If you think it's going to rain, it will.

Apolline s'affolait peu à peu alors que Rhys énonçait son aventure sur le ton de banalité. Il semblait évoquer le danger comme il aurait pu parler d'une session shopping. Même s'il avait, parfois, le frisson en y repensant, il avait bien intégré à quel point il était impuissant dans le contrôle du danger qu'il devrait affronter. Pour le Gallois, il était inutile de se préoccuper des choses sur lesquelles il n'avait aucun pouvoir. C'était pour ça qu'il était surpris que son amie, qui avait affronté des situations bien plus dangereuses que lui, s'en faisait encore à ce sujet.

« Oui, c'était Fergus et oui j'ai résisté à un Impero. J'ai eu de la chance. Mon orgueil m'interdisait de tuer Fergus comme il me l'avait ordonné. Le fait qu'il se soit éloigné au moment où l'écossais est arrivé a dû aider. »

Il secoua la tête en repensant encore à cette lutte mentale dans laquelle il s'était engagé. Comme s'il avait jeté une pièce le sort lui avait été favorable, mais il ne misait pas sur une nouvelle chance à l'avenir. C'était plutôt le contraire. Il aurait aimé se former à l'Occlumancie pour peu qu'il eut connaissance de quelqu'un maîtrisant cette discipline.

« Il faut dire que le fait qu'il me traite de bâtard n'a pas aidé à me... Erm... Plier à sa volonté. D'abord lui qui sous-entend que je suis un sang-mêlé en raison de la puissance de mes sorts... Puis la Dame Pendragon qui prétend que ce ne serait pas impossible que je sois de son sang comme le prétendait mon père moldu... Qu'est-ce qu'ils ont tous à vouloir faire de moi un sang-mêlé ? Comme si mon sang était souillé par celui des sorciers... »

L'amertume du gallois était palpable. Une amertume qui se liait à de l'acidité, un cocktail corrosif qui pouvait faire fondre la patience de moine expérimenté. Cependant, s'il s'avérait que Rhys n'était pas un né-moldu, cela voudrait dire que toutes les souffrances et le racisme qu'il avait subi aurait été en vain... En somme, il était à l'image des sangs purs dans son rejet du sang d'autrui afin de ne surtout pas se mélanger à eux.

« Enfin bref... De toute façon pourquoi s'inquiéter de quelque chose que je ne contrôle pas ? La mort est une chose qui nous arrive à tous. On ne choisit pas quand elle nous frappe, juste comment nous pouvons l'accueillir. »

Alors qu'ils entraient au bar, le Gallois eu le malheur d'évoquer Lheina. Tout le monde semblait se méprendre sur leur relation. Même Apolline commençait à faire sa jalouse. Lui faire beaucoup plus de bien que Thalia ? Ce n'était pas difficile. Par Merlin, même Chelsea lui faisait plus de bien que Thalia. Pourquoi ? Car elle ne lui avait pas explosé la tête contre le sol, pour finalement, ce soit le cœur qui souffre.

« Alors... Oui, mais je te jure... Je crois que tout le monde me fait plus de bien que Thalia. Lheina a juste le don... Je ne sais pas, parfois quand je suis avec elle, je me sens... Appaisé ? Je suppose qu'on peut le dire comme ça. C'est comme si... Disons que quand je suis avec elle, je n'ai pas ce même besoin d'aventure ou de combat. Déjà, parce que je sais que les emmerdes vont venir naturellement, mais surtout... Je ne sais pas, juste la voir sourire et profiter de la soirée me suffit. »

C'était une déclaration en soi. Le simple fait qu'il n'ait pas besoin de se battre était assez exceptionnel. Bien sûr, avec Apolline, il avait souvent évité un combat, tout comme quand il était avec Circé. Mais ces dernières avaient souvent pu constater à quel point cela coûtait au Gryffondor qui s'en mordait souvent les lèvres au sang pour ne pas céder à ses plus bas instincts. Avec la vélane, c'était différent. Même les insultes sur le sang pouvaient lui passaient par-dessus la tête. Était-ce la magie du sang hybride ? Peut-être, mais il s'en moquait, cela ne changeait pas la sincérité de ce sentiment. Même maintenant qu'elle était loin, il se sentait prêt à passer outre des insultes... Le principal problème dans leur relation, c'était sans doute que Rhys n'était pas honnête. Ni envers lui-même, ni envers elle. Après tout, il s'arrangerait pour qu'elle ne soit jamais au courant de son altercation avec le mage noir ou son état déplorable. De ce fait, il était difficile pour lui de considération cette relation comme plus que de la fraternité. Il la protégeait comme une protégeait une petite sœur. Ou un première année. Il ne savait pas laquelle des deux options était la moins insultante.

