If you think it's going to rain, it will.

Le temps était pluvieux, ce qui rajoutait au côté pathétique de la scène. Rhys se trouva assis sur un sol boueux, les vêtements trempés au point que l'on pouvait apercevoir le contour de ses muscles au travers de ses vêtements, et même de sa robe noire. Il était seul, le vent lui tenant compagnie sous le regard fuyant des quelques passants qui traversaient la rue principale à sa ruelle. Les flaques à ses côtés avaient pris depuis quelques minutes une couleur marron mélangée au rouge qui coulait depuis son visage. Chaque respiration qu'il prenait le faisait souffrir et était un peu plus courte que la précédente. Ses adversaires ne l'avaient visiblement pas raté alors que lui...

Il ne leur avait strictement rien fait. D'habitude, quand le Gallois connaissait la défaite, il se révoltait promettant de faire mieux et de retrouver ceux qui avaient osé l'humilier. Pourtant, le garçon était calme, presque serein comme s'il avait trouvé ce qu'il était venu chercher. Le temps filait, sa vision était floue en raison de la pluie qui se mélangeait au sang qui coulait depuis son arcade sourcilière. Ses adversaires avaient trouvé marrant de lui éclater le visage contre le mur... Mur qui n'avait pas non plus fait le fier durant l'affrontement vu les débris un peu partout. L'explosion à coup de sortilège d'explosion et de découpe avait aussi eu raison de ses vêtements qui présentaient de par et d'autres des traces qui auraient presque pu faire croire à un Sectusempra si les plaies avaient été plus profondes. Pourtant, malgré cet état précaire, rien ne trahissait en dehors de sa respiration et de l'état de ses vêtements teintés du résultat de ses blessures, qu'il souffrait. D'une certaine façon, cela lui permettait de penser à autre chose. De ne plus penser à ce matin. Le positif, si on voyait l’ironie de la situation, était que sa tête ne le torturait plus, contrairement à l'intégralité du reste de son corps.

Tout avait commencé une heure plus tôt. Apolline lui avait donné rendez-vous aux Trois-Balais. Sans doute pour le féliciter de sa bonne conduite. Il avait eu assez peu de problème depuis qu'il était devenu préfet. Certes, cela faisait à peine une dizaine de jours, mais connaissant le Gryffondor, certains s'étaient attendu à une perte de point magistrale pour Serpentard et surtout les sang-pur. Or, cette crainte ne se confirma jamais. Même si plus d'une fois, il se laissa tenter, il alla jusqu'à se laisser aller, il était toujours revenu sur les mauvaises décisions qu'il avait prises selon lui. Il avait accepté de la voir, mais c'était avant que Thalia ne débarque au petit matin et ne décide de le frapper... Au sens littéral comme métaphorique. Elle l'avait embrassé... Alors qu'il avait voulu la faire fuir.

Il se revoyait lui dire qu'elle n'était pas douée avec la ruse, mais il n'avait pas fait mieux. En même temps, comment prévoir la stupidité ? Bien sûr, cette fois-ci, il avait suivi les conseils d'Apolline et il avait cherché à s'expliquer avec elle, mais elle l'avait fui comme la peste... Rhys n'avait pas envie de la supplier pour avoir un peu de son temps. Donc, c'était la mine basse, perturbée, presque triste de voir comment avait fini cette confrontation qu'il avait cherché un moyen de faire passer la douleur. Il avait bien pensé à demander à Lheina... Cependant, il se voyait mal l'embêter avec un problème de fille... Surtout, il se voyait mal à dire à la Sanderson qu'il s'intéressait à une fille qui après l'avoir embrassé l'avait laissé s'écraser contre le sol. C'était poétique presque. À trop s'approcher du soleil, on se brûlait les ailes. Il s'était donc rendu sur le lieu du rendez-vous une heure plus tôt pour trouver une distraction. Les livres et l'entraînement ne suffisaient pas... C'était trop frais dans sa tête, non, il devait juste faire taire cette envie, ce besoin de mettre les choses au clair. Même si elle lui disait qu'il n'était qu'un sang de bourbe... Rhys n'avait pas besoin qu'elle l'embrasse et lui dise des mots tendre, il avait besoin qu'elle finisse ce qu'elle avait commencé, qu'elle le repousse et le rejette une bonne fois pour toutes.

