement.

Et il n’y avait rien à rajouter. Mon sourcil se mit un peu à trembler mais sans plus. D’ailleurs, je mis les mains sur mes hanches et je détournais un peu le regard parce que j’avais un peu honte d’être triste de la perte de Noma. Et puis ce n’était pas aussi évident que cela en avait l’air, surtout avec ce que j’avais découvert dans les dossiers. Toutes les affaires qu’il avait laissé, dont la principale était une nid à crabe surprenant.

« Et tu vas bien gratter avec moi, disons que j’ai juste été galant, et que je t’ai épargné le travail fastidieux du vol dans les archives... »

J’avais insisté sur le mot galant pour l’emmerder, même si je savais qu’au contraire, elle était plus du genre à rebondir sur ce genre de connerie comme si j’avais rajouté une pièce. Quand elle parla du speed dating, je me mis alors à rire en classant les dossiers copiés et en les réduisant pour les faire entrer dans la poche intérieure de ma veste d’Auror.

« Oui, je savais. C’est moi qui est fait croire à Noma qu’il y avait une source à rencontrer le jour de la St Valentin. Heureusement qu’il ne l’a pas appris avant de mourir, sinon il serait revenu sous forme de fantôme pour me hanter jusqu’à la fin de mes jours... »

Je me mis à ricaner avec beaucoup de mélancolie. La blague aurait pu être drôle, si le bougre était encore de ce monde non ? Fixant Urielle, je remis ma veste correctement et je me concentrais sur ce qu’elle avait à dire. Encore cette histoire de Pêche Aux Moules. Bon maintenant que je savais ce que cela signifiait, je la prenais moins pour une alcoolique matinale.

« C’est quoi cette théorie ? Moi si tu m’en parles, je veux bien te croire. Même si j’ai pas vraiment besoin de le dire pour que ça soit sûr si ? »

Car bien évidemment, quoi qu’elle me disait, je ne pouvais que la croire. C’était une règle que j’appliquais toujours avec mon binôme, surtout quand je lui faisais confiance. Attendant la suite, sur cette affaire LongShadow, j’en profitais quand même pour rajouter avec amusement :

« Non, c’est vrai, on ne veut pas tous la bague au doigt. Je suis juste surpris que tu sois allé là bas. Je pensais pas que c’était le genre d’endroit où t’irais. D’ailleurs j’ai failli te faire la même blague que Noma. »

02.03

Il n'y eut qu'un mh pour répondre à l'aveu de culpabilité. Avant que les affaires de Noma ne disparaissent... C'était dire dans quel climat ils bossaient en ce moment au Ministère. Et le pire dans tout cela, c'était qu'elle voyait exactement ce que Fergus sous entendait. Elle s'étonna même de ne pas s'en être souciée plus que cela. Quelque part dans un coin de sa tête, l'idée qu'on l'avait tenue suffisamment occupée pour éviter cela pointa le bout de son nez. Mais Fergus corrigeait déjà le tir. Bien sûr, il n'allait pas lui faire d'infidélités. Il n'y avait vraiment qu'au Bureau des Aurors qu'on se planquait pour prendre le taff des autres en plus du sien.

« Et dire que je ne l'ai pas trouvé plus bizarre que d'habitude... », pouffa Urielle alors que Fergus avouait ce coup pendable qu'il avait joué à Noma. Il était trop évident que leur regretté collègue n'aurait jamais pris sur lui de fréquenter des inconnus à des fins douteusement romantiques. Mais Urielle avait beaucoup ri devant sa mine crispée et déterminée. Enfin, mieux valait ne pas se laisser piéger au jeu des bons souvenirs.

Le Marché aux Trolls - aussi appelé Pêche aux Moules - faisait un sujet de conversation autrement plus convenable.