« Je te demande pardon ? »

L'ambiance avait changé et était devenue bien plus lourde quand Apolline souligna la discrimination dont faisait preuve Rhys. Il n'allait pas se lancer sur la discussion des hybrides et son désamour de la chasse, en revanche le fait de se faire traiter de raciste par sa meilleure amie rendait son whisky un peu plus brûlant. Qu'en savait-elle ? Était-ce lui qui avait mis de la distance ? Lui qui avait fui en apprenant sa nature de sang ? Était-ce lui qui était parti après le baiser ? Non, à chaque fois qu'ils se rapprochaient un peu, c'était Thalia qui fuyait. C'était elle qui le jugeait indigne d'elle. D'ailleurs, ce manque de considération n'était pas tant sentimental qu'amical, car jamais le garçon n'avait reconnu un quelconque sentiment d'une autre sorte pour la demoiselle.

« De la discrimination venant de moi ? Oui bien sûr. C'est vrai. J'avais oublié... Je suis un gros raciste. Ma meilleure amie est sang pur, ma camarade de classe privilégiée est sang pur, ma pote de soirée est sang pur, ma tutrice de stage est sang pur... Et je suis sûr que quand je fais pousser des champignons en pissant contre le mur du château eux aussi sont sang pur. Je suis entouré d'une putain de pureté étouffante... Mais je suis celui qui rejette les autres à cause de ça ?! »

Agacé par la défense de son amie envers la chasseuse, il but une gorgée de son désinfectant non sans levant les yeux au ciel face à son sarcasme. Il se retint de lui rappeler qu'il connaissait aussi mal le monde moldu qu'elle vu qu'il avait été en internat dès un très jeune âge. Cependant, malgré la colère et l'agacement, il savait qu'Apolline aurait culpabilisé s'il lui avait rappelé. Or, si l'énerver n'était pas désagréable, car le conflit redonnait des couleurs au Gallois, il se refusait de lui faire connaître des remords. En revanche, alors qu'il buvait une deuxième gorgée, il manqua d'avaler de travers à son ultime remarque. Tapant du poing lourdement sur le comptoir alors qu'il essayait d'encaisser le whisky avalé de travers,

« Mais qu'est-ce que vous avez tous avec Lheina ?! Entre Alejandra, Cama, et les garçons... C'est une amie. Et je ne peux pas dire que ça vaut toutes les Lheina du monde, car il n'y a qu'une seule Lheina, j'aurai du mal à en imaginer deux. Je crois d'ailleurs que le château et le monde magique ne pourraient pas encaisser deux Lheina. Quoi que... Moins par moins ça fait plus. Peut-être que si elle avait une jumelle, elle aurait de la chance ? Meh, je ne sais pas. Bref, tout ça pour dire que tu me suffis amplement Apolline... Je veux dire... Je sais que je peux me mettre en colère avec moi... Être... Qui je suis pleinement. C'est assez rare. Même mes remarques un peu... Blessantes sur le sang, tu as toujours été patiente sur ça. Me taper sur l'arrière du crâne a dû aider la patience, mais... Ouais... »

La fatigue reprenait peu à peu le déçu. Une pensée vint lui saisir le cœur. Regardant son verre qu'il faisait tourner pour créer un tourbillon avec le liquide, Rhys sembla ailleurs l'espace d'un instant. Juste quelques secondes où il retombe dans une forme d’apathie qui lui était si rare.