Néanmoins, rien ne trouva grâce à ses yeux. Boire avant de voir sa meilleure amie qui voulait féliciter son sérieux aurait été sans aucun doute de mauvais goût. Et les femmes... Il aurait pu chercher l'affection et l’attention de charmantes demoiselles, mais elles lui semblaient fades... Les seules qu'il avait envie de voir en ce moment, c'était Apolline qui était sa meilleure amie, Circé qui saurait juste reste près de lui sans savoir quoi dire et Lheina... Il avait autant envie de voir la jolie vélane que d'éviter qu'elle ne le voit dans cet état second, loin de l'ambiance festive et du sourire constant qu'il arborait. Car même si le Gryffondor était du genre à s’apitoyer sur le sort des né-moldu à se révolter pour un rien, il savait aussi faire la fête et montrer une bonne humeur qui était contagieuse. Or, dans le bar, il était seul, dans un coin observant le bonheur des autres qu'il trouvait hypocrite, ne voyant pas que la seule hypocrisie se trouvait en lui.

Puis alors que les minutes passèrent, il vit deux sorciers embêter un élève de première année, un Gryffondor à qui il avait évité de gros ennuis en le prenant avant qu'il ne fasse une mauvaise blague. Il s'était levé dans cette direction et se contenta de dire aux importuns de venir régler ça dehors... Après un peu d'insistance, sans aucun forme d'agressivité, juste une lassitude qui le noyait lentement, les deux sorciers acceptèrent de suivre le préfet jusque dehors, un petit endroit où Rhys s'était souvent battu et avait souvent gagné. Mais aujourd'hui, il ne pouvait plus se battre en raison de son badge de préfet. Un autre jour, il aurait trouvé une solution plus pacifique, plus rusée, mais là, il voulait juste oublier... Oublier ce sentiment de rejet. Oublier que son cœur reniait chacun de ses principes en s'entichant d'une sang pur. Après de longues minutes, il s'était retrouvé dans cet état, seul... Sans pour autant que le rejet ne disparaisse, mais au moins, il avait pu penser à autre chose. Finalement sa méditation pris fin alors qu'il entendait des pas. Levant la tête lentement vers la personne qui s'approchait, il eut un sourire douloureux.

« Désolé pour la partie de cache-cache Apo... J'espère que tu ne t'es pas trop inquiétée. »

Comme si de rien était, il essaya de se relever pour ne pas alarmer son amie. Néanmoins, on ne pouvait effacer une telle raclée aussi vite. Et alors qu'il chercha à se relever, il finit par retomber lamentablement, n'arrivant pas à tenir sur ses jambes et ses flancs le faisant souffrir.

La douleur faisait tourner la tête du Gryffondor qui avait une envie pressante de fermer les yeux, se reposer un peu. Il était bien pâle... Si pâle qu'il aurait pu faire concurrence à Circé. Depuis combien de temps était assis au sol à sentir ce liquide chaud quitter son corps ? Bien sûr, sa vie n'était pas en danger, surtout pas avec Apolline qui était arrivée, mais il était fortement diminué. Il mettrait sans doute des heures à s'en remettre, sans doute même des jours. Il aurait pu être écrasé par un troupeau d'Éruptif qu'il se sentirait mieux. Alors qu'il essayait de rassurer Apolline en cherchant à se relever de manière héroïque, il échoua en tombant lamentablement, ouvrant un peu plus ses blessures. Cela était d'autant plus inquiétant que même dans la défaite, Rhys se relevait toujours. Il gardait toujours la tête haute promettant de se venger et de gagner.

Là, il prenait la défaite avec une certaine satisfaction. Aucune aura, aucune énergie ne se dégageait du Gallois qui avait pourtant des prédispositions pour mener des gens dans ses idées. Il était terne, comme une lumière qui peu à peu se cachait derrière un nuage trop gris. Que s'était-il passé ? C'était une bonne question. Lui-même n'en était pas sûr. Il avait essayé d'être un bon préfet, mais encore une fois, il avait fini par tout ramener à lui, à ses besoins. S'il ne voulait pas décevoir Madame Miller, son besoin d'oublier Thalia était encore plus fort. Néanmoins, il était incapable de l'exprimer. Ce serait lui donner trop d'importance. Il était Rhys Ddraig... Aussi tempétueux qu'un dragon... Or, un dragon ne s'affaiblissait pas au contact d'une demoiselle. Définitivement, il devait tourner la page, conclure le chapitre, fermer le livre puis l'envoyer dans un bûcher. Le livre et les souvenirs... La simple idée de retourner près du lac sur le moment lui était désagréable.