« Mh, dois-je en déduire que je suis officiellement sobre dans ta tête ? », répondit-elle alors qu'il jurait presque de toujours la croire sur parole, « Tu devrais pas. Comment on fait le jour où je deviens ripou ? Bref. C'est pas demain la veille... Pour en revenir aux Verts Galants, j'ai mis mon nez dans une série d'affaires de vol classées sans suite. Les biens subtilisés n'avaient en apparence aucun lien entre eux et le seul point commun entre toutes ces affaires c'était que les vols avaient pour l'essentiel eu lieu sans effraction apparente, parfois même en présence des propriétaires. Pas assez pour valider un fil rouge crédible pour la direction. En fait, tu te rappelles l'affaire de la nana qui s'était fait volé sa langue pendant son sommeil ? Avec Siobhán ça nous avez rendu dingue. Pas une empreinte magique, pas une égratignure rien. Mais siii rappelle-toi : une petite secrétaire sans prétention qui vivait sur le chemin de traverse. Bref. L'affaire est devenue complètement glauque quand on a compris qu'elle descendait d'une famille de Tacites mais ce n'était pas suffisant pour poursuivre l'enquête et je me suis retrouvée à maronner dans mon coin et à éplucher les cold cases. C'est par hasard que j'ai découvert la légende urbaine des Verts Galants - mais je te filerai mais notes. Je me sens pas de passer la nuit à me cailler aux archives. »

Et ça n'était pas faux. Les archives n'avaient rien de bien accueillant.

« Tout le monde ne se fait pas une idée si romantique des choses. On peut bien s'amuser de temps en temps... », conclut l'ancienne Poufsouffle sans trahir que ça n'était pas tout à fait l'idée qu'elle se faisait de sa moitié manquante.

Elle ne souffrait simplement pas trop de son célibat. Et en même temps, son insigne d'auror était un engagement presque suffisant en soi.

Toujours dans cette salle qui n’avait rien d’accueillante, je l’observais les bras croisés et les yeux dans les yeux. Ecoutant avec attention ce qu’elle me raconta par la suite sur les Verts Galants, je ne pus quand même m’empêcher de me mettre à pouffer quand elle reparla de cette histoire de sobriété. En même temps, elle avait insisté avec son histoire de Pêche aux Moules, et son discours avait plus qu’incohérent. Maintenant que j’arrivais à comprendre de quoi elle parlait, c’était certes plus clair. Mettant les éléments qu’elle m’offrait bout à bout, je l’observais en passant ma main sous mon menton.

« Le jour où tu deviendras une Ripou, j’aurai du soucis à me faire parce que bon nombres de collègues le seront devenu avant toi. Enfin ça dépend que tu donnes au sens ripou. Servir un Ministère comme celui actuellement te donnerait envie d’aller contre lui. Tu peux vite devenir un ripou avec lui... »

Je me contentais de continuer à réfléchir à ce qu’elle venait de dire. J’avais déjà ma propre hypothèse concernant les méfaits accomplis et leur origine. Ce genre de méthode avait été largement répandues durant les années sombres de la Grande Bretagne. Où d’ailleurs, le rôle des Aurors avaient tout aussi maltraité.

« Ca ressemble à des soumissions magiques. Du style Imperium. Tu as bien fait de le faire remonter à la direction, mais je pense que c’est pas leur priorité ce genre d’affaire. Pour eux, c’est la sécurité immédiate qui compte et la menace du Witan. »

Je fis une grimace, me rappelant que trop bien cette affaire glauque et horrible. La nana s’était réveillé sans sa langue, comme ça, du jour au lendemain sans aucun souvenir de ce qui avait bien pu se passer. Et comme à chaque fois, le réflexe avait été de se tourner vers le Ministère. C’était assez bien pensé, mais je n’avais jamais compris l’intérêt de voler ce genre de chose. Peut être que pour certains rituels, cette partie du corps étaient nécessaires.

« En tout cas, ça pue la Magie Noire. Je veux bien en tout cas. »

Je me levais et je me rapprochais d’elle, les bras toujours croisés. Bien sur je les avais décroisé pour ne pas passer pour un gland en me levant.