« Je suppose qu'on peut aussi dire qu'il n'y a qu'une seule Thalia... »

Il avait dit toutes les Thalia du monde, car il voulait faire comprendre que toutes les jolies filles ne sauraient pas le détourner de son amitié. Mais la vérité était qu'il avait du mal à imaginer une fille comparable à la chasseuse. Comme sa meilleure amie ou la jolie vélane, la demoiselle était unique en son genre. Comme pour accompagner cette amère vérité, il but une nouvelle gorgée.

Le Gallois arqua un sourcil face à la réponse de sa meilleure amie. Il ne se sous-estimait pas. Il savait tout simplement à quel point il avait été sur le fil. Visiblement même elle devait le prendre pour un simple d'esprit pour qu'elle n'arrive pas à se rendre compte de ce qu'il se tramait dans son esprit. Enfin, cette simple pensée était injuste quand on savait à quel point il gardait jalousement ce qui traversait son cœur et son esprit pour lui.

« Ce n'est pas ça, Apo. Mais j'ai résisté sur le fil. C'était de la chance. J'ai lancé le sort, j'ai juste réussi à me faire dévier la trajectoire. J'étais à sa merci. J'ai provoqué cette chance. Mais cela ne reste que ça. La chance, c'est quand la préparation rencontre l'opportunité. Sauf que l'opportunité peut parfois ne pas se présenter. Le fait que cette expérience ne me fasse pas peur, au contraire, ne veut pas dire que je la prends à la légère. »

C'était tout le contraire. Même s'il aimait se battre, chaque combat était une leçon qu'il analysait. On apprenait beaucoup de l'échec. En ce sens, Rhys était sans doute le meilleur des élèves que le château avait connu.

« Tu sembles vraiment vexée. Non, le coup dame Pendragon, c'était il y a cinq jours. Mais, avant que tu fasses ta dinde, il n'y avait rien à raconter. J'ai aidé un élève qui se faisait emmerder par des serpentard, j'ai pris la fuite après l'avoir aidé en évitant les sorts... Et cette gentille dame m'a aidé à m'en tirer sans me battre, ni me faire battre. »

Rhys ne se rendait pas compte à quel point en disant ça, il soulignait le caractère anormal de son état actuellement. Car même s'il ne s'était pas battu ce jour-là, il restait Rhys Ddraig. L'élève casse-cou par excellence qui avait fui aussi bien que charge. Il en donnait la preuve à son amie. Même s'il ne l'avouait pas, le gryffondor avait choisi de subir sa correction.

« D'ailleurs, laisse tomber cette histoire. Elle semble croire le mythe que me racontait mon oncle et... Mon père. Comme quoi on descendrait du Roi Arthur ou du moins d'un de ses chevaliers. Ddraig, c'est dragon en gallois... Mais ça peut aussi venir de Pen Ddraig, le nom gallois des Pendragon. Sauf que si on écoute ceux de mon pays, tous descendent du roi Arthur. Donc on a jamais prétendu que j'étais sang mêlé dans ma famille. Juste, si le Roi Arthur appartient au monde sorcier... Enfin voilà. L'autre abruti de mage noir a juste dit que ma magie était trop... Efficace... Je sais plus le terme. Bref, pour être celle d'un né-moldu. »

Essayant d'expliquer tous les détails, il avait presque l'impression de passer un interrogatoire par sa meilleure amie. Alors certes, elle était sa meilleure amie, mais il ne partageait pas toute sa vie avec elle. Il l'avait fait à une époque... Une époque où ils étaient même intimes. Sauf que les choses étaient différentes. Ce n'était pas tant qu'elle était devenue moins importante, mais une distance s'était faite. Même après leurs retrouvailles et leur réconciliation, il y avait toujours ce côté du Gallois qui la mettait à l'écart comme s'il voulait lui permettre de choisir sa vie de famille plutôt que leur amitié. Finalement, alors qu'ils passaient à autre chose en entrant dans le bar, Lheina arriva rapidement sur le tapis et Apolline souligna l'effet qu'avait la vélane sur le préfet. Bien sûr, elle ne connaissait pas sa nature de sang et il n'appartenait pas à Rhys de le lui apprendre. Surtout que la préfète en cheffe n'était pas un modèle de tolérance. Cela aurait pu être pire. Si Lheina avait eu un léger problème de fourrure, son amie aurait tout fait pour l'éloigner définitivement de son ancien confident.