« Pas facile de défendre un première année quand je n'ai pas le droit de frapper les emmerdeurs... Aïe... Mais au moins, je n'ai pas trahi ma promesse... Ce sont eux qui ont frappé... C'est le plus important nan ? Être un bon préfet sage... »

Le sarcasme n'était pas tourné vers Apolline, qui malheureusement le recevait de plein fouet, mais contre lui-même... Il avait tellement essayé d'être quelqu'un qu'il n'était pas... Pensant pouvoir gérer la situation, il s'était mis dans un pétrin sans les armes qu'il utilisait pour en sortir. D'ailleurs, c'était injuste, car son principal objectif, n'avait pas été de s'en sortir, au contraire. Il était exactement là où il voulait, dans l'état qu'il voulait. Bien sûr, il n'avait pas prévu la tête qui tournait, mais il se sentait prêt à passer à autre chose. Il voyait où ça l'avait mené de s'ouvrir à quelqu'un d'autre, d'espérer... D'essayer de se connecter à une personne. Se trouvant pathétique, il ne voulait plus essayer. Thalia avait montré qu'elle le rejetterait toujours. Alors qu'Apolline soignait son arcane, le sang ne couvrait enfin plus une partie de son regard. Secouant la tête, il finit par expliquer la situation.

« Deux sorciers emmerdaient un première année... Je n'ai pas d'autorité en dehors de Poudlard donc il a fallu provoquer les deux abrutis pour qu'ils laissent le gamin tranquille et s'en prennent à quelqu'un d'autre... J'aurai bien fait un rapport, mais pas sûr que ça les affecte beaucoup... Sauf que... J'ai un peu trop bien fait mon travail... Et comme je me relevais toujours... Ils continuaient. C'est seulement quand ils m'ont propulsé contre le mur à le faire éclater qu'ils ont décidé que j'avais eu mon compte... »

Bien sûr, il se gardait bien de mentionner la détresse qui l'avait poussé à aspirer à un tel sort. Est-ce qu'Apolline saurait que son meilleur ami lui cachait quelque chose ? Peut-être... Mentir devenait peu à peu une seconde nature. Or, là ce n'était même pas un mensonge, si ce n'était pas omission. Du moins c'était le raisonnement de la plupart des personnes. Pas pour Rhys. Il tenait la vérité en trop haute estime pour ne pas voir l'omission comme le plus vicieux des mensonges... Et aussi le plus lâche.

Essayant de nouveau de se relever, il échoua de nouveau. Cette fois-ci, c'était sa jambe droite qui ne tient pas. Les quelques coupq qu'il avait reçus le faisaient trop souffrir pour qu'il arrive à s'appuyer pleinement sur cette dernière. Ce n'étaient pas tant les égratignures qui le faisaient souffrir, mais une partie du mur qu'il avait pris contre son mollet qui était encore douloureux.

« Finale assis, c'est bien... Dis-moi Apo... C'est nouveau le fait que tu aies huit doigts ? Je plaisante ! En quelques sortes. »

Il voyait un peu flou encore. De son habitude des rixes, il n'avait rien de grave. C'était plus impressionnant qu'autre chose. En revanche ce genre de situation, c'était comme les gueules de bois... Même si on savait que ça allait passer, c'était particulièrement désagréable. Au moins, en dehors de l'arcade, ils avaient épargné son beau visage. Quand il s'en prenait à un sang pur hautain, la première chose qu'il faisait était de s'assurer de lui laisser un visage tellement tuméfié que même sa mère aurait du mal à le reconnaître... Enfin, quand le Serpentard en question avait vraiment irrité le Gryffondor.... Perdre contre deux pécores... Quand il allait raconter ça aux garçons, ils allaient se payer sa tête. Finalement alors la pluie continuait de tomber, chantant une douce mélodie à la mélancolie du Gallois, il finit par faire ce qu'il promettait de ne plus faire... Il s'ouvrit un peu plus.

« On s'est embrassé ce matin... Et... Je crois que juste après elle m'a rejeté. Je dois passer à autre chose Apo... Mais je ne sais pas comment faire... Me regarde pas comme ça, il faut bien faire la conversation le temps que je me relève non ? Même si je dirai pas non à piquer un somme.»