« Parce que c’est hors de question que tu bosses seule là dessus. Le brassage des équipes a tout bouleversé pour justement arriver à ce genre de chose. Des agents isolés qui ne travaillent que sur des missions précises. Mais à partir de maintenant on est deux sur le coup Urielle. »

Je lui tapotais l’épaule et lui fit un léger clin d’oeil. Puis je me mis à ricaner en repensant ce qu’elle venait de dire sur le Speed Dating. Je la regardais dans les yeux, et je repris mes affaires pour lui faire signe que moi aussi je partais de toute manière.

« Le romantisme, c’est juste une manière de draguer tu sais. Mais je te comprends, ça fait du bien de décompresser. Surtout après ces histoires de langues volées, fais gaffe qu’on te pique pas la tienne dans un baiser ahah ! »

Je me tenais hors de portée d’elle pour éviter de prendre une baffe. Grandir avec Lucy m’avait au moins appris ce genre de chose.

« Allez viens, on va discuter de ça ailleurs, sans oreilles indiscrètes. Et puis ça nous permettra de décompresser à deux. Enfin tu vois ce que je veux dire. »

Tout allait bien avec Perséphone, mais la distance avait un peu de mal à passer. Je l’aimais toujours autant mais je savais que l’avis d’une personne tierce féminine, qui s’approchait le plus de ma propre sœur compterait beaucoup pour moi.

02.03 « Y a qu'un seul sens à ripou Fergus. Tu vois très bien ce que je veux dire... »

Mais il n'avait pas tord. Les récents événements avaient mis à l'épreuve les principes de nombreux agents et, même s'ils avaient tous été conditionnés à obéir presque sans poser de questions, quelque chose leur restait en travers. La journée du 7 février avait marqué un tournant pour tous. Certains au Bureau commençaient même à remettre en question leur choix de carrière. Une grande première depuis qu'Urielle avait décroché son insigne d'auror.

« Tout ça date d'il y a plus d'un an. Les priorités étaient différentes. C'est simplement que l'affaire manquait de pistes solides et que personne n'a cru au fil rouge. », corrigea-t-elle alors que son binôme lui faisait remarquer que ce n'était pas maintenant qu'elle allait trouver une oreille attentive à la Direction. Clairement, il avait raison. La Direction n'était plus qu'à une seule chose en ce moment : le Witan et associés. Les notes descendaient directement du Cabinet du Ministre et derrière il fallait que ça s'active sévère.

Elle eut une espèce de sourire en coin, contente de voir que, malgré le brassage anti copinage - encore une chouette idée des têtes pensantes du Bureau - elle avait un coéquipier sur qui elle pouvait compter. Lui partager son dossier perso sur une enquête non autorisée avait quelque chose de grisant et dans le même temps, jusque-là elle n'avait eu personne en dehors de @Saúl Ochoa-Reyes à qui elle ait pu raconter toute l'histoire à cause de cette foutue malédiction du Marché aux Trolls.

Ils changèrent radicalement de sujet, se reportant sur quelque chose de plus léger.

« Ca risque pas. C'est un coup à ce que je tape dans le panier je pense que ça vaut pas le coup d'essayer de me piquer ma langue. », répondit-elle, délibérément provocatrice. Elle tut le fond de sa pensée. Tout le monde n'était peut-être pas pétri de romantisme mais ça ne voulait pas dire qu'elle avait quelque chose contre. En soi, il y avait quelque chose d'un peu idéal à cela, et la petite remarque derrière laquelle il se cacha ne fit pas illusion. Fergus était un romantique dans l'âme, il ne pourrait jamais le nier.

Ils finirent pas s'accorder sur une chose : ils n'allaient pas passer la nuit là à éplucher les boîtes à archive de Noma Karma.

« J'en suis. On se pèle le cul ici. A se demander si quelqu'un n'aurait pas jeté un maléfice pour décourager les gens de trop traîner dans le coin... »

Le pire, c'est que c'était plausible.