« En effet. Elle est la fleur la plus éclatante... Que l'on ne saurait cueillir de peur de lui faire perdre son éclat... Pourtant, c'est le genre de fleur à savoir enchanter le cœur de tous ceux qui sauraient la regarder comme elle le mérite. »

Encore et toujours cette métaphore des fleurs. Rhys se refusait de sentir le parfum de cette rose... Car partager cette intimité risquerait de l'éloigner. Non, il préférait la voir fleurir et embellir sa vie... Sans s'en rendre compte, alors qu'il en parlait, malgré la douleur, malgré le teint pâle qui trahissait les blessures passées, il eut un sourire doux, presque niais en pensant juste au fait de partager un moment avec elle. Avant de réaliser l'affolement qu'elle aurait en le voyant ici. Définitivement, il avait besoin d'un bon whisky.

Et surtout, il n'avait pas besoin que son amie le provoque et le fasse s'emporter. C'était dans ce genre d'occasion qu'on comprenait le choix de maison du choixpeau, les colères du Gryffondor ressemblaient au rugissement d'un lion blessé. Certains penseraient que cette métaphore glorifiait ses paroles, mais en réalité le rugissement avait certes une forme de noblesse, mais sa violence faisait du lion une bête sauvage plutôt qu'une créature sensible et réfléchie. Apolline voyant bien l'état de son ami aussi difficile à raisonner qu'Achille dans sa colère noire, chercha à temporiser, mais elle fit une erreur.

« Comment ça, je m'en prenais à eux pour leur sang ?! N'inverse pas tout ! Je me défendais contre leur harcèlement. Je défendais ceux qui se faisaient violenter physiquement et psychologiquement par ces brutes. On n'est pas sur un pied d'égalité. Je n'ai jamais voulu me battre ! »

C'était un mensonge. Bien sûr, ce qu'il disait pouvait se défendre. Il n'était l'agresseur que ces brutes, mais au fond de lui, il ne vivait que pour ça. Il ne trouvait de sens que dans l'affrontement. Finalement, si aucun Serpentard ne se comportait comme ils le faisaient, il perdrait un peu cette étincelle. Tout comme dans cette dispute, il rallumait la flamme qui avait vacillé suite à la mésaventure avec Thalia. Heureusement, malgré toute sa vigueur dans l'argumentation, Apolline le désarma en évoquant de nouveau Lheina et soulevant de nouveau pas mal de questions.

« Lheina et moi... Beaucoup se trompent de relation ! Vraiment. Je veux dire... C'était vrai que certaines choses ont changé après la forêt et le troll... Mais... Il y a une chose qui ne change pas. On finit toujours la soirée avec quelqu'un d'autre. Si quelque chose avait dû se passer, ça se serait déjà passé. »

Il aurait d'ailleurs aimé dire qu'avec elle il était moi-même, mais c'était partiellement faux. Il était quelqu'un d'autre. Une meilleure version de lui-même. Quelqu'un qu'il aimait sincèrement être. Sauf que ce n'était pas lui. Elle ne connaissait pas cette partie mesquine, taquine et joueuse qui avait racine dans son âme. Personne, réellement, n'était assez proche du gryffondor pour qu'il puisse dire la même chose qu'avec sa meilleure amie. Personne sauf une personne qui l'avait prise par surprise. Malheureusement, ça n'avait duré que le temps que quelques heures éparpillées dans une année.

« Avec elle... Thalia... J'étais... Disons que la question du sang n'était pas venue sur le tapis... Pendant un instant, j'ai cru... Enfin, j'ai juste baissé ma garde. Donc, non, que toi. »

Pourtant, même s'il disait ça, son regard trahissait le fond de sa pensée. Même s'il essayait de la traiter comme une sang pur... Il n'y arrivait pas. Quel paradoxe alors que Lheina ne l'était pas. Pourtant, il avait du mal à la voir autrement. Qui d'autre dans son entourage avait-il mal jugé ?