Rhys commençait à sentir l'inquiétude de sa meilleure amie. Il ne la comprenait pas pleinement, incapable de voir en quoi il était différent. Pendant six ans, il avait réussi à se perdre en superficialité sans laisser quoi que ce soit réellement l'atteindre autre que ses crises de colère qui ferait passer Achille pour quelqu'un d'aussi sage qu'un Serdaigle. Pourtant, même s'il n'arrivait pas à comprendre, il ne voulait pas voir ce sentiment sur le visage de celle qu'il appelait meilleure amie. Comment la rassurer ? Il n'était pas doué pour ça. Il avait l'habitude de rassurer en montrant un optimisme et une volonté d'avancer qui ferait reculer même plus solide des montagnes. Cependant, là, il ne se sentait plus cette force de volonté. Ce n'était pas qu'elle avait disparue, il avait juste besoin d'une pause, de faire le point sur la direction qu'il prenait.

« Arrête de t'inquiéter Apo... On n'est pas chez les moldu. Une potion sanguine pour faciliter la régénération du sang plus quelques sorts mineurs et je serai sur pied. Je n'ai pas perdu d'os, ni rien... Je n'ai même pas besoin d'aller à l'infirmerie. »

En réalité, cela ne lui aurait pas fait de mal, mais une partie de lui voulait garder cette leçon encrée dans les failles de son cœur. Il ne s'agissait pas que, Thalia, mais aussi de son rôle de préfet, de ces liens qu'il avait accepté volontairement. Parler de lien était d'ailleurs presque trop faible tant cela commençait à s’apparenter à une laisse. Qui avait décrété qu'un préfet devait être exemplaire ? Et qui avait décrété que la violence ne l'était pas ? Défendre les faibles, combattre l'oppression... Pourquoi des gens aussi nobles que Madame Miller ou Monsieur Korrigan se résignaient en disant qu'il ne fallait pas utiliser les armes de ceux qu'on combattait ? Certes, il ne comptait pas les recopier, mais parfois la violence et la force étaient les seules choses qu'ils comprenaient.

Ou alors peut-être que ce n'était que lui qui avait besoin de passer par ces épisodes de violence pour commencer à voir plus clair. Peut-être ce n'était que lui qui avait besoin de sentir son corps le tirailler pour savoir où il en était. Visiblement, Apollyne ne savait pas plus que lui, car elle n'avait toujours pas compris une certaine subtilité. Il ne s'était pas défendu. À aucun moment donné, il n'avait pas eu la volonté de se défendre, au contraire. En même temps, il n'avait pas le droit. Bien sûr, certains lui parleraient d'un juste-milieu. Mais quel juste-milieu pouvait-on opposer à la violence ? Quand on allait sur ce chemin, le seul qui gagnait était celui qui était prêt à aller plus loin que son adversaire. Il ne s'agissait ni de compromis ni de négociation, juste d'humiliation et de domination.

« C'est la partie amusante... Je ne me suis pas défendu. »

Il eut un petit rire sans joie. Qu'il était comique de se dire que lui, qui se prenait pour un garçon au tempérament d'un dragon, était resté là, impuissant à subir la frustration des abrutis qui n'avaient pas pu s'en prendre à leur victime d'origine. Sentant bien qu'elle allait s'affoler, il continua de répondre.

« Et non, je ne les connais pas... Des extérieurs au château. Donc tu te doutes bien que si j'avais fait un rapport, ça n'aurait pas bien fonctionné. Donc il ne me restait que cette solution. »

Il laisse un petit blanc. C'était très malhonnête de sa part. Car finalement la question était de savoir si, même en l'absence de son badge, il se serait défendu ? Sans doute, un peu, mais n'avait-il pas cherché la défaite ? Finalement, son badge était avant tout son bouclier, une façon de montrer l'hypocrisie face à ce qu'on attendait de lui.

« Je ne pouvais pas me défendre. Ose me dire que tu m'aurais félicité si tu m'avais retrouvé debout, avec deux sorciers adultes à mes pieds en sang. Et avant de penser ne serait-ce qu'à m'évoquer l'idée d'une nuance... Je te rappelle qu'une rixe, c'est comme une guerre. Tu sais quand tu la commences... Pas quand tu la termines. Encore moins comment. »

Comme pour accentuer son propos, il cracha un filet de sang. Malgré sa mauvaise foi, Rhys finit par s'ouvrir à son amie lui confiant ce qui s'était passée plus tôt. Pour seule réaction, Apolline tomba sur son bras le plus baissé faisant crier au Gallois un rugissement de douleur qui eut le mérite de réveiller le reste de son corps. Pendant un bref instant, la lueur qu'il avait à son habitude se ralluma. Cette même étincelle qui lui donnait parfois cette aura si dangereuse pour ne pas dire sauvage. Bien qu'il était inquiétant de se dire que cette lueur n'existait qu'au travers de sa douleur, posant ainsi la question de sa présence constante au cours des six dernières années, elle s'en alla aussitôt, retombant dans une forme d'empathie psychologique qui se battait avec les réactions physiques. Son regard éteint, son visage, lui, ne cachait pas la douleur qu'il ressentait désormais.

« Par Merlin Apo. Chaque fois que je vais parler d'elle, tu vas vouloir t'asseoir ?! Et tu m'as très bien entendu... »

La troisième fois étant la bonne, puisant dans cette sensation de douleur qui le revigorait presque, il se leva péniblement, manquant de peu de retomber. Pourtant, une fois, debout, il sentit de nouveau correctement ses jambes, bien qu'encore un peu engourdie. Avec un petit sourire sans vie, n'ayant qu'une légère compassion au coin de ses lèvres, il proposa la main de son bras valide pour aider sa meilleure amie à se relever, priant pour que ça ne le refasse pas chuter.

« L'histoire, c'est trois fois rien... Thalia m'a trouvé à la salle d'entraînement de duel... Je l'ai accueilli avec... Un sort ? Quoi ? C'était tôt le matin, je voulais prévenir que si on venait m'emmerder cela allait coûter cher... Bref, du coup, on s'envoie des fions... Et sans que je ne me l'explique, elle se retrouve à califourchon sur moi... Non, pas comme ça, habillée. Et... Alors que j'approchais mon visage pour la faire fuir... Elle finit par m'embrasser... Ou du moins percuter mes lèvres avec les siennes... Ouais, c'était plus ça qu'un baiser... Et une fois la chose réalisée... Elle a laissé ma tête se fracasser contre le sol avant de fuir. Ce qui, malgré ma faible expérience... Signifie du rejet. Et oui, tu es la pire personne à qui demander comment passer à autre chose. Mais en même temps, tu es la meilleure personne que j'ai à mes côtés Apo. »

Apolline se comportait comme une vraie mère poule qui cherchait à couver le plus possible Rhys en lui conseillant notamment beaucoup de repos et d'aller se faire examiner. Sachant que le voyage scolaire était dans deux jours, le repos était compromis. Quant à l'examen médical, cela risquait de compromettre le voyage. Or, il avait besoin d'oublier. Il avait besoin de changer d'air. Or, à bien des égards, le Japon était quand même un certain changement à l’Écosse. Avant de répondre à son amie, il se permit de se lancer sur lui-même des Vulnera Sanentur. S'il était rassurant de voir le Gallois prendre soin de son corps, cela l'était moins quand on savait que c'était un sort réservé aux blessures majeures.

« Je n'ai pas frôlé la mort, ils m'ont juste amoché. Crois-moi, pour avoir été face à un mage noir, j'ai appris à différencier une rixe d'un combat à mort. »

Lui en avait-il parlé ? Non. Vu que l'expédition avec Fergus était arrivée en février, période où il s'était éloigné de son amie. Réalisant peu à peu l'erreur qu'il avait faite,

« Bref, pas besoin d'être examiné. Je gère. Et puis ils ont plus vraiment de jolies infirmières. Ce qui est l'étape la plus importante pour toute forme de soin. »

Malgré une tentative d'humour, là encore cela sonnait faux. Telle une lumière qui cherchait à imiter le soleil, on ne pouvait que la trouver artificielle, pour ne pas dire malvenue. Par ailleurs, rarement, Rhys se permettait même cet humour aussi franc dans un moment aussi critique. Normalement, il aurait dû être en colère, enrager de sa défaite. Là, il plaisantait à contretemps de la conversation sous une pluie qui les arrosait de plus en plus. Le ciel devait avoir un humour sordide pour aller aussi bien avec les états d'âme de celui qui cherchait tant à les cacher. Il était pathétique et regrettait de ne pas être plus doué en Occlumancie, mais ce sujet lui était tout simplement inconnu.