Définitivement, le Gallois ne comprenait pas son amie. Il ne voyait pas le rapport entre le fait de s'être réconcilié et le fait de lui parler de chaque détail de sa vie. Il était difficile de dire qu'il ne se passait rien de sa vie, mais il était très mauvais pour tenir les gens régulièrement au courant. Parfois, il évoquait les événements comme s'ils étaient anodins ou des évidences. Rhys n'était pas tant secret qu'il était en réalité fermé à beaucoup de personnes. Pour beaucoup, les deux étaient des synonymes, mais le gryffondor y mettait une nuance. Le secret était volontaire, on ne voulait pas queles événements importants soient connus. Dans le cas du préfet, c'était plus qu'il ne voyait pas l'utilité d'en parler et surtout qu'il avait peur de ce qu'être trop ouvert et transparent donnerait comme réaction. Or Appoline confirmait, en partie, ses craintes.

« Cela n'a rien à voir Apo. Oui, on s'est réconciliés. Mais j'ai toujours eu... Une difficulté à parler de ce qui m'arrive. Je t'ai jamais raconté la fois où en deuxième année, j'ai dû sauver Lheina d'une explosion en cours de potion, ni tous les oisillons de la princesse Waldorf... Je pourrai aussi parler de la chasse au club des cinq que j'ai lancé contre les Serpentard... Ou encore mon heure de colle avec madame Cyndeirdd... Qui est devenue ma professeure préférée, je crois ? Étonnant pour une botaniste. Bref... Oui, il se passe des choses, mais même avant ton absence... Que je ne raconte pas, car je n'en vois pas l'intérêt. J'ai rentré une dame qui m'a aidé et qui pense que j'ai des origines sorcières... Elle se trompe, pas besoin d'en faire un étalage. »

Il haussa les épaules. Cependant, une chose était étrange chez le jeune homme. Si effectivement, tout ce qu'il disait, il le pensait, à défaut de pouvoir dire que c'était juste... La conclusion qu'il en faisait allait contre sa propre personnalité. Lui qui était curieux et se passionnait pour l'Histoire de la Magie et surtout le mythe arthurien, il était étrange de le voir refuser toute forme d'approfondissement de ce dernier... D'habitude, les mystères l'attiraient comme une abeille par du miel.

« Non, je pense que c'est inutile. Il n'y a rien d'intéressant à en tirer. »

Le ton était sec, cassant. À la simple idée de demander de creuses dans son passé familial suffisant pour lui rendre une dureté qu'il n'avait que rarement. Sa famille restait un sujet sensible et la simple idée de découvrir quelque chose... Car il était bien là le problème, Rhys avait peur qu'une part de vérité se cache dans les différents discours. Finalement, oubliant au fil de la discussion ce sujet, l'histoire de la plus belle fleur de Poudlard arriva. Il eut un petit sourire sans joie, presque résigné à la question d'Apolline qui avait vu clair dans son sous-entendu.

« On en a déjà parlé. Je suis incapable d'aimer. Certains veulent mourir dans leur lit, auprès de leurs proches. Moi, je ne veux être entouré que de mes ennemis, enterré sous une statue, auréolé de gloire, seul dans les échos de l'histoire. On ne peut vouloir chercher la gloire et penser pouvoir vivre une vie paisible. »  

Or, son choix était fait depuis longtemps. Pourtant, même en disant ça, quand il pensait à la vélane, il espérait que ce destin ne frappe pas trop vite à sa porte. D'une certaine façon, il aurait voulu pouvoir avoir une dernière fête avec elle avant de rencontre cette fatalité qu'il semblait embrasser de ses propres vœux. Il embrassait tant ce destin qu'il parla avec négligence de l’épisode du troll. Sachant qu'encore une fois, la Dunn allait se vexer, il regarda ailleurs presque en sifflotant ses mots.

« Il n'est pas impossible que j'aie accompagné il y a quelques jours Lheina dans un passage secret, car je sentais la connerie arriver... Et connerie arriva. Elle qui voulait des fontaines de champagnes, elle a eu la forêt interdite. Erm... Et on a rencontré un troll... Et plutôt que de fuir... Elle l'avait désarmé, alors j'ai fait léviter son gros gourdin, je l'ai mis sur un rocher... J'ai attendu qu'il charge pour avoir l'angle parfait et petit waddiwashi dessus. But. »

Il ne précisait pas qu'il aurait aimé que la tête du troll se détache de son corps, car cette précision aurait eu pour effet d'inquiéter plus que de raison son amie. À raison. Tout comme il se gardait bien de préciser la fuite ensemble, main dans la main et ce petit arrêt... Elle n'avait pas besoin de connaître toute l'histoire, sans quoi elle se ferait encore des idées. D'ailleurs, il faillit dire que cela lui avait coûté sa veste, mais là encore, cela aurait été tendre le bâton pour se faire battre.