« Bien sûr ! »

C'était sa réponse alors qu'elle lui demandait si elle devait le féliciter de s'être laissé marcher dessus. À partir de quel moment fallait-il se défendre ? Quand il avait osé insulter cinq Serpentard qui s'en étaient pris à lui, on avait osé le critiquer. Cette pensée était injuste, surtout que la préfète de Serpentard avait apaisé les tensions et surtout puni ceux de sa maison. Néanmoins, il restait ce sentiment que rien de ce qu'il ferait n'était assez bien. Fallait-il perdre un peu ou gagner un peu ? Une légère victoire ou une légère défaite étaient plus acceptables que se faire marcher dessus ou de dominer son adversaire ? Cela devenait trop compliqué surtout pour son cœur tourmenté.

« J'ai suivi vos stupides règles et ce n'est pas assez ? Alors qu'est-ce qu'il faut faire pour vous plaire ? Je me défends et je suis un perturbateur sauvage. J'arrête et je suis quand même un déchet ? Peu importe que je sois un délinquant. Peu importe que je sois aussi sage qu'un saint. Il n'y a jamais de bonne réponse alors à quoi bon ? À quoi bon essayer ?! »

Ce n'était pas tant contre son amie qu'il était révolté. Mais il était vrai qu'il commençait à en avoir assez. Peu importe ce qu'il essayait de faire, ce n'était jamais assez bien. Son altercation avec Xris n'avait rien arrangé. Il avait amené le Gryffondor se faire juger par la directrice de maison des Serpentard. Il avait fini par écouter. Mais non, il avait le droit encore à ce côté hautain, méprisant et froid. Pourquoi essayait-il de convaincre qu'il pouvait être un bon préfet alors que tout le monde continuait de le voir comme le petit sauvage sang de bourbe qui tenait une rancune illégitime envers un monde qui lui avait volé sa vie ? Cependant, même cette colère qui était vive et authentique, trace que Rhys était loin d'être brisé, diminua en incité jusqu'à s'éteindre.

« Je te prie de m'excuser Apo... Tu n'y es pour rien. »

Aussi prompt à s'excuser qu'à être injuste, c'était ce qui avait sauvé bien des relations du Gryffondor. Se relevant non sans difficulté, il aida son amie à faire de même. Une fois les deux debout, il lui lança un sort pour nettoyer la boue qu'elle avait sur elle suite à sa chute sans prendre la peine de faire de même pour lui. Après tout, il était bien moins princier que Mademoiselle Dunn. Du moins c'était ce qu'il aimait dire pour la taquiner. Alors qu'il se confiait sur Thalia, Apolline semblait ne pas comprendre sa logique. Pourtant, à ses yeux, elle était implacable.

« Alors... Je lui ai balancé des sorts dessus, j'ai été assez virulent vis-à-vis d'elle, de son espèce, sa maison... Tout en fait. Donc oui, me rapprocher comme pour l'embrasser aurait dû la faire fuir. Et arrête de me regarder comme ça. Si j'approche ma tête pour t'embrasser, tu vas me baffer ou fuir. Pourquoi ? Car tu n'as pas envie de m'embrasser. Donc supposant, vu qu'on s'insultait et qu'elle cherchait à m'entraîner dans un combat, qu'elle ne voulait pas m'embrasser... Oui, j'ai rapproché mon visage. Ose me dire que ce n'était pas malin quand tu as tout essayé pour faire fuir une fille qui te déteste et qui est à califourchon sur toi ! »

S'il avait entendu cette phrase l'an passé, il aurait sans doute trouvé sa propre logique douteuse. Cependant, Thalia avait totalement chamboulé son raisonnement. Et alors qu'ils en discutaient, notamment du fait qu'il avait n'avait pas meilleure personne qu'elle auprès de lui, elle lui donna un léger coup dans le bras qui fit lever la tête au Gallois vers le ciel en raison de la douleur.