« Bref trois fois rien. Un mardi en somme. »

Bizarrement, Apolline ne semblait pas en avoir fini avec Thalia. Il se demandait bien pourquoi. Pour lui, c'était fini. Oui, elle était une chasseuse et il était lui-même avec elle... Mais justement, elle avait rejeté qui il était. Et s'il était honnête, il avait aussi rejeté ce qu'elle était. Laissant un blanc couvert par le brouhaha du bar, il finit son verre d'une traite le claquant contre le comptoir. Que dire ? Il ne le savait pas. Les secondes se transformaient peu à peu en minutes pendant que son regard était perdu dans les flammes en quête d'une réponse à l'affirmation plus que raisonnable de la préfète en cheffe.

« Même s'il y a eu ce truc entre nous... Parler ne le rendra pas plus possible... »

Prononçant ces mots, il s'arrêta net. Il avait déjà admis quelques fois qu'il y avait une connexion, mais reconnaître aussi clairement l'existence d'une relation spéciale, c'était la première fois qu'il se rendait compte de l'avouer. Claquant la langue, son esprit tordu fini par arriver dans une conclusion qu'il voulut faire passer pour géniale.

« Mais oui, tu as raison... Il faut poser cartes sur table. Sauf que le meilleur moyen pour ça, c'est faire table rase. Juste lui dire que je renonce à avoir une quelconque relation, même amicale avec elle et que j'espère ne plus jamais la revoir... Je case Lheina. Je case Sobek. Je goinfre Circé de chocolats. Je refais les soirées avec Finn... Et tout reviendra comme avant. Apolline, tu es un génie. »

Ce n'était pas son idée à elle, mais il le dit afin de pouvoir fuir plus facilement se retirant de sa chaise, la seule chose qu'il n'avait pas anticipé, c'était que ses blessures ne le laisseraient pas s'échapper aussi facilement. Surtout qu'il n'avait pas été au bout de son idée... Car l'idée finalement, c'était bien de repartir sur des relations superficielles sans profondeurs et dont il ne risquait pas de culpabiliser de mettre aussi vainement sa propre sécurité en jeu. Sauf qu'il était face à la seule qu'il avait toujours reconnu comme étant l'exception à ses règles.

Levant les yeux au ciel, il réfléchit à comment aborder le point. Apolline avait changé. Elle qui ne donnait jamais de nouvelle, voilà qu'elle venait de demander une transparence que jamais le Gallois n'avait eu. Et même quand elle semblait accepter cette opacité, elle ne pouvait s'empêcher de faire la moue. Si l'état du garçon n'était pas aussi critique, il se serait sans doute excusé et se serait mis à table. Mais encore souffrant des coups qu'il avait reçu, il s'entêtait.

« Ce n'est pas qu'une question d'envie, Apo. Tu le sais bien. C'est juste que ce n'est pas naturel chez moi. Mais sache que tu es sans doute celle à qui je cache le moins de choses volontairement. Tu es importante pour moi. Je me sens proche de toi... Juste effectivement quand il m'arrive ce genre de choses, je passe à la suite. »

C'était comme ça qu'il avait toujours vécu. Avec les rixes, ses amis, les filles, les cours... Il enchaînait les événements les uns après les autres sans rarement se retourner. Ce n'était que quand on lui mettait le nez dans les excréments qu'éjectait son orgueil mêlé à son déni qu'il était forcé de revenir sur ses pas. Car si on ne pouvait jamais remonter le temps, on pouvait toujours s'excuser et chercher à réparer le tort causé. Là encore, personne ne lui pointa du doigt à quel point son attitude était injuste envers sa meilleure amie qui n'avait pour seul tort de ne pas réaliser la dangerosité de certains sujets pour le cœur du Gallois. Tel un fouet, sa langue fendit l'air. Mais penser que cela suffirait à dompter une Dunn, c'était bien mal connaître l’animal. Elle osa prétendre qu'il était un peureux. Si une autre personne avait dit ça, cela aurait été un casus belli pour une longue engueulade qui aurait pu s'étaler dans le temps. Pourtant, il se contenta de rappeler d'une voix lourde un simple mensonge qu'il espérait un jour devenir vrai.

« Je suis Rhys Ddraig, je n'ai peur de rien. »

Pourtant, même lui savait à quel point cela était faux. La chose la plus évidente lui vint à l'esprit et comme pour détendre l’atmosphère, il soupira avant qu'Apolline ne le souligne, sans aucune tendresse.

« Sauf de l'engagement. Ça, ok, rien que l'idée me fait flipper ! »

Une fois dans le bar, parlant de l'amour, ils revinrent sur leur désaccord concernant l'amour. Un désaccord de plus à mettre au compteur. D'une certaine façon, le Gallois était persuadé d'une chose... Il y avait plus de sujets de désaccord entre eux que l'inverse. Pourquoi étaient-ils amis ? Car ils arrivaient à respecter l'origine de chaque divergence ou à faire assez bien l'autruche pour celles qu'ils ne sauraient respecter.

« Ce n'est pas l'amour que je pense indigne d'être ressenti. »

Dis autrement, c'était lui qu'il se considérait indigne d'être aimé. Après tout, ses parents eux-mêmes avaient finalement décidé de tourner la page et de le rejeter. Si même eux... Non, il préférait éviter de trop creuser un sujet qui serait sans doute encore plus douloureux que tous les coups qu'il aurait pu recevoir. Parlant une fois de plus de Lheina, la préfère en cheffe s'emporta concernant l'épisode de la forêt interdite. Il avait assommé un troll et elle retenait juste l'aspect réglementaire ? Gryffondor de pacotille. Secouant la tête, désabusé, il se contente d'expliquer lentement, cherchant les meilleurs mots pour ne pas attiser un peu plus le courroux de son amie.

« Alors... Je fais la version longue. Lheina avait des amies qui lui ont indiqué un passage secret amenant vers des fontaines de champagnes. Même si j'avais interdit à la jolie blonde d'y aller, elle y serait retournée un autre soir. Donc, je l'ai accompagné, comme chaque fois. Sauf que... Erm... Ben, elle a été prise pour une idiote. Et en fait le passage secret menait vers la forêt interdite. Alors que j'explorais pour être sûr, elle tenant la porte, elle a vu un truc qui l'a fait flipper, elle a lâché la porte et on ne pouvait plus rentrer en toute sécurité. Après, si tu te dis qu'il aurait mieux valut interdire à une élève de tester un passage pour qu'elle le retente quelques soirs plus tard, seule, se mettant ainsi en danger... Pourquoi pas ? Pour moi un préfet ça protège les élèves... J'avoue que le coup de la forêt interdite... Je ne l'avais pas vu venir. Mais tu vois au moins, j'ai pu le noter quelque part pour surtout interdire son accès désormais que je suis sûr de ce qu'il y a. »

Car là au moins si une autre personne était en quête de fontaine de champagne, il pourrait indiquer avec assurance que c'était un troll qui l'attendrait au bout du tunnel... Et s'il était moins débrouillard que Rhys, une lumière au bout du tunnel suivant. Puis alors qu'il venait enfin de se mettre au clair vis-à-vis de ce qu'il devait faire, Apolline contesta, expliquant qu'il était borné et qu'il ne l'avait pas écouté.

« Mais si, tu es brillante Apo. Je lui parle pour aviser qu'il vaut mieux que plus jamais je ne la revoie ! C'est parfait. Tu es géniale. »

Il s'approcha de sa meilleure amie pour l'embrasser sur le front avant de partir. Boitant, l'air encore affaibli, il se dirigea vers la porte sans attendre de réponse. Pour seule salutation, il se contenta d'une phrase qu'il avait dite bien souvent, mais qui gardait toujours cette même véracité au fond de son cœur.

« Je t'adore Apo. »