« Mon bras ne t'a rien fait ! La prochaine fois, je demande à Lheina de venir... Même avec toute sa malchance elle ne serait pas si maladroite ! »

Il ricana avec sincérité, ce qui trancha avec le reste de la conversation. D'une certaine façon, penser à la Serpentard tendait, même encore maintenant, à faire sourire le Gryffondor. Finalement, il la suivit jusqu'à l'intérieur des Trois-Balais pendant qu'elle cherchait à analyser la chasseuse. Alors qu'elle lui expliquait qu'elle avait honte ou qu'elle avait peur, il en profita pour sécher son amie d'un coup de baguette puis lui-même.

« Oh... Honte... De m'embrasser. Cela va beaucoup mieux du coup ! C'est juste que je suis indigne d'elle. Je me sens vachement mieux. Après, c'est ça... Ou alors c'est juste une psychotique qui a besoin d'aller consulter à Sainte-Mangouste comme les trois-quarts des sang pu... Des chasseurs. De toute façon, ce n'est pas grave. Je veux dire... Ce qui s'est passé, c'est trois fois rien. Déjà oublié. Tu prendras un whisky aussi ou tu préfères un truc plus léger ? »

Visiblement, il s'était un peu avancé en pensant que ce n'était pas très grave comme oubli. Apolline le prenait vraiment à cœur alors que pour lui, le sujet lui semblait d'une banalité affligeante. Certes, son orgueil avait pris un sacré coup ce jour-là, mais cela faisait partie de la vie. D'une certaine façon, heureux les simples d'esprit. Rencontrer à mage noir ne l'affectait pas, mais subir un rejet par une fille qu'il ne connaissait que depuis septembre signait la fin du monde. Une partie du jeune homme savait à quel point c'était pathétique, mais en même temps, il ne pouvait s'empêcher d'être blessé par la chasseuse. Le mage noir, lui de son côté, n'avait fait que mettre le Gallois face à ses propres limites. Rhys soupira face à l'exaspération de sa meilleure amie.

« Ce n'est pas très important. C'était en février. Le lendemain de la Saint-Valentin. On se parlait plus trop à ce moment et surtout, je ne voyais pas ça comme un truc important. »

Il se gratta le menton pour se remémorer un peu la scène. L'impuissance qu'il avait ressentie. Tous ses subterfuges n'avoir aucun effet pour finalement être seul avec lui-même pour ne pas céder à la magie noire... Finalement, l'orgueil était la seule raison pour laquelle il ne s'en était pas vraiment pris à Fergus.

« On devait aller voir des mages noirs avec un auror... Finalement, ça a fini en embuscade. On a été séparé. Pour le couvrir, je me suis mis dans une maison, que j'ai protégée par un sortilège pour m'avertir de toute intrusion. Problème... Il a avait visiblement le moyen de contourner. Legilimens, prise par surprise... J'ai essayé de faire exploser le sol à ses pieds pendant qu'il fouillait dans mes souvenirs. Ça n'a pas fonctionné. Je me suis pris un Impero qui me demandait de tuer le collègue... Il a failli se manger un Bombarda dans les dents, mais j'ai réussi à m'empêcher de le viser lui malgré le sortilège impardonnable. Il a appelé son phénix et on s'est replié. Un lundi quoi. »

Il eut un petit rire de sa propre bêtise. Certes, c'était un peu plus qu'un lundi, mais il n'arrivait pas à trouver le sujet comme grave. Tout s'était bien passé en dehors de la migraine qu'il avait eu après. Voyant l'inquiétude sur le visage de son amie, il hausse les épaules avec désinvolture, ce qui contrastait vu le sujet de conversation. Lui qui avait résisté à un impero d'un mange noire legilimens il s'était laissé frapper comme un vulgaire sac à patates montrant à quel point il avait été perturbé.

« D'accord, un lundi compliqué. Mais tout va bien. Vraiment. C'était... Amusant. Avec le recul. J'ai ça dans le sang Apo. Je suis Gallois. J'aime me battre et mettre ma vie sur la ligne. Ce n'est pas qu'un discours quand je dis ça. »

Certains pensaient que le préfet de Gryffondor se donnait de grands airs, mais que face au vrai danger et à l'imminence de la mort, il saurait où était sa place. Cependant, cela ne fonctionnait que chez ceux qui valorisaient leur vie. La chose la plus difficile n'était pas de mourir pour une cause, c'était de vivre par amour. Or, il n'aimait personne au point de valoriser sa vie plus que ses principes et son attirance pour le combat. Laissant passer le sujet de la légitime défense, ils évoquèrent Lheina. Il était vrai qu'ils s'étaient rapprochés en quelques sorte. Il avait appris qu'elle était demi-vélane. Même quart de vélane si on en croyait les dires de la jolie blonde... Même s'il avait réussi à le cacher quand il l'apprit, cela changeait tout vis-à-vis de sa perception de cette dernière. Avec un sourire un peu niais, chassant l'apathie dans laquelle il s'était muré, il finit par répondre simplement à sa meilleure amie.

« Lheina n'est pas ma meilleure amie. Nous n'appartenons pas au même monde. Elle s'est un ange et moi un démon. Mais... Déjà, elle ne continuerait pas à jouer avec mon bras. Et surtout, il suffit qu'elle soit là pour que tout soit plus amusant, et même attrayant. Quoi ? Jalouse ? Tu sais bien que personne ne pourra te remplacer. C'est juste que ouais... Lheina fait partie des personnes fantastiques que j'ai eue la chance de rencontrer. Juste je ne voudrai pas qu'elle me voit dans cet état... Ni qu'elle apprenne pour le mage noir. Elle serait tellement inquiète. Et dès que je vois son sourire s'effacer... Enfin, tu sais à quel point je suis protecteur avec elle. »

Rhys ne s'était jamais caché de son affection pour la demoiselle qui faisait tant chavirer les cœurs à Poudlard. Cependant, quelque chose avait changé. Les doutes l'assaillaient parfois sans qu'il ne comprenne pourquoi. Cela lui passerait dès qu'il aurait enfin réussi à caser la vélane avec quelqu'un qui la mériterait. Même si c'était difficile d'imaginer quelqu'un d'assez bien pour elle. Quelqu'un, capable de protéger son sourire jusqu'à la fin de ses jours. Définitivement, il allait devoir faire une étude de marché approfondie. Mais ce sujet attendrait. Ils entraient dans le bar et la mine du garçon perdit toute joie en évoquant de nouveau la chasseuse.

« J'avoue... Massacrer des hybrides doit être assez difficile. Surtout pour se regarder dans le miroir. Et puis être une famille de sang pur, par Merlin. Je n'ose imaginer toute la discrimination qu'elle doit subir. Vraiment, je la plains. »

Le sarcasme avait toujours été la meilleure arme et la meilleure protection du Gallois qui en abusait allègrement. En revanche, il haussa un sourcil quand elle lui demanda si l'alcool fort, c'était pour l'oublier. Sérieusement ? Il était vrai qu'il n'allait que très rarement en soirée avec Apolline. Les fois où ils avaient passé une nuit ensemble, il n'y avait pas eu de fête avant. Lheina connaissait bien mieux cette partie de Rhys. Ainsi que son amour pour les alcools forts et nobles. Pourtant il était moins souvent bourré que ses amis, comme Camaël. Pourquoi ? Car là où il prenait deux à trois verres dans toute une soirée, les alcools légers comme la bière se comptaient en dizaine de pintes parfois. Donc, non, le préfet ne comptait pas l'oublier ainsi.

« Nan, l'alcool fort, c'est pour désinfecter les blessures internes au cas où mes intestins seraient ouverts. »

Une chose était sûre, le sujet de Thalia ne le rendait pas plus agréable. Si Rhys faisait toujours du sarcasme, on pouvait deviner son humour en fonction du degré de corrosion de ses saillies. Plus il était corrosif, plus il était de mauvais poil. Quand il était de bonnes humeur, il pouvait être aussi peu drôle que Fergus.

« C'est juste que j'aime le goût du Whisky. La bière, c'est pour devenir ivre et prendre du poids. Un verre peut faire une heure ou deux... Mais la sensation ne sera pas la même. La variété... Bon ok, je prends que du gallois, donc je suis limité, mais t'as l'idée. Non, ce qui m'aide à oublier, c'est... Être avec toi. Même si t'es une chieuse moralisatrice... Je sais que j'aurai toujours une chance d'être une meilleure version de moi-même tant que tu seras à mes côtés. Et ça... Cela vaut toutes les Thalia du monde Apo. »

Il tendit son verre vers elle pour trinquer à cette déclaration avec un sourire rempli d'une tristesse qu'il ne chercha même pas à cacher, mais dont les coins débordaient de reconnaissance pour celle qui l'aidait en ce moment-même.